Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du jeudi 16 juillet 2020 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ARS
  • EHPAD
  • lit
  • médecin
  • réanimation
  • stock
  • épidémie
  • équipements

La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Présidence de M. Julien Borowczyk, vice-président de la mission d'information

La mission procède à l'audition de Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins (DGOS), et de Mme Stéphanie Decoopman, cheffe de service à la DGOS.

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Mes chers collègues, nous auditionnons ce matin Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins depuis septembre 2019, en charge de l'élaboration, du pilotage et de l'évaluation de la politique de l'offre de soins, que ce soit en établissements de santé ou en médecine de ville ; elle est accompagnée de Mme Stéphanie Decoopman, cheffe de service à la direction générale de l'offre de soins (DGOS).

Mesdames, nous vous avions déjà entendues au début des travaux de notre mission d'information, au moment où le pays entrait dans une phase aiguë de la crise sanitaire. Avec plusieurs semaines de recul, et même si la crise du Covid-19 n'est pas encore terminée, il est temps de tirer les premiers enseignements du défi représenté par la gestion de la crise dans l'urgence, afin de préparer le plus possible le dispositif de soins à la situation sanitaire des mois à venir.

Avant de vous laisser la parole, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et de dire : « je le jure ».

(Mme Katia Julienne et Mme Stéphanie Decoopman prêtent successivement serment).

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Je souhaite d'abord saluer l'engagement des soignants et de l'ensemble des professionnels qui concourent au fonctionnement de notre système de santé. Ils ont réalisé un effort exceptionnel.

Je voudrais ensuite souligner deux points de méthode qui ont eu leur importance dans le cadre de la gestion de la crise.

Nous avons d'abord veillé à entretenir des rapports renforcés et fréquents avec l'ensemble des acteurs avec lesquels nous avons l'habitude de travailler, notamment les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS), que nous avions tous les soirs à 20 heures au téléphone, mais aussi les fédérations hospitalières, les conférences hospitalières, les médecins généralistes, France Assos Santé, les responsables de la psychiatrie et les organisations syndicales – cette liste n'est pas exhaustive. Il était important que nous resserrions les liens avec eux, d'une part pour leur transmettre les recommandations que nous avions régulièrement à diffuser, et d'autre part pour obtenir des retours très rapides à propos de ce qui se passait concrètement sur le terrain et des difficultés qu'ils rencontraient. Nous avons fait de même avec la direction générale de la santé (DGS) et les sociétés savantes, dont je tiens à souligner la qualité des réponses et la très forte réactivité pendant toute la durée de l'épidémie.

Ensuite, pendant la crise, la DGOS a mis au service de la DGS non seulement sa capacité à activer l'offre de soins, mais aussi une partie de ses équipes qui ont rejoint les différents pôles constitués par la DGS pour renforcer ses organisations, notamment le pôle recherche et innovation, le pôle ressources critiques et le pôle masques. Les ARS comme les administrations centrales ont su montrer l'agilité de leurs organisations.

Nous nous sommes aussi efforcés d'accompagner l'évolution de l'organisation du système de santé, et de lever les freins à ces évolutions. On peut citer à ce propos la déprogrammation immédiate des interventions chirurgicales non urgentes, décidée le 12 mars dernier, mais aussi les autorisations exceptionnelles de réanimation accordées notamment au secteur privé, ou encore l'ancrage sanitaire mis en place pour mailler les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) afin de renforcer leurs liens avec le système de santé.

En matière de ressources humaines, nous avons pris des mesures visant à faciliter les réaffectations, le volontariat et les mises à disposition de professionnels pour renforcer les établissements publics ou privés en fonction des besoins, notamment en réanimation. La garde des enfants des soignants a fait l'objet d'une forte coopération interministérielle, qui leur a permis de se consacrer à l'organisation de la continuité des soins. La garantie de financement a été mise en œuvre très vite pour que tous les établissements, quel que soit leur niveau d'activité, puissent continuer à payer les salaires et les charges, afin de pouvoir poursuivre leur activité.

Enfin, le virus circule toujours et nous devons nous préparer pour un éventuel rebond, quelle qu'en soit l'ampleur. Depuis le mois de juin dernier, nous échangeons avec les sociétés savantes et les représentants des professionnels – en particulier les réanimateurs – pour tirer ensemble les enseignements de la gestion de crise. Nous devons prendre appui sur ce qui a fonctionné, mais aussi poser des questions de fond : quel est le bon niveau capacitaire des soins critiques en France, dans les semaines qui viennent mais aussi à plus long terme ? Quelles sont nos capacités d'élasticité en matière de places en réanimation – ce que certains appellent la « réanimation éphémère » ? Les établissements ont été capables d'ouvrir un nombre de places très important par rapport à leurs capacités initiales.

Il est donc essentiel de documenter ce qui s'est passé pour en tirer les leçons ; nous le faisons également pour la ville en dialoguant avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), pour analyser la manière dont elles se sont organisées face à l'épidémie de Covid-19. Il était important que nous conduisions ces échanges « à chaud », afin de nous préparer au mieux à ce qui nous attend.

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On a souvent comparé le nombre de lits de réanimation disponibles en France et en Allemagne, alors qu'ils ne sont pas catégorisés de la même manière dans ces deux pays. Selon vous, quels sont les critères permettant de définir ce qu'est un lit de réanimation ?

Pourriez-vous par ailleurs revenir sur la capacité de réorganisation du système de santé, que les plans blancs permettent de mettre en œuvre ? Celle-ci s'est concrétisée par la déprogrammation et la création de lits de réanimation, mais s'agissait-il de lits de réanimation au sens strict du terme ?

Quelle est notre capacité à remobiliser ces lits de réanimation, en cas d'éventuelle deuxième vague ?

Enfin, certains ont affirmé – ou supposé – que des personnes âgées ou fragiles avaient eu du mal à avoir accès à des lits d'hospitalisation, voire à des places en réanimation. Le cas échéant, ces personnes n'ayant pu être hospitalisées ont-elles pu bénéficier de soins adaptés, à domicile ou dans les EHPAD où elles résidaient ?

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

La comparaison avec l'Allemagne peut frapper ; en effet, d'après l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), celle-ci disposait de 28 000 lits en soins critiques avant la crise, alors que nous n'avions que 5 000 lits de réanimation. Mais si l'on ajoute à ces 5 000 lits 7 273 lits en unités de soins continus et 5 832 lits en unités de soins intensifs, on aboutit à un total d'un peu plus de 18 000 lits, sans compter les places consacrées aux enfants. C'est de cette comparaison dont nous souhaitons discuter avec les réanimateurs – nous avons commencé à le faire depuis le début du mois de juillet –, car il nous faut creuser cette question du périmètre de la réanimation.

