Monsieur le rapporteur, s'agissant de l'analyse des dépenses de soin et des activités des différents offreurs, nous vous transmettrons des tableaux détaillés. Cette évolution est très différenciée selon les postes et les domaines d'activité. Si je m'en tiens aux soins de ville, deux postes ont évolué de façon extrêmement dynamique : les arrêts de travail ont augmenté de 30 % sur les huit premiers mois de l'année, et les dépenses biologiques, à cause des tests PCR, de 8,5 % sur la même période.
Concernant les spécialités, les dépenses de soins médicaux et dentaires ont diminué de 10 % en moyenne sur les huit premiers mois. Cela cache en réalité des disparités. Les médecins généralistes, et plus encore les médecins spécialistes, subissent des baisses significatives d'activité, près de 8 % pour les premiers et de 10 % pour les seconds. Les soins dentaires ont, quant à eux, diminué de 15 %.
Les spécialités dont l'activité a le plus diminué sont celles de stomatologie, de médecine dentaire, d'ophtalmologie, d'otorhinolaryngologie, de radiologie et de dermatologie. Les activités qui ont le moins diminué sont les spécialités de psychiatrie, de gériatrie, de néphrologie, d'hématologie, d'oncologie et de radiothérapie. Nous pourrons vous transmettre, mois par mois, sur la période du confinement stricto sensu, et spécialité par spécialité, l'ensemble des chiffres.
Concernant les activités paramédicales, les soins des masseurs-kinésithérapeutes ont baissé de manière très significative, d'environ 20 % sur les huit premiers mois. À l'opposé, les activités des infirmières libérales se sont plutôt maintenues, voire ont augmenté, notamment dans la prise en charge à domicile : aucune évolution pendant le confinement, et 4 % de hausse sur les huit premiers mois.
Depuis le mois de juin, nous avons examiné les évolutions pour les différentes spécialités. Les activités de médecine générale sont en baisse sur les mois de juin et de juillet par rapport à la même période l'année dernière, et l'activité est stable en août. Il en va de même pour les spécialistes, pour lesquels l'activité revient à la normale au mois d'août, tout comme pour les activités paramédicales. Cependant, l'examen de ces chiffres appelle la prudence, étant donné les caractéristiques de la période estivale : les chiffres des mois de juillet et août, comme nous l'enseignent les statisticiens, sont à prendre avec précaution. Les chiffres du mois de septembre seront plus parlants pour savoir si nous revenons vers un sentier d'activité traditionnelle et si un effet de rattrapage existe. Pour le moment, nous ne constatons pas d'effet de rattrapage massif, si ce n'est, légèrement, pour les activités paramédicales. Toutefois, notre recul est très insuffisant pour tirer des conclusions pertinentes.
Concernant l'hôpital et les cliniques – la direction générale de l'offre de soins du ministère de la santé sera en mesure de vous livrer ces éléments –, les établissements privés connaissent une baisse d'activité d'environ 4 % sur les huit premiers mois. Pour les établissements publics, cette baisse d'activité est de 11 %. Ces chiffres mériteraient une analyse plus fine. Je prendrai un seul exemple. Les dépenses de médicaments et de dispositifs médicaux connaissent une assez forte baisse dans les centres hospitalo‑universitaires (CHU), qui semble être contrebalancée par une évolution plus dynamique dans les centres de lutte contre le cancer, ce qui pourrait être lié à des transferts d'activité : la prise en charge aurait basculé des CHU vers des centres de lutte contre le cancer plus spécialisés, les CHU étant mobilisés par les patients atteints de covid‑19.
Les activités de dépistage du cancer colorectal, du cancer du sein et du cancer du col de l'utérus connaissent des baisses très significatives en mars et avril, entre 30 et 70 % selon les mois – nous vous fournirons les chiffres détaillés. Cependant, dès le mois de juin, l'activité de dépistage du cancer colorectal a connu un rattrapage significatif, avec une activité double par rapport au mois précédent. Pour le dépistage du cancer du sein, nous constatons à compter du mois de juin un retour à la normale par rapport à l'année précédente. Pour le dépistage du cancer du col de l'utérus, l'activité reste encore moindre par rapport aux mois de juin et juillet de l'année précédente. Il nous faudra examiner en détail les chiffres dans les mois à venir.
