Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du mardi 29 septembre 2020 à 16h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Présidence de M. Julien Borowczyk, président de la mission d'information

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Nous auditionnons aujourd'hui M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), M. Claude Gissot, directeur de la stratégie, des études et des statistiques, Mme Annelore Coury, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins, M. Pierre Peix, directeur délégué des opérations et Mme Véronika Levendof, directrice juridique.

Nous aborderons les questions de l'accès au soin, le report de certaines prises en charge pendant la période de confinement, l'organisation du dispositif d'identification des personnes contaminées, le traçage des cas contacts ou encore la politique de dépistage et sa prise en charge par l'assurance maladie.

Auparavant, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(M. Thomas Fatome, M. Claude Gissot, Mme Annelore Coury, M. Pierre Peix et Mme Véronika Levendof prêtent serment.)

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Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie

( CNAM). Le premier défi que la CNAM a eu à relever pendant le confinement a été d'assurer la continuité de ses missions de service public, ce qu'elle a réalisé dans de très bonnes conditions. Dès le 18 mars, la CNAM a défini son plan de continuité d'activité et a su faire face à une nouvelle organisation, presque intégralement en télétravail, tout en assurant la continuité de ses missions, principalement pour garantir les droits des assurés, le remboursement des soins et la prise en charge des prestations en espèces. Nous tenons à disposition de votre mission d'information l'ensemble des éléments dont nous disposons, et qui montrent que la CNAM a su répondre présente pour assurer notamment le remboursement des feuilles de soins électroniques. Nous reviendrons sur les arrêts de travail ultérieurement.

Une telle réorganisation ne s'est pas faite sans mal. Le réseau de l'assurance maladie compte 65 000 personnes, qui ont dû s'adapter à une nouvelle organisation du travail. Seuls 10 % de nos salariés disposaient d'ordinateurs portables, si bien qu'un nombre non négligeable d'entre eux ont dû utiliser leur ordinateur personnel. Nous avons organisé la continuité des plateformes téléphoniques, vis-à-vis de nos assurés, sur le mode du télétravail et sur un mode d'entraide au niveau national, avec des volumétries de contacts qui ont très fortement augmenté pendant la crise. En matière d'appels téléphoniques, de courriels et de connexions sur le site Ameli, les chiffres sont en augmentation de 20 à 40 % selon les mois concernés. Il nous a fallu apporter une réponse adaptée.

L'assurance maladie a su répondre présente non seulement pour assurer la continuité de ses missions, mais aussi pour mettre en œuvre des réponses exceptionnelles que les pouvoirs publics lui ont demandé de déployer pendant cette période. Je présenterai trois exemples.

Premièrement, des dispositifs d'arrêt de travail tout à fait spécifiques ont été créés, notamment pour les personnes devant garder leurs enfants ou cohabitant avec des personnes vulnérables, pour nos assurés et pour les travailleurs indépendants. De ce point de vue, grâce aux mécanismes de téléservices que l'assurance maladie a déployés en quelques jours, notamment la déclaration de maintien à domicile sur le site Ameli, elle a pu mettre en œuvre ces arrêts de travail, dont le nombre a été considérable. Pour assurer la garde d'enfants, plus de 2,7 millions d'arrêts de travail ont été accordés, pour plus de 700 000 assurés. Cette réponse était essentielle pour garantir le revenu d'un nombre important de familles.

Deuxièmement, nous avons développé le dispositif des téléconsultations, qui ont connu une véritable explosion, en passant de 5 000 à plus de 600 000 par semaine au plus fort du confinement, soit une multiplication par plus de cent, avec une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie. Ceci a nécessité un accompagnement des professionnels de santé et de nos assurés pour que ce dispositif soit au rendez-vous et opérationnel. Les chiffres traduisent une réussite, dont nous examinons les enjeux avec les médecins libéraux dans les négociations conventionnelles en cours.

Troisièmement, nous avons déployé le dispositif de compensation d'activité pour les professionnels de santé. Certaines professions de santé ont dû faire face à une chute historique de leur activité, très variable en fonction des activités concernées. Les dentistes ou les masseurs-kinésithérapeutes ont connu un arrêt presque total de leur activité. Dans des délais très courts, l'assurance maladie a développé un dispositif de compensation visant à couvrir les charges fixes de près de 200 000 professionnels, pour plus d'1 milliard d'euros pour leur permettre de reprendre leur activité à la fin du confinement dans les conditions les moins dégradées possible.

L'assurance maladie s'est aussi mobilisée de manière exceptionnelle en matière d'information et d'accompagnement de nos assurés et des professionnels de santé. Nous avons déployé pendant la période sept campagnes de mailing auprès de nos 36 millions d'assurés qui ont un compte Ameli. Ainsi, nous avons entretenu avec eux un lien direct qui a été très utile en matière de prévention. Nous avons mené près de cinquante campagnes de mailing destinées aux professionnels de santé, pour accompagner les médecins libéraux, les infirmières, les masseurs-kinésithérapeutes, et assurer l'application des dispositifs dérogatoires engagés par les pouvoirs publics, comme l'intervention dans les EHPAD. Nous avons aussi créé un dispositif pour faciliter l'accès à un médecin traitant pour les personnes qui n'en disposaient pas. Les chiffres ont été relativement modestes au cours du confinement, mais sont plus importants pour les mois d'août et de septembre. Il nous a fallu mobiliser des moyens exceptionnels.

