Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du mardi 22 septembre 2020 à 18h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • malade
  • masque
  • pandémie
  • stock
  • vaccin

La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Présidence de M. Julien Borowczyk, président de la mission d'information

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Nous avons souhaité spécifiquement vous entendre parce que vous avez été chargé en 2016, à la demande de Santé publique France et de la direction générale de la santé (DGS), de la rédaction d'un rapport sur les stocks d'antiviraux en cas de pandémie grippale. Ce rapport, élaboré avec le concours d'un groupe d'experts, a abordé également la question des autres moyens de protection nécessaires pour se préparer à une épidémie, en particulier la question des masques. Les besoins sont évalués dans le rapport à 1 milliard de masques chirurgicaux. Cette donnée a souvent été évoquée dans le contexte de pénurie que nous avons connu au début de la crise sanitaire et de la difficulté, tout à fait inédite, à se procurer des masques sur le marché international.

Avant de vous entendre, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires imposant aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, je vous invite à lever la main droite et à dire : « je le jure ».

(M. Jean-Paul Stahl prête serment.)

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Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble

Je suis professeur en maladies infectieuses au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble et ancien chef du service. J'ai été, pendant six ans, président du groupe des recommandations européennes de la société savante européenne de maladies infectieuses. Je préside actuellement le syndicat européen des infectiologues. Je suis expert dans diverses agences gouvernementales : l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (AFSSAPS), la Haute Autorité de santé (HAS), Santé publique France (SPF), et auteur de quelques rapports, dont celui qui vous occupe aujourd'hui.

À la suite d'un appel de candidatures, j'ai été « candidat désigné » par la société savante pour la représenter et nommé en mai 2017. Les travaux ont commencé en juin. Ce groupe multidisciplinaire regroupait de multiples compétences, conformément à la demande de Santé publique France. La première réunion a eu lieu en juin 2017.

Nous avons tenu cinq réunions sur le site de Santé publique France, de juin 2017 à juin 2018, entrecoupées d'échanges par téléphone et par mail. Nous avons auditionné des experts reconnus.

La saisine de Santé publique France en date du 14 novembre 2016 portait sur la grippe pandémique et les antiviraux, à l'exclusion de tout autre virus. Le stock d'antiviraux arrivant à péremption, fallait-il le renouveler, l'accroître ou le réduire, et, si oui, dans quelle mesure ? Des éléments de connaissance d'une pandémie grippale pouvaient-ils conduire à modifier ce qui avait été fait jusqu'alors ? Tous les travaux ont été menés dans l'hypothèse d'un contexte grippal. Notre groupe ayant estimé illogique de ne parler que d'antiviraux, de nous-mêmes, nous avons engagé une réflexion sur les masques et sur des médicaments comme les antibiotiques en nous demandant s'il ne fallait pas prévoir des stocks en raison des ruptures d'approvisionnement de plus en plus fréquentes.

Pour schématiser, nous avons calculé qu'il fallait une quantité suffisante d'antiviraux pour traiter 30 % de la population. Nous avons en effet retenu l'hypothèse haute d'une épidémie ou pandémie grippale touchant 30 % de la population. Le raisonnement a été le même pour la quantité de masques.

Un calcul simple nous a conduits à proposer une boîte de cinquante masques par foyer de malades, puisque nous nous inscrivions dans un contexte d'épidémie grippale. Si 30 % de la population était malade, à raison de sept boîtes de cinquante masques par foyer, nous avons calculé qu'il fallait vingt millions de boîtes. Pourquoi sept boîtes de cinquante masques par foyer ? Parce que notre groupe comprenait un responsable de la santé publique suisse qui avait rapporté les calculs faits en Suisse sur cette base, lesquels ont été corroborés par un expert en matière de masques que nous avons auditionné.

Concernant les antibiotiques, à partir de cette évaluation de 30 % de patients grippés et compte tenu de la fréquence des complications bactériennes, nous aboutissions à la conclusion de la nécessité d'un stock capable de traiter 1,5 % de la population.

