Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • HAS
  • salivaire
  • test

La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Présidence de M. Julien Borowczyk, président de la mission d'information

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Madame Le Guludec, vous êtes la présidente de la Haute Autorité de santé depuis 2017, date à laquelle vous avez remplacé Mme Agnès Buzyn, alors nommée ministre de la santé. Dans le contexte de l'épidémie de covid-19, la HAS, par ses avis et fiches réponses, a apporté une expertise aux pouvoirs publics, aux soignants et aux établissements de santé sur la manière de lutter contre l'épidémie et d'organiser au mieux la prise en charge des soins dans une situation d'urgence. La HAS a rendu des avis sur des tests, une potentielle stratégie vaccinale contre le covid-19, des traitements, la continuité de soins et sur la prise en charge des patients pour cette infection et pour d'autres pathologies.

Les inconnues sur le virus, ajoutées à l'activité des réseaux sociaux et à la multiplication d'avis d'experts de toute nature, voire le développement de controverses scientifiques sur la place publique, sont des éléments importants de cette crise qui ont montré la difficulté d'élaborer et de faire passer des messages de santé publique et la nécessité d'une parole de référence.

Avant de commencer cette audition, Madame, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

Mme Dominique Le Guludec prête serment.

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Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

Monsieur le président, je rappellerai tout d'abord les trois principales missions de l'institution : évaluer les produits de santé et les actes professionnels en vue de leur remboursement ; effectuer des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et des recommandations de santé publique ; évaluer la qualité des établissements. Depuis le début de la crise, nous avons continué d'assurer nos missions, que nous ne devions en aucun cas interrompre, au bénéfice des patients. Nous nous sommes, par ailleurs, organisés pour participer aux travaux menés dans le cadre de la crise.

La HAS est une autorité publique indépendante, qui s'exprime sur des fondements scientifiques. Notre indépendance s'exerce à l'égard du politique, des lobbies, de l'industrie, etc.

Nous avons mis en place, dès le début de la crise, des procédures d'urgence, de façon à rendre, au fur et à mesure de l'arrivée des données, des recommandations pour guider les décisions gouvernementales et aider les professionnels de santé et les patients. Il a fallu allier rapidité et solidité des avis, une ligne de crête qui n'a pas toujours été facile à tenir, dans un contexte où nous avons appris en marchant.

Nous avons adapté nos méthodes en restant fidèles à nos fondamentaux, ce qui veut dire que nous nous sommes appuyés sur la science autant que faire se peut, que nous avons géré les conflits d'intérêts des experts travaillant avec nous et continué de coproduire, notamment avec les professionnels de santé et les patients, de façon à trouver des consensus. La coconstruction revêt toute son importance quand la science ne dit pas tout.

Nous avons également été à l'écoute de toutes les parties prenantes intervenant dans les décisions relatives au covid-19, de façon à élaborer un avis le plus ouvert possible, tout en restant indépendants. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur une veille que nous avons immédiatement mise en place concernant les tests, les médicaments, les vaccins.

Nous avons rendu, depuis mars, plus de soixante-dix avis, sur saisine du ministère ou sollicitation des professionnels, dans un délai moyen d'une semaine. Nous nous sommes relativement peu autosaisis de sujets pour lesquels d'autres institutions avaient été saisies ou s'étaient prononcées.

Nos avis ont porté sur des produits de santé, tels que le scanner thoracique et sa place dans le diagnostic, ou les vaccins, notamment la nécessité de maintenir les vaccinations obligatoires pour les nourrissons et d'augmenter la couverture vaccinale contre la grippe des populations fragiles et des personnes qui s'en occupent.

S'agissant du covid-19, nous avons essentiellement travaillé à des scénarios et à des modélisations intégrant tous les facteurs qui joueront sur les stratégies vaccinales – situation de l'épidémie, performances du vaccin, différences d'immunité entre les populations, etc. –, afin de pouvoir rendre des avis le plus rapidement possible lorsque les vaccins seront disponibles.

Concernant les médicaments, la commission de la transparence (CT) a récemment rendu un avis sur le remdesivir, le premier – et, à ce jour, le seul – médicament ayant une indication spécifique pour le traitement du covid-19. Dans un avis confidentiel rendu huit jours après l'autorisation de mise sur le marché (AMM), elle avait considéré que l'accès au remboursement n'était justifié que pour une population plus restreinte que celle de l'AMM, c'est-à-dire uniquement pour les patients nécessitant une oxygénothérapie à moyen ou faible débit, le remdesivir n'ayant pas fait la preuve de son efficacité dans les cas les plus graves.