Compte tenu de notre rôle de remboursement des soins, nous disposons d'éléments d'information sur l'évolution de l'activité médicale et paramédicale sur la période de confinement et à sa sortie mais nous manquons encore de recul pour mesurer les effets de la crise en matière d'activité de soin et de santé publique. Nous sommes toutefois en mesure de vous communiquer un certain nombre de chiffres sur la baisse de l'activité de dépistage ou de vaccination.

Enfin, une activité nous mobilise très fortement depuis le mois d'août, qui a commencé en réalité à la mi-mai, à savoir notre mission de contact tracing. Nous assumons cette mission avec les médecins et nos partenaires des agences régionales de santé (ARS). Relativement modérée depuis la fin du mois du juillet, cette activité, depuis la remontée des chiffres en matière épidémique, mobilise très fortement le réseau de l'assurance maladie. Plus de 8 000 ETPT assurent cette activité de contact tracing essentielle dans la lutte contre l'épidémie, sept jours sur sept, de huit heures trente à dix-huit heures trente. Ces collaborateurs de l'assurance maladie sont volontaires et ont été formés ad hoc par des équipes médicales et administratives, dans un respect très strict de l'utilisation des données et dans un cadre de travail très étroit avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et le ministère de la santé. Leur activité est très intense, puisque nous avons dépassé la semaine dernière le chiffre de 45 000 appels hebdomadaires passés aux patients positifs à la covid‑19, pour identifier leurs contacts, les joindre et les accompagner dans la mise en œuvre de l'isolement et des tests.

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En tant que médecin libéral, je salue la réactivité de vos services, que j'ai pu constater sur le terrain. La télémédecine s'est beaucoup développée au cours de cette crise, avec une prise en charge intégrale par l'assurance maladie. De nouvelles pratiques se sont développées, notamment pour des consultations avant un acte chirurgical. Quelles sont les pistes de travail envisagées au cours des négociations conventionnelles avec les médecins, pour la médecine en général et en lien avec l'épidémie de la covid‑19 sur le développement de la télémédecine, voire de téléexpertises ?

Concernant les tests, les délais restent problématiques. Un faible nombre de réactifs ont été validés et pris en charge. Quelles sont les évolutions et la position de la CNAM, notamment sur les tarifs de remboursement fixés pour ces tests ? Nos tarifs compteraient parmi les plus élevés.

Quel est l'apport de l'application StopCovid dans votre prise en charge du tracing, même si l'application a été peu téléchargée ? Comment cette prise en charge s'articule-t-elle avec l'isolement, étant donné qu'il s'agit de pouvoir isoler les patients potentiellement positifs dans l'attente du résultat?

J'en viens aux coûts de ces dispositifs. Nous aurons certes besoin de plus de recul pour comprendre les conséquences du non-recours au soin. Combien coûte, pour la CNAM, la prise en charge du coronavirus en général, en particulier la prise en charge à 100 % de la télémédecine et des tests ? Disposez-vous de chiffres sur ces surcoûts ?

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Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie

La crise a montré une augmentation très significative des téléconsultations, ce qui a remis en question le cadre un peu trop rigide d'avant crise, qui exigeait d'avoir eu une consultation physique avec le médecin concerné dans les douze derniers mois précédant la téléconsultation, dans un périmètre territorial identifié.

Pour la médecine de premier recours, nous sommes attachés, tout comme nos partenaires représentant les médecins, à maintenir un lien physique avec le médecin traitant et les organisations territoriales. Pour les médecins spécialistes, l'exigence des douze mois est-elle pertinente ? Des dérogations pour les spécialistes semblent envisageables ; nous en parlerons dès demain après-midi dans une troisième séance de négociation conventionnelle avec les médecins libéraux. Il nous semble que des voies d'assouplissement existent pour ancrer la téléconsultation en complément du parcours de soin traditionnel.

Pour la téléexpertise, qui a augmenté de manière beaucoup plus modeste pendant la crise, le périmètre de la population concernée gagnerait à être étendu. Ce recours reste encore trop marginal.

J'en viens aux tests et à leur prise en charge par l'assurance maladie. L'admission au remboursement dépend de processus largement pilotés par le ministère de la santé, par le Centre national de référence (CNR), pour la lutte contre les maladies transmissibles, et la logique du marquage CE. Nous ne sommes pas décisionnaires en la matière. Dès lors que les conditions de prise en charge sont remplies par les évaluations sanitaires et les avis de la Haute autorité de santé, nous l'engageons. C'est ainsi que, dès le début du mois de mars, les mesures règlementaires nécessaires ont été prises, pour mettre au remboursement les tests RT-PCR et permettre leur déploiement.

