Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19
Présidence de M. Julien Borowczyk, président de la mission d'information
Monsieur Grégory Emery, vous êtes médecin en santé publique et conseiller sécurité sanitaire au cabinet du ministre des solidarités et de la santé. Vous avez été conseiller au cabinet de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, du 1er juin 2018 au 16 février 2020. Vous êtes ensuite resté membre du cabinet de son successeur, M. Olivier Véran, du 17 février 2020 au 1er juin 2020. Puis, vous avez été brièvement conseiller technique santé au cabinet du Premier ministre Édouard Philippe du 25 juin au 3 juillet. Depuis le début du moins d'août, vous êtes à nouveau conseiller sécurité sanitaire au cabinet du ministre des solidarités et de la santé.
Ce rapide rappel montre que, depuis 2018, au moment où s'est posée la question du contenu et du dimensionnement des stocks stratégiques, notamment à l'initiative du directeur général de Santé publique France de l'époque, M. François Bourdillon, vous étiez en fonction et que, d'abord auprès de Mme Buzyn, vous avez eu à participer à la gestion de l'épidémie de covid.
La mission d'information a souhaité vous entendre pour faire plus précisément la lumière sur le degré d'information du cabinet quant à la gestion des stocks stratégiques et sur les raisons qui ont conduit à certains arbitrages.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Grégory Emery prête serment.)
Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invité à répondre aux questions de votre mission d'information. Il n'est pas si fréquent qu'un conseiller s'exprime publiquement, encore moins dans cette enceinte : entre vous et moi, se trouve habituellement un ou une ministre. L'exercice est donc particulièrement impressionnant, mais j'en suis très honoré.
Il est important de préciser que j'adopterai, dans mes réponses, le point de vue du médecin de santé publique, habitué depuis maintenant plusieurs années à la gestion des alertes et des crises sanitaires, qu'elles soient liées aux risques technologiques, cyber, médicamenteux ou environnementaux, comme cela a été malheureusement le cas dans les Alpes-Maritimes récemment. Mon regard n'est pas celui d'un commentateur ou d'un observateur, mais bien celui d'un acteur impliqué. J'adopterai donc le point de vue du conseiller ministériel que j'ai été, et que je suis toujours.
Pour être parfaitement précis quant aux périodes pour lesquelles je peux vous apporter des éléments de réponse, je rappelle que j'ai effectivement rejoint le 1er juin 2018 le cabinet de Mme Agnès Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé, en tant que conseiller en charge des produits de santé – médicaments notamment –, du numérique et des affaires diplomatiques et européennes. Le 1er octobre 2018, mon portefeuille s'est élargi à la sécurité sanitaire. J'ai accompagné Mme la ministre sur ces sujets jusqu'à son départ du ministère, le dimanche 16 février 2020.
J'ai été reconduit dans mes fonctions le 17 février 2020 au sein du cabinet du ministre, M. Olivier Véran, sur le même portefeuille, que j'ai conservé jusqu'à mon départ, le 31 mai 2020, date à laquelle j'ai quitté le cabinet. Pour être totalement transparent, même si cela a été rappelé, j'ai réintégré le cabinet le 4 août dernier.
Ainsi, depuis le 17 janvier, date à laquelle je prends personnellement connaissance du dossier, ayant été absent pour raisons personnelles du 3 au 17 janvier, j'ai participé à la gestion de cette crise sanitaire inédite dans bien des dimensions. J'y ai participé en qualité de conseiller au sein d'un cabinet ministériel, c'est-à-dire en tant que collaborateur d'une ou d'un ministre, dont le travail quotidien est d'anticiper, de comprendre les enjeux, les forces en présence, les risques associés, et d'échanger bien évidemment avec les parties prenantes. Parmi celles-ci figurent notamment les professionnels de santé, les laboratoires pharmaceutiques ainsi que les administrations, celles du ministère des solidarités et de la santé mais aussi d'autres ministères, tant la gestion de crise revêt très rapidement une dimension interministérielle. Mon rôle était d'aider à la prise de décision du ou de la ministre des solidarités et de la santé, dont l'objectif est toujours de protéger la santé de la population.
Voilà le point de vue que j'adopterai dans mes réponses à vos questions. Je pense qu'il est important de comprendre et surtout d'expliquer les décisions qui ont été prises pendant cette crise. Tel est le sens de ma présence aujourd'hui devant vous.
Agnès Buzyn a indiqué avoir reçu en février 2020 une note de la direction générale de la santé (DGS) sur les besoins en matériels. Un accord, a-t-elle ajouté, a été donné à la DGS pour passer commande à Santé publique France, à partir du 7 février, d'un certain nombre d'équipements de protection individuelle (EPI). Je souhaiterais que nous y revenions.
Ma deuxième question concerne l'information dont vous disposiez, en particulier au début de la crise. Je souhaite revenir sur un point sur lequel je n'ai pas toujours pu obtenir de réponses. Pourriez-vous nous indiquer quelle est votre vision de la stratégie de tests au début de la prise en charge de l'épidémie ? Cette stratégie, manifestement calquée sur celle qui a été élaborée pour la prise en charge d'une épidémie grippale, consistait à tester de manière, sinon systématique, du moins statistique, un certain nombre de personnes, puis, au-delà d'un certain niveau de développement épidémique, à considérer que toute personne présentant des symptômes évoquant ceux du coronavirus était par définition atteinte de la maladie. Nous avons malheureusement constaté et appris, grâce à l'évolution des connaissances médicales, que cette stratégie était probablement préjudiciable dans le cas de la prise en charge du coronavirus, sachant que des personnes peuvent être contagieuses alors qu'elles ne sont pas encore symptomatiques.
Enfin, M. Bourdillon nous a dit qu'il avait régulièrement proposé que des EPI, notamment des masques, soient commandés, achetés et stockés, et qu'il en avait informé par écrit le ministère de la santé ainsi que la personne qui lui a succédé, Mme Geneviève Chêne, après quelques mois de latence. Quelles informations avez-vous pu obtenir de la part de M. Bourdillon, que ce soit par écrit ou lors de réunions ? Il nous a en effet indiqué avoir beaucoup insisté sur la nécessité de se doter d'EPI, notamment de masques.
Concernant les stocks stratégiques de masques avant janvier 2020, ma réponse comportera plusieurs points. Premièrement, un conseiller ministériel conseille un ministre. Les missions de Santé publique France sont précisées à l'article L. 1413-4 du code de la santé publique, qui dispose que « l'agence procède à l'acquisition, la fabrication, l'importation, le stockage, le transport, la distribution et l'exportation des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves. Elle assure, dans les mêmes conditions, leur renouvellement et leur éventuelle destruction. » Autrement dit, c'est à l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) depuis 2007, et à Santé publique France depuis le 1er mai 2016, que revient la mission de gérer les stocks stratégiques. J'ai assuré les fonctions de conseiller en charge de la sécurité sanitaire à partir du 1er octobre 2018, et je ne peux donc pas commenter les éléments antérieurs à ma prise de fonctions. En revanche, il est très clair qu'entre octobre 2018 et janvier 2020, rien de particulier n'est remonté au cabinet de la ministre concernant les stocks stratégiques gérés par Santé publique France.
