Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du lundi 2 novembre 2020 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Présidence de M. Julien Borowczyk, président de la mission d'information

L'audition commence à neuf heures.

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Messieurs, nous souhaitons vous entendre sur le démarrage de la pandémie de covid-19 et sur les informations transmises par les autorités chinoises au début de la crise mais également aujourd'hui, alors que l'Europe est en train d'en devenir l'épicentre.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite à lever la main droite et à dire : « je le jure ».

(M. Laurent Bili et M. Olivier Guyonvarch prêtent serment.)

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

Je vais commencer par une brève chronologie des événements tels que les Chinois ont pu les vivre. On peut distinguer cinq temps.

Le premier est celui de la dissimulation d'une crise qui était encore locale. Cette période va jusqu'au 31 décembre dernier : les autorités chinoises annoncent alors, pour la première fois, l'existence de vingt-sept cas, dont sept graves. L'information est aussitôt relayée au Centre de crise du quai d'Orsay par Olivier Guyonvarch, notre consul général à Wuhan. Pendant cette période, on peut considérer qu'il existe une volonté locale de faire le moins de bruit possible et de cacher l'information.

J'étais le 19 décembre à Wuhan, où j'ai eu beaucoup de contacts avec les milieux universitaires, médicaux et politiques. À aucun moment, la covid n'a été mentionnée. Je n'ai observé aucune tension ou précaution particulière.

Le 2 janvier, nous avons fait modifier les conseils aux voyageurs, et le 8 janvier nous avons annoncé la découverte d'un nouveau coronavirus en Chine.

Le deuxième temps est celui de la minimisation de la dangerosité du virus, jusqu'au 23 janvier. Le 10 janvier, les autorités excluent formellement toute transmission interhumaine, avant de revenir sur cette information le 20 janvier. À cette date, elles disent encore que la maladie n'est pas aussi grave que le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2002-2003. Probablement parce qu'elles n'avaient pas oublié l'expérience du SRAS, un vrai travail est néanmoins effectué par les autorités médicales chinoises, qui isolent la souche le 7 janvier, réalisent un séquençage génétique le 12 janvier et ont les premiers réactifs pour les tests le 9 janvier.

La troisième phase, qui dure jusqu'à la fin mars, est celle de la lutte pour maîtriser la pandémie sur le sol chinois.

Le 23 janvier, une forme de panique s'installe, compte tenu de l'envolée du nombre de cas, passé de 217 à 443 entre le 21 et le 22 janvier. Des décisions politiques fortes sont prises, et les autorités chinoises cherchent à établir les responsabilités. L'exécutif de la province du Hubei est remplacé et une mobilisation populaire pour lutter contre le virus voit le jour.

Le 23 janvier, à deux heures du matin, des mesures radicales sont appliquées, 20 millions de personnes étant confinées sans préavis. Une seule personne par famille peut alors sortir une fois tous les trois jours – cela pendant soixante-seize jours. Le 10 février, certains quartiers passent à un système de gestion fermée des résidences : les habitants n'ont plus le droit de sortir et sont ravitaillés par des comités de quartier. Les routes sont coupées par des barrages policiers, et on m'a rapporté qu'elles l'auraient même été au sens propre du terme dans des zones périphériques. Le système de santé explosant, 30 000 personnels sont envoyés en renfort dans le Hubei. Jusqu'à seize hôpitaux mobiles supplémentaires sont déployés dans la province. Jusqu'au 8 avril, à peu près, le Hubei et Wuhan restent coupés du monde.

Les mesures prises dans toute la Chine à cette époque suivent à peu près la même logique. D'abord, une politique de prévention : port du masque partout, lavage des mains, interdiction des réunions, isolement de certains quartiers ou immeubles, filtrage des allées et venues. Ensuite, une politique de détection précoce, reposant sur un contrôle systématique des températures, un appel à la dénonciation quand des personnes achètent du Paracétamol en pharmacie, une identification des cas contacts par voie numérique, généralisée début février, et une politique de tests à grande échelle. Le troisième volet est l'isolement précoce et autoritaire des malades, y compris les asymptomatiques. À cela s'ajoutent, évidemment, les traitements médicaux.

