Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19
L'audition commence à dix heures quarante.
Présidence de M. Julien Borowczyk, président de la mission d'information
La mission procède à l'audition de M. Aurélien Rousseau, directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) Île‑de‑France, de Mme Marie‑Ange Desailly‑Chanson, directrice de l'Agence régionale de santé (ARS) Grand Est, Mme Anne Carli, déléguée territoriale du Val‑d'Oise, et Mme Lamia Himer, déléguée territoriale de la Moselle.
Mesdames, monsieur, nous souhaitons approfondir avec vous la question du rôle des agences régionales de santé (ARS) dans la gestion de la crise sanitaire dans deux régions particulièrement touchées, afin d'en tirer des conclusions pour la période à venir. Je voudrais notamment que nous abordions en détail l'organisation et le rôle des délégations départementales des ARS.
Avant de vous écouter, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires imposant aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, je vous invite à lever la main droite et à dire : « je le jure ».
(Mme Marie-Ange Desailly-Chanson, Mme Lamia Himer, M. Aurélien Rousseau et Mme Anne Carli prêtent successivement serment.)
J'ai été nommée à la succession de Christophe Lannelongue, que vous avez auditionné hier, le 8 avril en conseil des ministres, et je suis arrivé sur le site de Nancy le 9 avril après-midi, juste après l'acmé de la crise – ce que l'on ne savait pas. À l'époque, on commençait à observer une stagnation des admissions en services de réanimation, sans savoir que le pic de saturation avait été dépassé.
Ma prise de fonctions a été particulière, en raison de l'ampleur de la crise et de la nature même du poste, n'ayant jamais exercé dans une ARS et connaissant plus particulièrement la gestion de crise. J'ai inscrit mon action dans la continuité de ce qu'avait accompli mon prédécesseur, en échangeant plusieurs fois par semaine avec l'ensemble de nos partenaires en audio et visio-conférence, mais je l'ai aussi adaptée à mon propre mode de management et à l'évolution de la crise, en lien étroit avec mes directions métier et avec les délégations territoriales.
Nous sommes toujours en crise, même si elle n'est plus aussi aiguë. L'agence continue à travailler sur des missions prioritaires liées à l'épidémie, en particulier les tests et le traçage, qui mobilisent plus d'une centaine d'agents sur un total d'un peu plus de 700. J'ai tenu à ce qu'ils puissent prendre leurs congés, car j'ai senti, dès mon arrivée, un épuisement manifeste. Cette crise a la particularité de s'inscrire dans la durée, et son caractère chronique la rend très difficile à gérer dans la longueur.
Mon action a consisté à maintenir la vigilance sur les capacités en réanimation, mais aussi à en organiser le désarmement tout en préparant un éventuel réarmement ; à structurer les filières de prise en charge covid-19 en relais de la réanimation, englobant la médecine, les soins de suite et de réadaptation (SSR), et la médecine de ville ; à prendre en charge toutes les personnes qui ne l'avaient pas été ou qui avaient d'elles-mêmes renoncé aux soins, en ville comme à l'hôpital, le tout dans un contexte, que vous connaissez, de pénurie des cinq médicaments nécessaires en réanimation.
Nous avons aussi préparé le déconfinement, à la fois par des reprises d'activité dans le cadre de schémas territoriaux et par l'accompagnement des établissements médico-sociaux (ESMS). En parallèle, notre action principale a consisté, et consiste toujours, à tester, tracer et dépister. Il a également fallu gérer les surcoûts liés au covid-19, les répartitions d'enveloppes et les remontées d'informations, tant pour les établissements publics et privés que pour les ESMS.
Très rapidement, j'ai souhaité me rendre dans les établissements de santé les plus touchés, dans le Haut-Rhin puis le Bas-Rhin – en suivant la vague épidémique –, dans le plus grand respect des règles de distanciation, tout en échangeant par visioconférence avec l'ensemble des partenaires. À la sortie du confinement, j'ai entrepris une tournée de l'ensemble des départements du Grand Est, que j'achèverai la semaine prochaine.
Nous avons, par ailleurs, commencé à engager des retours d'expérience (RETEX) en installant un comité de pilotage avec la préfecture de région, le conseil régional, les usagers et le président de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie. Les RETEX porteront à la fois sur le fonctionnement interne de l'ARS et sur celui des délégations territoriales (DT) ainsi que sur nos relations avec l'ensemble de nos partenaires.
Depuis mon arrivée, j'ai entretenu des relations constantes tant avec la préfecture – je tiens d'ailleurs à saluer l'action de la préfète de région, qui a facilité ma prise de fonctions dans cette gestion de crise – qu'avec l'assurance maladie et Santé publique France, mais aussi avec les professionnels de santé de ville, d'ESMS et d'établissements de santé. Je n'oublie pas les élus, que je n'ai pas encore tous contactés, mais les DT sont à la manœuvre pour ces relations de proximité, ni les militaires, qui ont été un très grand renfort dans notre région.
Je suis déléguée territoriale de la Moselle depuis le 1er octobre 2017 ; je travaillais auparavant au sein de la délégation territoriale de Meurthe-et-Moselle.
La DT de Moselle comprenait trente-sept agents au démarrage de la crise ; un bon tiers est encore mobilisé quotidiennement, y compris au cours du week-end, sur les missions qui restent dévolues à la gestion du covid-19.
Les premiers cas arrivent en Grand Est fin février et en Moselle le 4 mars, avec une première hospitalisation en réanimation au centre hospitalier régional (CHR) de Metz‑Thionville. Huit malades sont identifiés dès le 6 mars. Une semaine après, alors que quarante-neuf personnes sont atteintes du covid-19, le premier décès est enregistré. Le 29 mars, près de 1 600 cas sont confirmés ; la circulation du virus est devenue très active, et 809 personnes sont hospitalisées pour motif covid-19, dont 166 en réanimation. On compte alors en Moselle 163 décès hospitaliers et 40 en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le pic est atteint entre le 2 et le 4 avril, lorsque 1 030 personnes sont hospitalisées.
Avant l'arrivée des cas, nous avons organisé des réunions d'information pilotées par le préfet de Moselle. Elles se sont tenues chaque semaine avec les différents services de l'État, les grands élus, les parlementaires et les représentants des maires. D'autres réunions ont eu lieu avec le patronat, les représentants du personnel – en lien avec la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) – et l'ensemble du milieu social. Il s'agissait de transmettre régulièrement des informations actualisées sur le covid-19 ; les réunions avec les élus associaient systématiquement le CHR de Metz-Thionville et le docteur François Braun, chef du service d'aide médicale urgente du département (SAMU 57), que vous avez auditionné. Au moment du confinement, ces réunions ont pris la forme de conférences téléphoniques bihebdomadaires avec les grands élus, toujours pilotées par le préfet. La coordination avec les services de l'État s'est faite au travers du centre opérationnel départemental (COD), qui se réunissait quotidiennement. Le traçage des contacts des premières personnes malades en Moselle, entrepris dès le 6 mars, montre qu'elles sont toutes liées au rassemblement évangélique qui s'est tenu en février à Mulhouse.
Dès le week-end du 7 mars, la délégation territoriale organise une astreinte pour poursuivre le traçage des contacts et casser au plus vite les chaînes de contamination. Dès le 9 mars, le plan de continuité d'activité de la DT est enclenché. Il est mis en œuvre de manière progressive tout au long de la semaine, afin de répondre aux besoins qui se font rapidement sentir et de renforcer encore le traçage des contacts. L'appui au secteur médico-social s'organise la semaine suivante sous la forme d'une équipe mixte – conseil départemental de la Moselle et ARS – dédiée totalement à la prise en charge des problématiques liées aux EHPAD. Des réunions sont ensuite très vite organisées avec ces établissements, et plus généralement avec l'ensemble du secteur médico-social ; elles se tiennent une fois par semaine jusqu'à la mi-juin. Le lien avec le secteur sanitaire et les libéraux est également renforcé, de même que la coordination interservices, toujours sous l'égide du préfet ; nos relations avec ses services sont alors devenues pluriquotidiennes.
D'autres thématiques ont nécessité que nous nous adaptions pour rechercher des réponses adéquates. Je tiens à saluer l'engagement, la bonne coopération et la capacité d'adaptation de tous les professionnels de santé sur le territoire, ainsi que l'implication de l'ensemble des équipes ARS, au siège ou en délégation ; c'est leur coordination qui nous a permis de faire face à cette crise.
Permettez-moi de rendre d'abord hommage aux équipes de l'ARS Île-de-France, 1 100 femmes et hommes, pour moitié au siège et pour l'autre moitié dans les délégations départementales, dont 400 ont été présents physiquement tout au long de la crise. Je pense en particulier aux quatre-vingt-dix agents touchés par le covid-19, puisque nous avons été contaminés au sein même de la cellule de crise, à ceux qui ont connu des formes sévères, et surtout à Pierre Housieaux, agent du secrétariat général qui avait répondu à l'appel à mobilisation interne, décédé dans la nuit du 28 au 29 mars. Je pense aussi à la centaine de personnes venues en renfort des administrations de l'État, d'agences de l'État, du conseil régional, de la ville de Paris, des armées, de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ou d'entreprises privées, afin de suppléer les agents tombés malades.
Cette crise dure depuis plus de six mois. À la mi-janvier, nous sommes alertés sur l'existence d'un nouveau coronavirus. Le 20 janvier, j'indique au comité exécutif de l'agence, qui regroupe les directeurs et les directeurs de délégations départementales, que nous allons devoir nous préparer à une alerte sanitaire. Le 22 janvier, je présente devant le comité de l'administration régionale, donc devant les huit préfets départementaux, un point exposant toutes les inconnues du moment sur la contagiosité, les modalités de transmission et la létalité de ce nouveau virus que l'on n'appelle pas encore le covid-19 – six mois plus tard, elles ne sont d'ailleurs pas encore toutes levées.
Nous accueillons les deux premiers patients à l'hôpital Bichat le 24 janvier ; dès ces premiers jours, nous travaillons avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui abrite les trois établissements de santé de référence de la région, à la production d'une stratégie globale de montée en charge de l'hospitalisation. Le dimanche 26 au matin, nous mettons en place l'accueil médicalisé dans les aéroports, et je décide de mobiliser l'intégralité des médecins de l'agence, regroupés dans cette mission de suivi du coronavirus.
Les six mois qui ont suivi ont été marqués par l'incertitude, l'inconnu, la peur et un flot de situations inédites, mais je crois que nous avons su faire preuve de beaucoup de réactivité. Votre mission d'information a pour objet de déterminer si toutes les éventualités avaient été prévues et planifiées, si toutes les situations avaient été anticipées ; nous avons surtout été occupés à nous adapter, à faire face à l'imprévu en sortant des sentiers battus et en prenant des risques, ce qui nous a d'ailleurs parfois conduits à des échecs stratégiques.
Six mois après, la crise est toujours là ; elle l'est même un peu plus qu'il y a quelques jours. Des équipes de l'agence travaillent actuellement sur la trentaine de clusters actifs en Île‑de‑France, poursuivent notre stratégie de dépistage renforcé, notamment aux aéroports, s'assurent que les établissements sanitaires et médico-sociaux sont prêts à affronter une résurgence de l'épidémie, et travaillent avec tous nos partenaires au retour d'expérience, afin de mieux faire face à une éventuelle nouvelle vague. Les équipes s'y préparent et, à très court terme, nous nous préoccupons tout particulièrement des clusters critiques, ceux qui pourraient constituer le point de départ de cette deuxième vague. Depuis quelques jours, tous les indicateurs sont repartis à la hausse, et le rebond a été encore un peu plus marqué hier que les jours précédents.