Le tarif de remboursement, si nous additionnons le niveau du test et les forfaits d'enregistrement pré-analytique et de prélèvement, s'établit à 74 euros. Les comparaisons européennes sont toujours un peu délicates, car nous ne savons pas toujours finement si nous analysons des éléments identiques, notamment si le prix du prélèvement est inclus ou non. En Allemagne, le prélèvement est payé à part, notamment par les médecins. Ce prix reste malgré tout relativement élevé par rapport à nos voisins européens. Il a été fixé pour accompagner les laboratoires de biologie et leur permettre de réaliser des investissements importants en machines, en réactifs et en personnels. Nous avons souhaité maintenir, en lien avec le ministère de la santé, ce prix compétitif, pour permettre aux laboratoires de faire face à la demande croissante et d'amplifier leur mobilisation. Ces conditions économiques ont permis une multiplication par trois ou quatre du nombre de tests hebdomadaires depuis le début du mois de juin, même si nous gardons à l'esprit les difficultés liées aux délais de remise des résultats.

Le lien entre l'application StopCovid et le tracing est indirect. Une personne qui verrait son application signaler un risque de contact avec une personne positive est appelée à se rapprocher de son médecin traitant. C'est à partir de ce moment que les démarches d'isolement et de test peuvent s'engager. Si le test s'avère positif, nous déclenchons le processus habituel de tracing.

L'assurance maladie intervient en amont pour l'isolement. Elle appelle les personnes cas contacts pour les informer de leur situation, les inviter à s'isoler et leur donner tous les éléments pour bénéficier de masques en pharmacie et d'un test à sept jours. Nous les interrogeons de manière approfondie sur leurs besoins en matière d'accompagnement et de gestion de l'isolement. Malgré nos efforts et le temps passé pour expliquer cette démarche d'isolement et être à l'écoute des besoins, peu de personnes interrogées demandent à être accompagnées. L'appel d'une personne contact dure environ vingt minutes. L'isolement est suivi par les ARS, qui assurent par des appels et des SMS régulièrement renouvelés que les conditions du respect de cet isolement sont bien remplies.

J'en viens à l'estimation du coût pour l'assurance maladie de la prise en charge de la covid ou d'éléments complémentaires. Le fait de prendre en charge la téléconsultation à 100 % a représenté sur la période un surcoût d'environ 70 millions d'euros, qui correspond au ticket modérateur qui aurait été pris en charge par les patients ou les complémentaires si nous n'avions pas pris en charge ce dispositif à 100 %. Il faudrait compléter ce coût par l'effet volume des téléconsultations, même si, en l'espèce, elles se sont substituées à des consultations physiques rendues difficiles ou impossibles pendant le confinement.

À ce stade, nous n'avons pas mené d'études globales sur l'impact de l'épisode covid. Nous avons cependant des chiffres à vous fournir en matière d'activité médicale, paramédicale et de soin durant la période et depuis les mois de juin et de juillet, avec cependant un manque de recul évident.

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Monsieur le directeur général, soyez assuré de tous nos remerciements, ainsi que l'ensemble de vos équipes, pour la mobilisation, la réactivité et la compétence qui sont les vôtres et qui sont unanimement reconnues.

Mes premières questions portent sur l'évolution du recours aux soins et les conséquences de la déprogrammation des soins hospitaliers. L'une des plus graves leçons de cette crise a sans doute été la modification de l'accès aux soins. Les soins non liés à la covid, à cause de la déprogrammation d'activités classiques à l'hôpital, d'interventions chirurgicales et d'actions de dépistage, ont connu une forte diminution. Pourriez-vous nous indiquer les éléments statistiques à ce stade – certes encore non stabilisés – de l'évolution des dépenses de santé liées à la covid et de celles liées à des soins classiques, en fonction des spécialités médicales ? Quelles spécialités ont été le plus touchées ? Quelles sont les conséquences de ce retard ou de cette déprogrammation des soins ? Les retards dans les actes de dépistage pour les maladies de longue durée vont-ils conduire, dans les années à venir, à une augmentation des pathologies ? Nous avons auditionné la semaine dernière le président de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (Unicancer) : 5 000 décès supplémentaires, au minimum, pourraient être liés au retard dans les dépistages. Pourriez-vous donc dresser – j'ai conscience de la complexité de la question – un état des lieux.

Ma question suivante porte sur les financements. Les régimes de l'assurance maladie ont été mobilisés pour assurer les dépenses supplémentaires dont Santé publique France a eu la charge. Cela est une conséquence du code de la santé publique, qui dispose que les ressources de Santé publique France sont constituées notamment par une dotation des régimes de santé obligatoires. En tant que questeur de l'Assemblée nationale, j'ai découvert la semaine dernière que le régime de l'assurance maladie de l'Assemblée nationale, qui est un régime de très faible ampleur, avait été mis à contribution à hauteur de 500 000 euros pour le financement de Santé publique France. Qu'en est-il pour la CNAM ? Quel est le montant de sa contribution, notamment pour le financement des masques et des équipements de protection ?

Quel bilan dressez-vous des opérations de tracing ? Pourquoi ces opérations n'ont‑elles pu être effectuées au début de la crise, dès les mois de mars ou avril ? Huit 8000 ETPT sont actuellement mobilisés avec 19 000 appels quotidiens. Pourquoi la montée en puissance a-t-elle été si lente ? Certes, nous ne disposions pas des tests au début de l'épidémie. Comment expliquez‑vous absence de tests en mars et en avril ? Quel bilan dressez-vous de cette deuxième vague ? Malgré votre mobilisation, qui est de qualité, le système semble débordé.

