Intervention de Christophe Lannelongue

Réunion du mercredi 22 juillet 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Christophe Lannelongue, ancien directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) Grand Est :

Effectivement, je ne me suis jamais intéressé à l'EPRUS. Je savais qu'il était implanté dans les régions dans lesquelles j'ai travaillé, notamment qu'il y avait, dans la région Grand Est, des lieux de stockage très importants, le principal étant situé dans le département de la Marne.

L'attentat de Strasbourg a été stupéfiant pour le niveau central : entre deux heures et sept heures du matin, on a monté et fait fonctionner une cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP) qui a accueilli 400 personnes et, dans le même temps, on a soigné des blessés à l'hôpital, qui parfois ont été opérés au cours de la nuit. Lorsque la ministre est venue sur place le lendemain, elle a vu qu'il y avait eu une mobilisation forte : les infirmières avaient décidé de ne pas rentrer chez elles et les médecins qui avaient monté la CUMP n'avaient pas dormi non plus. La mobilisation avait été totale. Lorsque j'ai dit qu'on n'était pas préparé à cette crise, c'est à cela que je faisais allusion : on n'était pas préparé à avoir ce type de réflexe, tout simplement parce que le risque pandémique était jugé beaucoup moins fort que le risque terroriste.

Vous avez raison de dire que cela traduit un effet de système et que la préparation de la gestion de crise doit être revue en profondeur. Ce n'était pas le cas au départ n matière de terrorisme. Lorsqu'est survenu le drame de Dijon, tout s'était bien passé. Mais quinze jours plus tard, quand on a décidé de faire un exercice qui consistait à simuler l'attaque d'une école maternelle en Saône-et-Loire, on n'est pas parvenu à joindre le CHU de Dijon. Ensuite, personne n'avait pensé que transporter 200 enfants entre Macon et le CHU de Dijon n'était pas aussi facile que cela. C'est cette culture-là, ces pratiques-là qu'il nous faut redévelopper sur le risque pandémique.

Oui, cette culture du risque doit être intensifiée, structurée et formalisée, notamment au niveau régional, territorial. Il manque des procédures, des cadres qui permettraient à chacun de se sentir à l'aise. L'engagement des élus notamment est très important. On a vu ce que doit être la réponse à la crise dans une démocratie. La chancelière Merkel l'a fort bien expliqué : « Le problème, c'est que l'Allemagne est une démocratie et que ce n'est donc pas moi, mais vous qui allez le résoudre. » C'est pourquoi l'intervention des élus est porteuse d'un engagement citoyen, solidaire, enraciné dans les territoires. C'est sur cela qu'il faut compter pour gérer ce type de crise.

Je suis d'accord pour dire que cela supposerait que les ARS aient une vraie capacité territoriale d'interaction. On avait créé, dans le Grand Est, des comités départementaux des soins de proximité pour associer les professionnels et les élus ; des contrats locaux de santé avaient été signés et les comités de pilotage étaient chargés de leur suivi. Il faut trouver une manière d'institutionnaliser la relation entre les ARS et les élus, pas simplement pour faire évoluer le système de santé, mais pour se préparer et gérer ensuite ensemble la crise.

Je vous communiquerai toutes les instructions qu'on a reçues pour les EHPAD au niveau national et ce qu'on en a fait. Beaucoup de choses ont été faites et on ne peut pas nous reprocher au niveau national l'impéritie ou l'inertie. Dès le 5 mars, le ministère diffuse une fiche sur les conduites à tenir en EHPAD, que nous transmettons le 6 mars aux EHPAD – il s'agissait des conduites à tenir sur l'organisation, les mesures d'hygiène, les personnes accompagnées, les visiteurs, les personnels, etc. Le 10 mars est activé au niveau national le plan bleu dans tous les EHPAD du pays, et le 17 mars est publié un communiqué du ministre sur la gestion des masques de protection dans les secteurs PA et PH. Le 20 mars, nous préparons un plan que nous rendons public le 25 mars. Mais 30 mars, le ministère publie son plan disant : « Le retour d'expérience de la région Grand Est a permis d'établir des éléments d'anticipation de la réponse sanitaire à mettre en œuvre en cas d'afflux de patients positifs au covid-19. » C'est la première fois que, dans une instruction nationale, on part de ce qui a été fait sur le terrain. Je vous transmettrai la check-list écrite par le conseil départemental du Bas-Rhin et les collaborateurs de l'ARS à Strasbourg, qui résumait toutes les questions qu'on devait se poser lorsqu'on était dans un EHPAD. Au total, 200 instructions sont venues du niveau national, dont des dizaines concernaient les EHPAD tout au long de la période.

Le plan que nous avions proposé, et qui a été repris au niveau national, prévoyait bien la création d'astreintes sanitaires, la mobilisation du dépistage, les conditions d'hospitalisation ou encore la gestion des décès. On ne peut pas dire que ces questions n'ont pas été traitées : elles l'ont été dans le cadre de la politique définie nationalement le 30 mars. Ce qui nous a manqué au mois de mars, s'agissant des masques et des tests, c'est une capacité opérationnelle. Comment ne pas voir que dans de nombreux territoires, les relations entre l'hôpital, les EHPAD et la médecine de ville étaient très peu organisées et balbutiantes ? Les filières gérontologiques n'étaient pas préparées à une telle crise. Il y a donc bien eu une réponse forte du niveau central, mais aussi une difficulté à obtenir les résultats souhaités.

Quant à Marie Fontanel, elle a quitté ses fonctions en début d'année, bien avant le début de la crise.

En conclusion, je ne peux qu'approuver ce que vous avez dit sur la nécessité de développer la culture du risque en matière épidémique, mais aussi de renforcer la capacité d'action des ARS sur le terrain, tout en encourageant leurs partenaires à se mobiliser pour les soutenir, en association avec les élus.

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