S'agissant des tests, nous avons qualifié les tests virologiques, dans nos premiers avis, de « réaction en chaîne par polymérase » (PCR) pour qu'ils soient inscrits sur la liste des produits et prestations (LPP) et disponibles en ville dès le 6 mars. Nous avons ensuite livré des avis sur les tests sérologiques, et plus récemment sur les tests salivaires. Nous espérons enfin livrer, la semaine prochaine, un avis sur les tests antigéniques – nous statuons au fur et à mesure des données que nous recevons.

Concernant les tests salivaires, leurs performances étaient tellement hétérogènes que nous avons décidé, début août, d'instaurer un forfait innovation pour accélérer la recherche et obtenir des résultats ; nous avons ainsi pu statuer la semaine dernière.

S'agissant des tests antigéniques, nous avons reçu cette semaine des résultats partiels concernant certaines catégories de patients – des patients symptomatiques, notamment. Nous n'attendons pas de disposer de l'intégralité des données pour publier des avis, afin de faire bénéficier les Français des dernières avancées. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le travail de groupes d'experts – tout en gérant les conflits d'intérêts – et de groupes d'appui composés de représentants de toutes les institutions rendant des avis en la matière, afin d'assurer une meilleure coordination. Je pense aux représentants du conseil scientifique (CS), du comité analyse, recherche et expertise (CARE), des sociétés savantes de biologie, d'infectiologie, d'épidémiologie, etc.

En dehors des produits, nous avons répondu à plusieurs saisines ministérielles relatives à certains actes, tels que l'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse étendue, hors hôpital, à la huitième ou même neuvième semaine de grossesse. Nous avons beaucoup travaillé en téléconsultation en vue de développer la télémédecine.

S'agissant des professionnels, nous nous sommes attachés à la prise en charge, d'une part, des patients covid en ambulatoire et, d'autre part, de tous les patients chroniques en période de confinement, puis de déconfinement, pour les aider, avec leur médecin, à adapter leur mode de vie à l'épidémie. Nous avons traité également de la rééducation, qui s'est révélée très importante durant toutes les phases de la maladie, en hospitalisation, en réanimation, en établissement de soins de suite et de réadaptation (SSR) et au retour au domicile.

Nous avons rendu un avis sur les conditions d'exercice, notamment sanitaires, des professionnels – dentistes, podologues, orthophonistes, etc.–, sur la détection et la prise en charge de la souffrance des professionnels de santé ou encore sur la fin de vie, et notamment sur les alternatives en cas de rupture d'approvisionnement en midazolam.

La commission en charge du social et du médico-social (CSMS) a également rendu un avis, au mois d'avril, sur les difficultés en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Cependant, nous n'avions que peu de solutions à proposer, le problème étant structurel et dépassant largement la question de l'épidémie.

Personne ne peut se satisfaire de ce qui s'est passé, avec 30 000 morts en France. Ma seule satisfaction personnelle est que les équipes de la HAS, réputées pour avoir des méthodes assez rigides, se sont adaptées très vite – comme tous les professionnels de santé d'ailleurs. Les avis ont été et sont livrés au fur et à mesure de la réception des données.

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Nous avons bien entendu vos propos. Lorsque la HAS se prononce sur un test ou un médicament, les conséquences peuvent être lourdes : l'étayage scientifique doit donc être important.

Ma première question est relative au forfait innovation. Pouvez-vous décrire ce dispositif, qui participera au développement de la recherche sur le test salivaire et sur la problématique sensibilité-spécificité ?

Quel est le niveau des connaissances dont nous disposons sur le diagnostic des tests de dépistage – PCR, ELISA, test salivaire, test sérologique rapide d'orientation diagnostique (TROD) ? Par ailleurs, quel est l'intérêt du test sérologique ? Vous aviez recommandé de procéder à ce test lorsque le patient avait présenté une symptomatologie ; votre avis est-il toujours le même ?

Concernant l'utilisation du rivotril en EHPAD, sur quelle problématique aviez-vous été missionnée ? Quelle ont été précisément vos recommandations et dans quel contexte ?

