Le confinement et le déconfinement ont été gérés uniquement en fonction de la dynamique épidémique, sans aucune considération économique ou sociale. Pendant les soixante-seize jours du confinement – et même après –, de nombreuses personnes n'ont perçu aucun revenu, comme les chauffeurs de taxi ou encore les personnels de service, de restauration etc. Tout s'est arrêté et l'économie a été clairement sacrifiée à la lutte contre l'épidémie, ce qui explique sans doute qu'elle ait pu être enrayée aussi vite.
Il a fallu attendre le 8 avril pour que le déconfinement soit déclaré. La dernière nouvelle contamination remonte au 16 mars. Les autorités ont donc attendu une vingtaine de jours, après la dernière contamination, pour autoriser les Wuhanais à sortir dans leur ville – et aux personnes n'habitant pas Wuhan à rentrer dans la ville. Mais ils attendront encore quinze jours de plus sans nouvelle contamination pour autoriser les Wuhanais à quitter la ville. Le déconfinement fut extrêmement progressif. Quand je suis sorti le 8 avril, il n'y avait presque personne dans la rue. Les gens avaient peur et ne sont pas du tout sortis massivement comme nous aurions pu le penser.
Il a fallu attendre près de deux mois pour que les transports en commun se remettent peu à peu à circuler. Des codes de santé ont été mis en place et les transports en commun ont été désinfectés deux fois par jour, mais les gens hésitaient quand même à quitter leur domicile. J'ai attendu le mois de juin pour faire revenir, petit à petit, en brigades, mes agents locaux, bien sûr pour les protéger, mais surtout pour des raisons psychologiques. Les gens avaient vraiment très peur. Le déconfinement n'a pas été la grande fête présentée par certains médias. Au contraire, il a été très progressif avec quelques retours en arrière puisque, après le déconfinement, un cluster a été découvert dans une résidence. Cinq personnes ont été contaminées par un vieux monsieur qui s'était plus ou moins échappé de l'hôpital pour rentrer chez lui. Tout le quartier a été bouclé et reconfiné. C'est à cette occasion que les autorités ont décidé, en mai, de tester la totalité de la population wuhanaise, soit 9 millions de personnes en une dizaine de jours. Mon équipe et moi-même avons joué le jeu et sommes allés nous faire dépister. C'est seulement après cette campagne de dépistage, en mai, que l'activité économique a repris, que les gens ont commencé à sortir le soir, dans les restaurants, à se promener dans les parcs publics. Les gens ont été très prudents.