Chaque mercredi, se tient la réunion de sécurité sanitaire. Présidée par le directeur général de la santé, elle se déroule en présence du conseiller sécurité sanitaire du ministre et de l'ensemble des directeurs d'agence et permet de coordonner, d'anticiper et de gérer. À aucun moment, les directeurs de Santé publique France n'ont évoqué, lors d'une de ces réunions, le sujet des stocks stratégiques de masques. C'est un fait ; l'ensemble des comptes rendus de ces réunions peuvent être mis à votre disposition.
Par ailleurs, quand je prends mes fonctions de conseiller ministériel, j'ai pour habitude de lire le dossier remis à la ministre au moment de la passation de pouvoirs. Dans celui remis à Mme Buzyn en 2017 – elle peut, je pense, le porter à la connaissance de votre mission d'information –, les mots « stocks stratégiques de masques » ne figurent pas parmi les alertes mentionnées dans la note de transmission du directeur général de la santé de l'époque, le professeur Benoît Vallet. Voilà pour mon analyse concernant les stocks stratégiques avant janvier 2020.
Vous m'interrogez ensuite, monsieur le président, sur la note adressée au cabinet de Mme Agnès Buzyn par la DGS le 6 février 2020 et dont l'objet est la mise en place d'un stock d'État de masques FFP2 dans la perspective d'une propagation de l'épidémie de covid-19 sur notre territoire. La question des masques fait l'objet d'échanges entre le directeur général de la santé et moi-même dès le 23 janvier 2020. Je rappelle qu'à cette date, nous comptions 581 cas et dix-sept décès à Wuhan, et dix cas exportés. Au 21 janvier 2020, le stock de masques chirurgicaux est composé – je cite la réponse – de « 33 millions de masques de chirurgie pédiatrique et de 65,9 millions de masques chirurgicaux adultes. Nous devons recevoir avant la fin du mois de février 10,6 millions de masques pédiatriques et 54,6 millions de masques adultes. » Il n'est pas fait état, ce jour-là, de stocks de masques FFP2. Le mail est complété le lendemain, 24 janvier 2020, par le sous-directeur concerné de la DGS, qui reprend les éléments que je viens de citer, et ajoute : « Le stock est géré par Santé publique France. Il n'y a pas de masques FFP2. »
Dès lors, un état des lieux des services infectieux est lancé le 28 janvier, avec un retour le 30 janvier. Une note est formellement adressée à la ministre, sous mon couvert, le 6 février ; elle concerne principalement les masques FFP2, du fait de l'absence de stocks d'État – je pourrai y revenir. La proposition qui est formulée est de trois ordres : constitution d'un stock stratégique d'État, au sein du secteur hospitalier et en EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), et au sein du secteur libéral. La note est transmise à mon directeur de cabinet et est validée le lendemain, dès le 7 février. Je vous lis la réponse : « Accord pour demander sous l'égide du SGDSN [Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale] l'ouverture de nouvelles lignes de production dédiées à la constitution d'un stock stratégique et la délivrance aux établissements de santé et aux EHPAD d'un stock d'amorce propre à couvrir les besoins pour un mois. S'agissant des professionnels libéraux, on retient le scénario 3. Il est entendu qu'il faut revoir les conditions de gestion de stocks ainsi constitués pour éviter le constat à date de leur péremption. Une gestion plus dynamique qui prenne en compte la date de péremption et les besoins intermédiaires de consommation devra être mise en œuvre. » Voilà la réponse formelle qui est adressée à la DGS, et qui nourrit un courrier porté à la connaissance de la mission d'information. Nous pourrons revenir sur ces éléments.
Vous m'interrogez sur les tests. D'abord, il faut prendre en compte le nombre de laboratoires qui ont participé aux opérations, puis les objectifs des politiques de tests. La technique a été développée en janvier ; elle peut être transférée du Centre national de référence (CNR), l'Institut Pasteur de Paris, à d'autres laboratoires le 27 janvier, soit seulement dix-sept jours après la publication du génome. La France a donc rapidement identifié la séquence génomique et élaboré une technique de diagnostic.
La capacité de tests a évolué en fonction des différentes phases. Au cours de la phase 1, qui s'est déroulée du 24 janvier au 28 février et qui avait pour objet de freiner l'introduction du virus, la stratégie consistait à être en mesure de dépister précocement les malades. Six laboratoires hospitaliers étaient disponibles au 31 janvier, vingt au 21 février.
Lors de la phase 2, qui s'est déroulée du 29 février au 13 mars et dont l'objectif en matière de gestion de l'épidémie était de freiner la propagation du virus – 43 laboratoires étaient disponibles la semaine du 7 mars –, le dépistage s'est attaché à déterminer les cas probables, c'est-à-dire les personnes présentant des symptômes et ayant préalablement été en contact avec un patient confirmé.
Dans la phase 3 – je ne ferai pas l'énumération de toutes les capacités de tests : je tiens à la disposition de la mission d'information les chiffres de la montée en charge du nombre de laboratoires –, soixante-cinq laboratoires publics et deux groupes de laboratoires privés étaient opérationnels la semaine du 24 mars ; au 4 juin, la France dénombrait 1 162 laboratoires de ville et centres de prélèvements opérationnels, répartis sur tout le territoire.
Les capacités de tests sont donc passées de 2 000 à 2 500 tests par jour fin février-début mars, à 5 000 tests PCR par jour début avril, puis à 50 000 tests par jour en phase de déconfinement, mi-mai. Actuellement, la capacité théorique est de l'ordre de 1 million de tests sur sept jours, sachant que nous avons dépassé le nombre de 1,5 million il y a quelques jours. Cette montée en charge des capacités de tests a été guidée par les objectifs associés à la politique de tests.
Vous m'interrogez sur le fait de savoir s'il aurait fallu, dès le début de l'épidémie, tester massivement la population. Je me suis permis de rappeler les différentes phases de gestion de cette épidémie : ne pas permettre au virus de rentrer sur le territoire, freiner sa propagation et limiter les impacts. Il est vrai qu'à aucun moment, dans les plans de préparation, n'a été envisagé le scénario dans lequel un virus dont le taux de formes asymptomatiques est de 50 % – voire, potentiellement, de 80 % chez les plus jeunes, notamment les personnes de 20 à 30 ans – aurait des conséquences telles qu'elles mobiliseraient l'offre de soins et influeraient sur la mortalité. Autrement dit, le dépistage de masse, qui apparaît au fur et à mesure de la gestion scientifique de cette épidémie – le fameux « tester, tracer, isoler », mis en œuvre notamment en Corée après le 17 mars – n'avait jamais été évoqué en janvier et en février. Si l'Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne, dans des notes datées du 12 février, du 2 mars et du 21 mars, la nécessité de mettre en place des stratégies de dépistage, elle n'indique pas qu'il faut tester d'autres personnes que celles qui sont malades.
Monsieur le conseiller, pourriez-vous nous préciser quelle était votre mission exacte auprès de Mme Buzyn, quelle est-elle auprès de M. Véran et la manière dont elle s'articule avec la DGS et Santé publique France ?
Vous nous avez indiqué – et c'est important puisque l'objet même de cette audition est peut-être d'y voir plus clair sur ce point – que, conformément à ce que nous a dit Mme Agnès Buzyn, rien de particulier n'était remonté à son cabinet sur les stocks stratégiques avant janvier 2020. Voilà qui semble inédit, puisque tous les prédécesseurs de Mme Buzyn nous ont dit qu'ils avaient un regard sur ces stocks. Comment concevez-vous – puisque c'est ce que vous nous dites, et je vous demande de le confirmer – que ni la ministre ni son cabinet n'aient eu la moindre vision, jusqu'en janvier 2020, de l'état des stocks stratégiques ? Est-ce que personne n'a pensé à se renseigner ? Selon vous, cette absence de vision est-elle une erreur, une faute, une pratique normale ? Aujourd'hui même, au sein du cabinet de M. Véran, avez-vous une vision des stocks stratégiques et de leur évolution ? Si tel est le cas, est-elle hebdomadaire, mensuelle ?