Nous devons définir la capacité en réanimation nécessaire à l'échelle nationale. C'est un sujet compliqué, car il n'est pas question d'armer 100 000 lits qui seraient disponibles en permanence. Il faut déterminer des critères pertinents, dans chaque région mais aussi entre les régions. Par exemple, la capacité est moindre en Bourgogne-France-Comté qu'en Auvergne-Rhône-Alpes, ce qui paraît cohérent au regard des populations respectives des deux régions, mais des transferts ont été organisés sans problème de l'une à l'autre. Grâce à la coopération interrégionale, les capacités d'une région ont donc permis de satisfaire les besoins d'une autre. Est-il préférable de réfléchir au niveau de chaque région ou à l'échelle de plusieurs régions ? Nous travaillons sur ces questions avec les deux conseils nationaux professionnels (CNP) de réanimateurs, médecine intensive réanimation (CNP-MIR) et anesthésie-réanimation et médecine péri-opératoire (CNP-ARMPO).

Ces sujets sont importants s'agissant des soins critiques, mais aussi pour d'autres types d'autorisations ; nous devons y travailler en pensant au court terme – les semaines qui viennent – mais aussi au long terme, car armer de manière pérenne de nouvelles places en réanimation implique de disposer d'équipements supplémentaires, mais aussi de former des professionnels – médecins, infirmières –, ce qui ne se fait pas en quelques mois. Nous devons y travailler maintenant pour préparer l'avenir.

Les établissements de santé ont l'habitude de travailler dans le cadre des plans blancs ; ils les ont d'ailleurs déclenchés spontanément, par exemple dans le Grand Est, pour se réorganiser rapidement et réaffecter les professionnels au sein de leurs services. Ils savent le faire et le font bien. Cependant, l'épidémie à laquelle nous avons été confrontés ne constitue pas un risque habituel. Les plans blancs sont conçus pour faire face à des crises ponctuelles, soit géographiquement, soit dans le temps ; or le Covid-19 est une crise majeure, globale et surtout durable. C'est à une crise de cette ampleur que la déprogrammation a permis de répondre, en libérant massivement des capacités humaines – des professionnels de santé – mais aussi des équipements et du matériel. C'est pour cela que nous l'avons mise en œuvre.

Cela dit, aurions-nous pu diminuer le niveau de déprogrammation ? La réponse à cette question n'est pas nécessairement positive, mais nous nous la posons, et nous en discutons avec les réanimateurs. Nous n'avons pas déprogrammé les soins urgents liés à des nécessités vitales, mais le mouvement a tout de même été massif.

Lorsque nous avons sollicité le 6 mai dernier une reprise d'activité progressive en fonction de chaque territoire, nous avons aussi demandé que la réversibilité soit garantie en 24, 48 ou 72 heures ; nous avons d'ailleurs réitéré cette demande la semaine dernière dans le cadre de la préparation de la période estivale. Nous devons être en mesure de réarmer rapidement l'ensemble des capacités de réanimation mobilisées au plus fort de la crise – nous les avions alors doublées en quelques jours –, que ce soit à l'échelle locale, régionale ou nationale, si le besoin s'en fait sentir ; tous les établissements, qu'ils soient publics ou privés, s'y préparent.

Vous m'aviez déjà interrogée en ce qui concerne l'accès aux lits de réanimation dans le cadre de cette mission d'information, au mois d'avril dernier. Je le répète, nous n'avons jamais donné de consignes nationales sur ce point. Il appartient aux médecins de décider qui doit être admis en réanimation ; cela relève d'une décision exclusivement médicale, et c'est de cette manière que les choses se sont passées sur le terrain. De même, pour la reprise d'activité, nous n'avons pas donné de liste d'actes ou de pathologies, car nous considérons qu'il s'agit d'une décision appartenant aux médecins. D'après les études réalisées par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), dont les résultats vous seront communiqués, les personnes âgées ont été globalement bien prises en charge dans les établissements de santé, que ce soit en réanimation ou en hospitalisation complète.

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Nous avons entendu de nombreux représentants du monde de l'hôpital, des établissements privés et de la médecine de ville. La gestion de cette crise a été critiquée – de manière parfois violente – comme hospitalo-centrée, en particulier la semaine dernière lorsque tous les syndicats de médecins de ville ont exprimé le sentiment d'avoir été mis à l'écart. Ne regrettez-vous pas d'avoir complètement écarté la médecine de ville, notamment au tout début de la crise, puis, pendant la montée de la crise, d'avoir peu sollicité les établissements sanitaires privés, y compris ceux à but non lucratif – les critiques sont d'ailleurs surtout venues de ce secteur ? Des interrogations ont été soulevées quant aux capacités en lits de réanimation du secteur privé, qui n'auraient été que partiellement utilisées, et l'hospitalo-centrisme a fait l'objet de nombreux reproches.

Au gré de nos auditions, nous mesurons l'ampleur du déficit d'équipements de protection individuelle (EPI) et de masques ; comme l'a rappelé hier le docteur François Braun, on a vu au cœur de la crise des soignants vêtus de sacs-poubelles en guise de protection. Nous avons auditionné des représentants des établissements privés, des établissements publics – comme M. Valletoux – ou de la médecine de ville ; aucune de ces personnes n'a jamais eu connaissance de la doctrine élaborée par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) – qui semble avoir constitué une rupture – disant que les établissements et les professionnels devaient se doter eux-mêmes d'équipements pour protéger leurs salariés. Votre direction a-t-elle diffusé cette recommandation, et comment ?

Comment les stocks d'équipements de protection disponibles dans les établissements hospitaliers – y compris les moyens tactiques relevant de l'État, qui font certainement l'objet d'une comptabilisation au niveau national – sont-ils évalués et contrôlés ? Les ARS, sous votre autorité, définissaient-elles et vérifiaient-elles ces stocks, et, le cas échéant, selon quel calendrier ?

