Intervention de Odile Reynaud-Levy

Réunion du mardi 21 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Odile Reynaud-Levy, vice-présidente de l'Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social :

. S'il devait y avoir, malheureusement, une nouvelle vague, je pense que les cas de résidents décédés seuls, loin de leur famille, ne se représenteraient plus. D'abord, nous disposons de tests, ce qui change beaucoup de choses. Ensuite, nous avons l'expérience du déconfinement « progressif » avant le 11 mai en EHPAD. Les familles ont été autorisées à revenir dans des conditions de distanciation physique et de mesures barrières qui ont été largement relayées par les médias. Cette situation du décès en EHPAD avait déjà été anticipée, même au plus fort de la crise, puisque des dérogations de visite avaient été accordées aux familles de résidents en fin de vie, sur la base d'un questionnaire dressant une liste de critères de fin de vie. Lorsque les choses ont pu être faites de cette façon, les familles sont venues. Nous les avons habillées, masquées, chapeautées et conduites auprès de leurs proches. Cela a représenté un surcroît de travail et d'angoisse pour tout le monde, car on ne pouvait pas tester les familles. Comme on les laissait seules dans la chambre avec la personne âgée par dignité humaine, on ne savait pas si elles respecteraient bien les gestes barrières, si elles n'embrasseraient pas leur père ou leur mère – ce qui ne me semble pas condamnable. On a donc pris des risques. Bien sûr, je n'en disconviens pas, dans certains cas, des personnes sont décédées seules.

Fallait-il aller aussi loin dans l'isolement des résidents ? Aujourd'hui, je répondrai non mais, à ce moment-là, on ne connaissait pas bien l'agent viral, les signes cliniques chez les sujets âgés n'étaient pas tous connus. Encore une fois, il faut remettre les choses dans leur contexte ; nous vivions au jour le jour. La vérité c'est que, n'ayant pas de tests pour dépister de façon massive, on a été extrémiste parce qu'on ne savait pas et qu'on avait peur. Aujourd'hui, on a peut-être un peu moins peur, bien qu'on ne maîtrise pas beaucoup plus la situation, parce que l'on sait que les mesures barrières fonctionnent. En cas de nouvelle vague, on n'irait probablement pas aussi loin dans l'isolement. Les études dont je vous ai parlé vont donner, à défaut de résultats exacts, une appréciation de l'effet délétère qu'a eu le confinement sur l'état de santé des résidents dès les trois premières semaines de confinement.

Faut-il renforcer les équipes de soins palliatifs ? Ni Mme Maubourguet ni moi, au nom de nos fédérations respectives, n'allons répondre non. Il est évident qu'il faut diffuser dans tous les EHPAD sur tout le territoire national l'accès à une équipe mobile de soins palliatifs. On en a la preuve et on en voit la nécessité aujourd'hui. La réponse sera la même en ce qui concerne les équipes opérationnelles d'hygiène ainsi que leur association avec les équipes mobiles de gériatrie et les centres hospitaliers. L'enquête nous le dira probablement, là où sont intervenues des équipes opérationnelles d'hygiène, il y a eu moins de cas de covid-19 parce que le personnel était formé, des affiches étaient apposées, des petits films étaient diffusés sur les ordinateurs des soignants, montrant comment s'habiller sans faire d'erreur d'asepsie. Cela s'apprend.

Monsieur Gaultier, cela me gêne que vous parliez de « hotline fin de vie », car le but, au contraire, était d'exposer à un confrère hospitalier le cas d'un patient et de discuter avec lui du bénéfice ou non d'une hospitalisation, si ce patient était transférable sans forcément nécessiter la présence d'un médecin du SAMU. L'objectif des hotlines était heureusement plus large que la fin de vie. Il s'agissait d'obtenir non pas forcément des transferts à chaque fois, mais des conseils de médecins hospitaliers pour des prises en charge, ou simplement d'être rassuré. Certaines hotlines ont fonctionné vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; les confrères ont été dérangés la nuit pour donner des conseils à l'aide-soignante parce que, bien souvent, il n'y a pas d'infirmière la nuit dans les EHPAD.

On ne pourra pas connaître le nombre exact de personnes qui ont été hospitalisées. Il faut que les enquêtes soient faisables. Nous avons déjà été très sollicités pour répondre sur beaucoup de choses. Pour ne pas engendrer de stigmatisation, nous n'avons pas demandé combien il y avait eu d'hospitalisations grâce à la hotline ; nous avons seulement demandé s'il y avait eu un accès à la hotline et s'il avait été bénéfique, efficace.

Il faut probablement remédicaliser les EHPAD en cas d'épidémie, car on a bien vu que, sinon, cela ne fonctionnait pas. Il me semble cependant que la question doit se poser davantage en termes d'accès aux soins et de fluidité dans la collaboration territoire par territoire, parce qu'aucun territoire ne ressemble à un autre. C'est bien pourquoi l'accès à l'hospitalisation privée doit être possible parce que, dans certains cas, l'établissement le plus proche est un hôpital privé.

Bien sûr, cela remet en question le modèle de l'EHPAD actuel. On entend de plus en plus parler d'unités de soins de longue durée (USLD) qui sont des structures un peu hybrides, à la fois lieux de vie et cadres sanitaires. Y fait‑on la même chose qu'en EHPAD en matière de confort de vie, d'habitudes de vie et d'animation ? Mon expérience d'interne me fait dire que cela reste très sanitaire.

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