Intervention de Georges-François Leclerc

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 14h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Georges-François Leclerc, préfet de la Seine-Saint-Denis :

Je suis heureux de retrouver les parlementaires des départements dans lesquels j'ai eu l'honneur de servir et où je sers encore aujourd'hui l'État. Je suis accompagnée par Mme Anne‑Claire Mialot, préfète déléguée pour l'égalité des chances qui m'a assisté dans la direction des services de l'État et dans la concertation avec les collectivités et les élus tout au long de la crise.

Je voudrais d'abord vous livrer quelques éléments factuels concernant le département de la Seine‑Saint-Denis. Ce département compte 1,6 million d'habitants et comprend quarante communes : ce sont donc quarante interlocuteurs que nous avons réunis toutes les semaines en audioconférence. Dans les mêmes circonstances, si j'avais encore été préfet de l'Aube, j'aurais dû gérer la situation avec 600 interlocuteurs détenteurs d'un pouvoir réglementaire important. De même gérer la crise avec 264 communes en Haute-Savoie, ou avec les 194 communes des Alpes-Maritimes aurait été plus compliqué qu'en Seine-Saint-Denis.

Le département de la Seine-Saint-Denis compte 70 % d'habitat collectif, 40 % d'habitat social et trente-cinq foyers de travailleurs migrants, éléments qui permettent d'expliquer la difficulté rencontrée lors de la crise sanitaire. Le seuil de pauvreté y avoisine les 30 %. C'est dire qu'environ 30 % des ménages vivent avec moins de 1 000 euros par mois. Dans certaines communes, telles que Saint-Denis, La Courneuve et Clichy-sous-Bois, les taux de pauvreté frôlent 50 %. Les taux de pauvreté-précarité sont très élevés.

Autant les services publics y sont très importants, autant le marché du travail est marqué par un large recours à l'intérim et à l'activité de voitures de transport avec chauffeur (VTC). Ce département, notamment en raison de la proximité de Paris, mais aussi de l'aéroport Charles de Gaulle, se caractérise par une certaine souplesse du marché du travail. Plus de 10 000 VTC sont enregistrés à la préfecture de la Seine-Saint-Denis, c'est-à-dire autant de travailleurs qui ont été confrontés à une perte brutale et rapide de revenu.

Ce département biologiquement très jeune a enregistré l'une des surmortalités les plus prononcées. Ce paradoxe est au cœur des interrogations de votre commission. Les difficultés du confinement tiennent au fait que 72 000 personnes vivent dans 28 000 logements insalubres, soit 7,5 % du parc privé, à rapporter aux 70 % d'habitat collectif et aux 40 % d'habitat social. Il s'agit aussi d'un département très minéral ; s'il compte de très beaux parcs départementaux ces derniers sont très concentrés. Comparé à d'autres départements de la région Île-de-France ou à d'autres où j'ai eu l'honneur d'être préfet, cela n'a rien à voir. La Seine-Saint-Denis est surdense et très minérale, ce qui peut constituer une difficulté.

En effet, le département a enregistré une surmortalité. Je disposais du chiffre de 124 % ; vous avez cité celui de 130 %. Je suppose que des ajustements sont intervenus. Au‑delà de la valeur relative, il y a la valeur absolue. Nous avons enregistré et déploré – je le dis avec force – 1 045 décès à l'hôpital et 548 décès en EHPAD. Il faut y ajouter environ 2 000 personnes qui, originaires ou habitant la Seine-Saint-Denis, sont décédées dans des hôpitaux parisiens pendant la phase aiguë de l'épidémie. En effet, l'offre de soins doit être approchée en prenant en compte la dimension régionale caractérisée par une imbrication géographique avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui compte des hôpitaux en Seine-Saint-Denis et avec l'ARS Île-de-France dont le travail de régulation des hospitalisations a permis une gestion très efficace de l'offre de soins, des hôpitaux publics comme privés.

Il m'est très difficile, cependant, de vous fournir une valeur absolue précise. Ce n'est qu'a posteriori que l'INSEE pourra réaliser ce travail, mais nous savons d'ores et déjà que ce département a particulièrement souffert. Que l'on approche la situation à travers la surmortalité, la crise sociale, voire alimentaire, qui ont eu lieu pendant la crise sanitaire, la crise a été globale en Seine‑Saint‑Denis.

Pour comprendre ce département, il faut savoir que, pour beaucoup, ses habitants sont allés travailler pendant le confinement. En effet, le télétravail y est beaucoup moins répandu qu'ailleurs, car nombre de salariés et de travailleurs pratiquent des métiers manuels. Le confinement, qui a été pénible pour la population, a été, pour l'essentiel, très bien respecté, et s'est conjugué avec une population dont la proportion de personnes au travail était très élevée.

Ceux qui travaillent dans « l'uber-économie » ou dans l'intérim ont eu à souffrir d'une chute rapide et brutale de leurs revenus, ce qui n'a pas été sans impact sur la crise sociale que nous avons connue. Anne-Claire Mialot pourra répondre à vos questions sur la précarité. De nombreuses personnes, en raison de leur statut au regard du droit au séjour ou de la grande précarité que l'on y enregistre, vivent dans des bidonvilles ou dans des habitats très informels. La question de la précarité s'est donc posée.

J'ai évoqué la crise sanitaire et la crise économique ; on peut également parler de crise alimentaire, à laquelle le gouvernement et les pouvoirs publics – collectivités territoriales et services de l'État, dans les départements comme les régions – se sont attachés à répondre très rapidement.

Au-delà des chiffres sur le seuil de pauvreté, plusieurs dizaines de milliers de personnes vivent dans des hôtels ou des bidonvilles. Il fallait apporter en urgence des réponses à un problème auquel nous n'étions pas préparés ; nous les avons trouvées. Avec les mairies et le conseil départemental, nous nous sommes organisés pour apporter des soins à cette population en souffrance.

Des réponses ont également été apportées par l'agence régionale de santé pour la réorganisation de l'offre de soins qui a été forte et rapide. La puissance de l'offre de soins dans la région parisienne est un facteur qui a grandement aidé et sans doute évité bien des décès. La réponse alimentaire et sociale est venue le conforter, ainsi que la réponse relevant du domaine régalien qui présente quelques particularités en Seine‑Saint‑Denis.

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