Le pays se trouvait déjà à l'arrêt en raison des fêtes du nouvel an chinois, ce qui était un élément positif. Tout le pays reste dans cette situation jusqu'au 10 février, pratiquement dans tous les domaines. La Chine se barricade, se referme. Les chaînes logistiques terrestres en souffrent, les camions n'arrivant plus à passer les barrages. Même après le redémarrage des activités productives, à partir du 10 février, il faudra des semaines pour que la vie reprenne dans des villes comme Pékin. Le fait qu'on était au cœur de l'hiver a certainement contribué au très grand respect du confinement.

Fin février, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) effectue une mission sur place et donne un satisfecit à la Chine quant aux mesures qui sont prises.

Le 19 mars est le premier jour sans cas à Wuhan. On peut considérer que cette date marque le début de la maîtrise de l'épidémie, qui sera assez complète à partir de la fin mars.

Une inversion se produit à partir de cette période. Avec les premières contaminations en Europe, le thème de la menace venant de l'étranger apparaît. La Chine impose, à partir du 20 mars, une quarantaine et des tests systématiques aux passagers arrivant de l'étranger. Le nombre de vols venant du reste du monde est limité. La Chine est elle-même gérée, en quelque sorte, comme une résidence fermée : les allées et venues sont strictement contrôlées.

En ce qui concerne les chiffres, l'évolution par rapport à ceux de la fin mars n'est plus très importante – au 1er novembre, 86 000 cas et 4 634 morts étaient officiellement recensés. Les cas enregistrés depuis cette période sont essentiellement importés. Néanmoins, 1 837 contaminations locales sont liées à de petits rebonds épidémiques, à Canton, Harbin, Jilin, Pékin, au mois de juin, et dans le Xinjiang actuellement.

J'en viens au quatrième temps, celui de la normalisation des mesures de prévention et de gestion de la crise, celle-ci s'inscrivant dans la durée.

La garde reste très haute : les clusters que j'ai mentionnés sont étouffés assez rapidement, grâce à des mesures drastiques. À Pékin, 500 000 personnes sont ainsi confinées du jour au lendemain, les voyages entre la ville et le reste du monde s'arrêtent complètement et des centaines de milliers de personnes sont testées. À Wuhan, au moment du rebond, neuf millions de personnes sont testées en une quinzaine de jours, et un nombre à peu près équivalent à Qingdao. Le contrôle est très ferme.

Par ailleurs, une normalisation a lieu progressivement de la fin mars au début du mois de juillet, notamment en ce qui concerne le retour des résidents français – la situation devient presque complètement normale début septembre.

Depuis l'été, nous sommes entrés dans une nouvelle forme de normalité. L'objectif est clair : il s'agit de préserver l'acquis du zéro cas, vu comme un symbole de la supériorité de la gouvernance à la chinoise. À la rentrée de septembre, les écoles ont rouvert à Pékin, après huit mois de fermeture. La semaine du 1er octobre, un déclic s'est produit dans les esprits, me semble-t-il : cinq millions de Chinois ont recommencé à voyager à travers le pays.

J'ai visité un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à Shenzhen samedi dernier. Les pensionnaires et le personnel soignant sont restés confinés durant 230 jours. Depuis le 1er octobre, les visites des familles ont repris, mais uniquement dans la cour de l'établissement.

Si on peut parler d'un retour à la normale, il s'agit d'une normalité différente. Pour se déplacer, prendre le train ou aller à l'hôtel, ainsi que dans un certain nombre de restaurants ou de musées, il faut absolument utiliser une application. Des différences existent selon les provinces : les choses sont plus légères à Shanghai qu'à Pékin, et plus légères à Pékin qu'à Shenzhen.

On continue à prendre la température lors des déplacements, mais d'autres contrôles se sont allégés. Il est à nouveau possible de recevoir des visiteurs chez soi – même si, en principe, ils doivent toujours laisser leur numéro de téléphone et présenter leur carte d'identité. Le masque est encore très présent, mais avec plus de légèreté, et les gens se serrent à nouveau la main.