Vous nous avez indiqué – et vos propos sont conformes à ceux de Mme Buzyn – que, chaque mercredi, se tenait, avec les directeurs d'agence, une réunion à laquelle vous-même participiez. Pouvez-vous nous confirmer que jamais, en trois ans, la question des stocks stratégiques n'y a été évoquée ?
Par ailleurs, nous avons reçu de la DGS des éléments qui révèlent une diminution assez nette, sur une période allant de 2015 à 2020, de l'ensemble des stocks stratégiques, qu'il s'agisse des antibiotiques, des antidotes, des antiviraux, des masques chirurgicaux ou des masques FFP2. Cette situation, que nous pouvons considérer – certes rétroactivement – comme alarmante, n'a-t-elle jamais été prise en compte, ni par le cabinet de la ministre ni au cours des réunions entre celui-ci, Santé publique France et la DGS ?
En ce qui concerne ma mission, j'ai rejoint le cabinet de Mme Buzyn en juin 2018 et pris officiellement mes fonctions en tant que conseiller sécurité sanitaire le 1er octobre 2018. Cette fonction, qui existe dans tous les cabinets depuis plusieurs années, consiste à travailler au quotidien avec l'administration, notamment la DGS, et plus précisément la sous-direction chargée de l'alerte et de la gestion des risques et des crises sanitaires.
Mon quotidien est le suivant. Chaque soir, je reçois un bulletin de synthèse des alertes de la journée. Celui-ci peut inclure des informations pouvant paraître anecdotiques, comme le décès d'un patient atteint de dengue dans les territoires d'outre-mer – il s'agit de situations individuelles, mais elles doivent déclencher dans l'esprit du conseiller une sorte d'alerte dans la mesure où elles peuvent être le signe d'un problème – et d'autres éléments, qui font l'objet d'un suivi et d'une gestion, notamment lorsqu'une crise survient. Ce fut le cas récemment dans les Alpes-Maritimes, où nous suivons la reconstruction des établissements de santé. Tel est le travail du conseiller sécurité sanitaire. Il échange donc au quotidien, soit par courriel, soit de manière orale, avec la DGS, et, dans le contexte de la crise du covid, avec le directeur général de la santé. Ainsi, très tôt, à partir du 17 janvier ou, pour être précis, du 20 janvier, nous avons souhaité, avec le directeur général de la santé et ses équipes, nous réunir tous les matins pour faire un point sur la situation.
Ensuite, le conseiller sécurité sanitaire transmet à la ministre toutes les informations dont il considère qu'elles indiquent un risque, sanitaire, médiatique ou autre. Cette fonction implique donc une relation privilégiée avec la DGS et son directeur, et une relation très directe avec la ministre, pour que des décisions puissent être prises rapidement. Ces deux dernières années, en matière de sécurité sanitaire, les événements furent nombreux. Je pense notamment à l'usine de Lubrizol, aux épisodes caniculaires qui se sont succédé ces trois dernières années ou aux pénuries de médicaments.
Je vous confirme que, sur la période courant d'octobre 2018 au 23 janvier 2020, je n'ai pas été destinataire d'une information sur les stocks stratégiques de masques, ni sur les stocks stratégiques dans leur ensemble. Vous me demandez si cette absence d'information est une erreur ou une faute. À mon niveau, je ne peux pas me permettre de porter une telle appréciation ; ce sera à votre commission ou à la justice de le déterminer. Au plan factuel, je peux vous assurer que je n'ai pas reçu ces informations. Pour confirmer mes propos, jamais le sujet n'a été évoqué au cours d'une réunion de sécurité sanitaire. Au demeurant, ces réunions donnent lieu à des comptes rendus qui sont validés par les participants, dont le nom figure d'ailleurs sur la première page. Cette question n'a pas fait l'objet d'échanges.
Vous m'interrogez ensuite sur la vision que nous avons actuellement des stocks stratégiques. Je distinguerai les stocks relatifs au covid des autres stocks, ceux qui permettent de faire face à d'autres menaces, notamment chimiques, grâce au plan NRBC (nucléaire, radiologique, biologique ou chimique) et au plan Biotox. Aujourd'hui, un état des lieux précis de ces stocks a été dressé ; je pourrai vous communiquer cette note à l'issue de la réunion. Nous disposons désormais d'une vision satisfaisante. Je précise que, depuis mon retour au cabinet, ne traitant plus de la question du covid, je ne dispose pas de toutes les informations. Néanmoins, j'ai récemment validé une note sur les stocks stratégiques et peux donc vous dire que les stocks covid, notamment ceux relatifs aux masques et aux médicaments, sont monitorés plus finement car, longtemps, tant les masques destinés aux soignants que les médicaments d'anesthésie et de réanimation ont fait l'objet d'une distribution centralisée par Santé publique France.
Concernant les stocks stratégiques, notamment de masques, le directeur de Santé publique France, M. Bourdillon, adresse le 26 septembre 2018 au directeur général de la santé une lettre dans laquelle il l'alerte, à la suite de l'étude de Centexbel, sur le degré de péremption important du stock de masques existant et rappelle l'étude, rédigée à la même période par le comité présidé par le professeur Stahl, selon laquelle environ 1 milliard de masques sont nécessaires pour la protection du grand public. M. Salomon répond à cette lettre dès le 3 octobre. Dans un troisième courrier, daté du 30 octobre, il est décidé de commander 50 millions de masques chirurgicaux et éventuellement 50 millions de masques supplémentaires, si les moyens financiers le permettent, ce qui sera fait. Avez-vous eu connaissance de ces trois courriers ?
Je n'ai pas eu connaissance de ces trois courriers, pas plus en octobre 2018 qu'en janvier 2020. J'en ai pris connaissance quand il y a été fait référence, notamment dans le cadre de l'audition de M. Bourdillon. Je n'ai pas non plus eu connaissance de la décision prise par la DGS de demander à Santé publique France de commander 100 millions de masques.
Vous paraît-il normal de ne pas avoir été informé de la disparition quasi totale du stock de masques existant, alors qu'il s'agit d'un besoin très important et bien défini ? Comment le cabinet de la ministre peut-il ne pas avoir connaissance d'informations aussi stratégiques ? Rétroactivement, considérez-vous que cette information vous a fait défaut ?
Vous m'interrogez sur le niveau d'information dans les échanges entre la DGS et Santé publique France. Les explications, qui ne sont que les miennes, sachant que je n'avais pas connaissance de ces documents, sont de trois ordres.
Premièrement, la DGS et Santé publique France étaient d'accord sur le constat et l'action correctrice à mener, et n'ont pas jugé utile d'informer le cabinet de la ministre. Je ne doute pas que s'ils avaient été en désaccord, une note serait remontée à la ministre pour arbitrage. En l'espèce, selon moi, les deux parties étaient d'accord et n'ont donc pas sollicité son arbitrage.