Pouvez-vous dresser un état des lieux de la situation sanitaire ? Les informations que nous recevons commencent à être inquiétantes, comme hier lorsque nos interlocuteurs du service d'aide médicale urgente (SAMU) ont évoqué un « bruit de fond » à Paris, en citant des chiffres. Quels moyens pourrait-on mettre en œuvre de manière anticipée pour faire face à une éventuelle deuxième vague de l'épidémie ? Je pense notamment aux respirateurs qui arment les lits de réanimation, mais aussi au personnel correspondant. De combien de lits de réanimation – je ne parle pas de lits « low cost » comme ceux qui ont été mis en place, et cela peut se comprendre, dans l'urgence – pourrions-nous disposer à l'automne ? Le ministre avait évoqué un objectif de 15 000 lits de réanimation ; où en est-on ? Sur les 10 000 respirateurs qui ont été commandés, combien ont-été livrés et combien sont opérationnels à ce jour ? Près de 9 000 seraient des respirateurs destinés au transport des patients ; selon Mme Bouadma, membre du conseil scientifique, ils sont totalement inadaptés à la situation. Pourquoi ce choix, manifestement précipité, a-t-il été fait ? A-t-il été corrigé pour le moyen terme ?

Enfin, des inquiétudes ont été exprimées à propos des stocks de médicaments, en particulier les hypnotiques et les curares, qui ont fait l'objet d'une centralisation nationale. Cette centralisation, qui a été critiquée par des médecins, était-elle opportune ? Où en est-on sur ce point ?

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Je comprends les critiques formulées par les médecins généralistes, et peut-être nous faut-il discuter avec eux pour renforcer les modalités de leur activité en cas de rebond de l'épidémie, mais je tiens à dire qu'ils ont joué un rôle fondamental, y compris au plus fort de la crise.

Ils ont majoritairement poursuivi leurs consultations, dont le nombre total a néanmoins baissé ; ils ont aussi massivement recouru à la télésanté que nous avons fortement développée, pour eux mais aussi pour les sages-femmes, les infirmières, les kinésithérapeutes, les orthophonistes ou encore les ergothérapeutes. Cet outil s'est avéré très utile. Je sais, pour en avoir beaucoup parlé avec France Assos Santé, que les patients étaient souvent réticents à se déplacer dans les cabinets et dans les établissements de santé ; cela a constitué une de nos grandes difficultés, et nous devons en tirer les leçons pour l'avenir. L'ampleur de la baisse d'activité en médecine de ville est aussi liée à cette crainte qu'avaient les patients d'être contaminés en se déplaçant, mais les généralistes ont réussi à préserver pour une bonne part leur activité.

Ils ont aussi participé à la régulation médicale des demandes de soins urgents de la part des patients, qui appelaient massivement le 15 au moment de la deuxième phase de l'épidémie.

De nombreux médecins et infirmiers de ville sont par ailleurs venus renforcer l'appui sanitaire que nous avons mis en œuvre auprès des EHPAD ; ce renfort s'est ajouté à celui des équipes mobiles de gériatrie, et à la levée des restrictions à l'hospitalisation à domicile (HAD), puisque nous avons supprimé un certain nombre de règles d'intervention en la matière pendant l'épidémie.

Malgré certaines difficultés ponctuelles, les cliniques et hôpitaux privés ont massivement joué le jeu et participé à la prise en charge des patients pendant toute la durée de l'épidémie. Le président de la fédération de l'hospitalisation privée (FHP) l'a dit lui-même, la coopération public-privé s'est globalement très bien passée à l'échelle nationale. Certains ont critiqué le fait que des places en réanimation aient subsisté dans le secteur privé alors que nous organisions des transferts de patients. Mais, comme l'a dit la présidente de la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP), nous voulions organiser ces transferts précisément avant que les places en réanimation n'arrivent à saturation. Il s'agissait ainsi de garantir la prise en charge des nouveaux patients affluant en réanimation ; les transferts, opérations lourdes effectuées en dernier recours, ont permis de préserver cette capacité, en complément d'autres leviers tels que les renforts en ressources humaines et en respirateurs. Ils ont donc joué un rôle important. Nous n'avons jamais cessé de surveiller les capacités disponibles et le flux de patients quotidien, à la fois à l'échelle nationale et à celle de chaque région, afin de prendre les bonnes décisions au bon moment, en concertation avec les ARS.

Nous avons été confrontés à des difficultés d'approvisionnement en matière d'EPI, surblouses et gants notamment, pour lesquels les professionnels de santé ont fait face à des pénuries. Traditionnellement, dans le cadre des plans blancs, les établissements s'équipent eux-mêmes, mais ils ne s'étaient pas préparés à affronter une telle crise ; la consommation de certains de ces équipements a été multipliée par dix, vingt, trente voire quarante, ce qui nous a conduits à organiser une régulation nationale pour réaffecter dans les établissements qui se trouvaient le plus sous tension les équipements disponibles dans d'autres établissements. Nous l'avons fait pour les médicaments, mais aussi pour certains EPI. Nous travaillons en ce moment à constituer un stock d'équipements qui nous permette à l'avenir de faire face à une épidémie d'une telle ampleur.

Vous évoquiez la doctrine de 2013 ; j'ai trouvé une circulaire de la DGS et de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) sur les modalités de livraison des stocks stratégiques d'État, mais, bien que je l'aie cherché, je n'ai pas trouvé trace d'un texte ayant demandé aux établissements de se doter d'équipements permettant de faire face à ce type de crise. À ma connaissance, il n'y en a pas eu depuis mon arrivée à la tête de la DGOS, le 1er septembre dernier. Nous devons obtenir la garantie d'être approvisionnés pour ce qui concerne l'ensemble des ressources critiques – masques, surblouses, charlottes, gants et médicaments.

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Vous ne disposiez donc d'aucune évaluation au niveau central de l'état des stocks d'EPI par établissement ?

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Non. L'objectif en nombre de lits de réanimation, conformément à ce que le ministre avait évoqué, reste fixé à 14 000. Nous avons donc commandé des respirateurs afin de garantir l'armement de ces places et nous sommes en effet passés d'environ 12 000, au début de l'épidémie, à 14 000 lits aujourd'hui. Nous pouvons vous adresser le détail des commandes.

Deuxième problème sur lequel nous travaillons : les renforts en ressources humaines. Armer des lits de réanimation suppose certes de disposer des équipements nécessaires mais, aussi, de personnels formés, dont certains l'ont été très rapidement. Des actions sont en cours pour que nous puissions disposer d'un volant de professionnels qui, quelle que soit leur spécialité ou leur discipline, soit à même de conforter les équipes de réanimation si nécessaire.

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Stéphanie Decoopman, cheffe de service à la DGOS

Nous avons été contraints d'organiser une régulation centralisée des médicaments pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, nous avons été confrontés à des niveaux de consommation très importants de propofol et de curare qui, comme l'a dit Mme Julienne, ont été multipliés par dix ou vingt et parfois beaucoup plus pour ce dernier produit.