S'agissant des complications post-covid-19, les patients, quel que soit le niveau de gravité de leur pathologie, semblent être victimes de symptomatologies traînantes, telles que des troubles respiratoires, d'asthénie, etc. Avez-vous été saisie de cette question ou vous êtes-vous autosaisie ?

Enfin, nous avons reçu un courrier de votre part, dans lequel vous réagissiez aux propos du professeur Raoult, tenus devant cette mission d'information, qui accusait la HAS d'être soumise à des conflits d'intérêts. Nous souhaiterions que vous reveniez sur ces propos.

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Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

Le forfait innovation est une prise en charge dérogatoire d'un dispositif médical ou d'un acte innovant, avant qu'il ne figure sur la liste des produits ou des actes remboursables. Il s'agit d'une aide à la recherche pour des produits qui ont une suspicion d'efficacité, qui sont très innovants et pour lesquels il y a un besoin immédiat.

Le forfait innovation a été réactivé par la HAS de façon à faciliter certaines études et orienter les industriels pour qu'ils se présentent ensuite devant la commission avec les éléments qui leur seront demandés. Ce dispositif, bien connu des industriels, est particulièrement adapté pour les tests salivaires, différents critères étant réunis : un besoin de santé publique, des tests innovants et peu de données dans la littérature. Nous avons ainsi pu accélérer ce protocole, le forfait innovation donnant la possibilité au ministère de la santé de payer tous les consommables.

Les tests sont l'un des piliers de la lutte contre cette épidémie. Nous savons de façon sûre que le test PCR nasopharyngé est la référence, même s'il présente des inconvénients. Non seulement certains patients le tolèrent mal – enfants, personnes âgées, autistes, personnes psychotiques –, mais il nécessite un professionnel de santé et une infrastructure. Des solutions visant à améliorer la logistique et à faciliter les tests ont donc été évaluées. Concernant la sérologie, les communautés scientifiques ont, à un moment, espéré élaborer un « passeport immunitaire », attestant de l'immunité des personnes. Cependant, nous nous sommes aperçus que certains patients ne développaient pas d'anticorps, que d'autres en développaient en faible quantité et que ces anticorps n'étaient actifs que quelques mois. Nous disposons, par ailleurs, de cas documentés de réinfection.

Les tests ont été qualifiés en avril et la doctrine d'utilisation en mai. Ils ont servi à effectuer des diagnostics de rattrapage, car nous n'avions pas accès aux tests PCR au début de l'épidémie : les personnes dont l'état ne nécessitait pas une hospitalisation devaient rester chez elles. Les anticorps se développant une dizaine de jours après les symptômes, nous pouvions effectuer un diagnostic rétrospectif.

Des tests ont également été pratiqués à l'hôpital, pour des patients qui n'avaient pas bénéficié d'un test PCR et se présentaient le huitième ou le dixième jour avec des complications, ainsi que pour les patients en ambulatoire qui souhaitaient savoir s'ils avaient contracté la maladie.

Désormais, la situation est différente, la capacité d'effectuer des tests PCR étant bien plus importante qu'en mars et en avril. Cependant, leur intérêt a baissé puisque nous savons que les anticorps ne confèrent pas une immunité longue et solide.

Quelles sont les deux voies d'amélioration des tests PCR nasopharyngés ? Tout d'abord, les tests salivaires facilitent énormément le prélèvement : déposer de la salive dans un tube et l'amener au laboratoire évite les files d'attente. De plus, les données sur l'efficacité de ce test sont tranchées : la sensibilité est bonne chez les patients symptomatiques, et mauvaise chez les patients asymptomatiques. Nous avons donc publié, la semaine dernière, des recommandations sur la bonne utilisation du test salivaire.

La deuxième amélioration concerne l'élaboration de tests rapides. Il en existe de plusieurs sortes mais ceux qui sortiront les premiers sont les tests antigéniques : une goutte de sang au bout du doigt suffit. Ils auront l'avantage d'être réalisés rapidement chez un professionnel de santé ou un pharmacien et permettront d'éliminer les pathologies autres que le covid-19 ; c'est une bonne chose à l'arrivée de l'hiver et donc de la grippe, des rhinites, etc. Cependant, un test positif doit être confirmé par le test de référence (TDR).

Nous sommes attentifs, grâce à notre veille, à tous les résultats qui sortent et nous nous prononçons dès que nous le pouvons, pour déterminer la stratégie d'utilisation la plus efficace possible.