Deuxièmement, pour vous répondre de manière très directe, je pense que ce dossier ne faisait pas l'objet d'un niveau d'alerte prioritaire, pas plus en octobre 2018 qu'en octobre 2017. Je me permets de vous lire la seule occurrence concernant les stocks stratégiques figurant dans le dossier du ministre. Il s'agit d'une fiche intitulée « Agence nationale de santé publique », nom juridique de Santé publique France, qui porte en partie, de manière classique, sur les problématiques et les enjeux et dans laquelle il est indiqué : « Pour les stocks stratégiques, il est nécessaire de questionner l'intérêt du recours systématique à des stocks physiques, pour aller vers des modèles plus agiles (exemple : réservation de doses) afin de gagner en efficience. » Sur la page suivante, nous pouvons lire : « La DGS a également lancé plusieurs chantiers métiers avec l'ANSP [Agence nationale de santé publique] – Santé publique France – pour renforcer son efficacité, notamment l'élaboration d'un cadre d'emploi des stocks stratégiques, permettant de cadrer leur constitution et de dynamiser leur gestion. » Voilà les seuls éléments transmis à la ministre en 2017. Le sujet n'est abordé ni en 2018, ni en 2019. Il ne remonte pas avant les échanges que je vous ai cités du 23 janvier 2020. Cela montre bien que la question des stocks stratégiques de masques n'était plus identifiée comme une priorité. Par ailleurs – je me permets ce commentaire personnel –, le délai qui sépare la commande par la DGS de 100 millions de masques et la première livraison de 33 millions de masques, en octobre 2019, est de neuf mois. Ce délai montre bien que le sujet n'était pas considéré comme relevant d'une priorité élevée.
Vous nous avez indiqué avoir été absent du 3 au 17 janvier, pour des raisons personnelles. Étiez-vous présent pendant les fêtes de fin d'année au cabinet ? Avez-vous été remplacé pendant votre période d'absence ? Qui, dans l'organigramme du cabinet, a alors pris en charge le domaine de compétences qui était le vôtre ?
Pour être totalement transparent, du 3 au 17 janvier, j'étais en congé, ayant assumé des astreintes à Noël et une fin d'année un peu compliquée. Le suivi de la réunion de sécurité sanitaire a été assuré par un autre conseiller, le docteur Mickaël Benzaqui. Dans tous les cas, la direction et la direction adjointe du cabinet étaient présentes pour suivre les dossiers. Je dis beaucoup « je », mais il ne faut pas oublier – je l'ai dit concernant la validation de la note du 6 février – qu'un conseiller agit sous les ordres d'un ministre, mais aussi d'une direction de cabinet, à laquelle il rapporte. En pratique, sur la période du 3 au 17 janvier, j'étais à l'étranger, sans connexion possible avec Paris ; j'ai donc pris connaissance de la totalité du dossier et des actions conduites par le ministère durant cette période à mon retour, le vendredi 17 janvier.
Au cours de votre période d'astreinte, à Noël, avez-vous reçu une alerte concernant ce qui se passait en Chine ? La ministre nous a dit avoir eu, à cette époque, une intuition, après avoir lu un article sur internet. Vous en a-t-elle parlé ? Cela a-t-il enclenché un processus d'alerte ou de veille au sein du cabinet ?
J'ai deux éléments de réponse à vous donner. Suis-je personnellement informé, le 2 ou le 3 janvier, de l'épidémie qui commence en Chine ? La réponse est non. Le sujet apparaît, dans les échanges entre le cabinet du ministre et la DGS, dans le bulletin de la réunion de sécurité sanitaire du 8 janvier. Je ne peux pas m'engager sur les échanges qu'a eus Mme la ministre avec le directeur général de la santé début janvier, mais, selon la chronologie des actions qui m'a été transmise le 17 janvier, une veille au sein des centres opérationnels de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) a débuté le 2 janvier à la suite de la notification à l'OMS, le 31 décembre, de 27 cas de pneumonies inexpliquées à Wuhan. Le ministère adopte donc une posture de veille à partir du 2 janvier.
Vous nous dites qu'aujourd'hui, le stock stratégique est monitoré – vous ajoutez même « finement ». On peut regretter que cela n'ait pas été le cas auparavant. Plusieurs secrétaires généraux de la défense nationale nous ont pourtant rappelé que ce stock, pour les malades comme pour les personnels soignants, relevait de la responsabilité du ministre de la santé, donc de l'État. Du reste, la loi de 2007 précisait bien que le ministre définissait les commandes de masques. Il s'agit là de la responsabilité du politique, et non de l'agence.
Vous nous dites que vous n'avez pas été personnellement destinataire des informations sur le stock stratégique avant le 23 janvier. La ministre n'a-t-elle pas cherché à connaître elle-même le stock stratégique de masques avant cette date ?
La ministre nous a indiqué que, le 25 décembre, elle avait eu connaissance qu'il se passait quelque chose en Chine et qu'elle avait alerté une première fois le Président de la République et le Premier ministre le 11 janvier. Que s'est-il passé entre le 25 décembre et le 11 janvier ? Comment cette alerte s'est-elle caractérisée ? Entre le 11 janvier et le 26 janvier, date de la première réunion interministérielle, quelles décisions ont été prises pour nous permettre de faire face à cette pandémie ?
Je ne comprends pas très bien ce qui a été dit sur les masques. J'ai du mal à croire – Éric Ciotti l'a rappelé – que la lettre du directeur général de Santé publique France de 2018 n'ait jamais été portée à votre connaissance, ni à celle de la ministre. Voilà qui est extrêmement important ! Je vous crois, monsieur Emery, mais cela révèle un dysfonctionnement qui persiste, puisqu'au mois de février, Olivier Véran déclare, lors d'un point de situation sur la crise du coronavirus : « La France dispose de stocks massifs de masques chirurgicaux si nous avions besoin d'en distribuer. […] La commande permettra de répondre à la totalité des besoins qui pourraient se faire ressentir, quelles que soient les situations que la France pourrait connaître du point de vue de la menace épidémique. » Cette intervention date du 24 février.
Concernant les masques, aucun des deux derniers ministres ne semble avoir eu connaissance de la situation. Lorsque Mme Buzyn était en fonction, la pandémie n'était pas encore là, mais, lorsque M. Véran lui a succédé, c'était le cas. Je ne comprends pas quelles étaient les relations entre Santé publique France, la DGS et le cabinet.
Je ne peux pas répondre à la place de la ministre. Je peux vous dire quels furent mes actes mais, pour la bonne raison qu'une instruction judiciaire est en cours, je ne peux pas engager ma responsabilité sur des faits dont je n'ai pas été témoin ou qui n'ont pas été portés à ma connaissance.
Ai-je personnellement, sur la période courant d'octobre 2018 à janvier 2020, cherché à m'enquérir de la situation des stocks stratégiques de masques ou des autres stocks ? La réponse est non. Ai-je reçu une alerte ? La réponse est non.
Vous m'interrogez ensuite, de manière générale, sur le stock de masques. Je vais m'attarder sur un point important, à savoir la doctrine d'utilisation de ces masques. Vous avez auditionné, dans le cadre de cette mission d'information, le professeur Stahl, qui a été extrêmement précis dans ses déclarations.
