Intervention de Grégory Emery

Réunion du mardi 20 octobre 2020 à 18h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Grégory Emery, conseiller sécurité sanitaire au ministère des solidarités et de la santé :

Comment s'assurer que la politique de gestion des stocks de masques ne produira pas les mêmes effets dans dix ou quinze ans, lorsqu'émergera une autre épidémie ? En effet les mémoires s'effacent ; les directeurs généraux auront changé, les ministres également ; quant aux conseillers, je n'en parle pas. Ce sont précisément les travaux de cette commission, les retours d'expérience et les missions de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui permettront de définir, de manière claire et transparente, des règles garantissant qu'il n'y aura pas de péremption. Sans nul doute, une approche industrielle a manqué dans la gestion des masques. Ainsi, un nombre considérable d'entre eux, plus de 8 milliards – je me trompe peut-être sur le nombre exact – ont été distribués, à partir du mois de mars, aux professionnels de santé, grâce à une chaîne logistique qui a été montée de toutes pièces, dans des conditions difficiles.

Pour assurer nos capacités stratégiques, nous devons donc être capables de produire des masques en France, les établissements doivent pouvoir les acheter et le stock de masques doit pouvoir tourner. Quel doit être le volume des stocks stratégiques ? Devons-nous faire le même choix d'un entrepôt central ? Ce sont des discussions que nous devrons avoir à l'issue de la crise. En tout état de cause, je suis convaincu qu'il y aura un avant et un après et qu'il faudra rendre compte des décisions qui ont été prises.

Par ailleurs, je suis conseiller d'un ministre et non pas politique. Suis-je le bon filtre pour le ministre ? Vous l'interrogerez la semaine prochaine ; il sera libre de vous répondre. Nous travaillons toujours de la même manière : nous écoutons le plus possible, nous faisons le tri dans les informations en analysant celles qui ont le plus haut degré de crédibilité, puis nous les transmettons dans leur ensemble au ministre en lui indiquant lesquelles sont importantes, et lesquelles ne le sont pas. Je ne dis pas pour autant que l'information qui vient d'un seul est moins importante que celle qui vient de mille, car notre capacité à détecter les signaux faibles est le propre de la gestion de crise. J'ai cité au début de cette audition des cas isolés de décès liés à d'autres pathologies : ce sont précisément ces informations-là qui sont utiles.

Quant au fonctionnement des ARS, là encore, je ne peux pas, en tant que conseiller d'un ministre, porter de jugement. Cependant, depuis le 17 janvier, je constate que les personnels des ARS ont mis leur vie personnelle sur pause et sont pleinement mobilisés et investis, sept jours sur sept, jour et nuit. La dimension territoriale est-elle suffisamment présente dans la manière dont s'opère aujourd'hui la politique de santé en France ? Sur ce point, je peux vous répondre que les délégations territoriales – émanations au niveau local des agences régionales de santé – ont été renforcées : c'est bien le signe que les ARS doivent avoir un bras au plus près des territoires. Mais je vous demanderai, là encore, d'interroger le ministre car, à mon niveau, je ne peux pas faire d'autres commentaires. Ce que je puis vous dire, c'est que mes échanges avec les directeurs généraux des ARS, dans leur ensemble, sont plus que professionnels. Ces personnes sont très investies.

En ce qui concerne l'évolution de la doctrine et les instructions du SGDSN, je ne peux pas rendre compte des faits antérieurs à ma prise de fonctions, en octobre 2018. Ce qui est certain, c'est que je prends connaissance de cette évolution par la note du 6 février 2020, dans laquelle il est indiqué : « Il n'y a actuellement pas de stocks d'État constitués de masques FFP2, conformément à la doctrine du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, qui prévoit que chaque employeur détermine l'opportunité de constituer des stocks de masques pour protéger son personnel. » L'auteur de la note fait référence à une annexe du 16 mai 2013.

C'est précisément parce que cette doctrine suscite des interrogations quant à son opérabilité auprès des établissements ou des professionnels de santé que, dans cette même note, il est fait référence au fait que des établissements de santé, notamment de services de maladies infectieuses, ont été interrogés pour savoir s'ils disposaient de stocks de masques. Pour être précis et complet, il est également indiqué, dans cette note, que trois régions, le Grand-Est, la Guadeloupe et la Martinique, signalent des stocks de masques en très forte tension, avec des stocks inférieurs à quinze jours. La région Hauts-de-France possède entre quinze et trente jours de stocks, et les autres régions plus de trente jours. Une majorité de professionnels, dans le secteur ambulatoire, ne disposent pas d'un stock minimum de masques FFP2. La seule conclusion que je peux tirer de la lecture de la note du 6 février 2020 est que la doctrine n'est pas connue des acteurs.

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