Intervention de Nicolas Castoldi

Réunion du mercredi 29 juillet 2020 à 9h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Nicolas Castoldi, coordonnateur de la stratégie de dépistage covid-19 :

Vous avez le sentiment que la stratégie a été adaptée aux moyens ; la mission qui m'a été confiée, ainsi qu'à mon équipe, a été strictement inverse. Courant avril, une doctrine de dépistage assez claire a été définie pour le déconfinement – tester les personnes symptomatiques et casser les chaînes de transmission –, et notre mission a consisté à fournir les moyens adéquats à cette stratégie. C'est ce qui a été fait : nous avons adapté les moyens à la stratégie et non l'inverse.

En outre, disposer de moyens très largement supérieurs à la cible de premier niveau – les personnes symptomatiques et les cas contacts – nous a permis progressivement d'enrichir et d'élargir le dépistage. En voyant que nous réalisions 250 000 tests en moyenne par semaine dans les semaines qui ont suivi le déconfinement, nous nous sommes dit que nous avions des disponibilités pour faire plus et autrement, et que nous pourrions prendre des dispositions supplémentaires afin d'atteindre les personnes symptomatiques là où elles étaient, si elles hésitaient à se faire tester, puis d'élargir le dépistage aux personnes non symptomatiques. Les équipes mobiles sont fondées sur cette logique, alors que, jusqu'au 11 mai, le dépistage reposait sur les laboratoires de ville et hospitaliers. Disposant d'une capacité de tests très largement supérieure aux besoins, nous avons pu aller au contact des patients, en installant des équipes mobiles et des barnums dans les centres-villes.

Je vous rassure, le centre de gestion de crise comportait un pôle logistique autonome où les militaires étaient bien représentés.

Sauf exceptions, l'État n'a pas acheté directement des réactifs ou des consommables et la question de la distribution ne s'est pas posée, en tout cas s'agissant des tests RT-PCR. Une discussion a été menée avec les acteurs industriels, ceux-ci signant des lettres d'engagement réservant à l'ensemble du marché français un volume de réactifs. Ensuite, chaque CHU a passé commande auprès des fournisseurs : lorsqu'il existe soixante-dix-sept modèles différents d'équipements, ce n'est pas l'État qui, sur le plan national, va organiser la distribution !

Le cabinet Bain & Company est intervenu pro bono, sans aucune contrepartie directe ou indirecte, à l'instar d'autres personnes morales et physiques qui ont accompagné l'État pendant la crise et qui ont proposé leur aide, laquelle a été acceptée chaque fois qu'elle a été jugée utile. Ce cabinet nous a en particulier aidés à structurer l'analyse des capacités, des réactifs, des tensions de marché.

Concernant la question de la cohérence ou non de la doctrine française avec celle de l'OMS, je me permets de vous renvoyer aux déclarations du directeur général de la santé qui, je crois, s'est exprimé à plusieurs reprises à ce propos.

Tester peut signifier deux choses différentes : tester des personnes symptomatiques pour confirmer un diagnostic ; tester largement la population pour vérifier l'état de la circulation du virus, avec cette limite que sont les faux négatifs. Ce faisant, on se donne la possibilité de découvrir de nouveaux cas, mais on risque aussi de dire à des gens malades qu'ils ne sont pas atteints. Toute la difficulté de l'exercice consiste à choisir entre le diagnostic et le dépistage ou à les combiner, étant entendu, avec les réserves d'usage, que la totalité des États a privilégié les diagnostics et que les dépistages sont venus ensuite.

Avec les tests de personnes asymptomatiques, on entre dans une dimension différente. Pour le VIH, la population n'est pas systématiquement dépistée et seules les personnes à risque sont ciblées, dans une logique d'offre. Toute la difficulté est là : peut-on dépister tel ou tel groupe, que signifie dépister une partie de la population ? L'exercice n'est pas évident. Durant le confinement, la France a choisi de cibler prioritairement les lieux d'hébergement collectif, les équipes territoriales s'étant d'ailleurs interrogées sur le risque d'introduction du virus à la faveur du dépistage. Aujourd'hui, la logique est un peu différente : on installe des espaces de tests sur le territoire, y compris sur les plages, à des fins de sensibilisation collective . À la fin, la décision est essentiellement individuelle.

Le Premier ministre a récemment fait un certain nombre d'annonces à propos des aéroports. Le recours aux tests y est limité pour deux raisons : les délais de résultats sont longs ; le prélèvement nasopharyngé est complexe, lourd, dissuasif et suppose de disposer d'espaces spécifiques – l'AP-HP est très présente mais ce n'est pas facile. À terme, nous devrons être capables de disposer de tests salivaires fiables ou de tests rapides, notamment antigéniques. Lorsque ce verrou technologique sera levé, il sera beaucoup plus facile de traiter ce problème.

L'utilisation des données de la carte vitale est possible mais partielle, une bonne partie des tests ne donnant pas lieu à remboursement et imputation à l'hôpital. La DREES en fait usage, parmi d'autres données.

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