. Le SGDSN, service du Premier ministre, dispose d'une autorité équivalente à celle que le Premier ministre exerce sur les membres du Gouvernement. La doctrine de 2013 s'adresse aux ministères et leur dit ceci : vous avez un travail à faire ; pour les personnes qui auront à travailler au ministère en cas de pandémie, vous devez constituer des stocks, vous organiser pour les financer et prélever sur votre budget la part nécessaire. Le document ajoute : vous devez inciter les entreprises publiques ou privées figurant dans votre périmètre à faire de même. « Inciter », parce qu'il s'agit de l'application de dispositions du code du travail prévoyant que l'employeur doit protéger la santé des salariés. C'est donc à l'employeur d'apprécier l'étendue de ses obligations, avec le risque, s'il ne les remplit pas, d'en subir les conséquences, y compris sur le plan pénal. Une très grande marge d'appréciation est laissée à l'employeur. C'est bien une recommandation, mais dont la valeur est naturellement plus forte à l'égard des administrations que des entreprises.
Concernant le suivi, nous demandons à chaque ministère de faire son travail, c'est-à-dire de s'assurer, d'abord pour lui-même, qu'il a été procédé à des achats suffisants et que l'argent nécessaire pour constituer les stocks de masques a bien été mis de côté. Nous lui demandons aussi de faire ce travail à l'égard des secteurs d'activité qu'il contrôle. En 2016, après mon départ, il y a eu une relance de la doctrine de 2013, rédigée presque dans les mêmes termes que la note du 16 mai 2013 que je vous ai lue, et adressée aux mêmes destinataires. Elle dit : nous vous rappelons que cette doctrine existe et nous vous demandons de vous assurer que ces dispositions sont bien appliquées. Cela prouve d'ailleurs qu'en 2016, ceux qui m'ont succédé n'ont pas mis en doute la pertinence de la doctrine de 2013.
J'ajoute que j'ai cru comprendre que le Gouvernement avait demandé en juillet dernier aux entreprises de s'assurer qu'elles avaient des stocks de masques pour leurs employés. J'en déduis que la doctrine de 2013 était toujours considérée comme pertinente. Au demeurant, si elle ne l'avait pas été, on aurait eu amplement le temps, depuis 2013, de la changer.
Je confirme que la doctrine de 2013 se situe strictement dans la ligne de l'avis du Haut Conseil de la santé publique de 2011 et que le seul élément nouveau est ce que dit l'avis de 2011, à savoir qu'on passe des masques FFP2 aux masques chirurgicaux. Pour le reste, rien ne change. Le fait que cela s'applique aux personnes employées qui doivent travailler, qu'elles soient employées publiques ou privées, et que ce soit l'employeur qui paie, tout cela était vrai avant et reste vrai après. Rien ne change non plus à ce sujet, contrairement à ce qui a pu être dit, y compris devant vous.
La modification du stock stratégique et de la localisation en 2015-2016 est un sujet distinct, puisque, comme je l'ai expliqué, la doctrine de 2013 ne traite pas du stock stratégique, elle traite d'autre chose. Puisque j'ai dit qu'en 2009, on avait évalué à 1 milliard le nombre de masques devant être achetés en application de l'obligation pesant sur les employeurs, il pourrait être intéressant pour votre mission d'information de vérifier l'effet de la doctrine de 2013 sur l'équipement des employeurs. J'ai encore dans l'oreille les informations rapportées par la presse au début de la crise, selon lesquelles plusieurs grandes entreprises, comme EDF, avaient cédé leurs stocks, constitués en vertu de la doctrine de 2013, à l'État ou à des établissements hospitaliers. Heureusement, cette doctrine de 2013 a été appliquée ! Il y avait aussi des stocks dans des collectivités territoriales, en application de cette même doctrine. Je le martèle : il y a deux sujets distincts.
La doctrine de 2013 n'est pas un moins, c'est un plus. Elle permet de compléter le stock stratégique par d'autres stocks de masques décentralisés chez les employeurs au profit de ceux qui doivent poursuivre leur activité pendant la pandémie.
Faut-il croire les Chinois ? La réponse est dans la question. L'ampleur exceptionnelle des mesures prises par la Chine, le confinement d'agglomérations de plusieurs millions d'habitants doivent nous alerter : cela montre qu'il y a eu en Chine une crise d'une ampleur exceptionnelle. Je n'ai pas d'informations privilégiées ou particulières, mais des questions se posent concernant la date précise de l'apparition des premiers signes de la pandémie et la rapidité de la transmission par les autorités chinoises à l'OMS et aux autres États d'informations sur l'ampleur du phénomène. Ce sujet hantera pendant quelque temps encore le monde entier.
Concernant la coopération européenne en matière de protection contre les pandémies, dans les années 2000, lorsque j'étais secrétaire général de la défense nationale, j'ai parlé avec plusieurs homologues étrangers de ce qu'eux-mêmes faisaient. Je l'ai fait avec les Américains, les Allemands et les Canadiens. J'avais l'impression, mais peut-être étais-je présomptueux, que nous faisions partie des pays qui avaient le plus travaillé et qui étaient les mieux préparés. À l'époque, le fait que la France soit un État centralisé était vu comme un atout par les États fédéraux, qui m'indiquaient que c'était pour eux beaucoup plus compliqué, puisqu'il leur fallait mobiliser l'échelon local, et que cela variait d'un endroit à l'autre – on l'a vu aux États-Unis. À ma connaissance, il y a eu, au niveau européen, des discussions, mais pas de travail organisé – il faudrait interroger le ministère de la santé à ce sujet.