Dans les EHPAD, la circulation des résidents est en effet relativement limitée. De fait, des évaluations fondées sur le GIR moyen pondéré et le PATHOS ([1]) moyen pondéré montrent, depuis plusieurs années, que les personnes âgées entrent de plus en plus tard en EHPAD, et présentent des comorbidités importantes et des pathologies lourdes à risque de décompensation rapide. Bien entendu, ceux des résidents qui le peuvent sortent avec leur famille ou les animateurs, mais ils sont assez peu nombreux. Dès lors, dans un EHPAD, le premier mode de contamination est l'importation du virus par le personnel, soignant ou administratif, y compris les livreurs. Tout le monde est à peu près d'accord sur ce point. Cela a, du reste, été une cause majeure de stress pour les soignants, qui se sont sentis, à juste titre, responsables de cette importation alors qu'ils n'avaient pas les moyens de la prévenir ou qu'ils avaient, dans certains établissements, reçu des ordres qui n'étaient pas tout à fait conformes à ce qu'ils pouvaient entendre sur différents médias en rentrant chez eux. En tout état de cause, la charge morale qui leur a ainsi été imposée a été vraiment très importante et à l'origine d'un certain nombre de syndromes d'épuisement.
Dès lors, l'interdiction des visites puis le confinement sont apparus comme relativement logiques. On sait, du reste, que dans les établissements où ces mesures ont été prises de façon précoce, les cas ont été moins nombreux, voire absents. Mais nous serons probablement en mesure de vous répondre plus précisément sur ce point au début de l'automne, lorsque nous aurons analysé les données de la grande enquête qui vise à évaluer le point de vue des directeurs, des médecins coordonnateurs mais aussi des psychologues qui interviennent dans les EHPAD.
Concernant l'éthique, des confrères nous ont indiqué – nous sommes là pour dire les choses – qu'il n'y avait pas forcément eu d'évaluation médicale dans tous les établissements. De fait, certains d'entre eux n'avaient pas de médecin coordonnateur, dans d'autres le médecin traitant ne venait plus, si bien que les infirmières coordinatrices se sont retrouvées seules. J'ajoute que certains EHPAD se trouvent en milieu rural, dans un désert médical et sont donc très éloignés des équipes mobiles de gériatrie – lorsqu'elles existent, car il n'y en a pas dans tous les centres hospitaliers –, des équipes opérationnelles d'hygiène ou des équipes mobiles de soins palliatifs. Par ailleurs, quelques confrères nous ont rapporté que, bien qu'ils aient procédé à une évaluation collégiale justifiant l'hospitalisation d'un résident, celle-ci avait été refusée par le directeur. Celui-ci, pense-t-on – c'est une interprétation –, aurait ressenti une espèce de « honte » si l'un de ses résidents était hospitalisé : qu'en auraient dit les familles ? Qu'en aurait fait la presse ? Des journalistes de BFM ou d'autres médias auraient pu, comme cela s'est vu parfois, arriver caméra au poing à l'entrée de leur établissement et tenir des propos pas forcément exacts. Les EHPAD présentent des caractéristiques qui nécessitent que l'on comprenne comment les choses ont évolué dans le temps pour pouvoir les juger de façon juste et cohérente.
Avons-nous eu connaissance d'une directive indiquant que les résidents d'EHPAD ne seraient pas hospitalisés ? Non, le MCOOR n'a pas eu connaissance d'une telle directive. Des discussions ont porté – mais c'est aux représentants de la Société française d'anesthésie et réanimation qu'il faut poser la question – sur l'hospitalisation en réanimation des résidents vivant en EHPAD, mais ce n'est pas du tout la même chose qu'une hospitalisation tout court. Nous avons fait en sorte – c'est l'objet de l'arbre décisionnel que j'ai évoqué – qu'une décision puisse être prise de façon collégiale pour hospitaliser ceux des résidents qui pouvaient en tirer bénéfice – en particulier les patients qui avaient besoin une oxygénothérapie à fort débit que nous ne pouvions pas leur délivrer –, mais une hospitalisation dans un service de médecine gériatrique ou de médecine polyvalente n'a rien à voir avec une hospitalisation en réanimation.
En ce qui concerne la surmortalité à venir, je ne parlerai pas de syndrome de glissement, car celui-ci n'existe pas, mais il est très clair que surviennent des décompensations liées à l'épidémie et à l'isolement. L'enquête permettra, je l'espère, de mesurer ce phénomène car nous connaissons tous des résidents qui ont présenté des syndromes dépressifs suite à cet isolement. C'est, du reste, l'objet de la première évaluation que nous avons réalisée trois semaines après le début du confinement.
Enfin, s'agissant des EPI, je suis désolée mais j'ignore la doctrine de 2013. Peut‑être aurait‑on dû poser la question à nos directeurs d'établissement.