Intervention de Christophe Lannelongue

Réunion du mercredi 22 juillet 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Christophe Lannelongue, ancien directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) Grand Est :

Effectivement, les CPTS, dont la première a été opérationnelle à Metz en juin 2019, ont démontré, comme les maisons de santé, une forte efficacité en matière d'accès aux soins. Dans le cadre d'équipes de soins primaires, certains infirmiers ont par ailleurs, particulièrement à Toul, pu prodiguer des soins à domicile à des patients atteints du Covid-19, notamment en participant à des téléconsultations menées par des médecins, au cours desquelles ils se chargent des mesures de respiration, par exemple. La crise nous a enseigné qu'il fallait poursuivre dans cette voie : la complémentarité entre un médecin, une infirmière et un pharmacien est décisive, notamment au moment où des évolutions rapides peuvent survenir, entre le sixième et le huitième jour. Le médecin n'a pas forcément besoin de se déplacer : il suffit qu'une infirmière vienne vérifier et, au besoin, envoyer une image ou simplement des mesures. Il en est de même pour le pharmacien.

Non, ce ne sont pas les préfets, mais bien l'ARS qui a poussé à l'engagement du secteur privé, comme elle l'avait fait auparavant dans d'autres dossiers, avec des résultats importants : le 23 mars, on y comptait 172 lits de réanimation opérationnels, dont 105 identifiés covid, et 81 patients pris en charge, sur un total de 914 dans la région, 247 autres patients étant pris en charge dans d'autres services que la réanimation.

La montée en régime a été la plus rapide possible. Dans les zones de la région où nous nous trouvions véritablement en difficulté, nous avons cependant assez vite saturé nos capacités, à l'exception du problème rencontré à Strasbourg, qui a été traité grâce à un inspecteur de l'inspection générale des affaires sociales qui a fait de la régulation fine.

Nous avons effectivement, notamment pour des questions de responsabilité juridique, délivré le 26 mars quinze autorisations formelles, mais nous n'avons jamais empêché les établissements concernés de commencer à fonctionner avant cette date.

Nous avons été les premiers à mener, avec l'appui de la mairie, des tests sérologiques au sein de l'EHPAD nancéen « Notre Maison », dont les résultats n'étaient pas apparus très inquiétants dans la mesure où très peu de résidents avaient déjà contracté le virus. Je suis d'accord avec vous, monsieur le député, sur le fait que ces tests présentent un réel intérêt : on s'est notamment rendu compte que l'on pouvait les combiner, dans des lieux confinés, avec des tests PCR pour mesurer le risque encouru par les résidents concernés. Il est vrai que nous avons, après avoir hésité, finalement bloqué l'utilisation de ces tests sérologiques à partir du 10 avril car nombre de professionnels, et pas des moindres, avaient émis des doutes quant à leur fiabilité.

Quels étaient nos interlocuteurs au niveau national ? Des gens qui animaient une espèce de centre de crise et à qui nous envoyions régulièrement, sans grand effet, des messages. Ainsi le professeur Salomon avait répondu à ma suggestion de réorganisation des circuits logistiques en me promettant une réunion qui n'a jamais eu lieu. Nous avions affaire tantôt à des équipes très techniques, tantôt au professeur Salomon, ou à Cécile Courrèges, organisatrice de l'offre de soins au niveau national, tantôt, dans un cadre interministériel, à Jean Castex. Nous échangions également par téléphone ou par courrier électronique avec une armada d'interlocuteurs qui n'étaient pas des décideurs : établir une relation de confiance entre le niveau central et les ARS n'avait dans ces conditions rien d'évident.

Ai-je le sentiment d'avoir joué le rôle de bouc émissaire ? J'ai été très franchement choqué qu'en pleine campagne électorale, alors que le maire de Nancy se livrait – c'est son droit le plus strict – à de la communication politique en prenant la défense les Nancéens, la décision de mettre fin à mes fonctions ait été prise en l'absence d'un véritable dialogue : je n'ai en effet jamais discuté sur le fond ni avec le ministre ni avec son directeur de cabinet. Le résultat des élections municipales à Nancy a montré qu'elle n'a pas changé le cours des choses : j'ai donc le sentiment amer qu'on a mis fin à mes fonctions pour faire plaisir à un élu – qui en définitive a été sèchement battu.

J'en viens aux délégations territoriales. Il faut que les ARS soient capables de dialoguer avec les élus, ce qui ne peut, notamment dans le Grand Est, s'organiser qu'au niveau régional : même le maire de Nancy, qui est également président du conseil de surveillance du Centre hospitalier régional universitaire, a parfois besoin de joindre plusieurs fois par jour l'interlocuteur compétent. Les préfets de département sont souvent joués ce rôle, parfois en raison du manque de visibilité de l'ARS du Grand Est, mais également parce que l'on ne traite pas seulement de questions sanitaires au cours de tels épisodes. Nous avons en revanche besoin de délégations territoriales fortes : nous en avons recréé deux en Alsace, dans le Haut-Rhin et dans le Bas-Rhin, et renforcé celle de l'ancienne région Champagne-Ardenne en leur redonnant des prérogatives sanitaires qu'elles avaient perdues, et en y introduisant des compétences de soignants pour faciliter précisément le dialogue avec les soignants, surtout lorsqu'il s'agit d'accompagner, de soutenir et de faciliter et non de faire du contrôle administratif : dans une telle position, le jugement des pairs est en finalement davantage apprécié.

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