Intervention de Marie-Ange Desailly-Chanson

Réunion du jeudi 23 juillet 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Marie-Ange Desailly-Chanson, directrice de l'agence régionale de santé Grand Est :

Je ne connais que par ouï-dire ce qui s'est passé avant mon arrivée s'agissant des masques. J'ai été amenée à commander, le 20 avril, 5 millions de masques chirurgicaux. La doctrine au sein de l'ARS en la matière, qui est toujours en vigueur, était de se situer au-delà des dotations prévues par les instructions nationales.

S'agissant des EHPAD, il nous faudra dégager du temps pour analyser les données concernant les parcours de soins des résidents âgés de moins et de plus de 75 ans, entre consultation de ville, admission aux urgences et en réanimation puis décès.

Concernant les tests, la doctrine a évolué en même temps que nos connaissances sur le virus, qui sont loin d'être complètes, notamment au regard de l'immunité à long terme. Au départ, n'étaient testées que les personnes symptomatiques et leurs contacts. Dans le courant du mois de mai, à l'occasion de l'installation d'une tente à la sortie d'une station de métro sur une initiative de la région Île-de-France, on découvre des cas positifs asymptomatiques qui vont se révéler plus nombreux que les symptomatiques. C'est alors qu'a été décidé le dépistage « Aller vers ».

Un peu sceptique au départ, j'ai néanmoins demandé par mail aux quatre directeurs généraux de CHU ainsi qu'à la directrice du CHR de mettre en place ce dispositif, en lien avec les délégations territoriales et les autres partenaires. J'ai choisi de passer par les établissements de santé, car je ne souhaitais pas surcharger les professionnels de ville accaparés par les nombreux retards de prise en charge.

Nancy a ainsi mené avec grand succès la première campagne, au moyen de bus stationnés sur des zones de passage – place du marché, centre commercial, gare. Des cas asymptomatiques ont effectivement été observés, peu mais suffisamment pour permettre de chasser le virus et d'en arrêter la transmission. Cette initiative a ensuite été étendue à l'ensemble des départements, en mobilisant les établissements de santé, les médecins et biologistes libéraux, les CPTS, qui ont été d'une grande aide en la matière, les équipes de soins primaires (ESP) et les infirmières de liaison (IDL). Tout le monde s'y est mis et avec un très grand succès : auprès de la population, qui était prête à attendre une heure pour se faire dépister, et en termes de traque du virus, même à seulement 1 ou 2 %.

Le département des Vosges a été parmi les dix premiers en nombre de tests par habitant. La stratégie a d'abord consisté, lors de la découverte d'un cas positif, à tester très largement son entourage, ce qui explique que l'on ait atteint des taux de 600 tests pour 100 000 habitants. L'apparition de clusters a conduit à s'orienter plus largement vers une politique d'« Aller vers ».

Je ne reviens pas sur les transferts, qui ont lieu avant mon arrivée. En revanche, j'ai eu à gérer leur retour. Bien qu'il revenait aux établissements de départ de déterminer le mode de transport, j'ai demandé, compte tenu de l'éloignement, qu'ils se fassent systématiquement par avion et non plus par route. Sur les 330 transferts opérés, la moitié étaient transfrontaliers. Il reste encore trois patients hospitalisés en Allemagne.

L'articulation entre l'ARS et la préfecture fonctionne de manière quotidienne, et même pluriquotidienne à mon niveau. J'évite d'être trop présente là où il y a des délégués territoriaux, notamment dans le département de Meurthe-et-Moselle, mais mes coordonnées ont été très largement communiquées à l'ensemble des acteurs, préfets, élus, professionnels, ce qui contribue à une forme de fluidité.

Nous sommes encore dans l'action, notamment avec les préfets dans la démarche tracer‑tester‑isoler. Nous n'en sommes pas encore à réfléchir aux améliorations possibles.

Je ne dispose pas des éléments permettant d'apprécier les raisons du décalage entre la France et ses pays frontaliers. Cette question relève plutôt d'études scientifiques, épidémiologiques et cliniques et, comme je l'avais indiqué à Mme Wonner, cela nécessite un cadrage qui n'est pas de mon ressort, notamment s'agissant du traitement en phase précoce.

À Mulhouse, un cluster nous a posé problème, avec des personnes qui ne répondaient pas bien à nos sollicitations au dépistage, et une ramification dans un autre département. Nous avons pratiqué le « Aller vers », le département du Haut-Rhin étant, d'ailleurs, l'un de ceux qui ont testé et testent encore le plus, à raison de 700 pour 100 000 habitants. Les bons de dépistage distribués par la CNAM dans les jours qui viennent et jusqu'au 15 août constitueront un autre moyen d'aller vers la population. À l'issue de cette expérimentation, nous procéderons à une évaluation pour décider de son extension à d'autres territoires, sachant qu'une prescription ne sera peut-être alors plus nécessaire pour recourir à un test PCR.

Les professionnels libéraux ont été très étroitement associés à nos initiatives, à l'exception des médecins, aux débuts du dépistage, car je ne souhaitais vraiment pas leur mettre une charge. Sinon, les biologistes et les infirmières ont été extrêmement sollicités.

Effectivement, il nous faut parfois aller au-delà des directives nationales – c'est là toute la difficulté de l'exercice, que je découvre également. Si un cadre est nécessaire, il faut ensuite l'adapter au territoire, à la population et aux acteurs concernés.

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