Durant cette période, nous avons tenu des réunions très régulières afin de coordonner efficacement les actions au sein de notre fédération.
Un premier chapitre a été ouvert autour de l'anticipation, alors qu'il apparaissait assez objectivement que les patients atteints de cancer étaient susceptibles de présenter des complications graves dans certaines circonstances. La nécessité de travailler très précocement sur la mise à disposition du personnel et des patients d'équipements de protection individuels (EPI) s'est très tôt fait sentir. La fédération et les établissements se sont mis en ordre de marche pour acquérir ces équipements, qui étaient parfois difficiles à obtenir par les circuits habituels.
La fédération a également élaboré des recommandations pratiques facilitant l'accueil et la poursuite de la prise en charge des patients, en lien étroit avec de nombreuses ARS, sachant que les traitements en oncologie ne peuvent, dans leur grande majorité, être différés.
Ce travail d'anticipation a été accompagné de manière assez collégiale par les établissements publics et privés avec lesquels nous travaillons en réseau au niveau régional. Très rapidement, il a été admis qu'il était possible de sanctuariser la prise en charge des patients recevant des traitements systémiques dans les centres de lutte contre le cancer (CLCC).
Nous avons souhaité que la gouvernance de la crise soit à la fois resserrée et collaborative, tant avec les ARS et les structures de proximité qu'au sein de la fédération UNICANCER. Nous nous sommes fixé plusieurs objectifs.
Le premier a été de rassurer les patients, très inquiets. Tant au niveau des établissements qu'à l'échelle d'UNICANCER, nous avons cherché à rassurer les patients suivis et connus en utilisant tous les moyens – hotlines, mails, courrier papier, puisque 50 % de la population reçues dans nos établissements ne dispose pas d'adresse électronique – pour les joindre et les inviter à venir en consultation, dans des conditions de protection maximale. À l'évidence, la protection des soignants, des médecins et des patients était congruente et nécessaire pour diminuer au maximum le risque de contamination des patients. Les résultats ont été probants pour la plupart des centres.
Comme vous le savez, les taux d'incidence et de prévalence des infections graves se sont révélés très hétérogènes, et certains CLCC, dans le Grand Est et en Île-de-France, ont été davantage impactés. Fin mars, début avril, leurs services de réanimation ont dû accueillir des patients non atteints de cancer, faute de places ailleurs, ce qui a décalé un certain nombre d'interventions chirurgicales nécessitant de placer les patients en réanimation. Un travail a alors été réalisé entre les établissements locaux et au sein de la fédération UNICANCER pour partager les moyens, les ressources humaines – notamment les anesthésistes – et, lorsque cela se révélait nécessaire, adresser des patients à d'autres sites moins touchés par la pandémie.
Alors que les connaissances sur la pandémie évoluent chaque semaine, nous avons souhaité participer de manière proactive à la production du savoir, dans deux directions.
Nous nous sommes d'abord attachés à collecter des informations épidémiologiques fiables sur les patients atteints de cancer, ce qui a abouti à la constitution d'une base de données, en cours de publication. Deux informations importantes en ressortent. L'une est déjà connue, c'est l'importante mortalité des patients atteints de cancer en cours de traitement actif et infectés de manière documentée par le covid-19. L'autre sera probablement débattue dans la littérature scientifique : nous avons constaté une mortalité également accrue de patients atteints de cancer et présentant des symptômes de covid-19, sans que l'infection ait été confirmée par des tests – dont la sensibilité a par ailleurs été pointée du doigt.
Nous nous sommes ensuite employés à mener des études cliniques thérapeutiques. L'excellente interaction entre l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et les pouvoirs publics nous a permis de les mettre en œuvre dans des délais incomparables : entre six et quinze jours ont suffi pour lancer les trois études promues par UNICANCER, alors qu'il faut généralement une année pour activer une étude clinique en cancérologie. Pour autant, ces études n'ont pu être terminées, faute de patients. C'est un fait général : la décrue qui a suivi, fort heureusement, le pic épidémiologique a interrompu ces études – elles sont actuellement réactivées.
Ce fut donc une période complexe, qui a compris plusieurs éléments clés : l'organisation et la prévision ; le travail collaboratif au sein des établissements et entre les établissements sur les territoires régionaux ; le lien important avec les ARS ; notre capacité à nous mobiliser collectivement au sein des établissements, dans la mesure où la quasi-totalité des traitements ne peuvent être différés.