S'agissant des EHPAD, est apparu le problème d'une possibilité de rupture de stock pour le midazolam. Nous avons donc travaillé à des alternatives et rendu un avis pour aider les professionnels de santé à pallier une éventuelle insuffisance de cet anxiolytique.

En ce qui concerne les complications post-covid, elles sont de différentes natures. Certaines sont apparues dans les semaines qui ont suivi un épisode aigu, tel qu'une inflammation artérielle importante chez l'enfant, pour laquelle nous avons désormais une littérature et des données de prise en charge. Nous voyons également apparaître une symptomatologie plus atypique, traînante, faite de fatigue et de douleurs, qui nous fait penser à la maladie de Lyme. À ce stade, nous avons assez peu de littérature sur ces symptômes.

Enfin, concernant les propos du professeur Raoult, son attaque était infondée et non documentée. Les procédures mises en place à la HAS sont extrêmement rigoureuses sur cette question, aussi bien pour le collège que pour les salariés ou pour tout expert participant à l'élaboration ou à l'adoption d'un avis. Ces procédures sont publiées dans un guide et s'appuient sur une méthode très rigoureuse. La HAS est, au niveau international, l'une des agences les plus sévères dans l'analyse des liens d'intérêts.

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Madame la présidente, j'apporterai une précision sur le dernier point que vous avez évoqué. Au lendemain de son audition, le professeur Raoult m'a adressé un mail, que je vous lis : « Monsieur le député, je souhaite vous préciser qu'un lapsus linguae m'a fait mentionner la HAS en lieu et place du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). J'espère qu'il sera possible de modifier cette erreur, dont je vous prie de m'excuser. »

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Je dois vous interrompre, monsieur le rapporteur, pour la clarté de nos débats. Si M. Raoult vous a adressé un courriel, il n'a cependant pas daigné répondre à un courrier officiel de la mission, lui demandant s'il souhaitait corriger ses propos.

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En écrivant au rapporteur, nous pouvons considérer qu'il s'est adressé à la mission d'information.

Depuis le début de la crise sanitaire, les instances se sont multipliées – je pense en particulier au conseil scientifique et au CARE. Cela vous semble-t-il pertinent ? Le conseil scientifique n'est-il pas venu empiéter sur vos responsabilités, votre mission ? Ce millefeuille scientifique a-t-il entraîné une dilution des responsabilités ? Comment articuler tous ces avis ?

S'agissant des délais, j'évoquerai la prise de position de l'Académie de médecine en faveur de l'expérimentation des tests salivaires. Le feu vert de la HAS a été donné après deux mois et demi : pourquoi un tel délai ? De plus, vous avez émis un avis, le 7 avril, sur la possibilité de recourir aux biologistes vétérinaires pour procéder à des tests, alors qu'ils s'étaient manifestés auprès de la direction générale de la santé (DGS) à la mi-mars ; est-ce exact ?

Par ailleurs, j'ai lu que le 21 avril 2020, la CSMS affirmait que les critères de priorisation, s'agissant de l'hospitalisation des résidents des établissements et services sociaux et médico-sociaux, n'avaient pas été clairement posés. Certains médecins régulateurs ont demandé le maintien au maximum des résidents dans les établissements, avec la mise en place de soins palliatifs, alors même que les établissements ont dû faire face à des difficultés d'accès à l'oxygène, en raison d'une priorisation de ces ressources vers les hôpitaux. Quel est votre regard sur la prise en charge des résidents des EHPAD ? Y a-t-il vraiment eu une forme de régulation, de « tri » – un mot terrifiant – dans l'accès à l'hôpital et surtout aux services de réanimation ?

Enfin, concernant les masques, ce même avis du 21 avril indique que « L'absence de masques pour les professionnels a conduit à des arrêts de travail et par conséquent à la dégradation de l'offre de services ». Y a-t-il eu une perte de chance pour les résidents? Celle-ci a-t-elle conduit à un nombre de décès plus important, à la propagation du virus ?

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Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

Il n'appartient pas à la présidente de la HAS de commenter les décisions du Président de la République de créer ces instances. Cependant, lorsqu'un sujet nous était commun, je réunissais autour de la table les experts de toutes les parties prenantes importantes – conseil scientifique, CARE, sociétés savantes, HCSP, etc. Ainsi, lorsque la HAS rendait ses avis, elle le faisait en toute indépendance, mais après avoir entendu les avis des parties prenantes et tenté de comprendre, le cas échéant, les divergences.