Parmi nos missions, la première est de participer à la gestion de crise. Ce n'est pas une nouveauté pour les ARS, qui sont d'ailleurs nées en partie du constat d'échec des modalités antérieures d'organisation de la puissance publique face aux crises sanitaires. Les dix dernières années ont été ponctuées de crises majeures, particulièrement en Île-de-France : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), les attentats de janvier et de novembre 2015, ainsi que les manifestations des gilets jaunes qui, chaque semaine pendant plusieurs mois, ont eu une dimension sanitaire importante, ou encore l'incendie, l'année dernière, de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui nous a également conduits à anticiper d'éventuelles conséquences sanitaires. Ces différents événements ne sont guère comparables, mais ils nous ont tous amenés à éprouver notre coopération avec des acteurs majeurs de la crise actuelle : préfecture de police, préfecture de région et collectivités territoriales. Sans aller jusqu'à dire que l'amplitude de la vague et la complexité des questions soulevées par l'épidémie avaient été anticipées, un dispositif de coopération et de confiance était déjà en place, et l'architecture de gestion de crise était prête.
Dans les premières semaines, nous avons tracé, identifié, isolé les cas, et nous sommes battus pied à pied pour ralentir la progression du virus et gagner le temps nécessaire – en particulier le temps que la grippe s'éloigne – à la préparation des établissements de santé. Nous avons assuré la montée en puissance du système de santé, en nous appuyant, en Île-de-France, sur deux principes cardinaux posés dès le départ : partir des plateaux de soins critiques existants pour les étendre, plutôt que de créer ex nihilo des capacités de réanimation ; embarquer immédiatement l'hospitalisation privée dans la réponse à la crise. Il s'agissait en particulier de protéger les plus fragiles en projetant du soin pour les personnes âgées dépendantes et les personnes isolées, et en allant vers les plus précaires. Avec le préfet de région, nous avons conduit une action déterminée pour protéger ces publics et inventer de nouveaux dispositifs. Nous continuons à tester, tracer, isoler, et nous essayons de capitaliser sur ce que nous avons analysé de la crise, notamment pour aller vers les publics les plus éloignés du soin.
Quelques principes ont guidé notre action.
L'ARS a différencié ses interventions. Sur certains sujets, comme la montée en charge des capacités en réanimation, elle a fait du pilotage, direct et très serré, pour permettre jour après jour d'atteindre les objectifs fixés ; sur d'autres, elle a fait de la régulation, de la coordination, du soutien. Nous n'avons pas toujours fait la même chose ; nous nous sommes en permanence adaptés à la situation, notamment grâce aux délégations départementales.
Nous avons ensuite capitalisé sur l'ampleur de notre force de frappe – sanitaire, médico-social, prévention et promotion de la santé, lien avec la ville ; il fallait piloter une montée en puissance sur tous les champs. Le samedi 25 janvier, nous demandons aux SSR privés d'accueillir des malades qui étaient normalement pris en charge à Bichat, afin de libérer des lits de réanimation. Nous nous sommes efforcés de mettre en œuvre, à chaque étape, un système transparent, en échangeant avec tous les acteurs – publics, privés, AP-HP, hors-AP-HP – au cours de conférences téléphoniques quotidiennes pour partager l'information, répartir les tâches et fixer les cibles.
Le lien entre le sanitaire et le médico-social, auquel je sais votre commission très sensible, a permis d'organiser des filières gériatriques, des plateformes téléphoniques, de la télémédecine, ainsi que le renfort de nombreux professionnels libéraux qui se sont engagés dans les EHPAD. Cela a sans doute permis d'éviter des drames, mais il faut bien admettre que la situation n'a jamais été totalement maîtrisée. Il faut, en l'espèce, souligner le rôle essentiel joué par les professionnels de ville au sein des 264 centres covid-19 qui ont été armés en Île‑de‑France.
Nous avons essayé de tirer les leçons des expériences observées ailleurs. Nous avons bénéficié des quinze jours de décalage que nous avions avec le Grand Est, d'autant que nous recevions parfois des retours très précis sur ce qui s'y passait. L'expérience italienne nous a également servi, en particulier pour savoir quelles catégories de malades arrivaient suivant les vagues – par exemple, si les personnes âgées arrivaient en premier. Nous avons pu procéder ainsi tout au long de la crise. Nous avons aussi capitalisé sur nos propres expériences, notamment sur ce qui constitue pour moi la principale claque de cette épidémie, à savoir la surmortalité des publics précaires. Nous l'avons constatée dès la fin du mois de mars et, pendant toute la période de déconfinement, de suivi et de traçage, nous avons déployé des dispositifs d'« Aller vers » pour la compenser.
Nous ne nous sommes jamais considérés comme les acteurs exclusifs de la gestion de crise. La proximité avec les préfets a été très forte ; à partir du 5 mars, j'ai fait chaque jour un point avec le préfet de police et le préfet de région. Nous avons aussi entretenu un lien étroit avec les collectivités territoriales, en organisant, à partir du 26 février, une conférence hebdomadaire avec l'Association des maires d'Île-de-France. Des numéros de téléphone dédiés ont été ouverts dans chaque délégation départementale pour recevoir les appels des élus ; dans le Val-d'Oise, plus de 1 500 appels ont été reçus.
Nous avons été capables de sortir de notre périmètre pour franchir parfois les limites de nos compétences. Dans la semaine du 16 mars, alors que de nombreux soignants tombaient malades, la mise en place de la plateforme Renforts‑Covid nous a permis de projeter de la ressource en faisant appel aux bonnes volontés existantes. Nous ne pouvions le faire nous‑mêmes ; une start‑up s'en est chargée en quelques jours et 29 000 personnes sont venues en renfort, dont 16 000 affectées dans les établissements de santé ou les EHPAD. De la même manière, le 26 mars, nous avons lancé MaPUI, une plateforme de pharmacie à usage intérieur, pour connaître en temps réel le stock des établissements de santé publics et privés de la région et affecter les ressources. C'est elle qui a, par exemple, permis que l'hôpital de Pontoise soit alimenté en curares pendant plusieurs jours par une clinique privée qui avait du stock – sans cela, nous ne l'aurions pas su. Elle a ensuite été reprise au niveau national.
L'agence a dû s'adapter en permanence à travers des cellules thématiques, y compris sur des sujets sur lesquels elle n'avait ab initio aucune compétence. Quand nous avons constitué un stock tampon de masques pour renforcer les dotations nationales, l'ARS a distribué un peu plus de dix millions de masques. Nous avons monté une véritable cellule logistique à partir de rien, avec le soutien des armées et de La Poste qui ont envoyé des renforts et nous ont apporté leur savoir-faire dans ce domaine.
Je l'ai dit, nous avons différencié nos interventions. Le siège a fixé des objectifs de résultats, non de moyens, notamment s'agissant du soutien aux EHPAD. Chaque délégation départementale s'est organisée à sa manière, en fonction de la situation spécifique à laquelle elle était confrontée.
Enfin, nous nous sommes efforcés de communiquer les informations. Cela ne relevait pas de l'évidence. Comme d'autres autorités politiques, nous avons dû apprendre à dire que nous savions certaines choses, mais que d'autres nous échappaient. C'est une caractéristique de cette crise.
Je voudrais, pour finir, exprimer quelques convictions.
Le spectre large dont nous disposions, du sanitaire au médico-social, a été précieux ; il nous a permis d'organiser le soutien aux EHPAD.
Ne pas s'enfermer dans des jeux de rôle et des postures apparaît comme une impérieuse nécessité ; tout au long de la crise, et davantage au bout de quelques semaines, nous avons essayé de construire des coalitions avec des acteurs qui n'avaient pas forcément la compétence juridique pour agir, mais dont l'implication dans la gestion de la crise était indispensable.
Nous devons apprendre à différencier encore davantage nos interventions. Certains sujets nécessitaient un pilotage régional très fort, comme la montée en puissance des capacités en réanimation ; sans cela, nous aurions fait face à des inégalités très fortes. Sur d'autres terrains, il fallait, en revanche, jouer à fond la carte de la différenciation, bien que cela ne soit pas toujours évident pour nos équipes, ni pour certains acteurs très attachés au principe d'égalité.
Ma quatrième conviction, c'est que les inégalités en matière de santé ressortent comme la question majeure de cette crise ; nous devons nous y atteler et nous bagarrer pour les réduire.
Enfin, cette crise nous a conduits à manier, avec une intensité inédite, l'incertitude. Elle nous a appris à dire de la façon la plus transparente ce que nous savions et ce que nous ne savions pas. À charge pour nous de nous adapter en temps réel ; c'est ce que, chaque jour, à chaque heure, nous avons essayé de faire.
Évidemment, nous nous disons aujourd'hui que l'on aurait pu agir différemment, en fonction de ce que nous savons, en fonction de ce qui a fonctionné et de ce qui n'a pas marché. On voudrait parfois refaire une partie du chemin, en se disant que certains embranchements n'étaient pas, finalement, les plus pertinents. Ce que je crois, cependant, c'est que nous sommes collectivement mieux préparés aux éventualités d'une seconde vague et plus immergés dans une culture de la gestion de crise, qui n'était plus au sommet de nos préoccupations collectives.
Quelques mots pour vous dire le rôle de la délégation départementale du Val-d'Oise dans cette gestion de crise.
La première action qui nous a fait entrer dans l'opérationnalité de cette gestion de crise a été l'ouverture, à partir du mois de février, d'une ligne téléphonique dédiée aux élus du territoire et aux institutionnels, pour répondre à leurs questions dans cette phase de montée en charge. Cette ligne téléphonique a reçu, dans les trois ou quatre premières semaines, plus de 1 500 appels, auxquels nous nous efforcions de répondre sept jours sur sept. Cela a été notre première véritable action territoriale, sachant que l'ensemble des équipes de la délégation participait déjà à la montée en charge progressive du dispositif organisé au niveau du siège, via le traçage systématique de chaque cas aux stades 1 et 2 de l'épidémie.
Plus fondamentalement, la délégation départementale a été la charnière opérationnelle des consignes et orientations fixées par le siège de l'ARS. Ces consignes étaient fixées de manière extrêmement claire lors d'audioconférences pluriquotidiennes, et elles étaient thématiques, portant sur les laboratoires, les libéraux, l'hôpital et le médico-social. Tout au long de la journée, nous adaptions nos postures et les remontées de situation. Ces consignes étaient, en outre, écrites dans des doctrines adressées quotidiennement aux délégations départementales pour nous dire concrètement quelle était la stratégie, vers où l'on devait aller et ce qu'on devait mettre en œuvre au niveau du département. Notre premier rôle a ainsi été d'imaginer, à l'échelle du département, la mise en œuvre de ce plan élaboré de concert. Nous pouvions, bien sûr, nous appuyer sur l'expertise technique du siège, notamment l'expertise médicale, qui a été précieuse, ainsi que les expertises métier.
Cette mise en œuvre opérationnelle a porté sur l'ensemble des champs. Ainsi avons-nous installé dans le Val-d'Oise, en lien avec les libéraux du territoire, quatorze centres covid-19, dont beaucoup ont été constitués autour des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui étaient en cours de construction. Nous avons pu nous appuyer sur un certain nombre de professionnels ou de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) que nous connaissions pour construire une solution qui soit cohérente et qui ne soit pas seulement éphémère. Car l'idée était aussi de pouvoir capitaliser sur quelque chose qui resterait après cette gestion de crise ou permettrait de gérer les différentes vagues. Nos quatorze centres covid‑19 ont toujours une identité aujourd'hui : nous communiquons toujours avec leurs quatorze responsables, en général de manière hebdomadaire ou à chaque fois qu'ils en ressentent le besoin.