Fin janvier et en février, les discussions se déroulent dans un contexte de large consensus sur le fait que le port du masque chirurgical – j'insiste sur le mot « chirurgical » – est réservé aux personnes malades et à leurs proches. Ce n'est pas Agnès Buzyn qui le décide ; nous reprenons l'avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) du 1er juillet 2011 qui préconise le port du masque antiprojections chirurgical pour les sujets malades et l'usage d'un appareil de protection respiratoire de type FFP2 pour les personnels directement exposés à un risque élevé, notamment les personnels de santé.
La question des masques FFP2 fait l'objet de la note du 6 février du directeur général de la santé, dans laquelle il demande l'accord du cabinet pour constituer un stock de 29,5 millions d'unités ; il recueille l'accord du cabinet le 7 février. Dès fin janvier et en février, des commandes de masques FFP2 sont passées par Santé publique France, qui rencontre des difficultés liées à l'état du marché et à sa reconcentration : tous les pays, à l'époque, cherchent à acquérir ce type de masques. Des échanges ont lieu avec la DGS et Santé publique France indique qu'elle ne pourra recevoir que d'ici à fin avril 7 millions de masques FFP2 et identifie une phase critique. Le Premier ministre prend alors la décision, le 23 février, d'accélérer massivement les commandes de masques et valide le lancement d'une procédure centralisée d'achat de 200 millions de masques FFP2 par Santé publique France. Dès lors, nous passons à une stratégie d'achat plus offensive.
Vous faites référence à des propos d'Olivier Véran, qui avaient déjà été cités par son prédécesseur, sur le fait que nous disposions de millions de masques chirurgicaux pour la population. Je me suis permis de faire un petit exercice de pédagogie. (M. Grégory Emery montre aux membres de la commission deux documents.) Ces deux documents ont pour objet de vous montrer dans quel ordre de grandeur nous nous situons. Dans son rapport, le professeur Stahl a bien indiqué que le nombre de 1 milliard de masques n'était pas une cible mais un besoin, dans le cas d'une vague épidémique de trois mois. Du reste, dans son avis de 2011, le HCSP indique qu'il y a fort à parier que la vague épidémique ne durera pas plus de trois mois – ce qui montre bien que le raisonnement que nous avons tenu pendant une dizaine d'années sur un virus à tropisme respiratoire a volé en éclats à l'occasion de cette crise. Si nous retenons l'hypothèse d'un stock de 1 milliard de masques pour couvrir 20 millions de personnes – il s'agit précisément des éléments qui figurent dans le rapport –, au moment où le ministre et la ministre s'expriment – voyez mes documents, qui retiennent, pour l'un une hypothèse de 100 millions, pour l'autre une hypothèse de 150 millions de masques –, on couvre soit 2 millions, soit 3 millions de malades. Les chiffres d'hier soir sont les suivants : 910 277 cas confirmés en France.
Au moment où les ministres s'expriment, en janvier et en février, la question du masque chirurgical se pose dans un cadre de pensée selon lequel ce type de masque doit être porté par les malades et les cas contacts de ces malades. Il n'y a donc pas de ministre qui n'ait pas été informé et qui n'ait pas eu conscience de l'état des stocks. Le ministre Olivier Véran rencontre, le lendemain de sa prise de fonctions, le 18 février, l'ensemble des professionnels de santé. Il est fait état des stocks de masques chirurgicaux, ainsi que de l'absence de masques FFP2. Voilà des éléments factuels. Les ministres, dans leurs différents discours de janvier et de février, ont comme référence : « masque chirurgical égal personne malade ».
La recommandation, notamment par l'OMS, du port du masque dans la population n'interviendra que beaucoup plus tard. Le 6 avril 2020, celle-ci indique, dans ses orientations provisoires : « Aucune donnée ne montre actuellement que le port du masque (médical ou d'un autre type) par les personnes en bonne santé dans les espaces collectifs, y compris s'il est généralisé, peut prévenir les infections par des virus respiratoires, dont celui de la covid-19. Les masques médicaux doivent être réservés aux soignants. Le port du masque médical dans les espaces collectifs peut créer un faux sentiment de sécurité et amener à négliger d'autres mesures essentielles, comme l'hygiène des mains et la distanciation physique, inciter les personnes à se toucher le visage ou les yeux, entraîner des coûts inutiles et priver de masques les soignants, qui en ont le plus besoin, surtout en cas de pénurie. »
Les propos auxquels vous faites référence ont été prononcés à un moment donné, dans un contexte donné, en fonction des connaissances du moment.
Je prends personnellement connaissance du dossier le 17 janvier, lorsqu'un point complet m'est fait par le directeur général de la santé. Avant cette date, je ne peux pas me prononcer sur des éléments que la ministre aurait vus portés à sa connaissance, dans la mesure où ce n'est pas moi qui l'aurais informée.
Donc, à l'issue de ces réunions, du point de vue du cabinet, il ne s'est rien passé ? Vous n'avez pas eu de retours de la part de Mme la ministre, lorsqu'elle a prévenu le Président de la République et le Premier ministre, sur des dispositions qui auraient pu être envisagées ou arrêtées ?
Je ne peux pas vous répondre en ces termes-là. Je peux vous dire ce qui a été fait à partir du 2 janvier. La notification de l'OMS sur les 27 cas de pneumonie en Chine date du 31 décembre. Le mardi 7 janvier, est décidé un suivi quotidien par le DGS à la suite de l'identification, par les médecins chinois, d'un virus de la famille du coronavirus. On commence à parler de coronavirus à cette date ; auparavant, on évoquait une pneumonie inexpliquée.
Le 9 janvier, nous recevons, en plus des messages quotidiens, le premier message d'alerte formel du directeur général de la santé à l'intention de la ministre. Le vendredi 10 janvier, l'OMS publie des orientations techniques et rappelle que les données factuelles laissent à penser qu'il n'existe pas de transmission interhumaine ou que celle-ci est limitée – je rappelle que l'on pense alors que ce virus est lié à un marché de poissons de la ville de Wuhan. À partir de ce jour-là, le directeur général de la santé adresse à la ministre une note quotidienne.
Le 10 janvier, de premiers messages sont adressés aux agences régionales de santé (ARS) et aux sociétés savantes pour repérer les cas et indiquer la conduite à tenir. Des messages sont également adressés à Roissy-Charles-de-Gaulle concernant les avions à destination ou en provenance de Wuhan.
Le samedi 11 janvier, la séquence du virus est publiée. Le mardi 14 janvier, sont diffusés le premier message d'urgence aux professionnels de santé libéraux ainsi qu'un message d'alerte rapide aux établissements de santé, pour préciser la conduite à tenir et la définition des cas.
Le 17 janvier, date à laquelle je prends personnellement connaissance du dossier, un point complet m'est fait. Je rappelle, à cette occasion, que, dans son évaluation des risques, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), l'organisme d'évaluation des risques européen, estime qu'il n'y a « pas de notion de transmission interhumaine. Évaluation du risque d'importation dans l'Union européenne faible. »
Le mardi 21 janvier, on parle de 282 cas en Chine et de six décès. L'OMS n'évoque pas de risque épidémique hors de ce pays. En France, un cas probable est en cours d'exploration. Il existe alors une forte suspicion de transmission interhumaine ; cette information nous est communiquée de manière informelle, lors d'échanges avec des professionnels de santé. La ministre donne sa première conférence de presse et j'informe, avant cette conférence, le cabinet du Premier ministre, auquel j'adresse un premier point de situation, que je peux vous communiquer.
