En ce qui concerne le 116 117 et le 112, nous avons l'impression que bon nombre d'acteurs de terrain souhaitent cette dichotomie entre les appels d'urgence et les appels non urgents relevant du conseil médical et de l'offre de soins ; les médecins libéraux, l'ensemble des acteurs sociaux, les départements de France, les maires, vos sapeurs-pompiers la souhaitent, de même que le Président de la République, qui en avait parlé en 2017. Nous sommes tous d'accord sur ce schéma, mais il ne se concrétise pas. Il convient de se demander pourquoi.
Pour ce qui est du plan pandémie grippale, non, il n'y a pas eu d'expérimentation de terrain. Certains d'entre vous, qui ont présidé aux destinées de SDIS, savent que nous avions des stocks stratégiques – notamment dans nos pharmacies –, que nous faisions tourner. Nous avons l'outrecuidance de penser que le système de gestion de crise qui existe dans notre pays est optimal parce que, lorsque surviennent des inondations, des tremblements de terre, des feux de forêt, et même une pandémie grippale, jusqu'à présent, il a fonctionné. Toutefois, en effet, nous avons dû nous adapter.
Avons-nous eu suffisamment d'équipement ? Au début, on nous disait qu'il fallait s'en passer, que ce n'était pas utile, de même que les tests, alors même que certains, notamment l'OMS, disaient déjà : « testez, testez, testez ». Le port du masque se développe de nouveau, on nous le recommande en tous lieux, alors qu'il y a quelques mois on allait jusqu'à considérer que les sapeurs-pompiers ne devaient pas en avoir ; pourtant, le virus était partout et leurs opérations amenaient les pompiers au contact de la population – par exemple quand nous faisions ce que nous appelons un « check covid » sur quelqu'un tombé à bicyclette et à qui nous trouvions de la fièvre : les 100 000 interventions taguées « covid » recouvrent ce genre d'événement. Les pompiers étaient les premiers exposés. En effet, je suis désolé de le dire mais qui intervient au quotidien auprès de la population, si ce n'est les ambulanciers privés et les sapeurs-pompiers ? Or, à tous ceux-là, on a dit qu'il était inutile de porter des masques.
Dans certains endroits, les sapeurs-pompiers ont dû protéger leurs bottes avec des sacs plastiques et nettoyer eux-mêmes leur tenue. Effectivement, il y a eu de la solidarité ; heureusement ! Les territoires ont travaillé les uns avec les autres, les services se sont entraidés. Certains SDIS ont prêté des tenues à nos collègues des hôpitaux, d'autres ont donné non seulement des tenues mais aussi des masques FFP2 à des ambulanciers privés. Certes, nous avons mis ces moyens publics à la disposition du privé, mais pour une raison simple : parce que nous étions en état de guerre, qu'il fallait faire des choix, et que nous étions les uns et les autres face à cette maladie dont nous ne connaissions pas les conséquences. La Fédération nationale a dû écrire à maintes reprises pour dire qu'il nous fallait des masques FFP2, réservés aux soignants. Nous avons également écrit plusieurs fois pour dire qu'il fallait tester les sapeurs‑pompiers parce qu'ils étaient au contact des malades. Nous avons dit à plusieurs reprises qu'il fallait reconnaître le covid-19 comme une maladie professionnelle, comme c'est le cas pour les soignants. Nous avons souvent été écoutés, quelquefois aussi mis au rancart. Le ministre Olivier Véran a pris la mesure des choses et, dorénavant, il nous prend en considération. La prise en charge des tests sérologiques par l'assurance maladie est un fait nouveau : cela veut dire que les sapeurs-pompiers sont dorénavant considérés comme des acteurs de la santé, des acteurs de terrain.
À propos des EHPAD, je ne peux pas ne pas évoquer le fait que nous intervenons tous les jours dans les EHPAD. Nous savons exactement quand l'infirmière quitte l'établissement : après dix-huit heures, ce sont les sapeurs-pompiers qui sont appelés pour venir chercher les personnes âgées. À cet égard, monsieur le président, je voudrais revenir sur la grève que vous avez évoquée tout à l'heure. Nos détracteurs disent souvent que nous nous sommes mis en grève parce que nous ne souhaitions plus intervenir pour le transport de personnes. Ce n'est pas cela : simplement, nous ne voulons plus faire de transport indu. Dans l'exemple que je vous donnais à l'instant, nous savons très bien que l'infirmière a quitté les lieux à dix-huit heures, parce qu'on envoie une ambulance pour prendre la personne et l'acheminer, alors que tout au long de la journée on n'a pas trouvé de vecteur, parce que l'ambulancier privé ne pouvait pas venir au fond de la vallée alpine ou pyrénéenne, ou même au cœur de notre pays. Nous ne demandons pas d'en faire moins : nous réclamons simplement de faire au plus juste, c'est-à-dire ce qui est du domaine de l'urgent. Si c'est de l'assistance, c'est à la caisse primaire d'assurance maladie d'en assumer la charge, pas aux collectivités. Cela fait partie, effectivement, des sujets de discussion que nous avons.