L'adaptabilité dont nous avons dû faire preuve pour appliquer les doctrines régionales au niveau du territoire s'est portée sur l'ensemble des champs de la gestion de crise. Déjà en appui des EHPAD pour le suivi des cas, l'appui et l'envoi d'infirmières hygiénistes, nous avons exercé notre adaptabilité en allant chercher, dès le tout début du mois de mars, et partout où ils se trouvaient, des renforts à leur envoyer pour les aider au plus fort de la gestion de crise, puisque nous avons eu 16 % d'absentéisme, ce qui représente dans le Val-d'Oise à peu près 600 personnels manquants sur la période. Cela a signifié aller chercher des libéraux, faire appel à SOS Médecins un dimanche soir à 21 heures en leur demandant de poster quatre personnes dans l'heure ; demander aux médecins des centres covid-19, à partir du moment où l'activité y avait un petit peu diminué, d'aller se poster en EHPAD, ce que la plupart d'entre eux ont fait ; solliciter les infirmiers libéraux que l'on connaissait, les kinés ainsi que les services de la préfecture : dix-huit personnes de la préfecture du Val-d'Oise sont allées se poster en EHPAD, en renfort administratif, au moment où l'on avait un important besoin de remontées d'enquête mais aussi de lien avec les familles.
Tout cela s'est construit sur le terrain en bonne intelligence et avec des partenaires que nous connaissions et que nous avons pu mobiliser, et qui ont pu à leur tour mobiliser autour d'eux.
Nous avons également joué notre rôle vis-à-vis des structures qui accueillent des personnes en situation de handicap. Cela a été une tâche importante que la mise en place des plans de confinement et de déconfinement, et la recherche de solutions de répit. Dans une logique de réponses adaptées pour tous, il s'agissait de laisser le moins de personnes possible dans la difficulté et donc de rechercher des solutions de répit ou de suivi à domicile, selon les personnes. Nous nous sommes attachés à conduire cette action au quotidien avec les équipes du conseil départemental de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
L'autre grand sujet, mis en œuvre avec les équipes de la préfecture du Val-d'Oise et le préfet délégué pour l'égalité des chances, a été de conduire une action particulière à l'égard des personnes en situation de précarité sociale. Pour les personnes en campement, elle a porté sur l'eau, l'accès aux soins, l'organisation de tests covid, la distribution de bons alimentaires assurée par le préfet. Nous avions des audioconférences hebdomadaires avec le préfet délégué pour l'égalité des chances. Pour les personnes en hébergement d'urgence, nombreuses dans le Val-d'Oise – premier département en termes de densité dans le logement d'urgence –, nous avons réalisé 1 500 tests en structures d'hébergement social et envoyé plusieurs associations de médiation sociale pour les personnes à l'hôtel. L'association Ensemble pour le développement humain, notamment, a participé à la production de messages de prévention contre le covid en huit langues différentes, particulièrement destinés aux mineurs non accompagnés à l'hôtel, projet auquel nous avons participé avec le conseil départemental.
S'agissant de l'hôpital, au début de la crise, le rôle de la délégation départementale était d'aller vers les cliniques et les hôpitaux, mais le sujet est très vite devenu régional par les solutions qui étaient recherchées.
Ce rôle de charnière opérationnelle ne s'est installé qu'avec une concertation importante, organisée autour du préfet et très rapidement. Dès la fin du mois de février, nous avions avec lui un point quotidien, auquel il associait de manière hebdomadaire les parlementaires, puis, deux fois par semaine, la présidente du conseil départemental et le président de l'Union des maires du Val-d'Oise. Ces échanges ont été fondamentaux. Outre la réunion formelle à laquelle ils donnaient lieu chaque jour, ils pouvaient se produire des dizaines de fois dans la journée, de manière informelle, par des boucles courtes. Le préfet en tirait, deux fois par semaine, une note à l'attention des élus du territoire, pour échanger de manière transparente sur l'évolution de la situation et faire le point sur l'ensemble des champs, qui ne couvraient pas que la santé. Ces réunions, que nous continuons d'avoir, ont été un facteur clé pour mettre autour de la même table l'ensemble des directeurs des services de l'État, quel que soit leur champ, et nous ont permis de trouver des solutions opérationnelles.
Vous avez eu de très nombreux échanges avec divers partenaires, à tous les échelons. Quelles ont été vos relations avec l'échelon national, et en particulier la direction générale de la santé (DGS), le ministère ? Nous avons traversé une situation inédite, qui a nécessité de la réactivité, de l'agilité, peut-être de l'adaptabilité en fonction des particularités épidémiologiques locales des régions les plus touchées. Avez‑vous pu échanger avec l'échelon national ? Vous a‑t‑il entendus ? Avez-vous pu adapter vos politiques locales en fonction des priorités épidémiologiques ?
Avez-vous le sentiment que cette crise, aussi tragique soit-elle, nous permettra d'aller plus vite à l'avenir, sur les problématiques de territoire et en particulier le développement de CPTS ? Certaines professions sont parfois prudentes vis-à-vis des ARS.
S'agissant du numérique en santé, vous avez développé des applications et d'autres moyens informatiques ; un bond a été fait. Faut-il encore aller plus loin ? Il y avait jusqu'alors une carence de communication sur les stocks, ainsi qu'une carence de remontée d'information, et le système d'information de dépistage (SIDEP) a manifestement été bienvenu dans cette affaire.
Pendant les semaines les plus critiques, nous avions tous les soirs, à 20 heures, une conférence téléphonique entre les directeurs généraux d'ARS, le cabinet du ministre, le directeur général de la santé, la direction générale de l'offre de soins (DGOS), la direction générale de la cohésion sociale, conférence au cours de laquelle nous avions d'abord un point global et ensuite des échanges dédiés. Pour ma part, j'étais plusieurs fois par jour en contact avec l'échelon national, sur plusieurs terrains, et d'abord pour fixer des orientations et prendre des décisions. Celles-ci se sont traduites dans les soixante et onze doctrines que nous avons élaborées pour répondre aux questions concrètes des établissements sur ce qu'ils devaient faire dans telle ou telle situation, et que nous faisions remonter à l'échelon national. L'Île‑de‑France a pu avoir un temps d'avance – façon de parler – car l'épidémie y était plus forte ; nous avons fixé ces doctrines, certaines ont été reprises par le national, d'autres non. Sur beaucoup de ces questions, nous avons nourri les échanges avec le national.
Mon expérience a été celle de la disponibilité et de la réactivité.
Le 27 mars, nous avions 1 600 patients en réanimation et nous en prenions – pardonnez‑moi ce terme trivial – 150 par jour ; nous savions que nous arriverions à saturation dans les jours suivants. J'ai donc demandé des évacuations sanitaires et elles ont été immédiatement mises en œuvre : la première demande a été formulée le 27 mars, et les premières évacuations ont eu lieu les 28 et 29, avec des volumes réduits, et de manière plus conséquente dès le début de la semaine suivante, avec notamment les premiers trains dits Chardon.
Le mardi 31 mars après-midi, nous étions à saturation. J'ai demandé une réunion, à laquelle a assisté le directeur de cabinet du Premier ministre, pour obtenir des moyens aéroportés afin de faire venir des soignants du reste du pays. Ils ont été dégagés immédiatement.
Le lien était fluide et rapide, mais peut-être bénéficiions-nous du fait que notre vague était, certes plus forte, mais aussi plus lente que celle qu'avait connue le Grand Est quelques jours avant nous. Sans doute cela avait‑il permis une amélioration de ce point de vue.
S'agissant des systèmes d'information, nous nous sommes aperçus qu'ils constituent véritablement des outils de gestion de crise et pas seulement d'efficience et de performance. Aussi avons-nous structuré à l'ARS une cellule entièrement dédiée à l'analyse des données, pour comprendre ce qui se passait et, en ce moment, savoir où se situent les résurgences épidémiques, en analysant pour ce faire beaucoup plus de données que ce à quoi nous étions habitués.
Nous avons lancé début mars une politique de phoning quotidien – tous les deux jours, dans le Val-d'Oise – à tous les EHPAD de la région pour connaître leur situation et leurs besoins. Ce phoning ne rendait pas des données extrêmement fiables, et j'ai donc décidé de mettre en place un système d'information (SI) dédié, quelques jours avant que le national ne le décide. Sans doute aurais‑je dû prendre cette décision dix ou quinze jours avant, cela aurait facilité la remontée des données par les administratifs des EHPAD.
Très vite, nous avons décidé d'armer tous les EHPAD de la région en tablettes 4G pour de la téléconsultation. Nous l'avons fait en direct, en indiquant aux EHPAD que ces frais étaient pris en charge par l'ARS.
Je pense donc qu'à l'issue de cette crise, on se dira que notre agilité en matière de SI est un point essentiel à cultiver. Sur beaucoup de chantiers, ce sont des start-up qui l'ont pris en charge, à titre gracieux, car nous n'aurions pas été capables de sortir ces outils tout seuls aussi rapidement.
Je n'ai eu, dans le Grand Est, à partir du 9 avril, aucun souci de relations avec le national. C'est moi-même qui les alertais sur certains points, comme encore le week-end dernier à propos de deux clusters dans les Vosges qui pouvaient être difficile à gérer, et du frémissement de nos indicateurs. J'ai eu le directeur de cabinet, le DGS et même le ministre ; c'est donc très fluide.
Comme nous étions un peu en avance, nous avons reçu des demandes d'avis sur un certain nombre de thématiques : j'ai eu des échanges avec le cabinet à l'autonomie, sur l'appui au confinement, sur la biologie – mon métier d'origine –, sur le désarmement-réarmement… On nous envoyait des avant-projets. En ce qui concerne les tests, nous avons reçu un appui très fort de la task force ministérielle, car nous avions un petit souci, étant mieux armés sur l'est que sur l'ouest de la région. Les relations étaient donc très fluides. Quand c'était important, c'est moi qui me mettais en avant et, si mes équipes n'obtenaient pas de réponse, je montais au créneau.
S'agissant du numérique, en temps de crise on a besoin de données en temps réel et non ex post. C'est un vrai manque. Nous avons dû faire tous les jours, pendant longtemps, des enquêtes téléphoniques sur les lits de réanimation, nous appelions les laboratoires pour connaître le nombre de tests… Il faut certes saluer le logiciel SIDEP monté en un temps record et qui nous a simplifié les choses, mais nous devons remonter toutes les semaines les tests, les problèmes, des données pour les établissements et services médico-sociaux, et cela prend énormément de temps. Si nous avions des outils numériques, cela nous faciliterait la tâche, en gestion, au niveau à la fois régional et national.
Les CPTS, chez nous, connaissent une forte montée en puissance. Elles sont très présentes dans la politique de dépistage « Aller vers ». Nous avons une douzaine de projets en train de mûrir d'ici à la fin de l'année.
À l'échelon local, des échanges ont été organisés rapidement avec tous les acteurs : réunions avec les établissements de santé, les libéraux tous professionnels confondus, groupes de travail sur des thématiques spécifiques comme l'accès aux soins d'urgence en matière de kinésithérapie, les relais HAD en EHPAD, les actions à destination des EHPAD…
J'ai oublié d'évoquer dans mon propos liminaire notre forte collaboration avec la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), qui a été un partenaire très efficace pour nous aider dans la recherche de solutions de facilitation, notamment en matière financière, pour accompagner le déploiement des offres nécessaires dans l'accès aux soins, les infirmières en EHPAD, le dépistage et les dispositifs « Aller vers », la télémédecine, avec des chiffres conséquents de téléconsultations pendant la période et notamment pendant le confinement.
À souligner aussi la dynamique sur les CPTS. Nous en avons deux en Moselle : une déjà constituée et une quasiment finalisée. Ces outils ont été très structurants et ont permis des propositions d'adaptation et de coordination à l'échelle des territoires. Elles ont montré qu'elles avaient tout leur sens et qu'il faut poursuivre leur développement.
Une maille essentielle a été le groupement hospitalier de territoire (GHT), qui a, lui aussi, pris tout son sens avec une coordination qu'en Moselle nous avons souhaitée inter‑établissements. Pilotée par le chef de service de réanimation du CHR Metz‑Thionville, elle a permis d'organiser la dynamique de réanimation entre les partenaires disposant de lits. Le retour des établissements, qu'ils soient publics ou privés, est très positif sur cette coordination.