Ensuite, nous avons constaté qu'un certain nombre d'établissements ont stocké des médicaments, ce qui a mis à mal l'équité de la distribution et nous a amenés à partir du mois de mai à répartir équitablement ceux qui étaient disponibles sur l'ensemble du territoire, chaque semaine, en lien avec l'ANSM, l'ensemble des conférences, des fédérations et des ARS, et à organiser des achats d'État permettant de disposer de la masse critique nécessaire pour faire venir en France des commandes de propofol ou de curare qui auraient pu partir ailleurs compte tenu des commandes perlées des établissements. Ce système est aujourd'hui en extinction et, le 1er août, les établissements reprendront leurs commandes propres.

Un outil nous permet aujourd'hui d'avoir une vision de l'ensemble des stocks de curare, de propofol ou de midazolam dans chaque établissement et, ainsi, d'en disposer à un niveau suffisant. Les ARS dotent les établissements de manière à ce qu'ils aient un à deux mois de stocks de ces médicaments utilisés en réanimation. Sur le plan national, nous aurons reconstitué au mois d'août un stock de ces médicaments permettant de prendre en charge deux fois plus de patients qu'au cours de la vague épidémique du printemps.

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Est-ce Santé publique France qui procède aux achats ?

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Stéphanie Decoopman, cheffe de service à la DGOS

C'est un partenariat entre Santé publique France, l'ANSM et le ministère à travers la DGS.

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

J'ajoute que nous surveillons quotidiennement les indicateurs de circulation du virus et les clusters. Nous suivons en particulier au jour le jour l'évolution de la situation en Guyane et en Mayenne, en lien avec les ARS et les préfets, afin de prendre le plus rapidement possible les décisions qui s'imposent, d'éviter les contaminations et un éventuel rebond de l'épidémie. Nous restons très vigilants pour être les plus réactifs possible.

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Lors de son audition, hier, le docteur Braun affirmait que nous devions accélérer le virage numérique du système informatique d'interconnexion, en particulier entre les SAMU, car les appels au 15 donnent une bonne visibilité sur une crise qui surviendrait dix à quinze jours plus tard. Est-ce également votre avis ?

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Absolument. Le développement du portail SI-SAMU a été considérable pendant la crise puisque nous sommes passés d'une trentaine à soixante-dix-sept SAMU équipés. Nous devons en effet nous assurer du partage de l'information et de la coopération entre les SAMU, ce qui a remarquablement été le cas au demeurant, certains SAMU ayant organisé des relais lorsque d'autres étaient débordés – je pense notamment au SAMU 68 de Mulhouse. Il est très important de les doter de tels outils, le docteur François Braun, avec qui nous travaillons, le sait en effet fort bien. Le bandeau téléphonique de Mulhouse, notamment, est opérant depuis une dizaine de jours et fonctionne bien.

Nous devons également documenter les indicateurs prédictifs d'avancée de l'épidémie. Nous avons ainsi financé une étude de la société française de médecine d'urgence afin d'explorer cette question à l'aune de la crise sanitaire. C'est ainsi que nous parviendrons à conforter nos outils d'alertes : plus ils interviennent tôt, plus nous pouvons anticiper. Il faut toujours avoir un temps d'avance afin de contrecarrer l'évolution de l'épidémie et d'anticiper les capacités dont le système de santé peut disposer face à une éventuelle vague, locale ou globale.

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Je pense que vous disposez, comme tout le monde, des références précises concernant la directive n° 241 SGDSN du 16 mai 2013 émise sous l'autorité du Premier ministre Jean-Marc Ayrault par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Lors des auditions, plusieurs intervenants ont évoqué le problème de l'organisation de la chaîne de commandement, en particulier Martin Hirsch, qui a parlé de « carcans ». Cela a-t-il été le cas pendant cette crise sanitaire ?

Je m'interroge également sur les relations de la DGOS avec la DGS, les agences sanitaires – Santé publique France, l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), notamment chargé de la gestion des stocks stratégiques nationaux de produits de santé, dont les masques – mais aussi avec les ARS. Les difficultés d'organisation, les « carcans » ne sont-ils pas trop nombreux pour disposer d'une structuration efficace ?

Des exercices de sécurité sanitaire ont-ils été organisés sur le terrain, comme le délégué interministériel l'avait fait entre 2000 et 2010 ?

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Pendant la pandémie, les patients souffrant d'autres pathologies que le Covid-19 ont-ils pâti d'une déficience de l'offre de soins ? Les consultations ont chuté, la continuité des soins a été problématique, des personnes sont mortes chez elles faute de s'être présentées aux urgences. Aviez-vous ou non anticipé cette dimension de la crise sanitaire ? Quelles leçons pourrions-nous en tirer dans l'éventualité d'une seconde vague ?

Sauf erreur de ma part, ce sont 65 000 personnels soignants qui ont été contaminés par le Covid-19. Quelle réflexion cela vous inspire ? N'avons-nous pas été insuffisamment capables de les protéger ? Cela ne témoigne-t-il pas d'un niveau de préparation insuffisant ? Comment, à l'avenir, répondre à une telle situation ?

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S'agissant du stockage des masques FFP2, vous nous avez dit ne pas avoir eu connaissance de la fameuse doctrine de 2013, mais quel était précisément l'état des stocks au début de la crise ? Lors de vos échanges quotidiens avec les directeurs généraux des ARS, avez-vous eu connaissance de disparités importantes entre les territoires ? Dans des conditions optimales, quel devrait être le stock de ces masques pour faire face à une éventuelle deuxième vague et, au-delà, à une pandémie nouvelle ?

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Il me semble que, pendant cette crise, quatre cellules de crise ont été instituées, respectivement à l'Élysée, à Matignon, à la DGOS et à la DGS, à quoi s'ajoutent les conseils scientifiques, le comité analyse, recherche et expertise (CARE) et toutes les agences. Comment cela fonctionnait-il ? Qui pilotait l'ensemble ? Comment pouviez-vous avoir les bonnes informations au bon moment et prendre ou prendre acte des décisions ? Si une telle situation devait se reproduire, cette stratégie devrait-elle être révisée ?