Avec notre partenaire associatif, l'Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), avec lequel nous travaillons depuis longtemps pour accompagner nos assurés dans le recours aux droits et aux soins, nous avons engagé un travail de consultation auprès des professionnels de santé et des assurés pour mesurer le renoncement aux soins pendant le confinement et les pratiques de recours aux soins depuis la sortie du confinement. Près de 4 000 questionnaires ont été envoyés ; nous disposerons de premiers résultats d'ici à la fin de l'automne pour accompagner nos prochaines politiques.
Avec les professionnels de santé et les médecins généralistes, nous avons fait le même constat d'un risque de renoncement aux soins pendant le confinement. Nous avons institué une consultation longue de bilan de confinement pour les personnes âgées de plus de 65 ans, avec une tarification spécifique de 46 euros. Les résultats sont positifs, puisque plus d'un million de consultations ont été réalisées. Cela peut sembler insuffisant au regard de l'ensemble de la population concernée. Cependant, notre pratique de ce type de consultation spécialisée nous montre que ces chiffres se situent bien au-delà des chiffres habituels, qui s'élèvent à quelques centaines de milliers au maximum. Les médecins ont assez largement utilisé cette consultation, notamment avec les personnes âgées et les malades chroniques, pour réaliser un bilan de l'état de santé des patients et de leurs besoins en diagnostics, en examens et en soins complémentaires. Le dispositif a été bien suivi. Avec Santé publique France, nous avons aussi, dès le début du mois de mai, lancé plusieurs campagnes de communication nationales au message simple : « Pendant l'épidémie, quels que soient vos problèmes de santé, faites-vous soigner. » Nous les avons démultipliées dans nos mailings Ameli évoqués en introduction.
Conformément à une répartition des financements classique entre l'État et l'assurance maladie, cette dernière a été mobilisée à hauteur de 4,8 milliards d'euros en dotation exceptionnelle à Santé publique France pour 2020, avec une quote-part des différents régimes d'assurance maladie et une participation du régime général d'environ 90 %. Trois milliards d'euros ont été consacrés à l'achat des masques. Ces éléments sont présentés de manière précise dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, présenté par le ministère de la santé ce matin.
S'agissant du tracing, vous m'interrogez, monsieur le rapporteur, sur son phasage et son efficacité. Sa raison d'être est immédiatement liée à la logique de déconfinement. Nous sommes passés du confinement qui visait à protéger les populations de la propagation du virus, au déconfinement et à une logique d'identification la plus rapide possible des patients positifs et d'isolement de leurs cas contacts. Nous avons ainsi organisé, à la demande des pouvoirs publics, une plateforme de tracing. L'activité pour les deux premiers mois a été relativement faible – ce qui constitue en soi une bonne nouvelle –, jusqu'au début du mois d'août, avec une augmentation depuis.
Je n'ai pas d'éléments à disposition permettant de mesurer l'efficacité du tracing. Cependant, nous sommes toujours en mesure de respecter les délais et les objectifs qui nous sont fixés, à savoir appeler les personnes positives dans les 24 heures suivant l'annonce de la positivité du test, ainsi que les cas contacts. Il s'agit d'un vrai défi, dès lors que 15 000 cas supplémentaires sont recensés par jour, contre 1 000 à 2 000 auparavant. Nous répondons au cahier des charges établi. Nous y attachons une importance toute significative. Nous déployons toute l'énergie nécessaire pour contacter les personnes, pour les relancer par SMS ou par courriel, le cas échéant, et ainsi limiter au strict minimum les cas dans lesquels ce tracing n'aboutirait pas. Ce dispositif était lié à une étape du déconfinement, et nous ne sommes qu'un maillon de la chaîne.