Je pense que nous irons plus vite après, car nous avons gagné la connaissance des acteurs de terrain, des individus qui composent les communautés de chaque territoire. Ce n'était pas la même chose au début et à la fin de la crise.
Nos quatorze centres covid-19 se sont formés, pour la plupart, autour de MSP et ont rallié des centres de santé municipaux dans lesquels les libéraux sont venus se poster et exercer. Toutefois, dans certaines villes du territoire, six de ces quatorze centres sont l'initiative de professionnels qui se sont regroupés et qui ont aujourd'hui des boucles de communication coordonnées et élaborent des plannings de suivi. Et quand il a fallu monter des opérations de dépistage grand public dans le Val-d'Oise, ce sont ces libéraux de ces futures CPTS ou de ces centres covid-19 qui en ont pris en charge les trois quarts sur la vingtaine que nous avons lancée.
J'ai vu émerger assez naturellement une forme de responsabilité territoriale autour de ces centres covid-19. Je pense en particulier à celui de Deuil-la-Barre : quand il fallait faire un dépistage en abattoir, ils y allaient ; quand il fallait se poster en EHPAD parce qu'un médecin coordonnateur n'était pas là, ils y allaient… La notion de mission s'est implantée et j'appelle de mes vœux que l'on puisse garder cela. Je n'en ai pas de doute quand je vois le dynamisme des acteurs et leur bonne volonté dans le Val-d'Oise.
Dans le dialogue avec le national, il a pu évidemment arriver que, de part et d'autre, on trouve que, en face, cela n'allait pas assez vite ; c'est une évidence. C'est là qu'il faut prendre ses responsabilités, son autonomie. C'est pourquoi nous avons lancé des tests systématiques en EHPAD début avril, pour savoir ce qui se passait, ou encore des opérations de dépistage dans les quartiers prioritaires. Cette crise nous apprend que c'est à nous, directeurs généraux d'ARS, de prendre nos responsabilités en fonction de notre connaissance, forcément plus fine, du territoire. Cette responsabilité comporte des risques : par exemple, sur l'application Renforts-Covid, plusieurs recours ont été formés par des sociétés d'intérim qui considèrent que nous avons remplacé leur action. Ce sont des risques très mesurés : je connais ceux qu'ont pris les soignants par rapport à celui dont je parle. Il faut sans doute pousser plus loin cette culture de l'autonomie. Autonomie ne veut pas dire indépendance mais, dans l'urgence, on doit être capable de prendre des décisions qui ne sont pas forcément validées, parce que l'on considère que c'est le chemin le plus sûr au moment d'agir.
Votre prédécesseur, madame Desailly-Chanson, a tenu un discours radicalement différent du vôtre. Certes, le pic de la crise vous sépare, mais il a parlé hier, avec des mots assez forts, d'une administration centrale aveugle et sourde. Vous nous dites l'inverse, et ce n'est pas forcément une surprise, car l'on tient souvent des propos différents selon qu'on est en fonction ou qu'on l'a été. Je vous rappelle tout de même que vous êtes ici sous serment et qu'il faut décrire la réalité. Je suis très étonné par ces approches totalement différentes. M. Rousseau vient d'ailleurs de nuancer cette appréciation, qui relève d'une certaine forme d'idyllisme. Que pensez-vous de cette caractérisation d'aveugle et sourd par votre prédécesseur ?
Monsieur le rapporteur, je n'ai certainement pas oublié que j'étais sous serment. Je ne porterai pas une appréciation sur une période durant laquelle je n'étais pas présente. Les déplacements que j'ai effectués dans la région m'ont montré que, dans le Haut-Rhin, nous avions eu affaire à un tsunami. L'Île-de-France a eu quinze jours d'avance pour se préparer. Je ne peux qu'imaginer que l'échelon national n'a effectivement pas mesuré ce qui se passait très localement. La réanimation, c'est de l'urgence absolue.
Quand je suis nommée, nous sommes dans une phase de plateau ; je ne sais pas très bien si le pic de la crise est passé, mais les processus et les transferts sont enclenchés. Je ne suis pas dans la même urgence à tracer, tester, isoler. Mon urgence, c'est d'installer des dispositifs « Aller vers » pour tester les quartiers où il y a des clusters ; ce n'est pas celle de la réanimation. Donc, je vous dis que pendant mes fonctions et encore actuellement, j'ai des relations fluides avec l'échelon national. Mais ce n'est pas la même époque.
Quelle est la part des patients âgés de plus de 75 ans qui ont été admis en réanimation au pic de la crise, et disposez-vous de ces chiffres pour la période avant la crise et éventuellement les années précédentes ? Quel est l'âge médian des patients qui entrent en réanimation ?
Ce chiffre-là fait partie des éléments que je me fais communiquer, à partir de la mi-mars, dans le document de synthèse produit deux fois par jour par mes équipes, parce que nous savons qu'en Italie l'âge moyen en réanimation est tombé à 45 ans.
Sur la même période, en 2018 et 2019, l'âge moyen est autour de 62 ans, et l'âge médian est entre 60 et 61 ans en réanimation. Durant la crise, dans toute l'Île-de-France, ce chiffre est resté totalement à ce niveau-là.
En êtes-vous certain ? Ce n'est pas le chiffre que m'a transmis la direction générale de la santé, qui évoquait un âge médian de 66 ans avant la crise, tombé à 60 ans au pic de la crise.
Je peux vous fournir les chiffres en Île-de-France ; ils proviennent de la direction générale de l'offre de soins. Ces chiffres sont fondés sur les remontées quotidiennes.
Non. Je pense qu'ils sont biaisés, notamment par deux points.
Absolument ! Croyez bien que je me la pose tous les jours depuis le cœur de la crise.
Je pourrai vous donner, y compris par écrit, les éléments qui nous font penser qu'il n'y a pas de contradiction entre ces chiffres. Notre analyse repose sur les remontées dans le SI‑VIC, le logiciel que remplissent les établissements en temps réel. Nous y avons fait ajouter l'indicateur de l'âge, avec une extraction quotidienne de cet âge.
Je crois qu'il y a plusieurs biais dans les analyses telles que je les ai comprises – j'ai vu les mêmes graphiques que vous de la direction générale de l'offre de soins –, notamment au regard de la complétude des données de l'AP-HP, qui a été grandement affectée par la grève du codage ces derniers mois. Il nous manque donc des données pour calculer ces moyennes. Si la commission le souhaite, je lui transmettrai par écrit tous ces éléments d'analyse, y compris le suivi jour par jour que nous avons fait.
Au pic de la crise, les 7 et 8 avril, 14 000 patients covid étaient hospitalisés dans les établissements de la région – je ne parle pas de la seule réanimation. La moyenne d'âge de ces patients était de 69 ans ; 28 % d'entre eux avaient plus de 80 ans et 8 % plus de 90 ans. Selon notre analyse, le taux d'hospitalisation à partir des EHPAD est resté stable, à 12 %. C'est le même chiffre que les années précédentes, mais il n'est pas significatif pour autant. Le volume de personnes âgées dépendantes qui n'étaient pas éligibles à la réanimation, suivant les critères fixés par les sociétés savantes de réanimateurs, a été beaucoup plus important que les années précédentes, parce qu'il y a eu beaucoup plus de cas – c'est une question de moyenne et de proportion. Le nombre de familles ou de soignants qui ont constaté qu'on n'hospitalisait pas systématiquement, et notamment en réanimation, a été plus important. Les régulateurs du SAMU ont dit beaucoup plus fréquemment à des soignants des EHPAD, en s'appuyant sur les mêmes critères qu'auparavant, qu'on ne réanimerait pas une personne. La violence de la crise est donc indéniable pour les soignants mais aussi pour les médecins car, à la fin, c'est une décision médicale qui est prise.
J'ai considéré de ma responsabilité de redonner aux réanimateurs les règles, parce que ce n'est pas la même chose de se poser la question de la réanimation une fois ou vingt fois dans une journée. Nous avons élaboré la doctrine covid-19 010 « décision d'admission des patients en unité de réanimation », qui collait totalement aux doctrines de la Société française d'anesthésie et de réanimation et de la Société française de réanimation de langue française, et qui a été confirmée par le Conseil scientifique le 30 mars et le Haut Conseil de la santé publique le 23 mars. Dans cette doctrine, nous rappelions également les dispositions de la loi Claeys‑Leonetti.
Par ailleurs, j'avais sollicité mes équipes pour réfléchir aux critères à utiliser si la vague était plus forte. Une doctrine dégradée a effectivement été travaillée, indiquant sur quelles bases on hospitaliserait si on était débordé. Je le dis aujourd'hui, en n'oubliant pas que je suis sous serment, monsieur le rapporteur, ces deuxièmes critères n'ont pas été utilisés. Néanmoins, il était de ma responsabilité de demander à des réanimateurs et à des gériatres de travailler sur ces hypothèses-là, pour que le tri – mot certes effrayant, mais quotidien – soit fait selon des critères stabilisés et partagés par tous les acteurs.
Je peux peut-être rechercher des éléments plus précis pendant que mes collègues répondront à vos questions. En tout état de cause, je fournirai par écrit à la commission les éléments sur ces comparaisons de moyennes.
Ce que vous dites est très important, parce que cela introduit le questionnement sur une forme de régulation des publics âgés.
Connaissez-vous le nombre de patients âgés de plus de 75 ans en réanimation en Île‑de‑France, avant la crise et pour les années 2018‑2019, et celui au pic de la crise ?
Je n'ai pas ces chiffres en tête. Mais je pourrai vous les communiquer.
Madame Desailly-Chanson, peut-être avez-vous ces chiffres pour votre région ?
On nous a beaucoup parlé des défaillances logistiques en ce qui concerne la livraison des masques, de la cacophonie sur les pharmacies et du recours à Geodis. Vous avez évoqué le renfort des militaires et je sais que, dans la région Grand Est, le maire de Troyes, François Baroin, s'est totalement appuyé sur l'armée en matière de logistique. Y avez-vous eu recours de façon globale ? Pourquoi n'a-t-on pas fait davantage appel à l'armée ?
En cas de nouvelle vague, ne faudrait-il pas s'appuyer sur la logistique de nos services des armées pour assurer la distribution des EPI, des médicaments, voire, comme le prévoit le plan pandémie de 2011, des distributions à domicile, y compris alimentaires, au cas où nous serions dans le stade ultime d'une pandémie ?
Je ne dispose pas des éléments sur les hospitalisations des plus de 75 ans, mais je vais les demander.
J'ai des données sur le nombre total d'hospitalisations, mais sans distinction des cas de réanimation. Sur l'ensemble des hospitalisations, au 22 juillet, 45 % concernaient des personnes de 75 ans et plus, 34 % des personnes de 60 à 74 ans, et 21 % des personnes de 20 à 59 ans.
La distribution des masques issus du stock stratégique à destination des soignants a commencé mi-mars. Le choix est fait – et les ARS n'ont pas participé à la définition de cette doctrine – de passer par un prestataire qui part du stock national et livre aux GHT, charge à ceux-ci de répartir les masques aux personnels des établissements de santé et médico‑sociaux de leur périmètre. Sur ce chantier-là, l'intervention des ARS n'a été que subsidiaire. Pour ma part, j'ai créé une cellule pour vérifier qu'il n'y avait pas d'erreur dans l'allocation de chaque GHT. Je craignais surtout qu'un petit EHPAD un peu isolé ne soit pas servi parce que l'approvisionnement serait capté. Nous avons donc suivi ce que faisait Geodis à partir des bons de commande qui lui étaient donnés par le niveau national, c'est‑à‑dire la DGOS, la DGS et Santé publique France.