Tel est, synthétiquement présenté, le rapport que nous avons produit. Validé par Santé publique France, il a été transmis par son directeur à la direction générale de la santé. J'ignore ce qu'il en est advenu, car cet aspect n'était plus de notre compétence.

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Vous précisiez que les masques étaient réservés aux foyers ou aux personnes malades, mais vous avez dit dans la presse que des éléments de compréhension nouveaux étaient apparus au fil des semaines et des études. Selon vous, au début de la crise pandémique, était-il nécessaire de pouvoir approvisionner tout le monde – c'est-à-dire la population générale, parce que, s'agissant des soignants, j'exclus de la discussion la doctrine d'approvisionnement des employeurs pour leurs employés ?

Deux anciens directeurs généraux de la santé nous ont dit que le masque FFP2 était, selon la réglementation et leur vision, réservé aux personnels soignants pratiquant des gestes invasifs de réanimation, d'ORL ou de pneumologie. Cela voudrait dire que seuls ces personnels étaient susceptibles d'en avoir, les autres utilisant des masques chirurgicaux. Quel est votre point de vue sur ce point et à propos du stock nécessaire de respirateurs ? Vous aviez jugé incongru l'achat de respirateurs en avance, car ils n'auraient pas fonctionné au jour le jour.

Concernant l'hypothèse d'une épidémie touchant 30 % de la population, qui a fondé le calcul du milliard de masques et de la quantité suffisante d'antiviraux – nous savons que ceux-ci n'ont pas lieu d'être pour cette crise –, elle impliquerait que plus de 20 millions de malades soient touchés par le coronavirus en France. Y est-on ?

Enfin, une question d'ordre sémantique. Dans le rapport, parliez-vous d'un stock réel ou d'une capacité d'approvisionnement ? Vous y employez l'expression « en fonction des capacités d'approvisionnement garanties par les fabricants ». Un certain nombre de pays, et pas seulement la France, avaient souhaité pouvoir être approvisionnés quasiment en temps réel par le principal producteur, à savoir la Chine. On connaît la suite. En d'autres termes, s'agissait-il d'avoir un stock d'1 milliard de masques ou la capacité d'en disposer, si tant est que plus de 20 millions de personnes soient atteintes ?

Vous ignorez ce qu'il est arrivé après la remise du rapport. Mais puisque vous étiez mandaté par Santé publique France, quel est votre point de vue sur l'action menée par M. Bourdillon, alors à la tête de cet organisme ? Vous recommandiez un stock tournant. Or, après dix-huit mois d'étude, Santé publique France a révélé que deux tiers du stock de masques étaient inutilisables car ils étaient périmés. Que pensez-vous de l'application par Santé publique France de vos recommandations ?

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Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble

Nous avons eu tort, moi et d'autres, de ne pas conseiller le port du masque pour tout le monde au début de la pandémie, parce que, prenant pour modèles la grippe et le coronavirus responsable du SRAS, nous n'avons pas anticipé l'importance des porteurs asymptomatiques. Nous avons raisonné selon un modèle qui n'était pas correct. Néanmoins, gardons à l'esprit que le masque chirurgical sert à protéger les autres et non à se protéger soi-même. Il était logique de considérer, quand il y a peu de malades, donc peu qui excrètent, que donner des masques à l'ensemble de la population ne sert pas à grand-chose, comme cela a été montré dans neuf études sérieuses sur la grippe.

En revanche, le masque FFP2 protège le soignant ou la personne en face de celle qui pourrait la contaminer. C'est celui que portent les soignants pour se protéger d'agents pathogènes aussi virulents que celui de la tuberculose multirésistante, modèle connu depuis des dizaines d'années. On a l'habitude s'en servir en milieu hospitalier, mais une infirmière vous dira qu'elle ne peut le porter durant plus de deux heures. Il est physiologiquement impossible de porter un masque FFP2 dans la vie normale. On demande au malade de porter le masque chirurgical pour éviter la contamination autour de lui. C'est pourquoi le rapport en restreint l'indication aux foyers de personnes malades.

