Dans un réquisitoire très sévère, vous accusez de dysfonctionnements majeurs l'administration centrale, qui n'aurait pas réagi comme il le fallait, laissant l'ARS livrée à elle-même alors qu'elle n'était pas préparée à une telle crise. Vous n'êtes d'ailleurs pas le seul à avoir fait ce constat.
Nous avons connu une vraie guerre des masques, y compris dans le Grand Est ; vos alertes sont restées sans réponse, au point qu'il a fallu ordonner des réquisitions. Le responsable de l'état des stocks est le ministre de la santé – c'est écrit dans la loi depuis 2007. La ministre qui était alors en place nous a confirmé qu'elle avait posé la question des stocks le 24 janvier 2020, autrement dit très tardivement. Depuis le 16 mai 2013, la doctrine imposait aux hôpitaux de constituer leurs propres stocks. Avant le début de la crise sanitaire, un état des stocks était‑il réalisé régulièrement, en prévention, dans la région Grand Est, et en avez-vous eu connaissance ?
La situation des EHPAD a été dramatique : 61 % d'entre eux ont été touchés, et ils représentent la moitié des personnes décédées du covid‑19. Dans la région Grand Est, parmi les personnes hospitalisées, combien avaient plus de soixante-dix ans ? On a souvent souligné des difficultés d'accès à l'hôpital pour les résidents d'EHPAD.
Des difficultés ont également surgi s'agissant des respirateurs, avec là aussi des alertes sans réponse. Ils sont finalement arrivés après le pic épidémique. Pendant la crise, combien de lits de réanimation n'étaient pas armés ou dotés de respirateurs non adaptés, plus utiles pour le transport que pour la prise en charge de patients covid-19 ?
Je fais partie du laboratoire qui a testé les résidents de l'EHPAD dont vous avez parlé en Meurthe-et-Moselle. Avec le recul, l'utilité de ces tests sérologiques apparaît clairement. Le ministère de la santé est responsable de la doctrine selon laquelle il ne fallait tester que les patients hospitalisés en réanimation et présentant des symptômes sévères : si nous n'avions pas de tests disponibles, c'est tout simplement parce que cette doctrine imposait de n'en faire que très peu, pas plus de deux ou trois par EHPAD. Le ministère de la santé est également responsable de la certification de ces tests ; or ceux que l'on utilise en Allemagne et en Italie depuis début février, et bien avant en Chine, ne sont toujours pas certifiés en France, sept mois après. Ils ont été validés par le centre national de référence (CNR) mais restent bloqués au niveau du DGS. Pourquoi ne pas utiliser des tests qui sont disponibles et ont fait la preuve de leur utilité et de leur efficacité, notamment à l'étranger ?