À partir du début du mois de mars, des acteurs privés qui avaient constitué des « stocks tactiques » nous ont indiqué être prêts à les mettre à la disposition de l'agence pour les redistribuer. J'ai alors organisé, à partir du 10 mars, une cellule pour réceptionner ces dons, des pharmaciens inspecteurs vérifiant que les masques, s'ils étaient périmés, étaient en bon état. Nous avons complété les dotations nationales et nous avons été en mesure de doubler les dotations aux EHPAD. Ce sont ainsi 10 millions de masques qui sont arrivés, qu'il a fallu s'organiser pour répartir. C'est là que nous avons fait appel notamment à l'armée, qui a des logisticiens. Cette organisation a fonctionné et elle nous a permis de stocker et de déstocker immédiatement. Mais aujourd'hui encore, si vous venez devant l'ARS, vous verrez tous les jours des responsables d'EHPAD ou de services d'aide à domicile venir chercher les masques qui sont mis à leur disposition.
En Île-de-France, plusieurs dizaines de militaires sont venus nous aider, mais je ne sais pas si ce système serait soutenable à l'échelle nationale. En tout cas, il a été réactif et efficace.
Je suis arrivée bien après les grandes problématiques relatives aux masques. Nous avons encore eu quelques problèmes de quantités non conformes à celles qui avaient été demandées et de lots défectueux, mais nous avons géré cela.
Je sais que la Moselle a fait appel aux militaires pour aller chercher les dons.
À la première livraison, ce sont les établissements qui sont venus chercher leur dotation. Puis nous avons eu le renfort du service départemental d'incendie et de secours, accompagné d'une équipe de logisticiens du CHR de Metz-Thionville et de toute la flotte de camions du conseil départemental, ce qui a permis de soulager les établissements, au moins sur cette partie-là. C'est la logistique qui perdure aujourd'hui.
Quant à l'armée, nous y avons recouru pour aller chercher les dons de tous équipements que nous avons sollicités de la part des entreprises et partenaires. Les militaires nous ont notamment aidés à récupérer 27 000 litres de solution hydro-alcoolique pour les établissements implantés hors du département.
Il y a bien eu deux mi-temps dans le Grand Est : avant et après le 9 avril.
Madame Desailly-Chanson, confirmez-vous les propos de votre prédécesseur en ce qui concerne les masques ? On a tout eu : carence, pénurie, guerre des masques avec des réquisitions sur le tarmac des aéroports. Au niveau national, Mme Buzyn nous a indiqué s'être posée la question des stocks le 24 janvier, c'est-à-dire fort tardivement. Il y en avait 117 millions au niveau national, ce qui était notoirement insuffisant.
Avez-vous retrouvé des documents indiquant si l'ARS Grand Est avait connaissance de l'état des stocks avant la crise ? A-t-elle surveillé l'application de la doctrine du 16 mai 2013, prise sous l'autorité du Premier ministre de l'époque, qui confiait la responsabilité des stocks de masques aux hôpitaux et aux établissements médico-sociaux ?
Le premier facteur de risque du covid-19, c'est l'âge ; la moitié des morts, ce sont nos résidents en EHPAD. Nombre d'acteurs que nous avons auditionnés nous ont avoué qu'on avait avancé à l'aveugle, M. Lannelongue indiquant que, jusqu'au 20 mars, il n'avait eu aucune remontée d'informations sur ces établissements qui manquaient de masques, de tests, d'équipements de protection, de médicaments, d'oxygène, et dont les résidents avaient peu de soutien médical et très peu accès à l'hospitalisation. Il est indispensable que nous disposions de statistiques sur la région Grand Est, que nous sachions combien de patients ont été hospitalisés, combien ont été en réanimation et combien ont été ventilés parmi les plus de 75 ans.
S'agissant des tests, là aussi, il y a eu deux mi-temps. On a vu le retard pris pour associer les laboratoires privés, le retard dans la doctrine puisque l'on n'a testé que les patients qui étaient en réanimation et qui présentaient des symptômes sévères mais pas les asymptomatiques ni les paucisymptomatiques, et le retard dans les dépistages de masse. Dans le département des Vosges, les premiers dépistages de masse ont eu lieu le 21 juillet, c'est-à-dire sept mois après le début de la pandémie, quatre mois après le début du confinement.
Enfin, que pouvez-vous nous dire de la force opérationnelle au niveau de l'administration centrale sur les tests ?
Madame Himer, comme vous avez travaillé avec M. Lannelongue, vous êtes peut-être mieux à même que la nouvelle directrice de l'ARS Grand Est de porter une appréciation sur la période. Partagez-vous celle qu'il nous a livrée hier selon laquelle l'aide de l'administration centrale à été trop tardive, trop faible et que les administrations régionales se sont heurtées à un mur d'incompréhension ou de silence ?
En Île-de-France, il a fallu gérer la crise pandémique mais aussi toutes les urgences médicales et assurer une forme de continuité dans l'accès aux soins. La situation dans un certain nombre de départements, et en particulier la Seine-Saint-Denis, a montré que le confinement n'était pas vécu par tout le monde de la même manière, que l'accès aux soins et l'exposition aux risques n'était pas la même suivant son lieu de résidence. Quelle est votre appréciation de ces inégalités dans l'accès aux soins ? Ont-elles été prises en compte ? Quelles sont les conséquences de certains renoncements aux soins ? On a beaucoup parlé de gens qui ne se sont pas rendus à l'hôpital alors qu'ils étaient dans une situation d'urgence, et qui sont morts à domicile.
La Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune de France, mais paradoxalement aussi celui qui a subi la surmortalité la plus forte. Une étude très intéressante de l'Observatoire régional de la santé ne s'est attachée qu'aux raisons extérieures aux politiques sanitaires, c'est-à-dire à la condition sociale des habitants, au nombre de gens qui travaillaient, aux transports en commun, aux comorbidités liées à la misère, etc. Cette étude ne relève pas que la Seine-Saint-Denis compte trois fois moins de lits de réanimation par habitant que les départements voisins des Hauts-de-Seine ou du Val-de-Marne, que près de 30 % de la population n'a pas de médecin traitant, que c'est un désert médical en milieu urbanisé, et j'en passe. Comment résorber cette rupture d'égalité républicaine en matière de santé publique ? Surtout, comment éclairer la surmortalité due au covid-19 dans ce département autrement que par les aspects objectifs de la situation sociale des habitants, mais bien par la faiblesse des structures de santé ? Quelles sont les intentions de rattrapage ?
L'ARS d'Île-de-France a lancé une campagne de tests massifs, mais on est dans l'incompréhension totale des critères qui ont fait retenir les trente-deux communes d'Île‑de‑France concernées. Je vois clairement dans cette liste le dosage politique, mais je n'y vois pas la logique sanitaire.
Comment ont été organisés les transferts de patients entre régions ? Quel a été le rôle des ARS à ce moment-là ?
Comment s'est articulé le travail entre les différentes ARS pendant la crise ? Quelle a été et quelle devrait être, selon vous, l'articulation au quotidien du travail entre les ARS, les préfectures et l'échelon départemental ?
Quelles améliorations pourraient être apportées ?
La Moselle et le Luxembourg sont deux territoires parfaitement comparables et, chaque jour, 75 000 personnes vont travailler au Luxembourg. Mais alors que la Moselle recense environ 700 morts, le Luxembourg en compte 110. S'agissant de l'Allemagne, les chiffres d'aujourd'hui font état de 4,63 décès pour 100 cas de covid‑19 contre 14,94 pour la France. Comment peut-on expliquer ces différences très nettes ? N'est-ce pas en raison de la stratégie, que nous continuons d'appliquer, consistant à tester, tracer, dépister et à ne toujours pas traiter en phase précoce, ce que font le Luxembourg et l'Allemagne ? N'y aurait-il pas une perte de chance pour nos patients français ?
Un dépistage massif se déroule actuellement à Mulhouse ; 100 000 tests sont prévus, mais selon quels critères ? Au 18 juillet, Santé publique France faisait état de trois cas positifs dans le département du Haut-Rhin et de six cas dans le Bas-Rhin pour 1,89 million d'habitants ayant fait l'objet d'un dépistage massif. Merci de préciser les critères.
Vous avez évoqué les professionnels libéraux et tout le travail qui a été fait avec les CPTS. La connaissance, oui, la confiance, j'en doute parce que les libéraux continuent à estimer qu'ils ont été totalement écartés de la stratégie.
Madame Desailly-Chanson, nous avions eu, devant la représentation nationale, un échange téléphonique assez long, un certain dimanche matin après que vous avez pris vos fonctions. Vous m'avez dit, en effet, que vous aviez des liens très fluides avec le niveau national, mais aussi que vous ne pouviez pas prendre vous-même certaines décisions ou initiatives, que ce n'était pas forcément votre champ de compétence. Au fond, vous étiez là pour exécuter les recommandations du niveau national – c'est mon interprétation. Qu'en pensez-vous ?
Je ne connais que par ouï-dire ce qui s'est passé avant mon arrivée s'agissant des masques. J'ai été amenée à commander, le 20 avril, 5 millions de masques chirurgicaux. La doctrine au sein de l'ARS en la matière, qui est toujours en vigueur, était de se situer au-delà des dotations prévues par les instructions nationales.
S'agissant des EHPAD, il nous faudra dégager du temps pour analyser les données concernant les parcours de soins des résidents âgés de moins et de plus de 75 ans, entre consultation de ville, admission aux urgences et en réanimation puis décès.
Concernant les tests, la doctrine a évolué en même temps que nos connaissances sur le virus, qui sont loin d'être complètes, notamment au regard de l'immunité à long terme. Au départ, n'étaient testées que les personnes symptomatiques et leurs contacts. Dans le courant du mois de mai, à l'occasion de l'installation d'une tente à la sortie d'une station de métro sur une initiative de la région Île-de-France, on découvre des cas positifs asymptomatiques qui vont se révéler plus nombreux que les symptomatiques. C'est alors qu'a été décidé le dépistage « Aller vers ».
Un peu sceptique au départ, j'ai néanmoins demandé par mail aux quatre directeurs généraux de CHU ainsi qu'à la directrice du CHR de mettre en place ce dispositif, en lien avec les délégations territoriales et les autres partenaires. J'ai choisi de passer par les établissements de santé, car je ne souhaitais pas surcharger les professionnels de ville accaparés par les nombreux retards de prise en charge.
Nancy a ainsi mené avec grand succès la première campagne, au moyen de bus stationnés sur des zones de passage – place du marché, centre commercial, gare. Des cas asymptomatiques ont effectivement été observés, peu mais suffisamment pour permettre de chasser le virus et d'en arrêter la transmission. Cette initiative a ensuite été étendue à l'ensemble des départements, en mobilisant les établissements de santé, les médecins et biologistes libéraux, les CPTS, qui ont été d'une grande aide en la matière, les équipes de soins primaires (ESP) et les infirmières de liaison (IDL). Tout le monde s'y est mis et avec un très grand succès : auprès de la population, qui était prête à attendre une heure pour se faire dépister, et en termes de traque du virus, même à seulement 1 ou 2 %.
Le département des Vosges a été parmi les dix premiers en nombre de tests par habitant. La stratégie a d'abord consisté, lors de la découverte d'un cas positif, à tester très largement son entourage, ce qui explique que l'on ait atteint des taux de 600 tests pour 100 000 habitants. L'apparition de clusters a conduit à s'orienter plus largement vers une politique d'« Aller vers ».
Je ne reviens pas sur les transferts, qui ont lieu avant mon arrivée. En revanche, j'ai eu à gérer leur retour. Bien qu'il revenait aux établissements de départ de déterminer le mode de transport, j'ai demandé, compte tenu de l'éloignement, qu'ils se fassent systématiquement par avion et non plus par route. Sur les 330 transferts opérés, la moitié étaient transfrontaliers. Il reste encore trois patients hospitalisés en Allemagne.