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Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie

Monsieur le rapporteur, s'agissant de l'analyse des dépenses de soin et des activités des différents offreurs, nous vous transmettrons des tableaux détaillés. Cette évolution est très différenciée selon les postes et les domaines d'activité. Si je m'en tiens aux soins de ville, deux postes ont évolué de façon extrêmement dynamique : les arrêts de travail ont augmenté de 30 % sur les huit premiers mois de l'année, et les dépenses biologiques, à cause des tests PCR, de 8,5 % sur la même période.

Concernant les spécialités, les dépenses de soins médicaux et dentaires ont diminué de 10 % en moyenne sur les huit premiers mois. Cela cache en réalité des disparités. Les médecins généralistes, et plus encore les médecins spécialistes, subissent des baisses significatives d'activité, près de 8 % pour les premiers et de 10 % pour les seconds. Les soins dentaires ont, quant à eux, diminué de 15 %.

Les spécialités dont l'activité a le plus diminué sont celles de stomatologie, de médecine dentaire, d'ophtalmologie, d'otorhinolaryngologie, de radiologie et de dermatologie. Les activités qui ont le moins diminué sont les spécialités de psychiatrie, de gériatrie, de néphrologie, d'hématologie, d'oncologie et de radiothérapie. Nous pourrons vous transmettre, mois par mois, sur la période du confinement stricto sensu, et spécialité par spécialité, l'ensemble des chiffres.

Concernant les activités paramédicales, les soins des masseurs-kinésithérapeutes ont baissé de manière très significative, d'environ 20 % sur les huit premiers mois. À l'opposé, les activités des infirmières libérales se sont plutôt maintenues, voire ont augmenté, notamment dans la prise en charge à domicile : aucune évolution pendant le confinement, et 4 % de hausse sur les huit premiers mois.

Depuis le mois de juin, nous avons examiné les évolutions pour les différentes spécialités. Les activités de médecine générale sont en baisse sur les mois de juin et de juillet par rapport à la même période l'année dernière, et l'activité est stable en août. Il en va de même pour les spécialistes, pour lesquels l'activité revient à la normale au mois d'août, tout comme pour les activités paramédicales. Cependant, l'examen de ces chiffres appelle la prudence, étant donné les caractéristiques de la période estivale : les chiffres des mois de juillet et août, comme nous l'enseignent les statisticiens, sont à prendre avec précaution. Les chiffres du mois de septembre seront plus parlants pour savoir si nous revenons vers un sentier d'activité traditionnelle et si un effet de rattrapage existe. Pour le moment, nous ne constatons pas d'effet de rattrapage massif, si ce n'est, légèrement, pour les activités paramédicales. Toutefois, notre recul est très insuffisant pour tirer des conclusions pertinentes.

Concernant l'hôpital et les cliniques – la direction générale de l'offre de soins du ministère de la santé sera en mesure de vous livrer ces éléments –, les établissements privés connaissent une baisse d'activité d'environ 4 % sur les huit premiers mois. Pour les établissements publics, cette baisse d'activité est de 11 %. Ces chiffres mériteraient une analyse plus fine. Je prendrai un seul exemple. Les dépenses de médicaments et de dispositifs médicaux connaissent une assez forte baisse dans les centres hospitalo‑universitaires (CHU), qui semble être contrebalancée par une évolution plus dynamique dans les centres de lutte contre le cancer, ce qui pourrait être lié à des transferts d'activité : la prise en charge aurait basculé des CHU vers des centres de lutte contre le cancer plus spécialisés, les CHU étant mobilisés par les patients atteints de covid‑19.

Les activités de dépistage du cancer colorectal, du cancer du sein et du cancer du col de l'utérus connaissent des baisses très significatives en mars et avril, entre 30 et 70 % selon les mois – nous vous fournirons les chiffres détaillés. Cependant, dès le mois de juin, l'activité de dépistage du cancer colorectal a connu un rattrapage significatif, avec une activité double par rapport au mois précédent. Pour le dépistage du cancer du sein, nous constatons à compter du mois de juin un retour à la normale par rapport à l'année précédente. Pour le dépistage du cancer du col de l'utérus, l'activité reste encore moindre par rapport aux mois de juin et juillet de l'année précédente. Il nous faudra examiner en détail les chiffres dans les mois à venir.

Avec notre partenaire associatif, l'Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), avec lequel nous travaillons depuis longtemps pour accompagner nos assurés dans le recours aux droits et aux soins, nous avons engagé un travail de consultation auprès des professionnels de santé et des assurés pour mesurer le renoncement aux soins pendant le confinement et les pratiques de recours aux soins depuis la sortie du confinement. Près de 4 000 questionnaires ont été envoyés ; nous disposerons de premiers résultats d'ici à la fin de l'automne pour accompagner nos prochaines politiques.

