Intervention de François Blanchecotte

Réunion du mercredi 22 juillet 2020 à 18h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

François Blanchecotte, président du syndicat national des médecins biologistes (SDB) :

Utiliser les mêmes automates, les convertir, pouvoir faire d'autres tests dessus, c'est ce qu'il faudrait faire.

Parallèlement, il faut faire évoluer la nomenclature des actes. Il y a toujours un expert de la HAS pour s'opposer, par exemple, à la remise en question de la vitesse de sédimentation, devenue obsolète. Cette crise peut être l'occasion de la remettre à plat et d'évoluer vers la validation de la biologie moléculaire que nous réclamons depuis 1999. La biologie moléculaire apporte des réponses très performantes : aux urgences, on peut analyser du liquide céphalo‑rachidien en une heure et poser un diagnostic de méningite. Dans le privé, contrairement au public, nous devons pouvoir le facturer mais, pour cela, il faut que l'acte soit répertorié.

Les journalistes parisiens ont constaté les délais d'attente dans les laboratoires. Cela dépend de chaque groupe. Certains se sont organisés pour embaucher, d'autres ont ouvert des plages plus grandes. Il faudra bien s'interroger collectivement sur la façon d'absorber une quantité énorme de patients dans un temps très court. À la rentrée, si la vague continue à monter, il faudra envisager des dépistages de plus grande ampleur, et tous les acteurs, privés et publics, devront être présents.

Je m'interroge sur le fait de retenir le critère des cas symptomatiques. Des patients qui viennent dans notre laboratoire pour un bilan banal de prévention sont asymptomatiques positifs sans que nous le sachions. Certes, il faut prioriser les personnes symptomatiques et les cas R0 envoyés par les médecins, mais il faut faire attention à tout le monde, et c'est ce qui entraîne des queues dans la rue. Dans l'Indre-et-Loire, nous avons très peu de cas, pourtant, chaque matin, une vingtaine de personnes font la queue devant mon laboratoire. Posez-vous la question politique de l'organisation du dépistage massif. Ce n'est pas tout de prendre des décisions puis de nous laisser faire. Il faut des directives claires. Au début, nous n'avions le droit de dépister que certaines personnes ; les autres devaient payer faute d'ordonnance. Il y avait une distorsion. Aujourd'hui, nous avons le droit de dépister, sur un billet d'avion, les patients français qui vont dans les îles, mais de nombreux autres partent ailleurs. Dépister, oui ; organiser, oui. Critériser ? Cela doit être clairement défini.

Je comprends la question relative aux critères d'embauche des entreprises, mais comment faire quand le volume des prescriptions d'actes augmente de 3 % par an alors que nous n'avons que 0,15 % d'autorisation d'augmentation ? On nous a demandé d'embaucher des qualiticiens, des ingénieurs qualité, des gestionnaires de stocks, des coursiers. Pour la première fois depuis une dizaine d'années, nous avons embauché des infirmières. Le prix des réactifs et les charges augmentent, mais l'augmentation du chiffre d'affaires est limitée à 0,15 %. Nous ne pouvons embaucher de façon extensible sans risquer de mettre en péril l'entreprise. Je rappelle que, conformément aux accords de branche, nous avons augmenté les salaires au 1er juillet et que nous devons respecter nos engagements en matière d'intéressement et distribuer des primes covid. Nous avons complété les salaires à 16 % et recouru au chômage pendant très peu de temps, entre le 17 mars et fin avril.

Quant au manque d'anticipation, la guerre se prévoit ; il aurait fallu s'organiser dès les mois de janvier et février. Dans certains EHPAD où nous sommes intervenus, les ARS ne connaissaient même pas les noms des résidents, dans d'autres, des personnes ont été testées plusieurs semaines de suite. En arrivant dans un établissement, nous devons savoir qui contrôler.

Il faut vraiment communiquer, effectivement, pour éviter de revenir à une pédagogie du VIH. Des gens venaient au laboratoire pour se faire contrôler puis, après avoir eu un comportement à risque, revenaient trois semaines plus tard, et ainsi de suite.

Concernant les infirmières, nous avons signé avec le syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL), l'organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux (ONSIL) et la fédération nationale des infirmiers (FNI) un accord de revalorisation de l'AMI à 3,10 euros. J'ai plaidé auprès du directeur de la CNAM pour la création d'une clé spécifique afin que les infirmières puissent prélever dans les drives et les laboratoires, mais l'ordre des infirmiers s'y est opposé. Une infirmière ne peut pas être payée directement par un laboratoire. Chaque soir, elle doit remettre la liste des patients qu'elle a traités, faire le décompte sur son ordinateur et envoyer la facture de prélèvements à la sécurité sociale. Nous n'avons pu non plus résoudre le problème des remplaçantes.

Il y a quinze jours, Daniel Villers a déclenché un « plan blanc » des personnels libéraux. En cas de crise, une organisation libérale doit être capable de prendre le relais. Quand notre laboratoire a annoncé qu'il allait faire appel à des infirmières libérales, nous avons reçu quatre-vingt-quatre demandes de formation – nous couvrons, il est vrai, différents départements. Il est normal que les infirmières libérales soient intéressées. Comme leur activité était réduite, elles étaient contentes de trouver à travailler avec nous. Je suis d'accord avec vous, le système libéral doit être organisé et privilégié mais si on nous donne une ville de 250 000 habitants à dépister, les infirmières libérales et les biologistes ne pourront pas le faire seuls. Il faut une organisation coordonnée des soins.

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