Intervention de Dominique le Guludec

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé :

Monsieur le président, je rappellerai tout d'abord les trois principales missions de l'institution : évaluer les produits de santé et les actes professionnels en vue de leur remboursement ; effectuer des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et des recommandations de santé publique ; évaluer la qualité des établissements. Depuis le début de la crise, nous avons continué d'assurer nos missions, que nous ne devions en aucun cas interrompre, au bénéfice des patients. Nous nous sommes, par ailleurs, organisés pour participer aux travaux menés dans le cadre de la crise.

La HAS est une autorité publique indépendante, qui s'exprime sur des fondements scientifiques. Notre indépendance s'exerce à l'égard du politique, des lobbies, de l'industrie, etc.

Nous avons mis en place, dès le début de la crise, des procédures d'urgence, de façon à rendre, au fur et à mesure de l'arrivée des données, des recommandations pour guider les décisions gouvernementales et aider les professionnels de santé et les patients. Il a fallu allier rapidité et solidité des avis, une ligne de crête qui n'a pas toujours été facile à tenir, dans un contexte où nous avons appris en marchant.

Nous avons adapté nos méthodes en restant fidèles à nos fondamentaux, ce qui veut dire que nous nous sommes appuyés sur la science autant que faire se peut, que nous avons géré les conflits d'intérêts des experts travaillant avec nous et continué de coproduire, notamment avec les professionnels de santé et les patients, de façon à trouver des consensus. La coconstruction revêt toute son importance quand la science ne dit pas tout.

Nous avons également été à l'écoute de toutes les parties prenantes intervenant dans les décisions relatives au covid-19, de façon à élaborer un avis le plus ouvert possible, tout en restant indépendants. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur une veille que nous avons immédiatement mise en place concernant les tests, les médicaments, les vaccins.

Nous avons rendu, depuis mars, plus de soixante-dix avis, sur saisine du ministère ou sollicitation des professionnels, dans un délai moyen d'une semaine. Nous nous sommes relativement peu autosaisis de sujets pour lesquels d'autres institutions avaient été saisies ou s'étaient prononcées.

Nos avis ont porté sur des produits de santé, tels que le scanner thoracique et sa place dans le diagnostic, ou les vaccins, notamment la nécessité de maintenir les vaccinations obligatoires pour les nourrissons et d'augmenter la couverture vaccinale contre la grippe des populations fragiles et des personnes qui s'en occupent.

S'agissant du covid-19, nous avons essentiellement travaillé à des scénarios et à des modélisations intégrant tous les facteurs qui joueront sur les stratégies vaccinales – situation de l'épidémie, performances du vaccin, différences d'immunité entre les populations, etc. –, afin de pouvoir rendre des avis le plus rapidement possible lorsque les vaccins seront disponibles.

Concernant les médicaments, la commission de la transparence (CT) a récemment rendu un avis sur le remdesivir, le premier – et, à ce jour, le seul – médicament ayant une indication spécifique pour le traitement du covid-19. Dans un avis confidentiel rendu huit jours après l'autorisation de mise sur le marché (AMM), elle avait considéré que l'accès au remboursement n'était justifié que pour une population plus restreinte que celle de l'AMM, c'est-à-dire uniquement pour les patients nécessitant une oxygénothérapie à moyen ou faible débit, le remdesivir n'ayant pas fait la preuve de son efficacité dans les cas les plus graves.

S'agissant des tests, nous avons qualifié les tests virologiques, dans nos premiers avis, de « réaction en chaîne par polymérase » (PCR) pour qu'ils soient inscrits sur la liste des produits et prestations (LPP) et disponibles en ville dès le 6 mars. Nous avons ensuite livré des avis sur les tests sérologiques, et plus récemment sur les tests salivaires. Nous espérons enfin livrer, la semaine prochaine, un avis sur les tests antigéniques – nous statuons au fur et à mesure des données que nous recevons.

Concernant les tests salivaires, leurs performances étaient tellement hétérogènes que nous avons décidé, début août, d'instaurer un forfait innovation pour accélérer la recherche et obtenir des résultats ; nous avons ainsi pu statuer la semaine dernière.

S'agissant des tests antigéniques, nous avons reçu cette semaine des résultats partiels concernant certaines catégories de patients – des patients symptomatiques, notamment. Nous n'attendons pas de disposer de l'intégralité des données pour publier des avis, afin de faire bénéficier les Français des dernières avancées. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le travail de groupes d'experts – tout en gérant les conflits d'intérêts – et de groupes d'appui composés de représentants de toutes les institutions rendant des avis en la matière, afin d'assurer une meilleure coordination. Je pense aux représentants du conseil scientifique (CS), du comité analyse, recherche et expertise (CARE), des sociétés savantes de biologie, d'infectiologie, d'épidémiologie, etc.

En dehors des produits, nous avons répondu à plusieurs saisines ministérielles relatives à certains actes, tels que l'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse étendue, hors hôpital, à la huitième ou même neuvième semaine de grossesse. Nous avons beaucoup travaillé en téléconsultation en vue de développer la télémédecine.

S'agissant des professionnels, nous nous sommes attachés à la prise en charge, d'une part, des patients covid en ambulatoire et, d'autre part, de tous les patients chroniques en période de confinement, puis de déconfinement, pour les aider, avec leur médecin, à adapter leur mode de vie à l'épidémie. Nous avons traité également de la rééducation, qui s'est révélée très importante durant toutes les phases de la maladie, en hospitalisation, en réanimation, en établissement de soins de suite et de réadaptation (SSR) et au retour au domicile.

Nous avons rendu un avis sur les conditions d'exercice, notamment sanitaires, des professionnels – dentistes, podologues, orthophonistes, etc.–, sur la détection et la prise en charge de la souffrance des professionnels de santé ou encore sur la fin de vie, et notamment sur les alternatives en cas de rupture d'approvisionnement en midazolam.

La commission en charge du social et du médico-social (CSMS) a également rendu un avis, au mois d'avril, sur les difficultés en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Cependant, nous n'avions que peu de solutions à proposer, le problème étant structurel et dépassant largement la question de l'épidémie.

Personne ne peut se satisfaire de ce qui s'est passé, avec 30 000 morts en France. Ma seule satisfaction personnelle est que les équipes de la HAS, réputées pour avoir des méthodes assez rigides, se sont adaptées très vite – comme tous les professionnels de santé d'ailleurs. Les avis ont été et sont livrés au fur et à mesure de la réception des données.

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