Je n'ai aucune compétence pour dire ce qui s'est passé ensuite du côté de Santé Publique France. Je ne sais pas comment ni par qui la logistique est organisée.

En ce qui concerne le stock de masques, nous avons écrit « en fonction des capacités d'approvisionnement », confiant aux logisticiens la tâche de définir la hauteur du stock en fonction de leur capacité d'approvisionnement, parce que nous n'envisagions pas – à tort –, que les usines arrêteraient de produire. Un stock minimal pouvant être renouvelé par un réapprovisionnement rapide nous semblait suffisant pour faire face au premier moment d'une pandémie de grippe. Nous avons chiffré un besoin et non une recommandation de stock. Il s'est incontestablement produit quelque chose que nous n'avions nullement anticipé.

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Ce n'était pas une accusation. Bienheureux celui qui aurait imaginé ce qu'il fallait faire !

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Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble

Nous avons tous eu tort à un moment donné.

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Comme médecin, je prends ma part de responsabilité.

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Si je comprends bien votre dernière réponse, au vu de l'évolution de la maladie, qui n'est pas une grippe, il faudrait plus d'1 milliard de masques ?

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Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble

C'est vraisemblable. Il faudrait refaire un calcul rapide. Si une nouvelle pandémie de covid ou de maladie comparable survenait, il en faudrait des quantités plus importantes.

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Beaucoup plus importantes ? Deux fois plus ? Dix fois plus ?

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Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble

Le milliard de masques préconisé correspondait, je le répète, à un besoin et non à un stock. À titre personnel, sans avoir discuté de ce point de vue avec des hygiénistes, je pense que le stock minimal, et non plus le besoin, serait d'1 milliard, à condition d'avoir l'assurance de réapprovisionnements.

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On a beaucoup parlé des masques, mais peu de l'évolution des stocks stratégiques d'antibiotiques et d'antiviraux. Entre 2015 et 2019, on constate une diminution importante du volume des stocks. En 2017, année de la publication de votre étude, la baisse est moins nette, puisqu'elle avait déjà été forte. On est passé de 303 millions d'unités d'antiviraux en 2015 à un peu plus de 51 millions en 2019. La chute du nombre d'antibiotiques est encore plus marquée, de 86 millions à un peu moins de 13 millions. Comme pour les masques, y a-t-il eu un défaut d'anticipation et une moins bonne gestion des stocks après la disparition de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ?

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Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble

Sur ce point, j'en suis réduit à ce que je peux imaginer. Ni moi ni le groupe que je présidais n'avons eu à connaître de ce sujet. L'idée d'un stock tournant a dû faire son chemin et c'est l'option qui a été privilégiée, mais je n'en ai aucune certitude. En tant que président du groupe ou en tant que responsable de la société savante, je n'ai jamais été informé du niveau des stocks. Ce sont des chiffres que vous m'apprenez.

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Vous aviez émis une recommandation sur le besoin. Vous concluez à la nécessité d'un stock d'antibiotiques capable de traiter 1,5 % de la population. Quantitativement, qu'est-ce que cela représente ?

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Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble

Il s'agit de la quantité de traitements nécessaire à 1,5 % de la population à raison d'une semaine par personne. Je ne suis plus certain qu'on ait précisé la nature des antibiotiques, mais il n'y a pas besoin de beaucoup de molécules différentes. On peut se contenter de deux.

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En 2011, déjà dans la sphère scientifique de l'infectiologie, vous avez connu le plan pandémie qui a permis de constituer un stock de 1,6 milliard de masques, de millions de doses de Tamiflu et d'antibiotiques et de plus de 6 000 respirateurs. Ce stock s'est effondré au fil des années. En 2016, par votre rapport, qui confirmait les besoins, vous avez éclairé la société scientifique, politique et ministérielle sur les manques. Êtes-vous allé à l'EPRUS, à Vitry-le-François, où sont stockés ces produits et matériels médicaux, pour constater la déliquescence de notre protection ? Le professeur Bourdillon, qui a dirigé Santé publique France entre 2016 et 2019, nous a dit s'être inquiété du volume du stock de masques disponible en 2016 et 2017 et a évoqué le flou quant à l'utilité des masques.

