Je comprends les critiques formulées par les médecins généralistes, et peut-être nous faut-il discuter avec eux pour renforcer les modalités de leur activité en cas de rebond de l'épidémie, mais je tiens à dire qu'ils ont joué un rôle fondamental, y compris au plus fort de la crise.
Ils ont majoritairement poursuivi leurs consultations, dont le nombre total a néanmoins baissé ; ils ont aussi massivement recouru à la télésanté que nous avons fortement développée, pour eux mais aussi pour les sages-femmes, les infirmières, les kinésithérapeutes, les orthophonistes ou encore les ergothérapeutes. Cet outil s'est avéré très utile. Je sais, pour en avoir beaucoup parlé avec France Assos Santé, que les patients étaient souvent réticents à se déplacer dans les cabinets et dans les établissements de santé ; cela a constitué une de nos grandes difficultés, et nous devons en tirer les leçons pour l'avenir. L'ampleur de la baisse d'activité en médecine de ville est aussi liée à cette crainte qu'avaient les patients d'être contaminés en se déplaçant, mais les généralistes ont réussi à préserver pour une bonne part leur activité.
Ils ont aussi participé à la régulation médicale des demandes de soins urgents de la part des patients, qui appelaient massivement le 15 au moment de la deuxième phase de l'épidémie.
De nombreux médecins et infirmiers de ville sont par ailleurs venus renforcer l'appui sanitaire que nous avons mis en œuvre auprès des EHPAD ; ce renfort s'est ajouté à celui des équipes mobiles de gériatrie, et à la levée des restrictions à l'hospitalisation à domicile (HAD), puisque nous avons supprimé un certain nombre de règles d'intervention en la matière pendant l'épidémie.
Malgré certaines difficultés ponctuelles, les cliniques et hôpitaux privés ont massivement joué le jeu et participé à la prise en charge des patients pendant toute la durée de l'épidémie. Le président de la fédération de l'hospitalisation privée (FHP) l'a dit lui-même, la coopération public-privé s'est globalement très bien passée à l'échelle nationale. Certains ont critiqué le fait que des places en réanimation aient subsisté dans le secteur privé alors que nous organisions des transferts de patients. Mais, comme l'a dit la présidente de la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP), nous voulions organiser ces transferts précisément avant que les places en réanimation n'arrivent à saturation. Il s'agissait ainsi de garantir la prise en charge des nouveaux patients affluant en réanimation ; les transferts, opérations lourdes effectuées en dernier recours, ont permis de préserver cette capacité, en complément d'autres leviers tels que les renforts en ressources humaines et en respirateurs. Ils ont donc joué un rôle important. Nous n'avons jamais cessé de surveiller les capacités disponibles et le flux de patients quotidien, à la fois à l'échelle nationale et à celle de chaque région, afin de prendre les bonnes décisions au bon moment, en concertation avec les ARS.
Nous avons été confrontés à des difficultés d'approvisionnement en matière d'EPI, surblouses et gants notamment, pour lesquels les professionnels de santé ont fait face à des pénuries. Traditionnellement, dans le cadre des plans blancs, les établissements s'équipent eux-mêmes, mais ils ne s'étaient pas préparés à affronter une telle crise ; la consommation de certains de ces équipements a été multipliée par dix, vingt, trente voire quarante, ce qui nous a conduits à organiser une régulation nationale pour réaffecter dans les établissements qui se trouvaient le plus sous tension les équipements disponibles dans d'autres établissements. Nous l'avons fait pour les médicaments, mais aussi pour certains EPI. Nous travaillons en ce moment à constituer un stock d'équipements qui nous permette à l'avenir de faire face à une épidémie d'une telle ampleur.
Vous évoquiez la doctrine de 2013 ; j'ai trouvé une circulaire de la DGS et de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) sur les modalités de livraison des stocks stratégiques d'État, mais, bien que je l'aie cherché, je n'ai pas trouvé trace d'un texte ayant demandé aux établissements de se doter d'équipements permettant de faire face à ce type de crise. À ma connaissance, il n'y en a pas eu depuis mon arrivée à la tête de la DGOS, le 1er septembre dernier. Nous devons obtenir la garantie d'être approvisionnés pour ce qui concerne l'ensemble des ressources critiques – masques, surblouses, charlottes, gants et médicaments.