Les médecins généralistes sont très largement intervenus aux urgences, notamment à travers le 15, mais n'était-ce pas logique que les patients n'osent plus se rendre dans leurs cabinets puisqu'à longueur de journée, on leur demandait de ne pas y aller ? « Restez chez vous, n'allez pas consulter et si votre état de santé se dégrade, appelez le 15 ! », telle était la communication en vigueur. De fait, les médecins généralistes ont été éloignés de cette stratégie thérapeutique et il n'est pas possible d'en vouloir à nos concitoyens, qui ont quant à eux obéi aux consignes. Était-ce la bonne stratégie ? A-t-elle fait l'objet d'une concertation ? De la même manière, la DGOS a-t-elle validé le principe des interventions, chaque soir, à dix-neuf heures, de M. Salomon qui, d'une certaine manière, terrorisaient la population ?

Enfin, pouvez-vous nous confirmer l'arrêt du dispositif COVIDAXIS, évoqué le 23 avril ? La DGOS avait validé cet essai clinique de prévention de 600 soignants à partir d'un double traitement, respectivement d'hydroxychloroquine et de lopinavir-ritonavir. Où en est-on ? Si l'arrêt est effectif, pour quelle raison l'est-il ?

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Je pense, M. Door, que nous devons faire un effort de simplification. La question de l'organisation interne des établissements se pose – nous en avons d'ailleurs beaucoup discuté dans le cadre du « Ségur de la santé » : les demandes d'une évolution de la gouvernance, du fonctionnement des établissements – pôles, services – sont nombreuses et les organisations doivent en effet évoluer.

D'autres critiques visent la charge administrative et la répartition des compétences entre les différents niveaux. Que la DGOS, par délégation du ministre, décide du nombre d'heures supplémentaires effectuées dans les établissements de santé me semble relever d'un fonctionnement archaïque, comme l'a dit également Martin Hirsch. Il faut déconcentrer un certain nombre de décisions, dont celle-ci, ce que nous avons d'ailleurs fait pendant l'épidémie. Nous devons continuer en ce sens car il convient de rendre aux professionnels de terrain les compétences qui sont les leurs. Nous ne pouvons pas déterminer, nous, depuis nos bureaux, le bon niveau d'heures supplémentaires de l'AP-HP.

Santé publique France, l'EPRUS sont sous la tutelle de la DGS et la DGOS, pour ce qui la concerne, participe de ces relations. Ce fonctionnement, assez souple et articulé, a permis à nos propres équipes de conforter la DGS pendant la gestion de l'épidémie dans certains domaines communs comme, par exemple, celui de la logistique. Cette façon de faire en temps de crise soulève-t-elle des questions dans le droit commun ? Cela fait partie des points que nous devons examiner ensemble mais je crois que, a minima, un renforcement de ces articulations s'impose. Je ne pense pas que la DGS y soit hostile puisque nous y travaillons de concert.

Nous avons également créé un groupe commun sur les données dont disposaient Santé publique France, la DGOS, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) afin d'alimenter les prises de décision durant la phase épidémique.

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Quelle était la coordination entre DGS et DGOS ? Aviez-vous des réunions quotidiennes ou hebdomadaires avec le cabinet du ministre et, si oui, à quel niveau ? Un conseiller du ministre travaillait-il avec vous sur la question des équipements de protection ?

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Tous les jours, la direction du centre de crise sanitaire présidée par Jérôme Salomon organisait une réunion à laquelle nous participions, avec des représentants de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), afin de partager les informations et de prendre les décisions.

Nous nous réunissions également chaque jour autour de la coordination de l'organisation des soins, en association avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) et plusieurs ARS.

Enfin, la cellule interministérielle de crise se réunissait chaque jour.

La coordination a donc été très forte, journalière, y compris avec les membres du cabinet du ministre qui, systématiquement, étaient présents.

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Les membres du cabinet disposaient donc des informations concernant notamment l'évolution des stocks d'équipements de protection.

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

En effet.

Je crois profondément en la nécessité de la subsidiarité, terme fondamental à mes yeux, notamment en ce qui concerne la répartition des compétences. L'administration centrale doit donner aux ARS et aux professionnels, sur le terrain, les leviers leur permettant d'agir conformément à leurs besoins. Nous avons ainsi fait évoluer de nombreux textes et des modalités de financement pour que les ARS puissent organiser territorialement l'activité et que les professionnels puissent prendre en charge les patients comme ils devaient l'être.

Cette répartition des champs de compétence me paraît claire mais il faut veiller à ne pas « déborder » : pour le dire très simplement, le rôle des ARS n'est pas celui de l'administration centrale, qui doit les appuyer et lever les freins existants de manière à ce que chacune d'entre elles puisse s'organiser en fonction des réalités territoriales. Nous avons vu pendant l'épidémie que la situation dans la région Grand Est et en Nouvelle-Aquitaine n'était pas la même et qu'une adaptation était donc nécessaire.

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Stéphanie Decoopman, cheffe de service à la DGOS

Les ARS organisent régulièrement des exercices sur le terrain. Un mois et demi ou deux mois avant la crise sanitaire, un exercice interministériel a ainsi eu lieu autour de la prise en charge d'une épidémie de variole.

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Monsieur Vallaud s'est interrogé sur les pathologies hors Covid-19. En matière de déprogrammation, nous avions bien précisé que la prise en charge de toutes les urgences devait être assurée. Le développement de la télésanté avait vocation à prendre en charge les patients atteints par le Covid-19, certes, mais également par d'autres pathologies.

Je comprends parfaitement que certains d'entre eux aient eu peur et force est de constater que nous avons eu du mal à les rassurer suffisamment, malgré les propos de M. Salomon en ce sens, afin que les pathologies chroniques dont ils souffrent soient prises en charge. Je ne sais pas si nous aurions pu faire différemment, je n'en suis pas absolument certaine, mais nous devrons veiller à l'avenir à organiser une telle prise en charge.

Des médecins généralistes m'ont confié que cette crise avait été aussi l'occasion de contacter eux-mêmes les patients dont ils jugeaient que la situation l'imposait.

Selon Santé publique France, entre le 1er mars et le 21 juin, 31 171 professionnels ont été contaminés, dont 84 % de professionnels de santé – 29 % d'infirmiers, 24 % d'aides-soignants, 10 % de médecins. Peut-être est-ce lié aux problèmes d'équipements de protection individuelle ? Aujourd'hui, c'est la question des indemnisations qui importe ; la direction de la sécurité sociale y travaille, des échanges ayant encore eu lieu vendredi dernier avec les représentants syndicaux.

Par rapport à l'ensemble des professionnels, la part des professionnels contaminés travaillant dans les établissements de santé reste faible puisque, en fonction des régions, elle oscille entre 0,1 % et 4,3 %.

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

En effet. Si vous le souhaitez, je vous transmettrai les données de Santé publique France.