La reprise économique est confirmée par nos entreprises. Quelques secteurs sont même en forte croissance – pour l'Oréal, elle doit être de 20 % par rapport à l'année dernière. Par ailleurs, la marine marchande n'a plus de bateaux à l'ancre. Il est vrai qu'elle profite de la baisse du trafic aérien, mais c'est quand même un signe.

Je vais maintenant vous présenter le travail de l'ambassade au cours des dix derniers mois. Il a naturellement évolué en fonction des cycles de la crise.

Nous avons vécu dans une quasi-normalité jusqu'au 23 janvier – deux visites ministérielles ont eu lieu durant la première quinzaine du mois. Dès le 23 janvier, nous avons commencé à faire des points quotidiens sur la situation, puis tout s'est accéléré et nous avons organisé l'évacuation de nos ressortissants de Wuhan, grâce à quatre vols, entre la fin du mois de janvier et le 21 février.

Nous sommes alors entrés dans une période où nous avons suivi l'évolution de la situation et les conséquences pour nos entreprises et nos ressortissants. Nous avons fait de nombreux webinaires avec la communauté d'affaires, et nous avons transmis des informations à la communauté française. Nous avons aussi fait un « retour » sur les mesures prises par notre poste afin de préparer le réseau diplomatique à ce qui arrivait.

Quand la crise est devenue une réalité en Europe, l'ambassade s'est transformée en centrale d'achat, autour d'une task force. Presque tous les jours, nous avons identifié des producteurs et reçu des demandes de Paris concernant la recherche de certains composants. Pendant plusieurs semaines, le gros de notre activité a consisté à préparer les achats, puis à assurer le suivi et la logistique. À peu près deux milliards de masques sont passés par la chaîne unissant Santé Publique France, l'ambassade et notre pays.

À partir de la sortie de crise, ou du moins du moment où elle a atteint un point bas en Chine, la question du retour des résidents français s'est posée de façon croissante. L'amélioration relative de la situation dans notre pays a aussi conduit à renforcer la pression sur les autorités chinoises en ce qui concerne le retour de nos ressortissants, le rétablissement d'une forme de connectivité aérienne et, en la matière, l'instauration d'une meilleure parité entre les compagnies chinoises et la compagnie française.

Dans la période actuelle, nous nous centrons surtout sur la reprise de l'activité en Chine. Il s'agit de l'accompagner au mieux, de reprendre notre place, en utilisant les instruments disponibles – on peut faire des choses en « présentiel » et d'autres à distance – et, bien sûr, de faire passer les messages de nos autorités.

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Monsieur l'ambassadeur, monsieur le consul général, nous sommes heureux de pouvoir bénéficier de votre analyse et de votre vision de cette crise qui touche le monde entier mais a commencé en Chine.

Je voudrais d'abord revenir sur le temps de la dissimulation. Certains infectiologues que nous avons auditionnés estiment que l'épidémie aurait pu commencer dès le mois d'octobre, voire au mois de septembre 2019. Je m'étonne qu'il n'y ait eu, alors, aucune remontée sur cette situation. N'avions-nous pas, du côté de notre représentation diplomatique ou d'autres services, peut-être plus difficiles à évoquer, des capteurs qui auraient pu nous permettre de connaître les premiers cas et de faire preuve d'anticipation ? Selon vous, quand commence vraiment cette crise ? Y avait-il déjà de nombreux cas de contamination dès l'automne ?

Les chiffres annoncés par les autorités chinoises sont-ils crédibles, notamment en ce qui concerne les décès ? La communauté internationale est surprise, voire sceptique, compte tenu de ce qui se passe dans tous les autres pays. Le nombre d'urnes funéraires transportées à Wuhan serait beaucoup plus important que celui des décès annoncés.

S'agissant des achats d'équipements de protection, comment avez-vous travaillé ? Nous avons l'impression que des groupes privés ont été beaucoup plus performants que les acteurs publics, ou en tout cas beaucoup plus rapides, notamment dans le secteur de la grande distribution. Quel rôle notre représentation diplomatique en Chine a-t-elle joué pour favoriser les livraisons ?

