Alors que le monde n'en finit pas de surmonter une crise exceptionnelle liée à la Covid-19 et que la France, comme d'autres pays européens ou du pourtour méditerranéen, est confrontée à une flambée de l'épidémie, je vous apporterai mon témoignage sur les situations que j'ai eu à gérer en tant que SGDSN, durant une période qui a été marquée par différentes crises, notamment par une vague d'attentats. Le procès des auteurs de l'attentat de « Charlie Hebdo » se déroulant ces jours-ci, je ne peux qu'avoir une pensée pour les victimes.
Mon mandat a été marqué par la vague d'attentats qui a déferlé sur la France à partir de 2015 : ceux de Charlie Hebdo, de l'Hypercacher, de Saint-Quentin-Fallavier, du Thalys, du Stade de France, du Bataclan, de Magnanville, de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray. Des attentats qui ont été l'occasion, alors que notre organisation de sécurité était éprouvée, d'actualiser, de modifier, de réformer, d'améliorer les processus et les outils de gestion de crise. Non seulement dans le domaine particulier de la lutte contre le terrorisme, mais aussi dans celui de la biosécurité, après l'attentat de l'usine de Saint-Quentin-Fallavier.
Cette période a également été marquée par des cyberattaques – contre TV5 Monde en 2015, les virus informatiques NotPetya et Wanacry en 2017 –, l'ouragan Irma, les crues de la Seine de 2016 et de 2018, ou encore la nécessité d'une protection lors de l'élection présidentielle… De sorte que le système de planification et de gestion de crise a dû être déployé durant de très longues séquences.
La cellule interministérielle de crise (CIC) a été activée 125 fois, à la demande du Premier ministre, par le SGDSN ; les plans de sécurité et les directives nationales de sécurité ont été affinés ; des exercices ont été conduits.
La première crise que j'ai eu à gérer a été celle du virus Ébola, qui a débouché sur l'adoption d'un plan en novembre 2014, l'implantation d'une task force spécifique au ministère de la santé et la désignation d'un coordonnateur unique, le professeur Delfraissy. À cette occasion, je me suis inspiré du plan Pandémie grippale que nous avons, bien entendu, adapté.
J'ai, par ailleurs, mené, durant, mon mandat, des réflexions sur deux thématiques importantes. La première concernait la doctrine de la variole, les stocks varioliques et les décisions conservatoires qui ont été prises. La seconde était relative au domaine de la biosécurité, qui a connu des évolutions majeures liées au génie génétique ou à la biologie de synthèse.
Enfin, le réchauffement climatique, la fonte du permafrost et le risque de libération de virus disparus depuis très longtemps ont également été au cœur de nos préoccupations.
Mais, contrairement à Francis Delon et à Claire Landais, mon mandat n'a pas été marqué par un épisode de type pandémie grippale. Il n'empêche que lors de l'élaboration puis de l'adoption, en novembre 2014, du plan Ébola, je me suis penché sur les précedents concernant les pandémies grippales, notamment sur le plan national de prévention et de lutte contre une pandémie grippale, élaboré en 2009 et révisé en 2011. D'abord, parce que je préside le conseil d'administration de l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), ensuite, parce que j'ai participé à la rédaction du Livre blanc de 2013 de la Commission européenne.
J'ai donc lu ce plan, extrêmement détaillé, fourni et travaillé, qui a donné lieu en 2009 et 2013 à des exercices qui ont prouvé sa robustesse. Révisé en 2011, il a été très largement diffusé par Francis Delon, tout comme la doctrine du 16 mai 2013 relative à la protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire, élaborée par le SGDSN. Il a d'ailleurs reçu des réponses très détaillées de tous les ministères, notamment de la Protection civile et du ministère en charge de l'agriculture, montrant que le plan était intégré et que la nouvelle doctrine allait être suivie d'effet.
En juillet 2013, une directive a été émise par les ministres de la santé et de l'intérieur, réglant la question de la distribution des stocks d'équipements de protection et la manière dont les opérateurs – notamment l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) et les agences régionales de santé (ARS) – étaient chargés de mettre en œuvre le plan Pandémie grippale et la nouvelle doctrine.
En février 2016, j'ai décidé de relancer l'ensemble des ministères. Je vous lis un extrait du courrier envoyé aux administrations : « L'importance de cette doctrine au regard des enjeux qui ont conduit à son adoption nécessite d'être rappelée, aussi je vous remercie de bien vouloir vous assurer, non seulement de sa diffusion, mais surtout de sa mise en œuvre, tant au sein de votre ministère que des secteurs d'activité placés sous votre autorité. ».
Enfin, en 2017, peu de temps avant de quitter mes fonctions, j'ai programmé, avec l'approbation du Premier ministre, un exercice de crise « pandémie », qui s'est tenu en 2019.
Pour conclure, je reviendrai sur les fonctions du SGDSN. D'abord, il ne s'agit pas d'une institution très importante en nombre d'agents. Si les documents budgétaires font état de mille agents, seuls quarante-cinq à cinquante d'entre eux gèrent les questions de sécurité. Les 850 autres travaillent à l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Lors de mon arrivée, une seule personne était en charge de la problématique santé, j'ai donc pris la décision de recruter un conseiller santé, M. Christophe Schmit, médecin urgentiste.
Ensuite, il ne faut pas se méprendre sur ses fonctions : les responsabilités opérationnelles, notamment la gestion des stocks, reviennent, selon les articles L. 1141-1 à L. 1141-8 du code de la défense et l'article L. 53-11-1 du code de santé publique, au ministre de la santé. Le SGDSN ne dispose d'aucun moyen d'intervenir sur les stocks. Cela serait d'ailleurs contraire à sa mission et créerait un désordre dans la gestion des responsabilités.
Les fonctions du SGDSN sont les suivantes : il intègre de l'expertise – il est en contact avec pratiquement tous les centres d'alerte ; il acculture l'ensemble de l'administration aux problématiques spécifiques de chacun des ministères en matière de sécurité – il est en contact avec les services opérationnels ; il a un rôle important dans la coordination interministérielle pour la mise en œuvre du plan ; enfin, il prépare les arbitrages, les dossiers et les décisions.
Le SGDSN dispose de personnes ressources très rares, dans les domaines du nucléaire, de la chimie, de la biologie et bien d'autres. Ces experts émettent des avis et leurs décisions sont déclinées sur les territoires par les administrations qui en ont la charge – ministères de la santé et de l'intérieur, notamment.