Le 22 janvier, l'OMS réunit les experts et décide de ne pas déclarer l'urgence de santé publique de portée internationale (USPPI), considérant que les critères ne sont pas réunis. Le même jour, bien que l'OMS ne déclare pas l'USPPI, la ministre décide d'activer le niveau 2 des CORRUSS : les centres opérationnels de crise se renforcent et l'ensemble des services interministériels concernés sont réunis le même jour.
Le 23 janvier, nous demandons – il s'agit du courriel auquel j'ai fait référence au début de cette audition – un point sur les masques. Le 24 janvier, Santé publique France est saisie sur la totalité de l'état des stocks. Ce même jour, un vendredi, entre dix-neuf et vingt heures, les trois premiers cas sont détectés en France. Les professionnels sont informés que la définition de cas évolue. La ministre informe – je peux en témoigner car j'étais présent – le Président de la République et le Premier ministre. Une réunion est organisée le lendemain matin par le cabinet du Premier ministre et, dès le dimanche, par Édouard Philippe, le Premier ministre. Santé publique France communique alors la note dans laquelle elle présente trois scénarios : dans le premier, l'impact est faible ; dans le deuxième, il est significatif ; dans le troisième, l'impact est majeur. Le scénario retenu à l'époque par Santé publique France est celui d'un impact significatif.
Le 27 janvier, le ministère de la santé active son centre de crise, avec une présence assurée 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Ce n'est que trois jours après que l'OMS déclare l'USPPI.
Voilà le calendrier précis des actions telles qu'elles se sont déroulées. J'en rends compte à partir du 17 janvier. Après, quoi qu'il arrive, une chronologie et une main courante ont été élaborées tout au long de la gestion de crise, qui peuvent vous être communiquées.
Concernant les masques, tout a été dit. Cependant, j'aimerais insister sur un point. Des centaines de millions de masques ont été détruits parce que mal stockés et abîmés en raison d'une durée de stockage non gérée. Dans une entreprise privée, le principe du stockage FIFO, First In First Out, contribue à une gestion efficace et efficiente des stocks. En l'espèce, cela n'a pas été le cas. Or, au-delà du manque de masques pour les personnels soignants, les forces de l'ordre et tous ceux qui étaient présents sur le terrain, les soldats du front, il s'agit de fonds publics. J'ai entendu parler de « stocks connectés ». Ce sont de jolis mots, mais, même si j'ai bien compris qu'il n'y avait pas de responsable dans cette terrible affaire des stocks de masques, j'aimerais savoir si de véritables mesures ont été prises pour faire en sorte que plus jamais cela n'arrive.
Par ailleurs, quand on les interroge, les anciens ministres ou premiers ministres, et plus généralement la gouvernance nationale de la santé, quelles que soient les institutions, déclarent que l'organisation territoriale de la santé est très satisfaisante. Pourtant, si l'on interroge les acteurs locaux, les élus et l'ensemble de ceux et celles qui s'occupent de la santé dans les territoires, nous sommes très loin de ce satisfecit. Êtes-vous satisfait de la manière dont les ARS interviennent dans les territoires ?
Voici un exemple. La direction d'un organisme de la Région Centre-Val de Loire disposait, au moment du confinement, d'un stock important de masques FFP2 et de masques chirurgicaux. Elle a appelé à dix reprises l'ARS Centre-Val de Loire, sans obtenir la moindre directive sur la manière dont elle pourrait redistribuer ces masques aux services hospitaliers. C'est sur sa propre initiative qu'elle les a donnés à un hôpital – cette direction ne souhaite pas être identifiée, par peur des représailles. Voilà qui dénote une atmosphère particulière et qui montre que l'analyse de la situation, premièrement, n'est pas objective de la part de la gouvernance nationale de la santé et, deuxièmement, ne permettra pas d'améliorer l'organisation territoriale. On ne fait pas face aux réalités territoriales ; je le regrette infiniment.
Enfin, M. Raoult a déclaré, lorsque nous l'avons auditionné : « Le problème d'un ministre, c'est qu'il ne reste pas très longtemps : il faut donc être extrêmement attentif à la qualité des directeurs qui constituent sa garde prétorienne. Si ces derniers n'érigent pas un mur entre le ministre et le flot permanent d'informations alarmantes, si personne ne traite les données de manière efficace et sérieuse, alors le ministre est exposé d'une manière insupportable. […] Même si le ministre écoute ce que je lui dis, il a d'autres sources d'information. » Êtes-vous certain d'être le bon filtre pour notre ministre, aujourd'hui ?
Je souhaiterais revenir sur les instructions et les circulaires. Concernant les masques et les stocks stratégiques, nous avons eu des difficultés à comprendre la circulaire de 2011 et la doctrine de 2013. Il est certain que les différentes doctrines sont liées à la gestion des crises précédentes, notamment l'épidémie de grippe H1N1 sous le ministère de Roselyne Bachelot.
Quelle est votre compréhension de cette circulaire et de cette doctrine quand vous rejoignez le cabinet de Mme Buzyn ? M. Francis Delon, auteur de la doctrine de 2013, nous a indiqué qu'elle déresponsabilisait un peu l'État, les entreprises devenant responsables envers leurs employés du stock stratégique durant une crise.
Comment s'assurer que la politique de gestion des stocks de masques ne produira pas les mêmes effets dans dix ou quinze ans, lorsqu'émergera une autre épidémie ? En effet les mémoires s'effacent ; les directeurs généraux auront changé, les ministres également ; quant aux conseillers, je n'en parle pas. Ce sont précisément les travaux de cette commission, les retours d'expérience et les missions de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui permettront de définir, de manière claire et transparente, des règles garantissant qu'il n'y aura pas de péremption. Sans nul doute, une approche industrielle a manqué dans la gestion des masques. Ainsi, un nombre considérable d'entre eux, plus de 8 milliards – je me trompe peut-être sur le nombre exact – ont été distribués, à partir du mois de mars, aux professionnels de santé, grâce à une chaîne logistique qui a été montée de toutes pièces, dans des conditions difficiles.
Pour assurer nos capacités stratégiques, nous devons donc être capables de produire des masques en France, les établissements doivent pouvoir les acheter et le stock de masques doit pouvoir tourner. Quel doit être le volume des stocks stratégiques ? Devons-nous faire le même choix d'un entrepôt central ? Ce sont des discussions que nous devrons avoir à l'issue de la crise. En tout état de cause, je suis convaincu qu'il y aura un avant et un après et qu'il faudra rendre compte des décisions qui ont été prises.
Par ailleurs, je suis conseiller d'un ministre et non pas politique. Suis-je le bon filtre pour le ministre ? Vous l'interrogerez la semaine prochaine ; il sera libre de vous répondre. Nous travaillons toujours de la même manière : nous écoutons le plus possible, nous faisons le tri dans les informations en analysant celles qui ont le plus haut degré de crédibilité, puis nous les transmettons dans leur ensemble au ministre en lui indiquant lesquelles sont importantes, et lesquelles ne le sont pas. Je ne dis pas pour autant que l'information qui vient d'un seul est moins importante que celle qui vient de mille, car notre capacité à détecter les signaux faibles est le propre de la gestion de crise. J'ai cité au début de cette audition des cas isolés de décès liés à d'autres pathologies : ce sont précisément ces informations-là qui sont utiles.