Cela m'amène à vous interroger sur notre dépendance, qu'on peut qualifier de stratégique, envers la Chine en ce qui concerne les équipements de protection et, plus encore, les médicaments. Que pouvons-nous faire pour y être moins sensibles ?

Enfin, j'ai lu qu'une campagne de vaccination d'urgence était annoncée par la Chine. Quelle est la crédibilité de cette information ?

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

En ce qui concerne la période de dissimulation, la modélisation est un métier. Je ne suis pas un expert ayant un avis autorisé en la matière. Néanmoins, j'ai fait une observation pratique : 3,5 millions de personnes ont quitté Wuhan au moment du nouvel an chinois. Si le virus avait commencé à se répandre très tôt, beaucoup plus de personnes contaminées auraient probablement circulé.

Le premier décès datant du 8 décembre, les premières contaminations ont certainement eu lieu en novembre, voire à la fin octobre. Compte tenu de ce que nous savons sur la virulence du virus, j'ai du mal à penser qu'elles pourraient être beaucoup plus anciennes. Je crois aussi que les autorités n'étaient pas conscientes du danger au début…

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

Oui. Le premier décès, annoncé a posteriori, d'une manière à peu près officielle, date du 8 décembre.

Un grand banquet, de 20 000 couverts, s'est déroulé à Wuhan le 19 janvier : je ne pense pas que le Parti aurait exposé 20 000 de ses membres s'il avait su que c'était dangereux.

S'agissant des chiffres, on est obligé d'avoir des doutes, d'abord, parce qu'il n'est pas populaire d'annoncer de mauvaises nouvelles. Des questions se posent aussi au sujet de la transmission des informations entre la province et le centre. Ensuite, l'appareil, y compris administratif, a probablement été complètement submergé à un moment, et des choix ont dû être faits parmi les patients, pour savoir qui soigner. Ce n'est qu'en regardant la surmortalité dans un an ou deux que nous aurons une vision plus claire des chiffres. À Wuhan et dans la province du Hubei, ils sont certainement inférieurs à la réalité.

Pour ce qui est de la période récente, même si on met un bémol – il peut y avoir une volonté de réduire un peu les choses –, je pense que la tendance est juste. Le contrôle s'est relâché et l'économie est repartie à plein.

S'agissant des achats d'équipements de protection, je n'ai pas de données sur la rapidité avec laquelle la grande distribution a opéré. En revanche, je peux vous dire que nous avons localisé deux milliards de masques en Chine. Nous avons aidé, parfois en allant voir nous-mêmes les producteurs – je l'ai fait personnellement, et nos consuls généraux, dans les provinces, sont allés sécuriser des livraisons. À Pékin, j'ai sécurisé 188 millions de masques en un seul contrat.

Nous avons réalisé un travail documentaire et nous avons engagé une négociation sur les prix. Les règles de la comptabilité publique ont fait que, parfois, les contrats ont peut-être été un peu plus longs à boucler, mais je n'ai pas l'impression que nous ayons été défaillants, loin de là, même si nous avons découvert un métier à cette occasion. Nous nous sommes appuyés sur nos contacts dans les ministères mais aussi sur le réseau du Club santé, et donc sur les entreprises. En outre, nous avons été présents sur toute la chaîne, du début de la négociation aux autorisations pour les vols d'État en passant par la certification et le contrôle au niveau des douanes. Nous l'avons fait pour Santé Publique France, mais aussi pour des collectivités locales et des ministères, qui nous en ont remerciés.

Notre dépendance envers la Chine pour ce type d'équipements est claire. On peut presque dire que nous avons eu de la chance lors de l'inversion des courbes : si la demande en Chine était restée au même niveau qu'au début de la crise, nous aurions probablement eu du mal à nous approvisionner sur ce marché, malgré la montée en puissance de l'appareil productif. Le monde entier dépendait de la Chine pour ce type d'équipements. Les exportations chinoises de masques ont augmenté de plus de 2 000 %.

