Intervention de Jean-Yves Blay

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 16h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jean-Yves Blay, président du réseau UNICANCER :

L'estimation de 5 à 10 000 décès supplémentaires a été calculée sur la foi de deux articles britanniques reposant sur des observations réalisées dans un système de santé assez différent du nôtre. Leurs auteurs s'appuyaient sur les données de non-fréquentation au moment du diagnostic initial mais aussi de non-consultation de la part de patients connus, pour déboucher sur une estimation plus élevée, de 16 000 à 20 000 décès supplémentaires.

Les chiffres que nous avons proposés se fondaient aussi sur les données recueillies par la fédération. Nous les estimons assez représentatives de ce qui se passe sur le territoire, même si la marge d'erreur est sans doute non négligeable.

Il ne s'agit que d'estimations. Les chiffres évoqués par le professeur Khayat dans Nice-Matin font partie de l'intervalle de confiance présenté par nos collègues britanniques, dans les hypothèses plus négatives en termes de prévalence et d'incidence de ces pathologies au sein de la population et, évidemment, d'utilisation du système de santé. Ces données présentent une certaine fragilité.

Comment aurait-on pu faire ?

Tout d'abord, toutes les manières de diagnostiquer les tumeurs ne requièrent pas le même niveau de technicité et ne seront pas pénalisées de la même manière par la crise sanitaire. Pour détecter le cancer du sein, un équipement radiologique et éventuellement une biopsie, pratiquée en ambulatoire, sont nécessaires. Pour détecter le cancer du côlon, l'une des maladies néoplasiques cancéreuses les plus fréquentes en France, il faudra procéder à une coloscopie. Or le nombre de coloscopies de diagnostic et de dépistage a considérablement chuté pendant cette période, sous le coup de la réorganisation des soins, de la priorisation des patients infectés par le coronavirus, et de l'indisponibilité des anesthésiques nécessaires à ce type d'intervention.

Je souligne à nouveau la stratégie qui a été développée au sein d'UNICANCER et dans les établissements. Seules les interventions non-urgentes, ne concernant pas le cancer, comme une reconstruction mammaire, ont été décalées et différées. Les interventions sur la tumeur primitive ont été maintenues.

Quand on regarde la littérature mondiale sur la mesure de l'impact du retard sur la survie, on est frappé par l'hétérogénéité des études et par la difficulté à obtenir des chiffres fiables. Les chiffres varient selon les maladies, les tumeurs, les procédures. Sans verser dans la caricature, on peut dire que pour certaines maladies, trois mois de retard équivalent à une réduction des chances de guérison de 5 % à 10 % sur le long terme ; pour d'autres, l'impact sera probablement nul ; pour d'autres encore, il sera bien plus lourd. Ce ne sont que des moyennes. La méthodologie est compliquée et la seule manière fiable de mesurer l'évolution d'une maladie serait d'attendre trois mois sans agir, une fois le diagnostic posé – ce qui est bien évidemment inimaginable.

Que faire dans la situation actuelle ? Il faut avant tout rassurer les patients sur le fait que consulter dans un établissement hospitalier ne constitue pas un facteur de risque. Nous avons pu le prouver et nous avons communiqué à ce sujet. Certains établissements ont mis en place des stratégies de dépistage, de diagnostic, d'analyse sérologique qui montrent que les patients qui consultaient n'encouraient pas plus de risques, voire moins, que la population générale. En revanche, il est certain que ne pas se rendre à une consultation de diagnostic est risqué. C'est donc auprès de cette population de sujets qui ne se savent pas encore patients et qui restent chez eux qu'il faut insister et communiquer pour minimiser les risques.

Enfin, alors que nous n'avons pas encore absorbé le retard, il ne faut certainement pas désarmer les services de soins de cancérologie. Ces traitements, qui ne peuvent être différés, doivent être absolument sanctuarisés.

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