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Stéphanie Decoopman, cheffe de service à la DGOS

Santé publique France a également créé un groupe de travail avec le Groupe d'étude sur le risque d'exposition des soignants aux agents infectieux (GERES) pour examiner avec les soignants les conditions de la contamination. Les premiers travaux témoignent, parfois, d'une méconnaissance des gestes barrières mais aussi de problèmes liés à l'organisation de la pause ou du staff. À leur issue, nous pourrons travailler avec les professionnels à une bonne appropriation de ces gestes et à l'organisation au sein des services de soins.

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Je connais, monsieur Démoulin, la circulaire à laquelle vous vous référez s'agissant de la doctrine de 2013 mais si des circulaires ont été consacrées aux équipements dans le cadre du plan blanc ou à propos de la diffusion des stocks stratégiques aux établissements de santé, je n'ai pas trouvé trace d'une circulaire demandant à ces derniers d'accumuler des stocks en cas de pandémie, et ce n'est pas faute d'avoir cherché.

S'agissant des stocks de masques, je serai prudente car c'est la DGS qui les gérait et je la laisse donc vous répondre précisément. Je crois en revanche que nous devons constituer des stocks suffisants de masques et de ressources critiques pour être à même de faire face à la pandémie. Nous nous y employons en ce moment afin de garantir aux professionnels qu'ils disposeront de masques, de sur-blouses, de gants et de médicaments.

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Stéphanie Decoopman, cheffe de service à la DGOS

Madame Wonner, l'essai thérapeutique que vous avez évoqué est sous le coup d'une suspension suite à une décision de l'ANSM. À ce jour, nous ne disposons pas d'éléments sur la toxicité des traitements même si les patients se portent bien.

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L'absence d'éléments concernant la toxicité vaut-elle pour l'hydroxychloroquine et pour le lopinavir-ritonavir ?

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Stéphanie Decoopman, cheffe de service à la DGOS

Je ne dispose pas d'éléments aussi précis mais je les communiquerai à la mission d'information ultérieurement.

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Y avait-il une stratégie en matière de tests ? À la fin du mois de janvier, ils étaient disponibles dans les hôpitaux et les CHU. Le 17 janvier, l'Institut Pasteur avait mis au point son propre test et, fin janvier, début février, l'Institut hospitalo-universitaire de Marseille a procédé à de nombreux tests.

On a l'impression que les ARS ont un peu freiné et ciblé l'utilisation des tests PCR, en demandant qu'ils ne soient réalisés, pendant la première quinzaine de mars, que sur des patients hospitalisés dont les symptômes étaient sévères. Or, comme on ne trouve que ce que l'on cherche, des patients contagieux, asymptomatiques ou pauci-symptomatiques, n'ont pas été détectés. Le 16 mars, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandait pourtant de tester tous les cas suspects. Pourquoi, en France, aucune stratégie massive de tests n'a-t-elle été organisée ?

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Ces auditions visent à comprendre ce qui s'est passé pour mieux préparer l'avenir. En l'occurrence, nous avons été confrontés à une situation que personne n'avait envisagée.

Au mois d'août, nous pourrions de la même manière imaginer une forte vague de chaleur sur un quart de la France, pendant trois semaines, avec un pic à 40°et une température nocturne qui ne descend pas sous 26°. On en parle souvent mais il faut surtout s'y préparer. Vous avez dit que des personnels ont été formés très rapidement à la réanimation. Vous avez précisé qu'ils étaient préparés pour garantir l'armement total des 14 000 lits de réanimation. Quelle est la nature de cette formation ? Qui en sont les bénéficiaires ? Une certification, qui pourrait être conservée, est-elle prévue ? Quel sera le positionnement de ces personnels par rapport à ceux qui ont eu une formation classique et plus longue ? Dans quels délais ?

Vous avez évoqué des exercices de crise mais je suis un peu restée sur ma faim. Un exercice de crise suppose un scénario, différents acteurs, des retours d'expérience. Ces exercices sont-ils organisés sur un plan local, régional, national ? Pendant mes études de médecine, déjà anciennes, on nous disait que la variole était la première arme biologique que l'armée rouge et l'armée américaine conservaient dans leurs laboratoires pour pouvoir s'en servir le cas échéant. Je suis presque rassurée de savoir que vous faites des exercices sur l'hypothèse de son utilisation.

Comment se passent donc ces exercices de crise ? Quelles leçons en tirez-vous ? Quand serez-vous prêts, car on ne sait jamais quand l'inenvisageable se produira ?

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Comment les choses se sont-elles passées avec les autres pays européens ? Au-delà du Luxembourg, de l'Autriche et de la Suisse, quelles relations avez-vous eu avec le royaume d'Espagne ? Si le département des Pyrénées-Atlantiques a accueilli des malades du Grand Est, nous n'avons en effet pas ouvert les bras à nos voisins de la péninsule ibérique.

S'agissant des EHPAD, il est clair aujourd'hui que l'on a refusé d'hospitaliser certains résidents : le saviez-vous ? Pourquoi ne pas avoir envisagé, au plus fort de la crise, une hospitalisation massive de ceux d'entre eux que l'on savait atteints du Covid-19 ?

Une question plus personnelle, à présent : avez-vous préparé cette audition ? On a en effet l'impression, au fil des auditions, qu'une sorte de récit nous est rapporté. Pourtant, Boris Vallaud l'a rappelé, 65 000 soignants ont été atteints par le virus, s'y ajoute tout ce que nous ont relaté les personnels des EHPAD. Nous avons vécu un véritable drame d'État.

Or tous les représentants de l'administration qui se sont succédé ici depuis trois semaines affirment que nous avons fait face. Sans rechercher la responsabilité des uns et des autres, et surtout pas celle des fonctionnaires, il me semble que le récit que l'on nous livre ne correspond pas tout à fait à la réalité. Je voudrais donc savoir comment vous avez préparé cette audition.

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À titre personnel, ayant également vécu cette crise de l'intérieur, en tant que médecin…

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Excusez-moi, monsieur le président, mais je ne vous ai pas posé de question. Après vingt ans d'expérience dans la maison, je peux vous dire que ce n'est pas la première fois qu'une interrogation de ce type est soulevée. En outre, je n'ai pas le souvenir de l'intervention d'un président dans un tel contexte…

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Je vous remercie pour votre leçon. Je peux livrer mon expérience personnelle en tant que médecin.

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Je me garderais de répondre concernant la stratégie en matière de tests car il s'agit d'une prérogative du directeur général de la santé.