Vous êtes président du syndicat européen des infectiologues. Quel est le point de vue des infectiologues européens ? Sont-ils dans le même état d'esprit en matière de protection contre les crises sanitaires ?

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Existe-t-il une controverse entre médecins, et éventuellement entre responsables des autorités sanitaires, à propos de l'utilité des masques en cas de pandémie grippale, de nature à justifier l'absence du renouvellement des stocks que vous avez préconisé ? Avez-vous le sentiment que la doctrine d'utilisation des masques a été commandée par l'état des stocks ?

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Nous avons été surpris par la pandémie, parce que nous n'avions pas les données exactes. Vous avez affirmé qu'il était utopique d'espérer avoir un vaccin d'ici six mois, alors qu'il s'agit du meilleur moyen de mettre un terme à la pandémie. Le régime transitoire de l'état d'urgence devant s'interrompre début octobre, on va nous demander de le proroger jusqu'au 1er avril. Est-ce trop, pas assez ou suffisant ?

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Durant toute la période de confinement et de déconfinement, j'ai été surprise d'entendre autant de confrères, notamment des médecins infectiologues, prétendre sur les plateaux télés que le seul traitement efficace était le remdesivir. L'Europe en a acheté pour plus de 60 millions d'euros, mais la Haute Autorité de santé a mis en garde sur l'utilisation de cette molécule, eu égard à ses nombreux effets secondaires. Cela vous surprend-il ?

Les jeunes médecins infectiologues sont-ils suffisamment formés à la clinique ou sont-ils bercés par des modèles mathématiques ou techniques ?

Vous avez dit vous-même en mai qu'il n'y avait aucun traitement contre le covid. Les essais Discovery et Revovery, aujourd'hui arrêtés, n'ont jamais suivi correctement le protocole préconisé par l'institut universitaire de Marseille. Que pouvez-vous nous en dire ?

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Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble

Nous ne sommes pas allés visiter l'EPRUS. Peut-être aurions-nous dû, mais notre compétence était scientifique et non logistique. Je ne suis pas sûr que nous aurions pu constater un manque dans les stocks ou, au contraire, leur adéquation. Au début de nos travaux, la question était de savoir s'il fallait renouveler, augmenter ou réduire le stock. Il existait ; nous n'avions pas connaissance de sa détérioration. De notre point de vue, cette structure était efficace et méritait d'être soutenue, car sa fonction spécifique est d'agir sur le terrain avec une rapidité et une souplesse que ne peut avoir une administration centrale qui n'a pas recruté les personnes faites pour cela. Rien que pour cette raison, cette structure méritait d'être fortement soutenue, voire développée, puisque, au cours de la crise, nous avons constaté que nous avions des besoins de cet ordre.

Il n'y a pas de controverse sur l'utilité des masques. Vous connaissez les médias : un journaliste vous appelle à 19 heures 45 pour vous demander de donner votre avis sur les ondes à 20 heures, en tant qu'individu et non comme porte-parole, et il y a autant d'avis que d'individus. Mais ces avis divergent à la marge. Depuis que la chirurgie existe, les chirurgiens portent un masque. Son utilité pour la protection des autres est incontestable, comme l'est celle du masque FFP2 pour la protection du soignant. Le seul débat, autant médical que sociologique, voire économique, concerne le port du masque par la population générale. Les études sur la grippe montrent que, pour diverses raisons, y compris la mauvaise adhésion du public, le port du masque n'est pas d'une grande utilité, à tel point que certaines publications concluent qu'il vaut mieux demander aux gens de se laver régulièrement les mains.

