Les chiffres sont fragiles, nous l'avons dit. Les retards de prise en charge de patients connus et non traités en temps et en heure sont marginaux. Ils sont de l'ordre d'une semaine, de quinze jours, voire d'un mois, mais dans l'intervalle, nous avons eu recours à une solution alternative thérapeutique. Ainsi, face à une tumeur pulmonaire qui aurait dû être opérée, nous avons pu opter pour un traitement de chimiothérapie permettant d'attendre. À long terme, les résultats seront les mêmes et il n'y aura pas eu de perte de chance. Pour les patients connus, l'impact est donc très modeste.
Les cas où des patients ont refusé de venir par crainte d'être contaminés sont exceptionnels. Personnellement, je ne me souviens que d'un seul, pour lequel nous avons trouvé une autre solution. Nous nous sommes attachés à communiquer avec nos patients et à les rassurer. Et de fait, les hôpitaux de jour étaient quasiment pleins : dans mon établissement, nous sommes passés de 170 à 140 prises en charge thérapeutiques quotidiennes. Parallèlement, les prises en charge en hospitalisation à domicile ont augmenté dans les mêmes proportions.
L'impact a été plus important pour les personnes qui auraient dû consulter pour une suspicion de tumeur, mais ne sont pas venues mais il sera très difficile de mesurer l'ampleur de ce phénomène.
À combien de décès liés au retard de prise en charge il fallait s'attendre : 5 000, 10 000 ou 30 000 ? Dans l'étude que nous avons conduite sur neuf centres, nous restions sur un chiffre minimaliste de 5 000 décès. Nous ne pourrons vérifier ces chiffres que dans quelques années. Pour l'instant, nous constatons des retards de plusieurs mois. Aujourd'hui, nous voyons arriver des patients qui éprouvaient des symptômes déjà au mois de mars et qui n'avaient pas encore consulté. Mais c'est aussi un phénomène fréquent en cancérologie : les personnes retardent la consultation par peur du diagnostic.