Intervention de Jean-Paul Stahl

Réunion du mardi 22 septembre 2020 à 18h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble :

Nous ne sommes pas allés visiter l'EPRUS. Peut-être aurions-nous dû, mais notre compétence était scientifique et non logistique. Je ne suis pas sûr que nous aurions pu constater un manque dans les stocks ou, au contraire, leur adéquation. Au début de nos travaux, la question était de savoir s'il fallait renouveler, augmenter ou réduire le stock. Il existait ; nous n'avions pas connaissance de sa détérioration. De notre point de vue, cette structure était efficace et méritait d'être soutenue, car sa fonction spécifique est d'agir sur le terrain avec une rapidité et une souplesse que ne peut avoir une administration centrale qui n'a pas recruté les personnes faites pour cela. Rien que pour cette raison, cette structure méritait d'être fortement soutenue, voire développée, puisque, au cours de la crise, nous avons constaté que nous avions des besoins de cet ordre.

Il n'y a pas de controverse sur l'utilité des masques. Vous connaissez les médias : un journaliste vous appelle à 19 heures 45 pour vous demander de donner votre avis sur les ondes à 20 heures, en tant qu'individu et non comme porte-parole, et il y a autant d'avis que d'individus. Mais ces avis divergent à la marge. Depuis que la chirurgie existe, les chirurgiens portent un masque. Son utilité pour la protection des autres est incontestable, comme l'est celle du masque FFP2 pour la protection du soignant. Le seul débat, autant médical que sociologique, voire économique, concerne le port du masque par la population générale. Les études sur la grippe montrent que, pour diverses raisons, y compris la mauvaise adhésion du public, le port du masque n'est pas d'une grande utilité, à tel point que certaines publications concluent qu'il vaut mieux demander aux gens de se laver régulièrement les mains.

Compte tenu de la fréquence des transmissions par des personnes asymptomatiques, on ne peut plus discriminer un porteur contaminant de quelqu'un qui ne l'est pas, et l'on doit demander à tout le monde d'en porter, tout le monde étant suspect. On doit nécessairement faire des recommandations globales, puisqu'on ne peut faire du sur mesure. Il est certes inutile pour quelqu'un qui roule seul à vélo, mais on est obligé d'imposer cette contrainte à tout le monde pour assurer une efficacité générale. Considérer superflu de porter un masque quand on est seul dans la rue ne relève pas de la controverse scientifique. Je ne pense pas que cet aspect puisse expliquer un quelconque désintérêt pour des stocks.

Tous ceux qui se sont exprimés avec un recul scientifique suffisant s'accordent à dire qu'aucun traitement antiviral n'est efficace sur la Covid, pas plus le remdesivir que les autres. L'agence américaine qui a commandé des stocks de remdesivir a fait ce que sont en train de faire les fabricants en créant les chaînes de production d'un vaccin qui n'a pas encore été évalué : un pari pour gagner du temps. Si le vaccin ne fonctionne pas, tout s'effondrera, à commencer par leur investissement. La Food and Drug Administration (FDA), sur la foi d'un article très bien fait paru dans le New England Journal of Medicine, montrant chez les patients « modérés » un gain de trois ou quatre jours de symptômes, avait décidé d'en commander afin d'en disposer si une meilleure efficacité était démontrée à l'avenir. Mais toutes les études publiées depuis montrent que s'il n'est pas nul, le bénéfice du Remdésivir est minime et ne mérite pas de faire des stocks.

En ce qui concerne l'hydroxychloroquine, toutes les études, toutes les méta-analyses réalisées – une méta-analyse ne consiste pas à faire la moyenne des études publiées sur un médicament, mais à sélectionner celles présentant une valeur scientifique pour en tirer un résultat – montrent qu'associée ou non à d'autres molécules, elle ne change rien au parcours du patient infecté.

Cette polémique n'est pas scientifique. Les conclusions scientifiques montrent clairement que, pour l'instant, aucun médicament antiviral n'est efficace. Le seul traitement révélant une utilité, ce sont les corticoïdes. Alors qu'on les réservait aux malades graves immédiatement avant leur passage en réanimation dans l'espoir qu'ils n'y passent pas, on les donne un peu plus tôt et il y a encore moins de passages en réanimation. La baisse du nombre de décès et de patients réanimés lors de ce qu'on appelle la deuxième vague, mais qui est la poursuite de la première, résulte d'une meilleure prise en charge des patients qui vient du fait que l'on a tiré les enseignements du mois de mars.

L'enseignement de la clinique est absolument essentiel dans les études de médecine. Une partie de l'évaluation des étudiants est fondée sur un examen clinique surveillé : ils examinent un malade sous le contrôle d'un examinateur. Cela complète l'enseignement.

Selon une hypothèse optimiste, un ou plusieurs vaccins – puisque cinq sont au même stade avancé de développement – seraient disponibles d'ici la fin de l'année. Mais il faut s'entendre sur les mots. Disponibles, cela signifie qu'ils ont montré qu'ils étaient sûrs et efficaces et non qu'ils sont fabriqués à des milliards de doses. Ce qui supposerait sans doute que vous statuiez sur une priorisation, car tout le monde ne pourra le recevoir en même temps. C'est une décision socio-politique. Encore faut-il que les Français l'acceptent, car les derniers sondages révèlent qu'un tiers de la population refuserait catégoriquement ce vaccin. Il faut s'accoutumer à vivre avec le virus pendant une période significative. L'horizon du mois d'avril ne me semble pas du tout incongru.

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