Vous nous avez demandé sur quels éléments nous nous étions fondés en ce qui concerne les appels. Nous aurions voulu nous appuyer sur des éléments objectifs publiés par les services. Nous aurions voulu nous fonder, par exemple, sur ce qui, à l'heure de l'open data, peut se concevoir, à savoir un affichage transparent des performances des services chargés de répondre au 15, au 18 et au 17, et peut-être même au 112. Cela nous semble de nature, en premier lieu, à assurer la transparence de l'action publique et, en second lieu, à engager un débat intellectuel plus argumenté que lorsqu'on a recours à des arguments d'autorité. Mais nos contradicteurs ne publient pas de chiffres permettant de savoir en combien de secondes ils répondent et font une première analyse.
En l'absence de ces données, nous avons demandé à notre réseau d'observer. Dans la synthèse qui vous a été transmise, nous publions quelques-unes de ces observations. Évidemment, elles ne sont pas très larges, car nous n'avons pas toutes les données concernant les appels. Cela dit, elles montrent, notamment dans certains grands services, y compris certains qui sont administrés par les concepteurs du service d'accès aux soins, des résultats totalement hors de proportion avec les objectifs et les prétentions affichés. On nous dit qu'il n'y a pas eu d'attente. Cependant, nous avons observé des délais : jusqu'à douze minutes quarante secondes dans un service – pas tout le temps, il est vrai.
On ne saurait fonder un système robuste sur des performances qui, en premier lieu, ne sont pas affichées, et qui en second lieu, selon nos observations, sont hors de proportion avec les ambitions. Dire cela, j'y insiste, ce n'est pas jeter la pierre à ceux qui œuvrent dans ces services, c'est simplement affirmer qu'il faut pouvoir sortir du système de pensée actuel, et observer des résultats. Or, y compris dans les auditions que vous avez organisées il y a quelques jours, je n'en ai pas trouvé.
Le principal argument avancé par nos contradicteurs, déjà développé il y a plusieurs mois et répété devant vous, consiste à refuser de donner aux citoyens la responsabilité de décider si leur appel relève ou non de l'urgence. Or, dans 90 % des cas environ, les personnes qui se dirigent vers un service public ont une idée assez fidèle de l'urgence attachée à leur demande. On pourrait disserter longuement sur cette proportion, produire des études – je dirai peut-être un mot de l'une de celles qui ont été produites à l'appui des tests de nos contradicteurs mais en tout été de cause il en reste donc 10 %. On nous dit : « La personne qui appelle parce qu'elle est un peu gênée fait peut-être un infarctus, et nous seuls » – quelle prétention – « urgentistes hospitaliers, savons le détecter ; donc, tout doit passer par nous » – c'est le « leadership participatif ».
Certes, un engourdissement, une difficulté à articuler peuvent être les premiers signes d'un accident vasculaire cérébral, qui, bien entendu, nécessitera une prise en charge et un parcours de soins, mais, dans les systèmes ayant un numéro pour les appels au secours et autre pour l'accès aux soins, les opérateurs savent eux aussi parfaitement distinguer ces signes avant‑coureurs. C'est d'ailleurs faire injure à mes collègues qui sont en charge aujourd'hui de la permanence des soins, et demain de l'accès aux soins, que d'imaginer qu'ils ne soient pas capables de détecter des cas graves au motif qu'on s'adresse à eux sans forcément penser au pire, car c'est le b.a-ba. En prolongeant le raisonnement, un médecin généraliste recevant un appel devrait passer lui aussi par un centre 15, parce que seul celui-ci serait en mesure de déterminer s'il s'agit d'une urgence. L'argument ne nous paraît donc pas fondé. Nous sommes pour un système dans lequel le 112 serait dédié aux secours interservices – y compris les hospitaliers –, et le 116 117 au service d'accès aux soins.