Avec les professionnels de santé et les médecins généralistes, nous avons fait le même constat d'un risque de renoncement aux soins pendant le confinement. Nous avons institué une consultation longue de bilan de confinement pour les personnes âgées de plus de 65 ans, avec une tarification spécifique de 46 euros. Les résultats sont positifs, puisque plus d'un million de consultations ont été réalisées. Cela peut sembler insuffisant au regard de l'ensemble de la population concernée. Cependant, notre pratique de ce type de consultation spécialisée nous montre que ces chiffres se situent bien au-delà des chiffres habituels, qui s'élèvent à quelques centaines de milliers au maximum. Les médecins ont assez largement utilisé cette consultation, notamment avec les personnes âgées et les malades chroniques, pour réaliser un bilan de l'état de santé des patients et de leurs besoins en diagnostics, en examens et en soins complémentaires. Le dispositif a été bien suivi. Avec Santé publique France, nous avons aussi, dès le début du mois de mai, lancé plusieurs campagnes de communication nationales au message simple : « Pendant l'épidémie, quels que soient vos problèmes de santé, faites-vous soigner. » Nous les avons démultipliées dans nos mailings Ameli évoqués en introduction.

Conformément à une répartition des financements classique entre l'État et l'assurance maladie, cette dernière a été mobilisée à hauteur de 4,8 milliards d'euros en dotation exceptionnelle à Santé publique France pour 2020, avec une quote-part des différents régimes d'assurance maladie et une participation du régime général d'environ 90 %. Trois milliards d'euros ont été consacrés à l'achat des masques. Ces éléments sont présentés de manière précise dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, présenté par le ministère de la santé ce matin.

S'agissant du tracing, vous m'interrogez, monsieur le rapporteur, sur son phasage et son efficacité. Sa raison d'être est immédiatement liée à la logique de déconfinement. Nous sommes passés du confinement qui visait à protéger les populations de la propagation du virus, au déconfinement et à une logique d'identification la plus rapide possible des patients positifs et d'isolement de leurs cas contacts. Nous avons ainsi organisé, à la demande des pouvoirs publics, une plateforme de tracing. L'activité pour les deux premiers mois a été relativement faible – ce qui constitue en soi une bonne nouvelle –, jusqu'au début du mois d'août, avec une augmentation depuis.

Je n'ai pas d'éléments à disposition permettant de mesurer l'efficacité du tracing. Cependant, nous sommes toujours en mesure de respecter les délais et les objectifs qui nous sont fixés, à savoir appeler les personnes positives dans les 24 heures suivant l'annonce de la positivité du test, ainsi que les cas contacts. Il s'agit d'un vrai défi, dès lors que 15 000 cas supplémentaires sont recensés par jour, contre 1 000 à 2 000 auparavant. Nous répondons au cahier des charges établi. Nous y attachons une importance toute significative. Nous déployons toute l'énergie nécessaire pour contacter les personnes, pour les relancer par SMS ou par courriel, le cas échéant, et ainsi limiter au strict minimum les cas dans lesquels ce tracing n'aboutirait pas. Ce dispositif était lié à une étape du déconfinement, et nous ne sommes qu'un maillon de la chaîne.

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Avez-vous une idée du taux de personnes que vous arrivez à tracer à partir d'une personne positive ?

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Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie

Les chiffres, rendus publics par Santé publique France dans leur bulletin hebdomadaire, s'élèvent à 90 % de réussite. Près de 1,5 million de personnes ont été contactées depuis la mise en place du dispositif, soit 1 144 000 cas contacts pour 390 000 patients positifs.

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Nous sommes face à un défi à la fois médical et financier. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) s'envole cette année, et s'envolera l'année prochaine.

Je souhaiterais vous interroger très concrètement sur la politique de dépistage. Quand les tests salivaires seront-ils remboursés par l'assurance maladie ? J'avais interrogé M. Véran, le ministre de la santé, la semaine dernière, qui m'avait dit qu'ils devraient être remboursés la semaine passée. Je pose à nouveau la question. Quand les actes de biologie médicale seront-ils inscrits dans les nomenclatures de remboursement, et avec quelle cotation ? Concernant les tests antigéniques, j'ai la même interrogation, alors que le Gouvernement a déjà commandé 5 millions de tests et que la Haute autorité de santé a donné son feu vert pour les patients symptomatiques la semaine dernière.

Si nous pouvons constater un essor des téléconsultations, qui ont été quasiment multipliées par cent, je m'interroge sur le dossier médical partagé, qui connaît – c'est le moins que l'on puisse dire – des retards. Il a été lancé il y a presque dix ans, et un peu plus de 9 millions de dossiers ont été ouverts, ce qui est peu par rapport à l'objectif initial de 40 millions en 2022. Un certain nombre de dossiers sont peu actifs, peu alimentés et peu consultés.

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Je souhaiterais revenir sur le contact tracing. Je n'ai pas lu le dernier bulletin de Santé publique France, mais, dans celui du 17 septembre dernier, l'agence indiquait qu'au cours de la deuxième semaine de septembre, 80 % des cas n'avaient pas été précédemment recensés comme des cas contacts, ce qui suppose, selon les mots mêmes de l'agence, l'existence de nombreuses chaînes de transmission non identifiées. La question de l'efficacité de ce pilier de la stratégie du Gouvernement est évidemment posée. L'intensification du traçage est-elle suffisante par rapport au rythme auquel la pandémie gagne du terrain ? Par ailleurs, la question de la qualité du traçage, notamment des appels téléphoniques, a été posée à plusieurs reprises. Certains appels seraient succincts et assez peu prescripteurs de comportements. Nous avons abordé la question de la formation des nouveaux recrutés, qui dure environ quarante-huit heures. Nous avons évoqué des disparités régionales. Pourrait-on disposer d'un état de la situation ? De plus, les tests positifs effectués à l'étranger n'étaient pas pris en compte par la plateforme « Système d'information pour la déclaration des essais de produits » (Sidep) : en est-il autrement aujourd'hui ? Enfin, nous comprenons que votre stratégie de traçage n'est pas déliée des questions de délais de réalisation des tests. Comment appréciez-vous l'efficacité de vos dispositifs, au regard des retards dans la réalisation des tests et dans l'obtention d'un certain nombre de résultats ?