Quant au fonctionnement des ARS, là encore, je ne peux pas, en tant que conseiller d'un ministre, porter de jugement. Cependant, depuis le 17 janvier, je constate que les personnels des ARS ont mis leur vie personnelle sur pause et sont pleinement mobilisés et investis, sept jours sur sept, jour et nuit. La dimension territoriale est-elle suffisamment présente dans la manière dont s'opère aujourd'hui la politique de santé en France ? Sur ce point, je peux vous répondre que les délégations territoriales – émanations au niveau local des agences régionales de santé – ont été renforcées : c'est bien le signe que les ARS doivent avoir un bras au plus près des territoires. Mais je vous demanderai, là encore, d'interroger le ministre car, à mon niveau, je ne peux pas faire d'autres commentaires. Ce que je puis vous dire, c'est que mes échanges avec les directeurs généraux des ARS, dans leur ensemble, sont plus que professionnels. Ces personnes sont très investies.
En ce qui concerne l'évolution de la doctrine et les instructions du SGDSN, je ne peux pas rendre compte des faits antérieurs à ma prise de fonctions, en octobre 2018. Ce qui est certain, c'est que je prends connaissance de cette évolution par la note du 6 février 2020, dans laquelle il est indiqué : « Il n'y a actuellement pas de stocks d'État constitués de masques FFP2, conformément à la doctrine du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, qui prévoit que chaque employeur détermine l'opportunité de constituer des stocks de masques pour protéger son personnel. » L'auteur de la note fait référence à une annexe du 16 mai 2013.
C'est précisément parce que cette doctrine suscite des interrogations quant à son opérabilité auprès des établissements ou des professionnels de santé que, dans cette même note, il est fait référence au fait que des établissements de santé, notamment de services de maladies infectieuses, ont été interrogés pour savoir s'ils disposaient de stocks de masques. Pour être précis et complet, il est également indiqué, dans cette note, que trois régions, le Grand-Est, la Guadeloupe et la Martinique, signalent des stocks de masques en très forte tension, avec des stocks inférieurs à quinze jours. La région Hauts-de-France possède entre quinze et trente jours de stocks, et les autres régions plus de trente jours. Une majorité de professionnels, dans le secteur ambulatoire, ne disposent pas d'un stock minimum de masques FFP2. La seule conclusion que je peux tirer de la lecture de la note du 6 février 2020 est que la doctrine n'est pas connue des acteurs.
Nous avons auditionné M. Houssin, directeur général de la santé de 2005 à 2011, qui nous a rappelé l'importance des exercices de prévention sanitaire. Il semble que ce type d'exercice ne soit plus encouragé, tandis que le plan de lutte contre une pandémie grippale n'a pas été actualisé depuis 2011. Devrions-nous repenser la place de la prévention sanitaire dans les politiques de santé publique, et encourager ce type d'exercice à l'avenir ?
Vous avez indiqué, à propos de vos fonctions et des différentes missions qui lui sont rattachées, qu'elles consistaient à anticiper, à comprendre les enjeux et les risques associés, et à échanger avec l'ensemble des acteurs. À mes yeux, anticiper signifie imaginer tout ce qui doit être mobilisé en cas de péril, qu'il soit sanitaire, chimique ou terroriste. Vous disiez ne pas avoir eu de remontée particulière d'informations sur l'état des stocks stratégiques, qu'il s'agisse des stocks de masques ou de médicaments, antiviraux ou antidotes. Je m'étonne que vous n'ayez pas pensé vous-même à vous informer, dès lors que vous étiez chargé de l'anticipation et de la stratégie. Comment se fait-il que personne, à aucun moment, n'ait parlé de ces masques ? Certes, vous avez indiqué que leur utilité avait été remise en cause, notamment dans un message de l'OMS du 6 avril. Mais de nombreux rapports d'experts, dont l'un, très récent, faisaient état de notre besoin permanent d'un milliard de masques. Comment se fait-il que ces rapports d'experts successifs n'aient pas été pris en considération ?
Mes questions portent sur d'autres EPI, à savoir les gants, puisque la fermeture, depuis le mois d'avril, des frontières de la Malaisie est problématique à cet égard. Quelles mesures ont été prises pour combler le manque de 90 % des gants en nitrile ou latex de haute qualité fabriqués par ce pays ?
La reconnaissance du statut de pupille de la nation pour les enfants de soignants a été votée au mois de juin, mais le décret d'application n'est toujours pas publié. Ce sujet fait-il partie de ceux qui relèvent du ministère ?
Enfin, le système gestion de la réserve sanitaire antérieur à la crise ne fonctionne pas. Le ministère s'intéresse-t-il à cette question, dans le cadre de la mise en place d'éventuels lits accordéons dans les mois qui viennent ?
Quelles suites ont été données à la lettre du 26 septembre 2018, concernant notamment les antiviraux. Nous n'en parlons pas aujourd'hui, car il n'y en a pas eu besoin. Pour autant, M. Bourdillon indique que toutes les études menées à l'international concluent à l'intérêt des inhibiteurs de la neuraminidase en cas de grippe saisonnière et de pandémie. Il va un peu plus loin, en ajoutant : « Selon le fabricant du médicament princeps, ce stock atteindrait 60 % de couverture de la population en Angleterre. Santé publique France a débuté une réflexion, avec les industriels, pour étudier les possibilités d'une réservation de production. » Il estime même qu'il faudrait disposer d'un stock sur le territoire national.
Santé publique France vous a-t-elle parlé des suites qu'elle a données, avec les professionnels du médicament, à ces recommandations ? Comme vous l'avez rappelé, les missions de l'agence incluent l'acquisition, la fabrication, l'importation, le stockage, le transport, la distribution et l'exportation des stocks de produits et de traitements. S'agissant des antiviraux et des masques, les propos de M. Bourdillon me paraissent étonnants. Je souhaiterais donc savoir si toutes ces informations avaient été portées à votre connaissance. Je comprends que vous puissiez faire confiance à Santé publique France, mais je souhaite connaître votre niveau d'information.
Il existe différents niveaux d'exercices sanitaires. Certains sont menés au sein des établissements de santé. Lorsque j'ai travaillé au centre interministériel d'aide aux victimes dans le cadre de la préparation de l'Euro de football, nous avons effectué, au moment où le risque terroriste était important, plusieurs exercices en région pour nous préparer à faire face à un éventuel accueil massif de victimes – nous avons, hélas ! vécu cette situation lors des attentats de Nice, le même été. Par ailleurs, j'ai présidé, à mon niveau, en décembre dernier, un exercice autour de la variole. Ces exercices font-ils l'objet de communications et de bilans publics ? La réponse est sans doute non, mais, encore une fois, ils sont réguliers.
Pour le reste, je vous rejoins. À titre personnel, je n'ai jamais autant appris que lors de ces exercices de crise. Je travaille au ministère depuis bien longtemps et j'ai participé, par exemple, à des exercices simulant l'explosion de bombes qui annuleraient nos capacités d'action au sein des établissements de santé, en grillant les respirateurs et l'ensemble des équipements informatiques. J'ai également participé à des exercices portant sur les conséquences qu'aurait une coupure de l'arrivée du gaz depuis l'est de la France sur les gaz médicaux. Lorsqu'au sein du cabinet, je m'occupais du risque cyber, nous avons recommandé aux établissements d'effectuer des exercices de crise simulant une panne de machines à la suite d'une attaque cyber. Les exercices visent donc à couvrir tous les risques. Faut-il les renforcer ? Cela peut faire l'objet d'une réflexion ultérieure.