S'agissant de la formation, nous travaillons avec les réanimateurs sur deux temporalités. La première porte sur les prochaines semaines. Il s'agit d'être prêt dans l'éventualité d'une reprise de l'épidémie. Nous établissons des listes de renforts sur lesquelles figurent notamment d'anciens professionnels ayant travaillé dans des services de réanimation et étant revenus spontanément aider leurs anciens collègues. Certaines sociétés savantes ont en outre créé de petits modules de formation destinés aux infirmiers-anesthésistes diplômés d'État (IADE) ou aux infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (IBODE).

La seconde doit permettre d'évaluer le nombre de professionnels dont nous devons disposer de manière pérenne et, par conséquent, celui des formations aux soins critiques que nous devons organiser. Nous allons travailler avec les réanimateurs dans les quinze jours qui viennent pour répondre à ces importantes questions.

Le pragmatisme impose de dissocier ces deux temporalités. Vous avez raison : on ne forme pas un réanimateur en quelques mois.

Quelles relations entretenons-nous, via le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, avec les États membres de l'Union européenne ? Lors du retour d'expérience mené au sein du Conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH), plusieurs urgentistes ont considéré que la piste d'un conventionnement entre nos établissements de santé et leurs homologues limitrophes devait être creusée en ce qu'elle permettrait des transferts de patients à proximité. Cette démarche me semble intéressante.

J'en viens à l'hospitalisation des personnes résidant en EHPAD. Nous avons dit qu'il fallait que le besoin de santé de chacune d'entre elles soit identifié, ainsi que le meilleur moyen de le prendre en charge : hospitalisation conventionnelle, réanimation, hospitalisation à domicile (HAD) ou soins de suite et de réadaptation (SSR). À cet égard, des initiatives très intéressantes et parfois temporaires ont été engagées, notamment dans le Grand Est, mobilisant parfois des équipes mobiles.

Nous avons également souhaité qu'aucun EHPAD ne se retrouve sans appui sanitaire. Mais la décision d'hospitaliser était médicale. Il est possible, même si je n'en ai pas eu connaissance, que des refus soient intervenus. En tout état de cause, ce n'est pas ce que nous avions demandé. Nous avons pour notre part levé à la fin du mois de mars ou au début du mois d'avril certains obstacles, comme celui interdisant l'HAD dans les EHPAD, afin de fluidifier l'intervention de médecins généralistes ou d'infirmières libérales au sein de ceux-ci.

Aurions-nous dû hospitaliser massivement les résidents des EHPAD ? Je pense, même si leur gestion relève, non pas de ma compétence, mais de celle de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), que la réponse est délicate et diffère selon chaque résident. Il appartient au médecin de décider.

J'en arrive, monsieur le député, à votre dernière question, très personnelle : oui, et c'est normal, j'ai préparé cette audition notamment pour répondre le plus précisément possible à vos interrogations. Pour le dire très simplement, le choc a été rude pour nous aussi : nous nous sommes tous fortement mobilisés, jours et nuits, en permanence, sans compter notre temps, avec la volonté de nous adapter le mieux possible. Nous savions que l'heure était grave ; nous n'avions jamais connu une telle situation. Vous avez l'impression d'un récit, sachez que nous avons puissamment ressenti cette crise, dont j'imagine que vous mesurez l'impact qu'elle a eu sur nous aussi.

Nous sommes rétrospectivement très fiers que l'hôpital ait tenu, et du travail remarquable accompli par les professionnels. Nous nous sommes employés à faciliter, grâce à toute l'énergie et à tous les outils à notre disposition, l'organisation sur le terrain : on nous a d'ailleurs reproché de ne pas le faire en permanence, ce que j'entends.

Cette audition, comme les échanges que nous avons avec les professionnels, doit nous conduire à nous interroger sur ce que nous pourrions mieux faire à l'avenir. Si nous devions revivre un tel épisode, il nous faudrait en effet être le mieux armés possible. Cette préoccupation nous anime tous.

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Je reviens sur la réponse très différenciée apportée sur les territoires à la pandémie.

J'ai moi-même interrogé certains médecins sur le bon échelon d'intervention, et notamment sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui n'ont pas fait l'unanimité dans leurs rangs. Les équipes de soins primaires, qui regroupent des professionnels de santé autour d'un généraliste, en lien avec l'hôpital et l'EHPAD de proximité, paraissent plus adaptées.

Or on ne comptait en 2018 que cinquante projets en la matière, dont seuls neuf étaient opérationnels. Ne faut-il donc pas renforcer ces équipes et les inciter à se développer, ce qui n'est que très peu le cas actuellement ? Elles permettent en effet une plus grande souplesse, une plus grande agilité et donc une plus grande réactivité.

Quel a été par ailleurs le rôle des ARS, en charge de la sécurité sanitaire et de la régulation de l'offre, dans la prévention de cette épidémie ?

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Je pense que mon collègue David Habib souhaitait en fait savoir si vous aviez rencontré des autorités politiques pour préparer cette audition.

Le problème pour nous est la fragilité extrême de l'hôpital public et la crise aiguë qu'il traversait alors que l'épidémie se déclarait. Cette situation est le fruit des choix politiques faits, y compris dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, au travers des différents projets de loi de financement de la sécurité sociale. Quelles leçons doit-on selon vous en tirer ? La crise a-t-elle fait apparaître des besoins plus criants que d'autres ?

S'agissant des stocks d'équipements de protection individuelle (EPI), et notamment de masques, nous avons cru comprendre que la responsabilité en avait été transférée aux établissements en 2013. Quel était l'état de ces stocks au moment de l'entrée dans la crise ? Avez-vous des données les concernant ? Disposiez-vous de moyens vous permettant d'en contrôler l'existence ? Compte tenu de la situation financière des hôpitaux et de la difficulté des arbitrages budgétaires qu'ils avaient à rendre, les choix ont sans doute été difficiles.

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Quels sont les premiers enseignements que l'on peut tirer de cette crise sanitaire s'agissant de l'organisation de notre système de soins ? Comment améliorer la coordination entre médecine hospitalière et médecine de ville ainsi qu'entre établissements publics et privés ?

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En tant que professionnel médical disposant d'une certaine expérience, je crois qu'il peut être dangereux de ne pas écouter le récit du patient et de vouloir faire coller un diagnostic préétabli.

Sur les EHPAD, a-t-on manqué de places pour prendre en charge leurs résidents ? A-t-on par ailleurs constaté des renoncements aux soins en ville, et donc une perte de chance ? S'agissant des tests, si l'objectif de 700 000 tests produits par semaine a semble-t-il été atteint, ils n'ont pas tous été utilisés. Existe-t-il un risque de péremption ?

