Intervention de Georges-François Leclerc

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 14h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Georges-François Leclerc, préfet de la Seine-Saint-Denis :

Le confinement a été globalement bien respecté dans le département de la Seine-Saint-Denis qui compte 1,6 million d'habitants. Vous évoquez des éléments chiffrés qui font apparaître que les habitants circulaient très souvent hors du département, puisqu'ils utilisent les transports publics pour se rendre au travail. Le nombre élevé de contrôles n'est donc pas anormal.

Vous considérez que le rapport entre le nombre de verbalisations et le nombre de contrôles était d'une valeur relative assez élevée. J'appelle votre attention sur un élément qui me conduit à affirmer que le confinement a été très bien respecté : le nombre de verbalisations par jour a diminué au fil de la crise, qui a été très longue, alors qu'il a augmenté dans d'autres départements. Au cours des premières semaines, nous avons connu une période d'adaptation au confinement accompagnée par une action pleine de discernement des forces de l'ordre, auxquelles je rends un hommage tout particulier. Elles ont su procéder à des contrôles, au début à caractère pédagogique, puis plus prétoriens. Au début du confinement, les contrôles et les infractions ont été nombreux pour diminuer au bout de huit à dix jours. Pour avoir vécu en permanence dans le département pendant des mois, je puis vous assurer que le dimanche après-midi, dans le quartier du Chemin vert ou Paul Éluard à Bobigny, tout le monde se déplaçait avec son laisser-passer.

Pour moi, deux mondes très différents se côtoyaient : celui des jours fériés et celui des jours de la semaine, dès lors que la Seine-Saint-Denis ne télétravaillait pas ou très peu, et que nombreux étaient ses habitants à se rendre au travail pour remplir les fonctions supports en région Île-de-France. Même si le nombre absolu de contrôles et de verbalisations a été élevé au début de la crise sanitaire pendant la période d'adaptation, il a commencé à fléchir au bout de quinze jours et par la suite, au fil des deux mois de confinement. Les dernières semaines, le taux de verbalisation a progressé dans d'autres départements parce que le confinement était une épreuve alors qu'il continuait de diminuer en Seine‑Saint‑Denis.

La Seine-Saint-Denis peut donner l'image d'un département un peu vif, mais ses habitants ont respecté le confinement parce qu'ils avaient peur du nombre élevé de décès. Atypiques, les courbes des contrôles et des verbalisations se sont infléchies au fur et à mesure de la crise. Ce n'était pas précisé dans l'article publié par Libération que j'ai lu, tout comme vous, qui se limite à une analyse du nombre de contrôles et de verbalisations, omettant de dire que la règle a été suivie de mieux en mieux.

La stratégie des contrôles a été concentrée sur les points à risques, par exemple, les magasins d'alimentation. Nous avonsfermé 136 commerces. Nous nous concentrions davantage sur les commerces qui ne jouaient pas le jeu que sur la population dont on considérait qu'elle respectait les règles.

Vous m'avez interrogé sur la population réelle de la Seine-Saint-Denis. Les seuls éléments statistiques dont je suis certain, c'est que j'ai l'honneur d'être préfet d'un département de 1,6 million habitants, dont 50 000 bénéficient de l'aide médicale d'État. Le chiffre est vérifié par l'Insee. Sur le nombre de personnes en situation irrégulière, je ne suis pas en mesure de faire une extrapolation. Des chiffres ont été donnés, selon moi imprudemment par certains de mes prédécesseurs. Le seul chiffre certain est celui des 50 000 bénéficiaires de l'aide médicale d'État, c'est-à-dire de l'offre de soins alors qu'elles n'ont pas de droit au séjour. Certains de mes prédécesseurs ont procédé à des extrapolations de ces chiffres ; je me refuse à le faire.

Sur la relation ARS-préfet-département, une disposition de la loi du 31 juillet 2009 rappelle qu'en cas de crise sanitaire, le directeur général de l'ARS est à la disposition du représentant de l'État dans le département. C'est en ce sens que M. Jean-Pierre Door avait amendé le texte. Il existe donc bien un lien direct, juridique, entre le directeur général de l'ARS et le préfet de département. Je dois dire que le lien direct entre le directeur général de l'ARS Île-de-France et moi-même a été magnifiquement incarné. Je pense que d'autres préfets d'Île-de-France pourraient vous dire la même chose. Aucun de mes appels au directeur général de l'ARS n'est resté sans réponse, une réponse plus ou moins rapide certes, dans la mesure où il a beaucoup de préfets de département en région Île-de-France.

J'ai connaissance de régions où cela s'est moins bien passé, mais je refuse de m'exprimer sur ce que je ne connais pas directement. Je puis vous assurer que, pour l'Île-de-France, alors même qu'il s'agissait de l'une des régions les plus difficiles à gérer en raison du nombre d'interlocuteurs en cause, le lien direct voulu par la représentation nationale en 2009 entre le directeur général de l'ARS, le préfet de département et le préfet de région a été parfaitement incarné.

S'agissant de l'hébergement, Mme Anne-Claire Mialot et moi-même avons mis à l'abri 2 139 personnes supplémentaires pendant la crise. Partant du principe qu'il était difficile de faire respecter le confinement à une personne qui est à la rue, la primauté est donc allée à la prise en charge de cette catégorie de personnes, notamment par la réquisition d'hôtels ou de centres d'hébergement. Pour l'exemple, en mars, avec le concours du préfet de la région Île-de-France, nous avons mis à l'abri, en quelques heures, 700 personnes vivant au bord du canal, de Saint-Denis à Aubervilliers, en réquisitionnant des hôtels et des gymnases que nous avons agréés avec des associations, parce que l'on ne peut respecter le confinement dans une tente Qechua ! Au-delà de l'aspect sanitaire, s'ajoutaient des aspects humanitaires qui imposaient une intervention rapide. Le préfet de la Seine-Saint-Denis organise quotidiennement la mise à l'abri de 12 000 personnes en temps normal et l'unité opérationnelle du programme 177 pèse plus de 100 millions d'euros.

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