. Avant toute chose, je souligne un petit conflit d'intérêts puisque je suis l'un des rédacteurs du projet de loi ayant créé les agences régionales de santé : c'est l'un des honneurs de ma vie. C'est de manière très contingente que l'ARS Île-de-France a fourni un effort tout particulier et, de mon point de vue, très réussi, en maintenant un lien constant, je dirai quotidien, avec les préfets de département. C'est, du reste, ce qui figure dans la loi du 31 juillet 2009 qui met les directeurs généraux des ARS à la disposition des préfets de départements en cas de crise sanitaire.
Cette disposition législative a été incarnée de manière exemplaire par le directeur général de l'ARS Île-de-France, mais aussi par les délégués départementaux que nous avons rencontrés. L'ARS a pris sur sa propre substance pour détacher des personnes particulièrement efficaces aux fonctions de délégué territorial.
Je disposais de tout ce dont les préfets confrontés à une crise très importante font valoir, à commencer par une information très précise, malgré les difficultés statistiques indiquées précédemment qui font que je n'ai pu rendre compte devant la représentation nationale que du nombre de morts en Seine‑Saint‑Denis. Sur les 1 045 personnes décédées à l'hôpital de Seine-Saint-Denis, peut-être compte‑t‑on des habitants du Val‑d'Oise ou de Seine‑et‑Marne, et réciproquement. Je sais que plusieurs centaines de mes administrés sont décédés dans des hôpitaux parisiens – 2 000 est une approximation. Une consolidation devra intervenir. J'ai toutefois reçu une information épidémiologique et sur la surmortalité scrupuleuse et quotidienne.
L'ARS Île-de-France a réalisé un travail remarquable sur trois plans.
Elle a réorienté la médecine ambulatoire non libérale puisque la majeure partie de la médecine ambulatoire en Seine‑Saint‑Denis repose sur des centres municipaux de soins qui ont été particulièrement efficaces à la Courneuve, à Clichy‑sous‑Bois et à Saint‑Denis. On en revient à l'importance du lien entre le préfet et le maire et à la facilité de n'avoir que quarante mairies importantes en interaction permanente. L'ARS a permis à ces centres municipaux de soins, par un contact quasi quotidien, de réorienter en première ligne l'offre de soins ambulatoires afin d'éviter l'encombrement des services d'urgence et d'hospitalisation publique. Nous avons assisté à un travail considérable de création de lits de réanimation, de réorientation des centres municipaux de soins qui ont été extrêmement efficaces dans les municipalités de la Seine-Saint-Denis.
Enfin, lors du déploiement des tests, l'ARS, à la demande de Mme Mialot et à ma demande, a envoyé des équipes mobiles dans les foyers de travailleurs migrants. Je me souviens avoir reçu une lettre de M. Stéphane Peu m'enjoignant, ce en quoi il avait raison, de me polariser sur les foyers de travailleurs migrants qui étaient un point de risque non négligeable. L'interaction permanente avec les élus qui connaissent parfois mieux la Seine‑Saint‑Denis qu'un préfet présent depuis à peine un an a permis de réagir très rapidement. L'ARS a dépêché des équipes mobiles, parfois détachées de l'AP-HP, parfois venant d'associations, pour tester des points de risque importants.
Je considère que les relations avec l'ARS, qui a réalisé un travail exceptionnel, ont été fructueuses. Pas une journée ne s'est passée sans que je sois en contact téléphonique avec le directeur général de l'ARS, pourtant très sollicité, pour un conseil ou pour répondre à mes questions, voire à nos angoisses tant certains chiffres étaient vertigineux !
J'ai déjà répondu en partie sur les lits de réanimation. Je redis, même si je sais que je ne ferai pas plaisir à tous les parlementaires ici présents, que, dans une région aussi imbriquée que l'Île-de-France, l'on ne peut pas prendre isolément le chiffre de l'offre de soins en Seine‑Saint‑Denis. La Seine-Saint-Denis n'est pas un territoire insulaire. Le premier lien est géographique. Un habitant de Pantin bénéficie de l'hôpital Robert Debré, un habitant de Saint‑Ouen de l'hôpital Bichat, deux grands hôpitaux de Paris. Un habitant de Villetaneuse peut avoir recours aux hôpitaux du Val‑d'Oise. Lorsque l'on habite dans une région très concentrée, aux moyens de transport ambulanciers développés, l'analyse des seuls lits de réanimation en Seine‑Saint‑Denis n'offre qu'un indicateur. Plus le nombre de lits de réanimation proches est élevé, mieux c'est, mais cela a moins de sens en région Île‑de‑France que dans une autre. Dans l'Aube, où Troyes est éloigné de Reims, ou encore en Haute-Savoie, analyser ce nombre en valeur absolue a du sens. C'est moins vrai en région parisienne en raison de la proximité de centres de soins puissants.
Il convient également de prendre en compte la présence de l'AP-HP, qui constitue une organisation en soi. Les cas très graves étaient immédiatement transportés dans les centres de référence. Nombre de mes administrés et parfois certains élus atteints ont été soignés à la Pitié-Salpêtrière ou à Bichat, alors que la première hospitalisation avait lieu au Vert-Galant, à Avicenne ou à l'hôpital de La Fontaine-Casanova.
Bien sûr, l'indicateur du nombre de lits de réanimation en Seine‑Saint‑Denis est intéressant, mais ne traduit pas la totalité de l'offre de soins susceptible de répondre à la problématique particulière de la Seine‑Saint‑Denis. Disant cela, je suis un peu en porte‑à‑faux avec certains beaux sentiments à l'égard d'un département qui a beaucoup souffert ; il n'en demeure pas moins que la Seine‑Saint-Denis est comprise dans un ensemble qui a permis, grâce au travail de l'ARS et à la régulation interne à l'AP-HP, de répondre aux besoins. Je n'ai pas eu connaissance de nombreux transferts vers d'autres régions, comme depuis le Haut-Rhin.