L'articulation entre l'ARS et la préfecture fonctionne de manière quotidienne, et même pluriquotidienne à mon niveau. J'évite d'être trop présente là où il y a des délégués territoriaux, notamment dans le département de Meurthe-et-Moselle, mais mes coordonnées ont été très largement communiquées à l'ensemble des acteurs, préfets, élus, professionnels, ce qui contribue à une forme de fluidité.
Nous sommes encore dans l'action, notamment avec les préfets dans la démarche tracer‑tester‑isoler. Nous n'en sommes pas encore à réfléchir aux améliorations possibles.
Je ne dispose pas des éléments permettant d'apprécier les raisons du décalage entre la France et ses pays frontaliers. Cette question relève plutôt d'études scientifiques, épidémiologiques et cliniques et, comme je l'avais indiqué à Mme Wonner, cela nécessite un cadrage qui n'est pas de mon ressort, notamment s'agissant du traitement en phase précoce.
À Mulhouse, un cluster nous a posé problème, avec des personnes qui ne répondaient pas bien à nos sollicitations au dépistage, et une ramification dans un autre département. Nous avons pratiqué le « Aller vers », le département du Haut-Rhin étant, d'ailleurs, l'un de ceux qui ont testé et testent encore le plus, à raison de 700 pour 100 000 habitants. Les bons de dépistage distribués par la CNAM dans les jours qui viennent et jusqu'au 15 août constitueront un autre moyen d'aller vers la population. À l'issue de cette expérimentation, nous procéderons à une évaluation pour décider de son extension à d'autres territoires, sachant qu'une prescription ne sera peut-être alors plus nécessaire pour recourir à un test PCR.
Les professionnels libéraux ont été très étroitement associés à nos initiatives, à l'exception des médecins, aux débuts du dépistage, car je ne souhaitais vraiment pas leur mettre une charge. Sinon, les biologistes et les infirmières ont été extrêmement sollicités.
Effectivement, il nous faut parfois aller au-delà des directives nationales – c'est là toute la difficulté de l'exercice, que je découvre également. Si un cadre est nécessaire, il faut ensuite l'adapter au territoire, à la population et aux acteurs concernés.
Nous n'avions pas connaissance des stocks de masques détenus par les établissements au début de la crise, ce qui nous a conduits à les interroger à ce sujet au début du mois de mars afin de régler ensuite leur distribution.
La stratégie en matière de dépistage diffère effectivement d'un territoire à l'autre. Dans le département de Moselle, très touché, elle a été élaborée à partir des besoins des établissements de santé. Il n'était pas question de leur imposer quoi que ce soit, plus particulièrement au cours de la première phase, mais bien de travailler avec eux et de leur proposer les tests au moment le plus pertinent. La phase de l'« Aller vers » a été lancée au début du mois de juillet, à la suite d'une stratégie de dépistage développée au sein des structures sociales, EHPAD, structures du handicap et autres.
Les campagnes d'« Aller vers » se construisent avec les élus. Il n'est pas question d'arriver sur un territoire sans avoir au préalable échangé avec les maires, en leur communiquant les éléments sanitaires ou sociaux, tels que la surreprésentation de la précarité et le renoncement aux soins.
Je ne dispose pas de données comparatives avec le Luxembourg ou l'Allemagne permettant de savoir si le moindre nombre de décès qu'en France s'explique par la politique qui y a été conduite.
S'agissant de la période où M. Lannelongue était directeur, je n'ai pas eu d'échanges directs avec le niveau national, mais nous avons été en contact étroit avec lui-même et les équipes du siège au cours de la première phase de l'épidémie, qui a été compliquée en raison de son importance et du manque de visibilité sur nos moyens d'action. L'atout, tout petit, de la Moselle était d'avoir trois ou quatre jours d'avance sur le département du Haut-Rhin, qui ont permis aux professionnels de s'adapter, mais, jusqu'au pic, la gestion de l'épidémie a été très fine et très complexe.
Avec le préfet de Moselle, j'ai établi une relation fondée sur des échanges très constructifs ainsi que sur la recherche d'une complémentarité entre le volet sanitaire et les autres, dont il était responsable. Il a notamment facilité la communication auprès de certains élus et s'est montré attentif à la mobilisation des ressources nécessaires afin de mener certaines actions.
L'ARS a choisi d'intégrer la doctrine du 16 mai 2013, aujourd'hui présentée comme la summa divisio entre stocks tactiques et stocks stratégiques, dans la partie relative à la gestion de crise du projet régional de santé, arrêté en juillet 2018. Lors de sa présentation aux conseils départementaux et au conseil régional, il a été rappelé qu'il appartient à tous les établissements de constituer les stocks tactiques. À l'occasion de plusieurs exercices de situations de risque biologique, il a été vérifié qu'une partie de ces stocks, notamment les masques FFP2, étaient à disposition, mais pas si des commandes avaient été passées pour les constituer. Cependant, à partir du 24 janvier, date d'apparition des premiers cas, nous avons mis en place au sein de tous les établissements des circuits spécifiques du port du masque obligatoire.
Je considère que cette différence entre stock tactique et stock stratégique a contribué au fait que les établissements disposaient bien de stocks, sur lesquels ils ont tenu au moins jusqu'à la mi-mars, moment où le stock stratégique national a été déployé, même s'ils connaissaient déjà des tensions mais plutôt sur d'autres équipements de protection individuelle (EPI) comme les surblouses.
Au début de la crise, l'ARS Île-de-France était en phase de révision du plan ORSAN REB (Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles – risques épidémiques et biologiques). J'avais soumis celui-ci à tous les établissements et à tous les préfets concernés, à la fin de l'hiver. Même s'il n'a pas été approuvé formellement, il reprenait également la nécessité pour chaque établissement de se constituer un stock. Par ailleurs, depuis plusieurs semaines, je m'assure que tous le reconstituent afin de faire face à une éventuelle deuxième vague.
J'ai appréhendé la question des tests comme un sujet de santé publique pur et dur à mettre en œuvre selon la doctrine consistant à tester les trois premiers sujets puis à considérer toutes les personnes symptomatiques comme covid+ et à les traiter comme tels. Cette doctrine a été appliquée strictement pour procéder aux mesures d'isolement dans les EHPAD. À partir du 7 ou du 10 avril, lorsque nous avons reconstitué nos capacités de tests, j'ai décidé d'en projeter la majeure partie dans les EHPAD : 99 % des établissements ont ainsi pu être testés, ce qui représente 40 000 personnes et 60 000 résidents – moins ceux qui ont refusé.
De toute évidence, cette crise a agi comme une chambre d'écho sur les inégalités, notamment pendant le confinement – en Seine Saint-Denis, d'ailleurs, comme dans d'autres territoires populaires de la région, il a été parfaitement respecté, ce qui est très compliqué dans des petits logements à plusieurs. Si la doctrine initiale, qui m'avait paru rationnelle, de passer par le 15 en cas d'apparition de symptômes du coronavirus a permis de transmettre un message de santé publique extrêmement fort, elle a également conduit au renoncement aux soins. En Seine Saint-Denis, mais aussi dans des endroits qui n'étaient pas des déserts médicaux, les gens n'allaient plus consulter dans les cabinets. Au début, nous étions tétanisés à l'idée que des patients symptomatiques se rendent dans leur cabinet médical et y contaminent des personnes à la santé par définition fragile. Avec le recul, en cas de deuxième vague, je me dis que nous adapterions cette doctrine de sorte à faire passer des messages plus équilibrés.
Vous avez raison, monsieur Peu, cette doctrine a eu un effet décuplé en Seine-Saint-Denis. L'étude de l'ORS que vous avez citée a d'ailleurs été commandée le 22 mars par l'ARS parce que j'étais tétanisé à l'idée que le moindre nombre de lits de réanimation disponibles dans le département, à l'instar du Val-d'Oise, puisse avoir une incidence sur la mortalité. Cette étude et une autre menée par l'AP - HP ont montré que, en fait, la mortalité se jouait avant l'hospitalisation : les personnes décédées n'étaient pas parvenues jusqu'en réanimation. Une fois à l'hôpital, le système a fonctionné. Le système de régulation régional que nous avons très vite mis en place a permis que de nombreux Séquanodyonisiens soient accueillis dans les hôpitaux du nord-est de Paris, même s'il est indéniable que la situation a été très tendue, notamment à l'hôpital Avicenne de Bobigny.
Ce que ces études ont montré, c'est, d'une part, que l'effet de renoncement aux soins a été plus fort parmi ces populations, et, d'autre part, qu'elles étaient plus exposées, principalement pour trois raisons : elles comprennent un nombre important de travailleurs essentiels, ces premiers de corvée qui ne peuvent pas exercer en télétravail ; les pathologies de la pauvreté, comme l'obésité et le diabète, aggravent les effets de la covid-19 ; la problématique de l'accès aux soins. Dans la perspective d'une nouvelle phase épidémique, nos politiques de santé publique devront prendre en considération les travailleurs pauvres, comme les chauffeurs Uber ou les personnels de ménage, qui ne peuvent pas s'arrêter de travailler pour se rendre chez leur médecin.
J'ai eu pour obsession que le phénomène ne se reproduise pas lors des étapes du déconfinement et de l'accès aux tests. Nous avons donc donné la priorité à la Seine‑Saint‑Denis où nous avons lancé des opérations de tests massifs, avec vingt-trois barnums de prélèvements et 12 000 tests effectués par semaine. En outre, huit des trente-deux communes identifiées pour expérimenter les bons de l'assurance maladie appartiennent à la Seine‑Saint‑Denis. Il ne fallait accepter aucun angle mort dans la reprise épidémique.
Par ailleurs, ce département compte 55 des 264 centres covid-19 d'Île‑de‑France. Il faut voir dans cette forte proportion l'effet de notre action auprès des acteurs, et notamment des centres municipaux de santé que nous avons poussés à se mobiliser. Sur ce sujet, nous avons projeté plus de forces qu'ailleurs parce que nous avions sous-estimé le renoncement aux soins.
La question de l'armature hospitalière me paraît d'une nature différente. En Seine‑Saint‑Denis, le nombre de lits de réanimation est proportionnellement plus faible qu'ailleurs. En novembre 2019, le Premier ministre Édouard Philippe a lancé le plan « l'État plus fort en Seine‑Saint‑Denis », qui prévoit entre autres la reconstruction de l'hôpital de Montfermeil et le renforcement des investissements dans les hôpitaux existants. Nous ne parviendrons jamais à atteindre une égalité parfaite de ce point de vue entre les différents départements de la région, mais des engagements ont été pris sur des éléments de rattrapage. Il me paraît que ce territoire est de ceux dont il a été dit dans le cadre du Ségur de la santé que certaines trajectoires retenues au cours de la période précédente devront être révisées.
La politique d'« Aller vers » que nous avons conduite dans les quartiers populaires d'Île-de-France, avec plus de 30 000 tests réalisés sous barnum, a inspiré une grande partie des mesures de prévention retenues également lors du Ségur de la santé. La crise nous apprend que nous avons été mauvais sur ce sujet, comme nous avons été mauvais en matière de santé communautaire, sur laquelle bloque notre pays mais sur laquelle il nous faut progresser. L'ARS mettra tous ses moyens pour aider au rebond qui s'impose.
Enfin, s'agissant de la liste des trente-deux communes, je ne prétends pas qu'elle procède d'une analyse digne du Lancet ou du prix Nobel de médecine, mais je m'inscris en faux contre votre lecture d'un souci de dosage politique plus que de santé publique. Cette liste a été établie par le croisement de trois critères. Le premier est de nature épidémiologique : les communes sélectionnées combinent une surmortalité constatée jusqu'au pic épidémique et un taux de positivité et d'incidence supérieurs à la moyenne régionale. Le deuxième critère, l'accès au dépistage, a conduit à retenir les communes moins testées. Le troisième tient à la situation économique et sociale, exprimée par l'indice de développement humain IDH‑2.