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Nous examinons actuellement un texte pour l'accélération et la simplification de l'action publique. Dans la nuit, nous avons eu à débattre de l'organisation territoriale de la santé, notamment de l'organisation des ARS. Quelles relations entretenez-vous avec les ARS dans les territoires ? Les réflexions sont-elles menées de manière partenariale et satisfaisante ? Préconiseriez-vous des mesures pour optimiser notre organisation territoriale de la santé ?

Beaucoup a été dit sur la gestion de la crise. Pour ma part, je souhaite que l'on parle des vaccins. Des recherches sont en cours, avec des éléments plutôt positifs ; une molécule testée permettrait de soigner ou du moins d'améliorer l'état de santé des patients. Pouvons-nous déjà mesurer l'enveloppe financière que représenteront les soins à venir ? Le vaccin – je le souhaite – est imminent : il nous faut budgétiser son coût.

Il est aujourd'hui question de fraude sociale d'un montant extrêmement élevé or nous allons avoir besoin de recettes rapidement. Le rapport d'une commission d'enquête parlementaire en mentionne l'existence. La Cour des comptes, saisie par le Sénat, l'évalue à plus de 1 milliard d'euros. Allons-nous travailler ensemble sur cette question, pour que, demain, quand il faudra financer les soins liés à la guérison des malades de la covid‑19, nous allions chercher de nouvelles recettes ?

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Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie

L'un des enjeux principaux du dossier médical partagé est le passage d'une logique d'ouverture à une logique d'enrichissement, de remplissage – le terme n'est pas très heureux –, pour en faire un outil plus vivant et utile qu'il ne l'est aujourd'hui. Grâce à l'action de l'assurance maladie depuis qu'elle a repris cette question, nous disposons d'un nombre suffisant de dossier ouverts pour pouvoir avancer, soit un peu moins de 10 millions de dossiers. Il s'agit d'une condition nécessaire mais non suffisante. La crise a montré que pour les échanges d'informations entre professionnels et assurés, ce type d'échanges sécurisés de qualité est crucial. Selon la feuille de route post-Ségur de la santé, nous avons pour objectif de renforcer les différentes incitations des professionnels et des médecins traitants dans les volets de synthèse médicale, pour que le cœur de la vie médicale du patient soit disponible dans son dossier, tout comme les comptes rendus d'hospitalisation et d'examens de biologie et de radiologie. Voilà l'une des priorités que nous voulons négocier avec les professionnels de santé d'ici à la fin de l'année, pour passer d'une logique d'ouverture des dossiers à une logique d'enrichissement et en faire un outil pleinement utilisé par les patients et les professionnels de santé.

Concernant les tests antigéniques, le ministre de la santé a pris un arrêté le 16 septembre dernier pour autoriser leur déploiement, notamment sous forme de tests rapides d'orientation diagnostique (TROD), en dehors des laboratoires de biologie ce qui permet de pratiquer un certain nombre d'expérimentations et de dépistages dans les territoires. En parallèle, la Haute autorité de santé a publié un avis, vendredi dernier, se montrant favorable à l'inscription des tests antigéniques pour les patients symptomatiques. Nous attendons pour la fin de semaine son avis sur les patients asymptomatiques, ce qui nous permettrait de définir la place de ces tests dans la stratégie de dépistage. Ont-ils vocation à se déployer plutôt dans une logique de diagnostic, vers les patients symptomatiques chez les professionnels de santé – médecins, pharmaciens, infirmières –, ou dans une logique de dépistage, vers des patients asymptomatiques ? Nous travaillons sur cette question; je peux vous confirmer l'intensité des travaux que nous menons avec le ministère et les professionnels de santé concernés, pour examiner dans quelles conditions nous pouvons déployer ces tests. Ils offrent une rapidité de résultat très intéressante, notamment en matière de prise en charge et de tracing. Nous devons aussi nous assurer de leur qualité et de leur place dans la chaîne de diagnostic, en lien avec les tests PCR. Des bases juridiques sont ouvertes, et nous avons besoin de recommandations scientifiques, qui commencent à voir le jour et qui seront étoffées cette semaine.

Je vous livre un exemple de contraintes que nous rencontrons. Nous avons la chance d'appuyer le tracing sur un système unique de remontée des tests positifs qui s'appelle Sidep, et qui est directement connecté au système d'information des laboratoires de biologie médicale, dans le public et le privé. Si demain nous souhaitions disposer de tests antigéniques qui ne seraient pas réalisés en laboratoire de biologie médicale, à savoir sous forme de TROD, comment pourrions-nous assurer la remontée d'informations qui est une condition indispensable, en matière d'épidémiologie, pour un tracing efficace ? Cela est indispensable pour que ces tests soient bien utilisés dans une stratégie de santé publique clairement définie.

