Intervention de Aurélien Rousseau

Réunion du jeudi 23 juillet 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Aurélien Rousseau, directeur général de l'agence régionale de santé Île‑de‑France :

Pendant les semaines les plus critiques, nous avions tous les soirs, à 20 heures, une conférence téléphonique entre les directeurs généraux d'ARS, le cabinet du ministre, le directeur général de la santé, la direction générale de l'offre de soins (DGOS), la direction générale de la cohésion sociale, conférence au cours de laquelle nous avions d'abord un point global et ensuite des échanges dédiés. Pour ma part, j'étais plusieurs fois par jour en contact avec l'échelon national, sur plusieurs terrains, et d'abord pour fixer des orientations et prendre des décisions. Celles-ci se sont traduites dans les soixante et onze doctrines que nous avons élaborées pour répondre aux questions concrètes des établissements sur ce qu'ils devaient faire dans telle ou telle situation, et que nous faisions remonter à l'échelon national. L'Île‑de‑France a pu avoir un temps d'avance – façon de parler – car l'épidémie y était plus forte ; nous avons fixé ces doctrines, certaines ont été reprises par le national, d'autres non. Sur beaucoup de ces questions, nous avons nourri les échanges avec le national.

Mon expérience a été celle de la disponibilité et de la réactivité.

Le 27 mars, nous avions 1 600 patients en réanimation et nous en prenions – pardonnez‑moi ce terme trivial – 150 par jour ; nous savions que nous arriverions à saturation dans les jours suivants. J'ai donc demandé des évacuations sanitaires et elles ont été immédiatement mises en œuvre : la première demande a été formulée le 27 mars, et les premières évacuations ont eu lieu les 28 et 29, avec des volumes réduits, et de manière plus conséquente dès le début de la semaine suivante, avec notamment les premiers trains dits Chardon.

Le mardi 31 mars après-midi, nous étions à saturation. J'ai demandé une réunion, à laquelle a assisté le directeur de cabinet du Premier ministre, pour obtenir des moyens aéroportés afin de faire venir des soignants du reste du pays. Ils ont été dégagés immédiatement.

Le lien était fluide et rapide, mais peut-être bénéficiions-nous du fait que notre vague était, certes plus forte, mais aussi plus lente que celle qu'avait connue le Grand Est quelques jours avant nous. Sans doute cela avait‑il permis une amélioration de ce point de vue.

S'agissant des systèmes d'information, nous nous sommes aperçus qu'ils constituent véritablement des outils de gestion de crise et pas seulement d'efficience et de performance. Aussi avons-nous structuré à l'ARS une cellule entièrement dédiée à l'analyse des données, pour comprendre ce qui se passait et, en ce moment, savoir où se situent les résurgences épidémiques, en analysant pour ce faire beaucoup plus de données que ce à quoi nous étions habitués.

Nous avons lancé début mars une politique de phoning quotidien – tous les deux jours, dans le Val-d'Oise – à tous les EHPAD de la région pour connaître leur situation et leurs besoins. Ce phoning ne rendait pas des données extrêmement fiables, et j'ai donc décidé de mettre en place un système d'information (SI) dédié, quelques jours avant que le national ne le décide. Sans doute aurais‑je dû prendre cette décision dix ou quinze jours avant, cela aurait facilité la remontée des données par les administratifs des EHPAD.

Très vite, nous avons décidé d'armer tous les EHPAD de la région en tablettes 4G pour de la téléconsultation. Nous l'avons fait en direct, en indiquant aux EHPAD que ces frais étaient pris en charge par l'ARS.

Je pense donc qu'à l'issue de cette crise, on se dira que notre agilité en matière de SI est un point essentiel à cultiver. Sur beaucoup de chantiers, ce sont des start-up qui l'ont pris en charge, à titre gracieux, car nous n'aurions pas été capables de sortir ces outils tout seuls aussi rapidement.

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