Nous avons lancé les tests dont j'ai parlé à quelques jours du second tour des élections municipales. Quelques élus parmi ceux qui n'avaient pas été réélus au premier tour les ont absolument refusés, pour que leur commune ne soit pas stigmatisée. Dans ces cas, j'ai accepté de ne pas y procéder.
Le critère communal est plus discutable ; nous aurions pu avoir une approche plus large, par territoire. Mais il fallait engager le processus : ce sont tout de même 1,4 million de bons qui ont été envoyés par l'assurance maladie dans trente-deux communes d'Île-de-France, dont huit de la Seine-Saint-Denis, ce qui représente plusieurs centaines de milliers de personnes.
S'agissant des transferts de patients hors d'Île-de-France, nous y avons recouru au moment où nous avons atteint les limites de nos capacités. Je reviens sur ce point relevé dans le rapport de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Le 27 mars, nous savions que nos capacités de réanimation, soit 1 200 lits, allaient être fracassées. Nous savions pouvoir armer jusqu'à 2 700 lits, à raison de 18 % dans le privé – taux le plus élevé du pays –, 9 % dans le privé non lucratif, 40 % à l'AP-HP, 33 % dans les autres hôpitaux publics. Restait l'inconnue du moment où le confinement provoquerait un tassement des admissions en réanimation. Durant la semaine qui a suivi le 27 mars, des grands patrons de médecine ont milité en faveur de tels transferts. Pour ma part, la crainte que l'épidémie ne touche les autres régions me faisait hésiter. Je voulais m'assurer que nous étions allés au maximum de ce que nous pouvions faire pour ne pas être à l'origine d'une saturation nationale. J'avais tort. Comme en Italie, l'épidémie a pris la forme de taches de léopard, touchant l'Île-de-France mais pas la Normandie ou la région Centre‑Val‑de‑Loire.
J'ai déclenché ces transferts, décidés par des réanimateurs selon deux critères : la capacité des patients à supporter le transport et celle des hôpitaux à les accueillir.
Dans un premier temps, les réanimateurs n'avaient discuté qu'entre eux. Le 25, des transferts qui n'avaient pas été validés par l'ARS ont ainsi été organisés vers la Normandie. J'ai très fermement désapprouvé un tel fonctionnement, tant je craignais les conséquences sur l'ensemble du pays. Dans un second temps, les demandes de transferts ont été formulées au niveau national, auprès du centre de crise du ministère de la santé qui les validait et indiquait à l'ARS de départ la destination des malades, à charge pour elle de contacter son homologue d'arrivée pour procéder aux répartitions dans la région concernée. C'est donc ainsi que nous avons procédé.
Plus précisément, 265 transferts ont été organisés et 39 patients sont décédés, soit 15 % d'entre eux, chiffre assez faible puisque seuls ceux qui pouvaient supporter le transfert ont été déplacés. Nous avons vérifié d'après les déclarations d'événements indésirables graves auxquelles ils ont donné lieu que les transferts n'avaient pas constitué cette perte de chance. Je le dis au rapporteur, sous serment : si nous n'avions pas procédé à ces transferts, le système de santé d'Île-de-France s'effondrait.
Je signale également que nous avons constaté a posteriori qu'un transfert avait eu lieu alors que le pic épidémique était terminé – mais j'ignorais alors que c'était le pic.
Ces transferts nous ont donné un peu de marge et ont été régulés au niveau national. De mon côté, j'indiquais combien de patients devaient être dirigés au sein de l'AP-HP et en dehors, mais ce sont les réanimateurs qui désignaient les malades susceptibles d'être transférés. Clairement, si ces transferts n'avaient pas été appuyés au niveau national, les ARS, redoutant la vague qui pouvait déferler dans leurs régions, auraient sans doute été réticentes à accepter des patients en provenance d'Île-de-France.
Comme je l'ai dit, à partir de début mars, nous avons eu une conférence téléphonique quotidienne avec le préfet, gestionnaire de la crise – en Île-de-France, le préfet de police –, le volet sanitaire étant piloté par l'agence régionale de santé. Je n'ai pas le sentiment que nous ayons été moins efficaces du fait de cette organisation. Nous n'étions parfois pas d'accord sur les décisions à prendre, mais il en aurait été de même dans d'autres circonstances : fallait-il ou non confiner, fallait-il ou non fermer une école, fallait-il ou non dépister toute la population à tel ou tel endroit ? Les liens étaient permanents et quotidiens.
Il me semble, docteur Wonner, qu'à l'heure où nous parlons, nous ne comprenons toujours pas la géographie de cette épidémie. Je ne dis pas que le point que vous évoquez n'a pas d'incidence ; n'étant pas médecin, je n'en sais strictement rien, mais je sais que nous avons eu en France notre Allemagne et notre Suisse avec la Nouvelle‑Aquitaine, l'Occitanie ou Provence‑Alpes‑Côte d'Azur. Peut-être avez-vous une explication en ce qui concerne cette dernière région mais qu'en est-il des autres ? Je ne sais pas expliquer pourquoi l'Essonne a été touchée et pourquoi le Loiret l'a très peu été.
Je crains, en revanche, que les résurgences actuelles ne soient l'indice d'une dissémination beaucoup plus grande sur l'ensemble du territoire national. Par hypothèse, les régions et les départements les plus atteints lors de la première phase le sont un peu moins aujourd'hui parce que les personnes fragiles ont déjà été touchées. Je ne sais pas si un tel point de vue se justifie mais, quoi qu'il en soit, l'incertitude demeure. Je m'exprime d'autant plus tranquillement que, d'après moi, l'épidémie allait se répandre dans tout le pays.
S'agissant des professionnels libéraux, effectivement, nous n'avons pas l'habitude de leur parler dans leur cabinet. Depuis le 10 mars, nous avons eu une conférence téléphonique quotidienne avec les unions régionales des professionnels de santé libéraux (URPS), avec les ordres, mais les ARS ne possèdent pas même un fichier de ces professionnels, ceux-ci refusant une possible tutelle administrative susceptible de les pister.
Sans doute devrons-nous faire des progrès en la matière – ce qui est déjà le cas avec le travail réalisé avec l'assurance maladie –, car deux sujets ont été problématiques : la doctrine de l'appel du 15, à mon sens fondée mais que nous avons trop tardé à faire évoluer, comme y invitait le Président de la République en visite à Pantin le 4 avril, lorsque les premiers chiffres attestant d'une diminution de la fréquentation des cabinets médicaux sont tombés, et les problèmes liés aux équipements de protection, nombre de professionnels jugeant les dotations prévues insuffisantes pour les protéger, eux ou leur secrétariat.
Je gage que nous réagirions mieux en cas de deuxième vague, car nous savons ce qui a moins bien fonctionné et nous disposons d'outils que nous n'avions pas : la semaine dernière, lors d'un dépistage, 29 % de cas positifs ont été constatés à Saint-Ouen ; nous avons pris un arrêté pour prescrire le port du masque partout, 70 000 masques ont été envoyés à la mairie pour qu'elle les distribue à la population et nous avons lancé trois opérations massives de dépistage dans cette commune.
Si je vous ai bien compris, monsieur Rousseau, c'est vous qui, en tant que directeur d'ARS, évaluiez la doctrine de tri en cas de surcharge des services de réanimation et c'est vous qui avez pris un certain nombre de décisions s'agissant des évacuations et de l'évaluation des risques encourus par les autres régions. Cela signifie‑t‑il qu'une doctrine aussi importante que celle du tri relève d'un simple choix régional et non pas national ? Les directeurs d'ARS ne disposaient donc d'aucune instruction nationale ? La doctrine aurait pu être différente en Île‑de‑France et en Provence‑Alpes‑Côte d'Azur ?
Le Livre blanc qui vient de paraître dans cette dernière région est une véritable charge contre son ARS et l'un de vos collègues. Les médecins libéraux qui l'ont rédigé expliquent qu'on leur a demandé d'arrêter leurs activités, qu'ils ont été exclus du parcours de soins et que la démarche de l'ARS est hospitalo-centrée. Cette critique vaut-elle pour l'ensemble des ARS, ce qui nuancerait votre point de vue, plutôt positif, ou pensez-vous qu'une telle situation s'explique par des tropismes locaux, certaines ARS étant plus populaires que d'autres ?
Vous avez évoqué les difficultés rencontrées et les solutions que vous y avez apportées, considérant que vous êtes prêts, désormais, pour affronter une nouvelle vague à la rentrée. Pourriez-vous être plus précis ? Vous avez certes parlé de politiques à mener, des outils dont vous disposez maintenant, mais si deuxième vague il y a, elle sera concomitante avec l'épidémie de grippe saisonnière !
Enfin, qu'en sera-t-il des EHPAD ?
En Nouvelle-Aquitaine, nous avons eu aussi notre Île-de-France : la Gironde. Peut-être pourrons-nous le vérifier à l'avenir mais, selon moi, l'urbanisme joue un rôle essentiel dans la diffusion du virus. D'une certaine façon, nous avons tous échoué en favorisant la concentration urbaine et en refusant, au nom de principes environnementaux, un étalement qui a aussi ses vertus, comme nous l'avons vu dans les Pyrénées‑Atlantiques où, sur 700 000 habitants, nous avons eu 190 malades et seulement 26 décès.
Madame la directrice, quelles étaient vos fonctions avant de venir dans la région Grand Est ? Je crois que vous avez travaillé avec M. Salomon et, si internet mentionne votre action dans le déploiement des moyens en direction des hôpitaux, je souhaiterais avoir plus de précisions.
Monsieur le directeur, une circulaire du 19 mars de l'ARS Île-de-France invite à « trier les patients », même si ce ne sont pas là les termes exacts. Je ne me permets pas de porter de jugement, j'ignore les circonstances dans lesquelles elle a été rédigée, mais pourriez‑vous nous en dire plus ? Comment les résidents des EHPAD ont-ils été traités ?
Enfin, les décès qui ont eu lieu dans ces établissements ont été comptabilisés à partir du 1er avril mais les ARS ont-elles dénombré ceux qui sont survenus depuis la déclaration des premiers cas, au mois de janvier ? Si tel est le cas, pourquoi M. Salomon ne communiquait‑il pas les chiffres chaque soir ?
Selon M. Lannelongue, on a trop tardé à laisser à l'ARS la possibilité d'utiliser des moyens adéquats. Vous-même, monsieur le directeur, avez parlé de cette épidémie en « taches de léopard », dont les caractéristiques varient selon les territoires. Des actions particulières ne s'imposaient-elles donc pas ? Êtes-vous d'accord avec M. Lannelongue ? Certaines de vos actions ont-elles été entravées ?
Des directeurs d'ARS ont interdit à des directeurs de centres hospitaliers ou d'EHPAD de diffuser le nombre de patients atteints par le covid-19 ou décédés. Cette décision relevait‑elle du niveau central ?
Les CPTS sont-elles le bon échelon pour assurer une bonne réactivité et adaptabilité ? Les acteurs de terrain se sont beaucoup mobilisés autour du médecin généraliste, de l'infirmier et du pharmacien, en lien avec l'hôpital local et les EHPAD, ce qui relève plus des équipes de soins primaires. Or celles-ci sont aujourd'hui très peu développées et formalisées. Ne faut‑il pas encourager leur développement au sein des CPTS, d'autant qu'elles connaissent parfaitement le tissu local ?
Enfin, en tant que pharmacienne, j'ai vécu très douloureusement le processus de distribution des masques, qui a donné lieu à une véritable cacophonie, avec ordres et contre-ordres. Comment expliquez-vous que de nombreux professionnels de santé ne figuraient pas sur nos listes ?
