Permettez‑moi tout d'abord de vous remercier, vous et vos consœurs et confrères, pour la façon dont vous vous êtes mobilisés pour gérer la crise dans nos EHPAD.
Dans un article du Figaro du 25 mars, Gaël Durel, président de la MCOOR, affirmait qu'il n'y avait pas de places à l'hôpital pour les résidents des EHPAD. Il ajoutait : « Aujourd'hui, quand on appelle le 15, on nous dit de plus en plus souvent : Il n'y a pas assez de lits, trouvez le moyen de les garder chez vous ». Un médecin coordonnateur dans un EHPAD privé de Nice me disait avoir eu un débat assez tendu avec la régulation qui lui renvoyait « de toute façon, ce patient va mourir, qu'il meure à l'hôpital ou chez vous, c'est pareil ». Des documents écrits montrent-ils qu'une régulation qui ne dit pas son nom a été effectuée ? Vous avez vous-même dit, madame Reynaud-Levy, qu'il a fallu faire des arbitrages douloureux dans le cadre d'une médecine de catastrophe. Autrement dit, la structure habituelle n'a pas pu faire face, contrairement à ce que d'autres interlocuteurs nous ont affirmé en déclarant que l'hôpital avait tenu. De tels arbitrages ont-ils été fréquents ? Faites-vous vôtres les propos de M. Durel ?
Pourriez-vous nous préciser les raisons pour lesquelles le nombre de morts dans les EHPAD a été sous-estimé ?
De façon plus générale, la crise n'a-t-elle pas sonné la fin du modèle des EHPAD ? Ce modèle a‑t‑il simplement pâti de la faiblesse des moyens en personnel ou, plus fondamentalement, de sa structuration sous-médicalisée ?
Vous avez ouvert une piste importante en remarquant que les EHPAD adossés à des hôpitaux ou à des structures publiques avaient eu des résultats nettement supérieurs. J'ai pu le constater de façon empirique dans mon département des Alpes-Maritimes. Sans parler du cas le plus terrifiant d'un établissement ayant connu trente-neuf morts sur quatre-vingts résidents, les structures où il y a eu de nombreux morts étaient essentiellement des établissements à but lucratif. Est‑ce parce que, n'étant pas accolées à l'hôpital, on leur a refusé l'hospitalisation de résidents alors qu'on l'acceptait pour des structures publiques ? Le maire de la commune de Mougins où l'on a déploré ces trente-neuf décès, qui est par ailleurs médecin coordonnateur dans un autre établissement, a précisé dans la presse le protocole appliqué à ces patients : deux jours de doliprane, deux jours de rivotril, et pas d'hospitalisation. C'est le régime qui a prévalu pendant trois semaines dans l'établissement, qui a fait l'objet d'un arrêté de fermeture du président du département mais que l'ARS a refusé.