Compte tenu de la fréquence des transmissions par des personnes asymptomatiques, on ne peut plus discriminer un porteur contaminant de quelqu'un qui ne l'est pas, et l'on doit demander à tout le monde d'en porter, tout le monde étant suspect. On doit nécessairement faire des recommandations globales, puisqu'on ne peut faire du sur mesure. Il est certes inutile pour quelqu'un qui roule seul à vélo, mais on est obligé d'imposer cette contrainte à tout le monde pour assurer une efficacité générale. Considérer superflu de porter un masque quand on est seul dans la rue ne relève pas de la controverse scientifique. Je ne pense pas que cet aspect puisse expliquer un quelconque désintérêt pour des stocks.

Tous ceux qui se sont exprimés avec un recul scientifique suffisant s'accordent à dire qu'aucun traitement antiviral n'est efficace sur la Covid, pas plus le remdesivir que les autres. L'agence américaine qui a commandé des stocks de remdesivir a fait ce que sont en train de faire les fabricants en créant les chaînes de production d'un vaccin qui n'a pas encore été évalué : un pari pour gagner du temps. Si le vaccin ne fonctionne pas, tout s'effondrera, à commencer par leur investissement. La Food and Drug Administration (FDA), sur la foi d'un article très bien fait paru dans le New England Journal of Medicine, montrant chez les patients « modérés » un gain de trois ou quatre jours de symptômes, avait décidé d'en commander afin d'en disposer si une meilleure efficacité était démontrée à l'avenir. Mais toutes les études publiées depuis montrent que s'il n'est pas nul, le bénéfice du Remdésivir est minime et ne mérite pas de faire des stocks.

En ce qui concerne l'hydroxychloroquine, toutes les études, toutes les méta-analyses réalisées – une méta-analyse ne consiste pas à faire la moyenne des études publiées sur un médicament, mais à sélectionner celles présentant une valeur scientifique pour en tirer un résultat – montrent qu'associée ou non à d'autres molécules, elle ne change rien au parcours du patient infecté.

Cette polémique n'est pas scientifique. Les conclusions scientifiques montrent clairement que, pour l'instant, aucun médicament antiviral n'est efficace. Le seul traitement révélant une utilité, ce sont les corticoïdes. Alors qu'on les réservait aux malades graves immédiatement avant leur passage en réanimation dans l'espoir qu'ils n'y passent pas, on les donne un peu plus tôt et il y a encore moins de passages en réanimation. La baisse du nombre de décès et de patients réanimés lors de ce qu'on appelle la deuxième vague, mais qui est la poursuite de la première, résulte d'une meilleure prise en charge des patients qui vient du fait que l'on a tiré les enseignements du mois de mars.

L'enseignement de la clinique est absolument essentiel dans les études de médecine. Une partie de l'évaluation des étudiants est fondée sur un examen clinique surveillé : ils examinent un malade sous le contrôle d'un examinateur. Cela complète l'enseignement.

Selon une hypothèse optimiste, un ou plusieurs vaccins – puisque cinq sont au même stade avancé de développement – seraient disponibles d'ici la fin de l'année. Mais il faut s'entendre sur les mots. Disponibles, cela signifie qu'ils ont montré qu'ils étaient sûrs et efficaces et non qu'ils sont fabriqués à des milliards de doses. Ce qui supposerait sans doute que vous statuiez sur une priorisation, car tout le monde ne pourra le recevoir en même temps. C'est une décision socio-politique. Encore faut-il que les Français l'acceptent, car les derniers sondages révèlent qu'un tiers de la population refuserait catégoriquement ce vaccin. Il faut s'accoutumer à vivre avec le virus pendant une période significative. L'horizon du mois d'avril ne me semble pas du tout incongru.

