Je remercie ma consœur pour son rapport très complet. Je reviendrai, pour ma part, sur quelques points particuliers. Je tiens notamment à rapporter le témoignage de certains de nos confrères qui ont subi la première vague de la pandémie en Alsace : la situation y a été terrible – il n'y a pas d'autres mots. Malgré le grand courage dont ils ont fait preuve, puisqu'ils ne disposaient pas d'EPI, les soignants ont été dans l'incapacité de gérer l'urgence, notamment respiratoire, faute de matériel. Or, manquer de matériels aussi élémentaires que de l'oxygène ou d'un suppositoire de Doliprane, c'est traumatisant. Lorsqu'on n'a pas d'autre choix que de transférer un patient à l'hôpital et que le 15 est « embolisé », on n'a plus qu'à assister – et certains l'ont raconté douloureusement – au décès de ce patient. Personne n'a envie de revivre une telle tragédie.
Par ailleurs, je veux insister sur l'importante collaboration qui s'est organisée au niveau territorial entre les différents secteurs, y compris avec les entreprises. Dans le Blayais, par exemple, la centrale nucléaire nous a donné certains équipements. La Gironde, où je suis, depuis dix-sept ans, médecin coordonnateur dans trois EHPAD, a été globalement peu touchée. Mais, dans certains clusters, la situation a été difficile à gérer : je pense à des établissements où 70 % du personnel et un peu plus de la moitié des résidents étaient atteints. Toutefois, dans notre département, le secteur sanitaire n'était pas saturé, de sorte que, dès qu'une personne était suspectée d'être « covid + », elle était extraite de l'EHPAD de manière à éviter toute contamination. Ainsi, grâce à l'important travail de la Société française de gériatrie et de la filière gériatrique de proximité des centres hospitalo-universitaires, la collaboration avec l'hôpital a permis une prise en charge opérationnelle dans les secteurs où elle était possible.
J'ajoute que les médecins traitants qui ont dû se rendre dans des clusters ont fait preuve d'un grand courage. En Gironde, compte tenu de la moyenne d'âge assez élevée des médecins généralistes, ce sont les jeunes remplaçants qui se sont portés volontaires. Des partenariats se sont ainsi noués entre des groupes de médecins coordonnateurs et des groupes de jeunes remplaçants, si bien qu'un relais était constamment assuré sur le terrain, dans les EHPAD, où souvent le matériel nécessaire manquait. Au demeurant, même lorsque ce n'était pas le cas, le volume de l'extracteur d'oxygène n'étant que de cinq litres par minute, il nous a fallu apprendre à faire des dérivations.
C'est cela qui a été difficile durant cet épisode : nous avons dû être à la fois très pragmatiques – chercher des multiprises, organiser une zone covid… – et attentifs à l'éthique. Lorsque nous avons reçu les documents de la Société française d'anesthésie et réanimation (SFAR) sur la gestion de la fin de vie en EHPAD, je ne vous cache pas que nous avons eu un peu peur : nous avons compris que la vague serait tellement difficile à gérer au plan sanitaire qu'il nous fallait nous préparer à accompagner de nombreuses fins de vie. De fait, certaines situations ont été difficiles – nous avons reçu des témoignages évoquant, par exemple, la valse de cercueils à la sortie des EHPAD.
Je tiens donc à saluer le courage des soignants qui, en grande majorité, ont été présents. Pourtant, parmi eux, se trouvaient de jeunes mères de famille qui avaient des raisons de ne pas être là. Aujourd'hui, tout le monde est exténué. Par conséquent, si une deuxième vague devait survenir, il faudrait que la réserve sanitaire soit plus opérationnelle qu'elle ne l'a été – il a parfois été plus simple de faire appel à l'intérim. Il était en effet difficile, pour ceux qui le souhaitaient, d'en faire partie et, pour nous, de l'actionner.