Ce n'est pas que nous n'ayons pas eu accès aux stocks, c'est que nous ne l'avons pas demandé. Je ne peux pas dire qu'il y ait eu obstruction. Nous avons peut-être eu tort de ne pas le demander, ne serait-ce que pour aller au bout de notre démarche. J'ai visité les stocks de masques dans mon CHU : j'ai vu des palettes et des cartons, mais j'étais incapable d'en analyser le contenu. Si nous avions visité l'EPRUS avec nos petits moyens, juste pour voir, je ne suis pas sûr que nous en aurions tiré grand-chose.
Bien entendu, la quantité nécessaire de masques dépend de la quantité de population immunisée. Moins elle est nombreuse et plus il faut de masques, c'est incontestable.
Malheureusement, l'hésitation vaccinale ne date pas du covid. Une excellente enquête réalisée en Grande-Bretagne par Heidi Larson sur l'ensemble des pays développés donnant accès à une information fiable montre que la France est championne du monde de la résistance à la vaccination. Je ne saurais vous dire pourquoi : je ne suis pas sociologue. À tel point qu'il a fallu de nouveau rendre certains vaccins obligatoires. Avec François Bourdillon, à l'époque lointaine où il n'était pas encore directeur de Santé publique France, nous avions fait un rapport sur l'amélioration de la vaccination en France. Vint ensuite le rapport Fischer, qui pointait la prééminence du problème en France.
La réponse passe par l'information et l'éducation, mais elle est rendue plus difficile encore par les réseaux sociaux. Avec d'autres collègues, j'ai publié un article sur l'effet des réseaux sociaux sur la vaccination et leurs mécanismes : répétitivité, persistance, réactivation d'un message à partir d'un événement tout à fait étranger. Pourquoi ne pas y être présents nous aussi ? Au sein de la société savante, nous nous posons la question mais comment y être efficaces ? Force est de reconnaître la réussite de ce point de vue du site officiel du ministère de la santé sur la vaccination, première occurrence sur Google quand on fait une recherche sur le sujet et premier site cité par le grand public lorsqu'on l'interroge sur ses sources d'information. C'est un travail de longue haleine dont je crains qu'il ne puisse aboutir avant l'arrivée du vaccin. Il va falloir dépenser beaucoup d'énergie pour convaincre une partie de la population que la vaccination permet de se protéger soi-même mais aussi de protéger les autres.