Monsieur le directeur, vous avez pris votre poste le 25 juillet 2018 et, si j'ai bien compris, vous prenez immédiatement connaissance de la fameuse doctrine de 2013 relative à la gestion des masques et à la responsabilité des employeurs. Depuis le début de ces auditions, nous cherchons désespérément des personnes qui la connaissent ! Qui vous a informé de son existence ? Qu'en a-t-il été ensuite ?
Si, une fois encore, j'ai bien compris, vous avez informé les différentes organisations de l'obligation de s'équiper. Des commandes de masques ont-elles été passées ? Était-ce des masques FFP2 ou chirurgicaux ? J'ai relu la doctrine en question hier soir et elle n'invite pas forcément à s'équiper des premiers parce qu'ils coûtent dix fois plus cher, que le stockage est plus compliqué et qu'il implique « une gestion fine des dates de péremption ».
Je le répète, je ne suis pas médecin, mais le tri des patients est un exercice quotidien, par exemple pour les médecins du SAMU, même si cette formule n'est pas toujours utilisée. L'encadrement de ces actes figure à la fois dans les préconisations des sociétés savantes et dans les textes législatifs, notamment dans la loi Claeys‑Leonetti : collégialité, traçabilité des décisions, prise en compte de l'avis des familles. Cette notion de tri est violente parce que le tri est lui-même violent, mais ce n'est pas nouveau.
À la mi-mars, nous savions ce qui s'était passé, par exemple en Italie, et je considérais qu'en cas de changement de la doctrine de tri, de l'éligibilité à la réanimation, il importait que les décisions ne soient pas prises individuellement pour cause de saturation de tel ou tel service. En définissant une doctrine, publiée et validée le 20 mars, nous avons rappelé mot pour mot les critères fixés par la Société de réanimation de langue française et les termes de la loi. L'idée était d'indiquer les questions à se poser, les critères à retenir, et que la crise n'était pas une raison pour évincer la collégialité et la traçabilité des décisions. En outre, j'ai considéré qu'il n'était pas possible de laisser le médecin seul face à lui-même, qu'il fallait l'accompagner même si, en dernière analyse, c'est lui qui prend la décision.
Le 23 mars, le Haut Conseil de la santé publique, puis le 30 mars, le Conseil scientifique Covid-19 ont repris quasiment ces mêmes termes. Des personnes en situation critique arrivaient de plus en plus nombreuses des EHPAD, tous les SAMU se demandaient que faire et s'ils devaient appliquer les règles habituelles : nous avons répondu par l'affirmative. Je ne saurais pas dire si elles ont été partout et tout le temps appliquées mais je sais ce que j'ai demandé.
Dans le même temps, j'ai demandé à mes équipes de constituer un groupe de réanimateurs et de gériatres pour définir l'étape suivante, en cas de débordement. Nous n'étions donc pas seuls et cela ne relevait pas d'une décision « administrative ». Je le dis très solennellement : nous avons repris des éléments existants, peut-être épars, et je tenais à ce que les médecins qui devaient opérer de tels choix à de multiples reprises dans la journée connaissent la teneur de la doctrine. Si j'avais constaté une baisse de la moyenne d'âge des patients admis en réanimation, je me serais demandé si les critères étaient bien partagés et j'aurais jugé utile une diffusion par les sociétés savantes et les ARS. Les ARS ont été touchées très différemment. En Île-de-France, les problèmes ont été aigus mais un peu décalés et il m'a paru nécessaire de faire ce travail-là, y compris pour faire émerger au plus vite une doctrine nationale.
Sur le caractère hospitalo-centré de la culture des ARS, vous savez comme moi que toutes les administrations ont une histoire. Toutefois, dans les premières semaines de la crise, tout le monde s'inquiétait surtout de ce que l'hôpital, par ailleurs en conflit depuis longtemps, tienne bon. Cela ne nous a tout de même pas empêchés de travailler avec les professionnels libéraux. En Seine-Saint-Denis, nous avons ainsi réuni l'hôpital et la médecine de ville pour traiter les sorties d'hospitalisation. Avons-nous pour autant été excessifs ? Peut-être aurait‑on pu solliciter plus encore les professionnels libéraux, comme ils le disent, mais compte tenu des conditions du moment…
Je l'ai dit, j'ai organisé des conférences téléphoniques quotidiennes le 10 mars, un certain nombre de dossiers ont avancé – une région qui créé 264 centres covid‑19 travaille forcément avec les libéraux – et nous serons à l'avenir un peu mieux armés face à ce type de situation.
Je n'ai pas dit, en revanche, que nous serons absolument prêts à affronter une deuxième vague. Outre que cette épidémie invite à faire preuve de modestie, le nombre d'inconnues concernant ce virus est tel – par exemple, s'agissant de la durée de l'immunité ou de la contamination par les enfants – qu'il est difficile de se prononcer. Il n'en reste pas moins que nous sommes mieux préparés.
Comme vous, madame Gomez-Bassac, je suis tétanisé à l'idée d'une conjonction entre la grippe saisonnière et le covid-19.
La moyenne du taux de mortalité dans les EHPAD s'explique parce qu'un grand nombre de personnes sont décédées dans une même région. Dans de nombreux établissements, les équipes ont remarquablement bien géré la situation, y compris en se confinant avec les résidents. On parle toujours de l'extraordinaire mobilisation des personnels hospitaliers mais il faut aussi saluer ceux des EHPAD.
Le retour d'expérience montre que les questions d'hygiène sont à l'origine de la plupart des dérapages. Depuis plusieurs semaines, nous essayons donc d'armer des équipes pour être capables de les envoyer dans les établissements.
Vous avez raison, monsieur Habib, le logement, l'urbanisme, les conditions de transport sont décisifs, comme le ministre l'a d'ailleurs dit en concluant le Ségur de la santé. Nous avons reçu une claque ! Nos politiques de santé doivent tenir compte de ces questions et elles ne le feront pas seulement à partir des ARS et de l'hôpital : les collectivités locales ont leur rôle à jouer, les plans locaux d'urbanisme étant de véritables outils de santé publique.
La situation dans les EHPAD a commencé à se dégrader fortement entre le 7 et le 10 mars, avec de nombreux décès. J'ai alors demandé à mes délégués départementaux d'appeler chaque jour chaque EHPAD afin de connaître la situation et de ne laisser s'installer aucun huis‑clos. En tout, nous leur avons envoyé 3 000 renforts. Toutefois, le système de phoning s'est révélé insuffisant puisque certains EHPAD ne répondaient pas. Le 24 mars, nous avons créé un système d'information à destination des 700 EHPAD de la région, dont les statuts sont d'ailleurs variés. Pendant les premiers jours, il a été renseigné à hauteur de 60 % environ. Le 26 ou le 27 mars, lorsque le seuil des 70 % a été franchi, j'ai ouvert les droits du SI aux préfectures et aux conseils départementaux.
Nous avons communiqué à chaque étape de la crise, sans doute imparfaitement faute de disposer du système « de routine » dont nous disposons aujourd'hui.
Nous avons beaucoup travaillé avec les professionnels libéraux – Anne Carli a évoqué les partenariats avec les infirmiers et les kinésithérapeutes –, mais la situation était très différente selon les territoires. Nous avons progressé très vite lorsqu'ils comportaient des CPTS.
J'ai été nommé en conseil des ministres le 25 juillet 2018 mais j'ai pris mes fonctions le 5 septembre. C'est mon prédécesseur, Christophe Devys, qui a signé le projet régional de santé (PRS), qui devenait dès lors opposable. Ma connaissance du sujet repose entièrement sur sa lecture, le PRS disposant que les établissements doivent constituer des stocks. Aujourd'hui, même si nous n'avions pas d'instructions spécifiques, je dirais que nous aurions dû vérifier régulièrement le niveau et la nature de ces stocks. Quoi qu'il en soit, ils existaient bien, sinon les établissements auraient été en rupture beaucoup plus tôt. Dès le premier cas apparu en Île‑de‑France, le 24 janvier, nous avons donné des consignes pour que le masque soit porté partout. Les tensions ont toutefois été très fortes, cela ne fait aucun doute, comme en atteste le nombre de contaminations.
La presse, mais aussi votre commission, ont mis du temps à reconstituer les tactiques et les stratégies mises en œuvre, mais je peux assurer que le PRS fait explicitement état de la doctrine de 2013. Les contrôles étaient ponctuels et j'ignorais le nombre précis de masques FFP2 ou chirurgicaux. Je précise, enfin, que l'efficacité des masques chirurgicaux par rapport aux masques FFP2 a été réévaluée pendant la crise elle-même.
Nous avons certes beaucoup appris mais je ne suis pas capable de vous dire ce que sera l'évolution de ce virus. Je suis donc très vigilante quant au respect des règles de distanciation et je me félicite de l'obligation du port du masque dans les lieux fermés.
Aujourd'hui, la situation est tout de même un peu différente puisque nous disposons de masques, d'équipements de protection individuelle, de tests et, à défaut d'un traitement miracle, de perspectives thérapeutiques qui nous permettent d'envisager l'avenir plus sereinement – je songe à l'utilisation de corticoïdes ou à une oxygénothérapie plus précoce.
Avant que je prenne mes responsabilités au sein de l'ARS Grand Est, j'étais inspectrice générale des affaires sociales en mission d'appui au Centre de crise sanitaire, compte tenu de mon profit « gestion de crise », « offre de soins ».
Vous êtes également médecin et biologiste !
Par ailleurs !
Je n'ai pas l'impression que les professionnels libéraux aient été exclus, en tout cas en Moselle, où ils ont été sollicités.
Fallait-il ou non installer des centres covid-19 ? Lors de la concertation, nous avons systématiquement sollicité ces professionnels, de manière globale, y compris les infirmiers, les ordres et l'URPS. Dans un premier temps, les travaux du groupe de travail et du comité départemental de soins de proximité ont conclu que, compte tenu de la baisse des consultations dans les cabinets libéraux, l'installation de tels centres n'était pas nécessaire mais qu'il convenait de se tenir prêts en cas de recrudescence de l'épidémie et si les cabinets libéraux, dont 50 % environ étaient sans activité, devaient être à nouveau saturés. De plus, nous sommes passés de 300 téléconsultations environ en janvier et en février à 49 500 en avril, sans compter les consultations en cabinet.
J'insiste sur le rôle que les professionnels libéraux ont joué dans la régulation. En Moselle, ils se sont mis « en mode SAS » – Service d'accès aux soins – pour contribuer au développement de la porte d'entrée unique vers le système de santé, dans le cadre d'une collaboration très étroite avec les services du SAMU.
J'ai beaucoup parlé des CPTS mais les ESP ont également joué leur rôle. Des expérimentations très valorisantes ont été menées sur les territoires, notamment pour le suivi des patients, d'une manière très cadrée, à jour 8, à jour 10, afin de suivre ceux qui étaient revenus chez eux et dont l'état ne nécessitait pas une hospitalisation.
La CPTS de Metz a joué un grand rôle pour développer et soutenir des projets – elle accompagne notamment le développement de projets d'ESP, les deux structures étant complémentaires.
Enfin, s'agissant des EHPAD, je n'ai pas eu connaissance de filtrages dans la communication. Lorsque nous étions interrogés, nous disions que les chiffres globaux étaient publiés par Santé publique France et qu'ils étaient communiqués en toute transparence à la presse.
L'audition s'achève à treize heures quinze.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19
Réunion du jeudi 23 juillet 2020 à 10 h 30
Présents. - M. Julien Aubert, Mme Sophie Auconie, M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Anne Genetet, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. David Habib, Mme Sereine Mauborgne, Mme Michèle Peyron, M. Boris Vallaud.
Excusé. - M. Olivier Becht.
Assistaient également à la réunion. - Mme Josiane Corneloup, M. Nicolas Démoulin, M. Stéphane Peu, Mme Martine Wonner.