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Lorsque ces instances étaient saisies, vous ont-elles consultée – je pense en particulier au conseil scientifique ? J'entends bien que vous les avez invitées à débattre des questions communes, mais elles, vous ont-elles associée à leurs travaux ?

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Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

Sur certains travaux, j'ai eu des échanges avec le président du conseil scientifique.

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Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

Non, mais la HAS n'est pas missionnée sur l'ensemble des sujets, notamment quand ils sont sociétaux.

S'agissant des tests, en effet, un certain nombre de chercheurs et d'instances avaient souligné l'intérêt des tests salivaires. Cependant, un avis doit être fondé sur des études… Début août, après une étude sérieuse de la littérature, nous n'avons pas trouvé d'éléments suffisants pour prendre une position sur les tests salivaires. Or pour déclencher un forfait innovation, nous avons besoin d'un protocole, d'un porteur de projet, d'une demande déposée par une société savante ou un industriel, etc. Nous avons élaboré ce protocole avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), pour qu'ils puissent démarrer au plus vite, et nous avons obtenu les résultats préliminaires en septembre. Mais force est de constater que nous ne disposions pas, cet été, de réponse.

Je me réjouis d'ailleurs de notre prudence, car de nombreux pays ont acheté des tests salivaires et se sont aperçus qu'ils ne fonctionnaient pas. Une autre littérature viendra peut-être contredire cette étude, mais elle est pour l'instant la meilleure étude internationale, puisqu'elle inclut le plus grand nombre de patients – et le plus grand nombre de patients positifs –, y compris des patients en ambulatoire.

Concernant les vétérinaires, la HAS n'a pas rendu d'avis.

La CSMS de la HAS a émis un avis, validé le 21 avril, pour témoigner de la mobilisation des personnels des établissements sociaux et médico-sociaux, très dévoués alors qu'ils vivaient une situation extrêmement compliquée. Elle alertait sur des situations inquiétantes, sans avoir vraiment de solutions à proposer. Dans l'une de ses alertes, elle indiquait que les critères d'hospitalisation n'avaient pas été clairement affichés. Nous ne disposons d'aucun d'élément factuel prouvant qu'un tri aurait été réalisé en EHPAD.

Enfin, nous ne disposons pas de données sur les masques. Simplement, il n'y en avait pas assez, comme dans toute la France. Il est vrai que nous avons, à chaque fois que cela était nécessaire, statué sur ce qu'il nous semblait raisonnable de faire pour les patients fragiles et les professionnels de santé.

Enfin, la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) a été saisie de deux demandes de remboursement par des laboratoires. Elle a rendu un avis favorable pour les patients à risque ; les masques leur sont donnés en pharmacie, sur le stock de l'État. Nous avions pour notre part suggéré de réaliser une ligne générique de masques, remboursables pour les patients à risque sévère.

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J'aimerais savoir quelles sont vos relations avec les instances sanitaires internationales.

Par ailleurs, je souhaite vous interroger sur les délais observés dans le déploiement des tests sérologiques. Ces derniers ont été utilisés dès le mois d'avril en Chine sur des dizaines de milliers de patients, ainsi qu'en Allemagne. Or, à cette époque, les agences régionales de santé (ARS) n'autorisaient pas les EHPAD à pratiquer ces tests, alors même que le nombre de décès augmentait, parce que la HAS n'avait pas encore rendu d'avis sur ce sujet.

Il a fallu ensuite, pour obtenir la publication par le ministère de la santé de la liste des tests autorisés, attendre les études de l'Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) et des centres nationaux de référence (CNR), puis que ces études soient transmises à la DGS. Des mois se sont ainsi écoulés alors que ces tests étaient utilisés depuis longtemps à l'étranger. Quand on est sur le terrain, on trouve le temps très long !

Concernant l'immunoprotection, pouvez-vous nous indiquer le pourcentage de patients produisant des anticorps ? Je pensais que l'immense majorité, soit quelque 95 % des patients en produisaient, d'où l'intérêt d'un vaccin.

Enfin, en ce qui concerne les réinfections, s'agit-il de patients à nouveau PCR + ou de patients à nouveau malades ? C'est tout à fait différent puisque l'on peut être porteur non malade.