Monsieur Vallaud, nous partageons le diagnostic selon lequel, manifestement, l'épidémie circule au-delà de cas de patients clairement identifiés comme positifs. Notre activité de tracing, que nous menons conjointement avec les médecins et les ARS, ne couvre pas la totalité des sources de contamination, bien que nous-mêmes et les ARS réalisions un travail très important dans la gestion des clusters. Cela ne fait que renforcer notre détermination à être le plus rapide et le plus efficace possible.

Je vous livre un certain nombre d'éléments sur les appels que nous passons aux personnes concernées. Un appel pour un cas positif dure plus de trente minutes, et plus de vingt minutes pour un cas contact. Voilà le signe de la qualité du travail que nous menons. Nous avons travaillé très étroitement avec Santé publique France, qui s'est rendue dans nos plateformes d'appels, pour réaliser une double écoute et mesurer la qualité de nos investigations. Santé publique France participe à nos programmes de formation, grâce à des webinaires qui ont été créés pour assurer la formation continue de nos enquêteurs. Certes, les nouveaux arrivants sont formés en quarante-huit heures, mais ils sont tutorés par des médecins conseils de l'assurance maladie, le cas échéant, et des managers des plateformes de tracing, qui y travaillent depuis plusieurs mois désormais. Ils sont tutorés de très près, jusqu'à ce que nous puissions les laisser opérer de manière indépendante et autonome, mais toujours supervisés par une équipe. Nous sommes totalement transparents sur l'ensemble des matériaux qui sont fournis à nos enquêteurs, en matière de script et de systèmes d'information. Nos plateformes font l'objet de nombreuses visites de la part de journalistes ou d'autres acteurs de ces politiques, qui se sont rendus, entre autres, dans des plateformes de la région parisienne. Nous sommes à votre disposition pour vous faire visiter le dispositif.

Madame Auconie, notre activité et celle des ARS sont extrêmement liées depuis plusieurs mois. L'organisation du tracing autour des clusters a nécessité une coordination extrêmement étroite entre les plateformes de l'assurance maladie et les ARS. Dès que nous détectons un risque de cluster, nous transmettons immédiatement l'information à l'ARS concernée, qui mène alors l'enquête sur tel événement ou lieu de rassemblement qui auraient pu entraîner une contamination collective. Ensuite, nous dressons une liste de cas contacts potentiels que nous appelons. Ce partenariat est donc très régulier ; il a dû s'adapter, semaine par semaine, au développement de l'épidémie et à une série d'organisations ad hoc, comme le tracing pour l'éducation nationale. Les contacts sont extrêmement intenses et réguliers, et marqués par un esprit commun de coopération.

Concernant les vaccins, en tant que directeur général de l'assurance maladie, je serai sans doute le plus heureux des hommes le jour où nous pourrons rembourser les vaccins pour nos assurés, une fois qu'ils auront passé les tests de sécurité. Le ministère de la santé a prévu, pour la construction du budget de la sécurité sociale pour 2021, une enveloppe prévisionnelle pour couvrir ce type de dépenses. Par ailleurs, la France, avec d'autres pays européens, négocie avec la Commission européenne des pré-contrats avec des laboratoires pharmaceutiques. Nous serons un partenaire des pouvoirs publics et des professionnels dans l'organisation des chaînes de vaccination ce qui nécessitera de disposer de compétences d'ingénierie en systèmes d'information et en suivi d'activité. Nous savons le faire, puisque nous le faisons chaque année pour la grippe – nous nous préparons pour la campagne de cette année, qui débutera le 13 octobre. Nous serons particulièrement mobilisés.

Je partage avec vous et d'autres parlementaires l'idée de l'importance d'une lutte efficace contre la fraude sociale, quelles qu'en soient l'origine ou les manifestations. L'assurance maladie mobilise des moyens importants pour les opérations de contrôle et de lutte contre la fraude. Les résultats ont augmenté ces dernières années – je tiens les chiffres à votre disposition. Les problématiques sont cependant très variées, compte tenu de l'ensemble des champs que nous couvrons, qu'il s'agisse des fraudes aux prestations en espèces ou en nature, des fraudes à l'identité ou des fraudes éventuellement commises par des professionnels de santé. Voilà qui nécessite une grande mobilisation, et parfois une expertise approfondie pour détecter des fraudes organisées ou toujours plus sophistiquées. Dans tous les cas, je peux vous assurer de la mobilisation du réseau de l'assurance maladie, qui doit cependant faire face à une contrainte que chacun garde à l'esprit : nous luttons contre la fraude tout en souhaitant assurer un remboursement rapide à nos assurés et aux professionnels de santé, dans la logique du tiers payant. Cela n'est pas incompatible, mais cela représente pour nos systèmes d'information des défis non négligeables. Nous travaillons avec les médecins et les pharmaciens sur les e-prescriptions, qui, dans les territoires, seront aussi un outil de lutte contre la fraude. Nous pourrions prendre de nombreux exemples pour montrer que l'adaptation de nos systèmes d'information constitue un levier majeur de lutte contre la fraude.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite vous faire part de plusieurs étonnements, dont découleront mes questions. « Ma santé 2022 » a connu un déploiement dont nous pouvons nous féliciter, avec la création de très nombreuses communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et d'un service d'accès aux soins (SAS), qui avaient pour objectif de mettre en première ligne les acteurs libéraux dans le territoire, et surtout de désengorger les urgences et l'hôpital. Or, avec l'arrivée de la pandémie, nous avons commencé par exclure du parcours de soin les professionnels de santé libéraux, et surtout par mettre la tête de l'hôpital sous l'eau – je souhaite d'ailleurs rappeler combien les soignants hospitaliers ont été remarquables. Nous parlons aujourd'hui d'une éventuelle seconde vague – ce qui, pour nous, n'est pas du tout encore le cas. La situation a été très compliquée pour l'hôpital, notamment dans trois régions, dont le Grand Est, territoire dont je suis une élue. Qu'est-ce qui a été fait en matière de réorganisation hospitalière ? Il manque, pour le seul CHU de Strasbourg, 180 ETPT infirmiers. Et si nous devions faire face à un nouvel afflux important de malades, la réserve d'équipements de protection serait de très courte durée.