J'en viens à la révision du plan Pandémie grippale. À l'issue de cette crise, il nous faudra balayer à nouveau ce plan et, de manière générale, l'ensemble de nos plans de préparation, en évitant de tomber dans le travers de la fausse réassurance qu'offre l'existence d'un plan. Nous avons, au début de l'épidémie, essayé d'appliquer autant que faire se peut le plan Pandémie grippale, dans les différentes phases que j'ai rappelées au début de l'audition. Mais, en définitive, nous avons préféré l'abandonner, car il n'était pas totalement adapté : les antiviraux n'étaient pas disponibles, les cas asymptomatiques étaient nombreux et la contagiosité très forte. En phase 1, les personnes malades étaient hospitalisées dans des conditions de sécurité particulières – elles étaient quasiment dans une bulle –, ce qui n'est pas prévu dans le plan Pandémie. On a donc préféré se référer à un autre plan, le plan Orsan REB, plan de gestion du risque biologique, qui reprend peu ou prou les trois phases que j'ai citées. En définitive, nous devrons nous demander s'il ne faut pas bâtir un plan Virus émergent qui se distinguerait du plan Pandémie grippale.
Pourquoi ne me suis-je jamais intéressé au stock de masques ? Je vous ferai la même réponse que tout à l'heure. La question des masques chirurgicaux ou FFP2, dans mon processus interne de gestion de crise, ne figurait pas non plus comme une priorité, car rien ne m'a rappelé qu'un problème pouvait se poser dans ce domaine. En tant que médecin, je sais que des masques FFP2 sont nécessaires en présence de virus respiratoires très contagieux et que les malades doivent porter un masque en présence d'un virus. D'ailleurs, cela fait bien longtemps que les personnes malades devraient porter un masque au moment des épidémies de grippe, notamment dans le métro.
Me suis-je interrogé sur le fait de savoir si les masques de Santé publique France étaient soit trop peu nombreux soit périmés ? La réponse est non. À l'issue de cette crise, me poserai-je la question de manière quasi quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle ? La réponse est oui. Il nous faut donc monitorer différemment ce sujet, ce qui peut être réalisé de diverses manières, tout comme le fait de rendre compte, notamment devant la représentation nationale, de l'état des stocks. Plusieurs propositions peuvent être faites. Santé publique France est financée par le budget de l'assurance maladie ; il suffit de conditionner le remboursement de l'assurance maladie à la présentation des actions menées sur la gestion des stocks. Plusieurs pistes peuvent être explorées pour rendre cette gestion plus claire et transparente.
Vous faites référence à l'audition de Jean-Paul Stahl, qui évoquait un besoin d'un milliard de masques. Je ne pourrai pas répéter vos propos, car si je le faisais, je mentirais. Je cite M. Stahl, dans le compte rendu disponible sur le site de l'Assemblée nationale : « Nous avons chiffré un besoin et non une recommandation de stock. » Ce chiffre d'un milliard indique non un stock, mais un besoin pour couvrir – je peux vous montrer les schémas – 20 millions de personnes sur une période de trois mois. Force est de constater que l'épidémie de covid n'a pas duré trois mois.
Vous m'interrogez ensuite sur la gestion des stocks de gants. J'ai moins de visibilité sur la question, dans la mesure où, à partir du 29 février, une cellule logistique interministérielle a été créée. En revanche, vous avez raison, ce marché connaît des tensions importantes et des stocks de gants ont été constitués. Santé publique France et la cellule idoine se réservent la possibilité de les distribuer, si cela était nécessaire. Ce sujet est suivi dans les remontées au ministère, à deux niveaux : celui des professionnels libéraux, car il leur est plus difficile d'accéder à des marchés, et celui des établissements de santé, pour lesquels la plupart des marchés ont été réactivés au cours de l'été, ce qui leur permet de disposer de ces EPI. À l'issue de cette crise, quand se posera la question du bon niveau de stock stratégique de masques, il faudra inclure les autres produits nécessaires à la préservation de la réponse stratégique française en matière de santé. Cela ne fait aucun doute.
La question relative aux pupilles de la nation ne fait malheureusement pas partie de mes compétences de conseiller sécurité sanitaire – je vous invite à interroger le ministre sur ce point.
Quel bilan dressons-nous de l'emploi de la réserve sanitaire ? Premièrement, elle a été mobilisée très tôt, dans cette crise. Les réservistes ont été projetés à Roissy-Charles-de-Gaulle pour constituer les premières équipes médicales chargées d'accueillir les passagers des vols en provenance de Wuhan ; ils sont également intervenus dans les centres d'accueil installés à Carry-le-Rouet et à Aix-en-Provence pour accueillir les ressortissants français de retour de Wuhan.
La réserve sanitaire, dans le processus de crise, a été victime de son succès : le site internet de Santé publique France pour la réserve sanitaire n'a rapidement plus permis de renseigner des candidatures, si bien qu'une action correctrice a été menée. Les ARS ont alors monté, de manière d'abord individuelle, puis de manière plus groupée, des plateformes de renfort en ressources humaines pour répondre aux besoins. Étant moi-même réserviste, je sais que la difficulté, dans cette crise sanitaire, vient du fait que les besoins portent sur des professionnels de santé particuliers, notamment des réanimateurs et des infirmières d'anesthésie-réanimation. Or, la réserve sanitaire, telle qu'elle était construite, ne permettait pas d'identifier les professionnels de santé concernés. Il faudra donc s'interroger, à l'issue de cette crise, sur son dimensionnement, son pilotage et son animation. Le point positif est que les professionnels de santé – et les autres professionnels de la réserve que nous avons tendance à oublier et qui sont nombreux – ont su répondre présents. Il faudra faire vivre cette énergie, avec une réserve sanitaire en mesure de faire face aux prochains événements, chaque fois que cela sera nécessaire.
Enfin, monsieur le président, je l'ai glissé subrepticement dans l'une de mes réponses : Santé publique France a en effet adressé au ministre et à son cabinet une note complète sur l'état des stocks stratégiques destinés à couvrir l'ensemble des risques. Le premier point porte sur l'état des stocks. Des propositions ont été faites en matière de renouvellement ou de nouvelles acquisitions, pour le covid et pour les autres risques. Cette note a été reçue récemment, il y a environ dix jours – je vous la communiquerai. Le ministre a décidé qu'elle devait donner lieu à un arbitrage interministériel, qui mobilisera notamment le SGDSN, dès lors que plusieurs plans concernés, notamment pour les antiviraux, sont interministériels et pas uniquement sanitaires. Ainsi, à la question de savoir si Santé publique France a fait un état des lieux et des propositions, la réponse est oui.
La lettre initiale qui portait sur les antiviraux datait de 2016. Vous venez de recevoir une réponse sur les antiviraux ?
Je n'ai pas la note devant moi ; je ne peux pas vous la lire comme je l'ai fait pour les autres documents. Pour chaque risque sont identifiés les leviers permettant d'y répondre, l'état des stocks, les propositions complémentaires pour combler ces stocks et les sommes financières en regard pour permettre à Santé publique France d'assurer cette mission.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19
Réunion du mardi 20 octobre 2020 à 18 heures
Présents. - Mme Sophie Auconie, M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, M. Jean-Jacques Gaultier, M. David Habib, Mme Sereine Mauborgne, Mme Michèle Peyron
Assistaient également à la réunion. - Mme Josiane Corneloup, M. Nicolas Démoulin