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La Haute Autorité de santé aurait-elle pu jouer le rôle du conseil scientifique ? Ayant été créé tardivement et disposant de peu de moyens, ce conseil a parfois rendu ses conclusions après que le Gouvernement a pris ses premières décisions, avec des positions qui ont pu sembler différentes de celles du Gouvernement. Cela a entraîné une confusion dans l'opinion publique.

Vous dites ne pas être en capacité de commenter les actions du Gouvernement, mais je souhaiterais quand même connaître votre avis. La HAS ne dispose-t-elle pas des compétences et des moyens nécessaires pour jouer le rôle qui a été dévolu au conseil scientifique ?

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Madame, auriez-vous souhaité que la HAS soit représentée au conseil scientifique ?

La commission de la transparence a rendu un avis sur le remdesivir, testé dans le cadre de l'essai européen Discovery. Cependant, son fabricant, le laboratoire Gilead, a retiré sa demande de remboursement de ce médicament. En connaissez-vous les raisons ?

Vous avez évoqué les conflits d'intérêts dans vos propos liminaires. Quel est votre point de vue sur des affirmations proférées dans cette mission d'information concernant des conflits d'intérêts entre le secteur industriel, l'essai Discovery et le conseil scientifique, qui auraient perturbé la neutralité des essais ? Les décisions de la commission de la transparence ont-elles un lien quelconque ?

Enfin, l'assurance maladie aurait-elle dû rembourser les masques à l'intégralité de la population ou seulement à une catégorie de personnels soignants et de patients à risque ?

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Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

Concernant les tests sérologiques, la HAS a été la première institution à livrer un avis, le 15 avril, sur les performances et la technique nécessaires pour les valider. Quelque temps après, la Food and Drug Administration (FDA) a accepté de mettre sur le marché un certain nombre de tests, dont certains se sont révélés mauvais et ont été rapidement retirés. Nous avons ensuite statué sur la stratégie d'utilisation.

Si les performances des tests avaient été proches les unes des autres, il aurait été aisé d'émettre un avis. Les laboratoires n'auraient eu qu'à vérifier qu'ils étaient bien dans les spécifications requises par la HAS avant de les distribuer. Mais les tests étaient extrêmement différents – c'est la raison pour laquelle certains pays ont rencontré de grandes difficultés –, certains ayant des sensibilités à 30 %, d'autres à 90 %. Les CNR ont donc été chargés de les évaluer un par un. Aujourd'hui les choses sont plus simples : l'industriel l'auto-déclare et l'ANSM vérifie que le test correspond bien aux spécifications.

Concernant nos relations avec les autorités sanitaires internationales, nous entretenons de nombreux échanges avec d'autres agences d'évaluation, dans le cadre du consortium EUnetHTA – European network for health technology assessment, ou réseau européen pour l'évaluation des technologies de la santé. Sur la base du volontariat, les agences sanitaires nationales s'associent pour mener des évaluations communes de médicaments, de dispositifs médicaux ou d'actes professionnels. Elles travaillent ensemble, se posent mutuellement des questions et partagent leurs documents – qui, malheureusement, ne sont pas toujours traduits. L'EUnetHTA a permis de jeter les bases des accords proposés par la Commission européenne sur des évaluations communes.

S'agissant des tests sérologiques, s'ils pouvaient aider à établir un diagnostic rétrospectif, ils ne répondaient pas à la question de savoir si la personne était malade et contagieuse. Dans les EHPAD, en dehors d'une enquête épidémiologique pour savoir si un certain nombre de résidents avaient contracté le covid-19, ce type de test ne permettait pas de gérer les résidents et de savoir s'ils étaient malades, contagieux, etc.

Concernant la production d'anticorps, nous ne savons pas combien de patients produisent des anticorps, tous patients confondus. Les réponses sont très diversifiées entre un patient présentant des symptômes, parfois graves, et qui doit être hospitalisé, et le patient ambulatoire. Or, dans le monde entier, les premiers résultats portaient sur les malades hospitalisés car c'étaient ceux que l'on testait.

Encore aujourd'hui, nous avons du mal à obtenir des données sur les patients asymptomatiques. Nous savons très peu de choses. Par exemple, ils ne développent pas systématiquement d'anticorps et au bout de trois mois, 80 % de ceux qui en ont produit n'en ont plus. Il existe d'autres défenses immunitaires, notamment l'immunité cellulaire, mais quoi qu'il en soit, l'immunité humorale ne dure pas très longtemps.