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Vous avez évoqué le besoin d'un stock minimal d'1 milliard de masques, évaluation déjà en vigueur en 2012, mais le chiffrage peut varier en fonction de l'émergence d'un vaccin ou d'un traitement. Je suis surpris et déçu qu'au pays de Pasteur, on ait presque plus peur des vaccins que des pathologies. Les polémiques médicales intervenues au début de la crise ont pu aggraver la perte de confiance de la population, y compris vis-à-vis de la science et des médecins. Il y a plus de deux cents projets de vaccin, dont cinq à six en phase 3, c'est-à-dire testés à grande échelle. Confirmez-vous la possibilité de disposer d'un vaccin pour 2021 ?

Après les masques, le prochain débat portera sur le nombre de vaccins, comme lors des précédentes pandémies de 2009 et 2010. Quelle est la quantité de vaccins souhaitable et quelle sera l'incidence de leur apparition sur les stocks de masques ?

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J'ai apprécié votre discours. On entend rarement un professeur reconnaître qu'il s'est trompé. En outre, votre jugement sur l'hydroxychloroquine est clair.

Vous avez dit n'avoir pas eu accès aux bâtiments de l'EPRUS. J'insiste auprès de mes collègues président et rapporteur pour que nous nous y rendions. Alors qu'il y avait sur place un pharmacien en chef, plusieurs millions de masques s'y sont détériorés. Quand j'exerçais dans le privé, nous faisions chaque année un état des stocks, et tout ce qui était détérioré partait au rebut.

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Jean-Paul Stahl, ancien chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Grenoble

Ce n'est pas que nous n'ayons pas eu accès aux stocks, c'est que nous ne l'avons pas demandé. Je ne peux pas dire qu'il y ait eu obstruction. Nous avons peut-être eu tort de ne pas le demander, ne serait-ce que pour aller au bout de notre démarche. J'ai visité les stocks de masques dans mon CHU : j'ai vu des palettes et des cartons, mais j'étais incapable d'en analyser le contenu. Si nous avions visité l'EPRUS avec nos petits moyens, juste pour voir, je ne suis pas sûr que nous en aurions tiré grand-chose.

Bien entendu, la quantité nécessaire de masques dépend de la quantité de population immunisée. Moins elle est nombreuse et plus il faut de masques, c'est incontestable.

Malheureusement, l'hésitation vaccinale ne date pas du covid. Une excellente enquête réalisée en Grande-Bretagne par Heidi Larson sur l'ensemble des pays développés donnant accès à une information fiable montre que la France est championne du monde de la résistance à la vaccination. Je ne saurais vous dire pourquoi : je ne suis pas sociologue. À tel point qu'il a fallu de nouveau rendre certains vaccins obligatoires. Avec François Bourdillon, à l'époque lointaine où il n'était pas encore directeur de Santé publique France, nous avions fait un rapport sur l'amélioration de la vaccination en France. Vint ensuite le rapport Fischer, qui pointait la prééminence du problème en France.

La réponse passe par l'information et l'éducation, mais elle est rendue plus difficile encore par les réseaux sociaux. Avec d'autres collègues, j'ai publié un article sur l'effet des réseaux sociaux sur la vaccination et leurs mécanismes : répétitivité, persistance, réactivation d'un message à partir d'un événement tout à fait étranger. Pourquoi ne pas y être présents nous aussi ? Au sein de la société savante, nous nous posons la question mais comment y être efficaces ? Force est de reconnaître la réussite de ce point de vue du site officiel du ministère de la santé sur la vaccination, première occurrence sur Google quand on fait une recherche sur le sujet et premier site cité par le grand public lorsqu'on l'interroge sur ses sources d'information. C'est un travail de longue haleine dont je crains qu'il ne puisse aboutir avant l'arrivée du vaccin. Il va falloir dépenser beaucoup d'énergie pour convaincre une partie de la population que la vaccination permet de se protéger soi-même mais aussi de protéger les autres.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Réunion du mardi 22 septembre 2020 à 18 h 30

Présents. - M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, M. Jean-Pierre Door, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Sereine Mauborgne, M. Jean-Pierre Pont, M. Boris Vallaud

Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Nicolas Démoulin, Mme Martine Wonner