Au fond, à quoi servent ces tests ? Peut-être verrez-vous une certaine provocation dans ma question. Votre stratégie consiste à tester, à tracer et à isoler, alors que plus d'une centaine de publications démontrent qu'il existe un traitement précoce de la covid‑19, traitement qui n'est toujours pas encouragé, alors que vous êtes le garant des deniers publics, et donc de la survie de la sécurité sociale. Ce traitement, qui n'est toujours pas proposé, permettrait de protéger l'hôpital et de laisser son accès libre à ceux qui en ont besoin : pathologies cardiovasculaires, cancéreuses ou patients covid qui nécessiteraient d'être hospitalisés.

L'impact économique et social de cette crise sanitaire ne fait que commencer. En tant que psychiatre, je suis particulièrement inquiète du nombre de suicides, aujourd'hui, et de ceux à venir. Le chômage va exploser, et la catégorie des jeunes adultes est particulièrement menacée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous constatons que les mutuelles ont pu réaliser des économies importantes. Connaissez-vous les montants pour la France ? Pourrait-on imaginer un mécanisme de compensation ?

Permalien
Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie

Madame Wonner, concernant le rôle des médecins libéraux, au début de la première vague, il est clair qu'il a été considéré que, en l'état de nos connaissances scientifiques, il était préférable que les patients soient orientés vers les urgences plutôt que vers leur médecin généraliste. Je ne pense pas qu'une autre décision aurait pu être prise, étant donné notre niveau de connaissance du virus. Nous travaillons pour accompagner les professionnels de santé, afin qu'ils puissent répondre à une nouvelle crise sanitaire, notamment par le biais des CPTS, et pour ajouter à leurs missions une mission de préparation et de réaction à une crise sanitaire. À l'échelle d'un territoire, comment leur donner les moyens d'être prêts, en matière de partage d'informations, de représentation vis-à-vis de l'hôpital, de l'ARS, du préfet ou des EHPAD, afin de répondre à une nouvelle crise sanitaire, qu'il s'agisse d'une crise covid ou d'une crise beaucoup plus localisée ? Ces questions ont été mises à l'ordre du jour des négociations que nous avons engagées. Nous avons fait des propositions précises, la semaine dernière, pour doter notre territoire d'une organisation de professionnels de santé libéraux qui disposent de moyens pour s'organiser en amont, à froid, et réagir dans les situations d'urgence. Il s'agit d'une priorité de l'assurance maladie, et nous espérons que les négociations aboutiront très rapidement, pour répondre aux enseignements de la crise.

Concernant le traitement que vous évoquez, il ne m'appartient pas de me positionner. En France, nous disposons d'autorités sanitaires chargées de l'évaluation des risques sanitaires stricto sensu et du rapport bénéfices risques des traitements, qui guident les décisions de l'assurance maladie en matière de remboursement. Les choses s'arrêtent là, et c'est très bien ainsi.

Le ralentissement des soins de ville a été très significatif et s'est traduit par des dépenses des complémentaires de santé inférieures à ce qu'elles auraient été sans crise. Cela a conduit le Gouvernement à engager des discussions pour récupérer une partie de cette somme. Un milliard d'euros pourront être récupérés pour l'année 2020 – mesure qui sera incluse dans l'un des textes budgétaires pour 2021 –, sur la base d'une estimation qui est sans doute supérieure à 2 milliards d'euros sur l'année 2020. Cette mécanique de récupération en 2020 pourra être complétée en 2021. Il n'y avait pas de raison que l'assurance maladie assume seule la totalité des surcoûts, et que les moindres dépenses induites par la crise ne soient pas partagées entre l'assurance maladie obligatoire et l'assurance maladie complémentaire. Nous faisons face à des déficits sociaux très significatifs liés à la crise, et ce dispositif participe de façon modeste à une forme de rééquilibrage qui était nécessaire et bienvenu.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Réunion du mardi 29 septembre 2020 à 16 h 15

Présents. - Mme Sophie Auconie, M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Bertrand Pancher, Mme Michèle Peyron, M. Boris Vallaud

Assistaient également à la réunion. - M. Nicolas Démoulin, Mme Martine Wonner