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

La question de l'organisation et de la coordination des soins de ville est discutée au sein du Ségur de la santé dans le cadre du pilier « Organisation territoriale ». Nous souhaitons développer les CPTS, au travers des 578 projets en cours. Mais nombre de professionnels plaident en effet pour le renforcement des équipes de soins primaires. Les échanges sur ce point se poursuivent. Il existe différents leviers permettant de renforcer la coordination, sachant qu'au moins dans un premier temps, tous les professionnels n'ont pas forcément envie d'intégrer une CPTS. Il faut par conséquent leur proposer une palette d'outils pour les aider à s'organiser en ville.

Il va m'être difficile de répondre à propos du rôle des ARS en matière de prévention, cette dernière relevant de la DGS, et non de la DGOS. En revanche, leur rôle en matière d'organisation territoriale de l'offre de soins est majeur. À cet égard, elles ont du reste accompli un travail remarquable, y compris s'agissant de la coopération entre établissements publics et privés. Plusieurs d'entre elles ont par ailleurs mis en place des plateformes de renforcement en ressources humaines qui ont joué un rôle fondamental pour les équipes en difficulté.

Compte tenu de la difficile situation de l'hôpital public ces derniers mois, le Président de la République a annoncé un investissement massif. Un accord portant sur la revalorisation des salaires des professionnels, tant médicaux que non médicaux, a d'ailleurs été signé lundi dernier.

L'annonce par le Premier ministre d'un investissement de 6 milliards d'euros revêt en outre une importance particulière alors que certains établissements ont besoin de procéder à des investissements et à des recrutements eu égard au nombre de postes vacants. Au-delà des lits, nous avons en effet avant tout besoin de professionnels, ce qui impose notamment de renforcer l'attractivité des métiers concernés, et notamment de ceux d'infirmières, d'aides-soignantes et de kinésithérapeutes. Les efforts actuellement faits sont très importants, afin d'aider l'hôpital public à bien fonctionner.

Ces très bonnes nouvelles n'excluent pas d'autres réflexions que vous avez évoquées, les uns et les autres, en matière de simplification, d'organisation interne des établissements ou de droit des autorisations.

Quels enseignements peut-on tirer de cette crise ? Il y a ceux qui concernent la façon dont nous nous préparons afin de faire face à un éventuel rebond, que nous avons largement mentionnés, et ceux qui portent sur le fonctionnement global de notre système de santé.

Les liens entre la ville et l'hôpital revêtent une importance particulière : ceux qui se sont spontanément noués autour de la régulation médicale constituent une source d'espoir pour la suite, et en particulier pour la prise en charge des soins non programmés.

La télésanté a par ailleurs pris une place majeure : le nombre de téléconsultations pendant la crise place désormais la France en troisième position derrière les États-Unis et la Chine. Même si la télémédecine ne saurait se substituer au face-à-face, au colloque singulier avec le patient, elle doit trouver sa place dans la relation entre un professionnel de santé et son patient.

Nous devons, afin de les améliorer, renforcer la territorialisation de nos politiques d'offre de soins, notamment en matière d'investissements. Certains acteurs plaident même en faveur d'un projet territorial, l'administration centrale se bornant à proposer des outils avec une très large marge d'adaptation. Il s'agit de faciliter les liens entre la ville, l'hôpital et le médico-social. La maille retenue devra quoi qu'il en soit être la plus proche possible des professionnels et des patients.

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Stéphanie Decoopman, cheffe de service à la DGOS

La péremption des tests est normale dans la mesure où il s'agit d'un dispositif médical. Nous assistons toutefois actuellement à une progression importante du volume de tests : 377 000 tests ont ainsi été effectués cette semaine. Compte tenu de l'existence de clusters, la demande, et donc l'obligation des laboratoires d'y répondre, ira croissante.

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S'agissant de la médicalisation des EHPAD, le modèle actuel n'a-t-il pas fait la preuve de sa faillite ? Même s'ils ne relèvent pas de votre direction générale, disposez-vous d'un tableau de bord de la mortalité de leurs résidents – qu'ils soient décédés en leur sein ou à l'hôpital – qui représentent à peu près la moitié du nombre total de décès ? Existe-t-il de ce point de vue une différence entre établissements publics et privés à but lucratif ou non lucratif ?

Dans mon département par exemple, la mortalité a été beaucoup plus élevée dans les établissements privés : serait-ce parce que le lien structurel avec l'hôpital est plus fort au sein des établissements publics qui bénéficient d'une médicalisation mieux garantie ? Certains d'entre eux ont également tiré parti de lits de SSR et d'une prise en charge plus réactive.

Quelle vision prospective avez-vous de cette composante de l'offre de soins, sachant que le temps de la réforme de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, à domicile ou en établissement, est sans doute venu et que la crise a mis en lumière l'immense déficit de médicalisation des EHPAD ?

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Katia Julienne, directrice générale de la DGOS

Je ne dispose pas de chiffres distinguant la mortalité selon le caractère public ou privé de ces établissements, et j'ignore s'ils existent.

Les dispositifs que nous avons mis en place de manière très forte et très rapide en matière d'ancrage sanitaire des EHPAD doivent à mon sens être impérativement pérennisés, et chacun d'entre eux doit entretenir un lien structuré avec le maillage sanitaire dans lequel il s'insère, qu'il s'agisse de SSR, d'hôpitaux de proximité ou de centres hospitaliers.

Les ARS ont à notre demande accompli un travail remarquable sur cette question, notamment en mettant en place des plateformes d'astreinte permettant à tout médecin coordonnateur de savoir qui appeler pour bénéficier de conseils.

De tels liens doivent être renforcés, quelles que soient les évolutions s'agissant des EHPAD. Nous devons garantir une prise en charge sanitaire et une fluidité des parcours pour éviter autant que faire se peut que les personnes âgées se retrouvent aux urgences. Plus aucun EHPAD ne doit se retrouver sans appui sanitaire.

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Il me reste, mesdames, à vous remercier pour votre présence et votre participation.

L'audition s'achève à onze heures trente.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Réunion du jeudi 16 juillet 2020 à 10 heures

Présents. - M. Éric Ciotti, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Anne Genetet, M. David Habib, Mme Sereine Mauborgne, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Pierre Pont, M. Joachim Son-Forget, M. Boris Vallaud

Assistaient également à la réunion. - Mme Josiane Corneloup, M. Nicolas Démoulin, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Annaïg Le Meur, Mme Michèle Peyron, Mme Stéphanie Rist, Mme Martine Wonner