Cependant, cela ne préjuge absolument pas de l'efficacité d'un vaccin. Il existe des maladies pour lesquelles nous ne développons pas d'anticorps, mais pour lesquelles un vaccin peut être efficace. Je ne dis pas qu'un vaccin contre le covid-19, si nous en trouvons un, sera efficace, mais que nous devons rester optimistes malgré cette réponse immunitaire partielle. Aujourd'hui, trente-neuf essais cliniques sont en cours, et chacun surveille de très près à la fois leur sécurité et leur efficacité.

Concernant les réinfections, nous trouvons quelques cas dans la littérature de patients qui ont eu à nouveau des symptômes avec une PCR positive. Mais nous n'en savons pas plus.

Enfin, il ne m'appartient pas, en tant que présidente d'une institution, de juger si le Président de la République a bien fait, ou pas, de s'entourer d'un conseil d'experts. Nous avons été saisis à de multiples reprises sur des questions très pratiques concernant la gestion de cette crise, et nous avons répondu à toutes ces sollicitations. Je pense que nous avons démontré notre capacité à répondre rapidement et de façon fiable. Je ne sais pas si nous aurions pu faire plus, mes équipes étant déjà très sollicitées.

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Ma question était la suivante : s'il avait été demandé à la HAS d'être l'instance de conseil du Gouvernement, aurait-elle été en capacité de répondre positivement ?

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Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé

Nous l'avons été sur certaines questions. Aurions-nous pu nous saisir de tous les sujets traités par le conseil scientifique, qui vont parfois au-delà de la science, voire de la santé, pour toucher à des aspects sociétaux ? Je ne saurais vous répondre. Les missions de la Haute Autorité de santé sont cantonnées aux réponses à des questions médicales, scientifiques.

Par ailleurs, nous sommes une autorité publique indépendante : je ne suis pas sûre que le lien entre la Haute Autorité de santé et le Gouvernement aurait été plus simple que le lien entre le conseil scientifique et le Gouvernement.

Je suis persuadée que toutes les instances ont travaillé au maximum de leurs capacités pour affronter la crise que nous traversons. Je peux vous garantir que la Haute Autorité que je préside a travaillé, dans le cadre de ses missions, autant qu'elle l'a pu et le plus vite possible. J'ai entendu que le temps pour trouver des solutions semblait long à nos concitoyens, et c'est normal. Cependant, pour rendre des avis pertinents, nous avons besoin de données, et les acquérir prend du temps.

S'agissant du remdesivir, le laboratoire Gilead a fait une demande d'AMM européenne dans le cadre de plusieurs études et obtenu une AMM conditionnelle dans l'indication du covid-19 chez les patients requérant de l'oxygénothérapie. Nous avions travaillé en amont et lorsque ce laboratoire a obtenu son AMM, la commission de la transparence s'est réunie quelques jours après. Il est apparu, au vu des données déposées, que l'intérêt à ce médicament était modeste et qu'il visait une population restreinte par rapport l'AMM, à savoir une sous-catégorie de patients oxygéno-requérants.

Comme le prévoit la loi, l'avis préliminaire de la commission de la transparence a été envoyé au laboratoire. Le laboratoire Gilead, comme c'est son droit, a demandé une phase contradictoire, qui avait été fixée au 16 septembre. J'ai reçu un courrier début septembre du laboratoire indiquant que dans la mesure où la commission de transparence (CT) avait donné des indications beaucoup plus restreintes que l'AMM, elle retirait sa demande de remboursement. Je souligne ici que 20 à 25 % des avis sont modifiés après la phase contradictoire de la CT. Nous avons quand même rendu un avis complet sur cette question, qui a été publié la semaine dernière.

Nous gérons parfaitement les conflits d'intérêts au sein de la HAS et avec les experts ; en revanche, nous ne gérons pas ceux des autres institutions.

Enfin, s'agissant du remboursement des masques, la HAS a rendu un avis favorable à leur remboursement pour une population à risque de développer une forme grave, soit 18 à 20 millions de personnes. Nous avons proposé deux voies pour que cette population dispose de ces masques : développer une ligne générique de masques remboursables ou les donner en pharmacies. C'est cette dernière solution qu'a choisie le Gouvernement.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Réunion du mercredi 23 septembre 2020 à 17 heures

Présents. - M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Sereine Mauborgne, M. Bertrand Pancher, M. Boris Vallaud

Assistait également à la réunion. - M. Nicolas Démoulin