Intervention de Christophe Lannelongue

Réunion du mercredi 22 juillet 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Christophe Lannelongue, ancien directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) Grand Est :

Non, car il ne s'agissait pas de lits existants, mais de lits que nous développions, en donnant des autorisations nouvelles. Vous avez donc raison de dire que la situation à Strasbourg présentait des difficultés. Nous les avons surmontées.

Le 23 mars, sur les 180 lits que nous avions ouverts dans le privé, une centaine était déjà occupée. Au moment du pic, début avril, 1 000 patients covid-19 étaient hospitalisés en réanimation ; 200 lits de réa étaient disponibles à Reims, Châlons-en-Champagne ou Charleville-Mézières. Les capacités de réanimation étaient saturées dans la partie est de la région alors qu'il restait encore des lits non occupés dans la partie ouest, dans le public comme dans le privé.

Lorsque l'opération de transfert a été décidée, le 18 mars, elle s'est orientée vers le sud. Cet épisode restera gravé dans ma mémoire : le 17 mars, le général commandant le service de santé aux armées (SSA) de la région m'a informé qu'à la suite du discours du Président de la République, des pilotes avaient été mis en alerte depuis une heure du matin et qu'ils pourraient venir, avec un Airbus, chercher des patients. J'ai éprouvé un énorme soulagement car, à ce moment, nous pensions vraiment que nous allions vivre une situation similaire à celle qu'a connue l'Italie.

Le lendemain a eu lieu le premier vol MORPHEE, qui s'est parfaitement déroulé, avec un professionnalisme exceptionnel. Au total, six vols ont été organisés.

Nous pensions que si nous n'arrivions pas à ouvrir 1 600 lits de réanimation, nous serions obligés de compter sur les transferts. La suite a été assez facile car la présidente du conseil départemental du Bas-Rhin, comme Jean Rottner, le président de la région, possèdent de nombreux contacts avec leurs homologues suisses. La préfète de région dispose par ailleurs d'une équipe diplomatique très efficace, et nous-même entretenons un partenariat très étroit avec la Sarre depuis un an. Le premier transfert a lieu le 22 mars. En quelques jours, nous sommes parvenus à réaliser 180 transferts, en partie grâce à une décision politique de la chancelière Angela Merkel, qui a demandé à tous les Länder de participer à cet effort de solidarité européen. Malgré la marge de manœuvre dont nous disposions début avril, nous avons donc décidé des transferts massifs, et je referais ce choix en conscience.

J'ai été moi-même surpris de l'efficacité du confinement, et du fait que nous avons passé le pic début avril, non le 25, comme je l'avais dit aux journalistes le 2 avril. Les modèles de prévision ont posé de grandes difficultés. C'est un autre enseignement de la crise : il faut améliorer les études épidémiologiques de terrain et les prévisions, pour donner une meilleure visibilité au décideur. Nous n'avions que deux modèles : celui de l'Institut Pasteur surestimait les situations ; quant à celui construit par Nancy, il était parfaitement inutilisable : il prévoyait que le nombre de patients chuterait dès le 3 avril…

Je l'ai dit au Sénat, les transferts sont des affaires très compliquées à organiser. Il faut d'abord sélectionner les patients sur le plan médical, puis planifier le transfert, en identifiant un hôpital, parfois de l'autre côté de la frontière, et enfin trouver un vecteur pour transporter les malades. Cela suppose une coopération très étroite entre l'ARS, qui effectue la programmation, le SAMU de zone, qui aide à l'identification des malades et la préfecture de zone, qui travaille sur les vecteurs – avions, hélicoptères.

Cela a fonctionné plus ou moins bien. Nous avons réalisé de nombreux transferts, parfois de manière acrobatique, comme l'a dit le président de la CME de la communauté hospitalière des hôpitaux civils de Colmar, avec des délais de prévenance très courts. Mais nous avons eu deux pépins, qui, une fois encore, ont traduit une mauvaise articulation entre les niveaux national et local. Le premier a découlé d'une décision unilatérale de la directrice générale du CHU de Reims de transférer des patients de médecine vers une clinique de Tours, contrairement à la politique officielle de l'agence, selon laquelle on ne transférait que des patients en réanimation.

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