S'agissant des médicaments, la situation est un peu différente. Nous sommes très peu dépendants de la Chine pour les médicaments assemblés, les produits finis. Nous n'importons de Chine que 3 % de nos médicaments, et notre balance commerciale est positive dans ce domaine. En revanche, nous sommes très dépendants en ce qui concerne certains principes actifs. Nous avons donc travaillé pour localiser des producteurs. Une usine située à Wuxi, près de Shanghai, produit un principe actif utilisé dans 97 %, me semble-t-il, de la production française de Paracétamol. Notre dépendance est manifestement excessive. Des annonces ont été faites par le Président de la République, le 16 juin, et par le ministre de la santé, Olivier Véran, le 18 juin, s'agissant de la relocalisation de certaines productions.

Bon nombre de laboratoires et de grandes entreprises chinoises travaillent sur un vaccin ; quatre sont plus avancés que d'autres. Des vaccinations ont commencé assez tôt. Dès le mois de mars, le patron de Sinopharm, que j'ai rencontré pour des achats de masques, avait lui-même été vacciné. Des étapes ont été sautées. Le conseiller d'État Wang Yi, qui est venu à Paris début septembre, avait aussi été vacciné, ainsi que son entourage. Des militaires et des responsables de grandes entreprises publiques ont également été vaccinés, mais il ne s'agissait pas d'une politique générale. Les Chinois ont procédé à ces vaccinations alors que des tests étaient réalisés en parallèle dans d'autres pays. Il n'y avait plus assez de cas en Chine.

Ce que je comprends est que les deux principaux laboratoires concernés, Sinovac et Sinopharm, utilisent des technologies assez robustes et connues : on sait qu'elles ne sont pas dangereuses pour la santé, mais il n'y a pas de certitude quant à la durée de la production des anticorps. Nous ne disposons pas de suffisamment d'informations pour nous prononcer sur l'efficacité du vaccin.

Si vous le souhaitez, notre consul général à Wuhan pourra revenir sur ce qui s'est passé durant les premiers jours de l'épidémie à Wuhan.

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Oui. On reste étonné par le retard de l'information des autorités françaises – même si c'est sans doute facile à dire rétroactivement.

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Olivier Guyonvarch, consul général à Wuhan

Comme l'a dit M. l'Ambassadeur, la première mort officielle date du 8 décembre, mais elle n'a été reconnue que bien plus tard. Nous avons alerté l'ambassade et Paris immédiatement après le premier communiqué officiel, le 31 décembre. À l'époque, il était seulement question de quelques cas – environ vingt-cinq, je crois, dont sept graves. Toutes les informations étaient rassurantes.

Vous avez certainement entendu parler des lanceurs d'alerte, notamment du Dr Li Wenliang. Il a fait, le 30 décembre, une publication sur son compte Weibo, qui est un peu l'équivalent chinois de Facebook, dans laquelle il avertissait ses collègues que quelques malades de son hôpital présentaient des symptômes de ce qu'il pensait être le SRAS. Même dans la petite communauté médicale de Wuhan, cela n'a été révélé que le 30 décembre. Le lendemain, une mission du Centre de contrôle et de prévention des maladies de Pékin a été dépêchée en urgence à Wuhan et a validé le tout premier communiqué officiel.

Nous ne pouvions absolument pas avoir vent de l'épidémie plus tôt. Nous avons de nombreux contacts dans les milieux hospitaliers de Wuhan, notamment parce qu'une coopération médicale existe depuis trente ans avec l'un des plus grands hôpitaux, et nous avons de nombreux amis médecins, mais rien ne nous avait été rapporté avant la publication du communiqué officiel.

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Beaucoup d'hypothèses, plus ou moins sérieuses, ont été émises sur la propagation du virus. L'une d'entre elles concerne un laboratoire. Qu'en pensez-vous ? Y a-t-il eu, là aussi, des tentatives de dissimulation ?

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

Je suis un peu embarrassé par la question. Aucun élément ne vient appuyer cette information. L'un de nos experts travaille au sein de ce laboratoire. S'il y avait des turpitudes liées à des armes bactériologiques dans un laboratoire, les Chinois ne choisiraient pas celui qui a un partenariat avec un pays étranger.

Nous avons choisi de construire ce laboratoire au lendemain de l'épidémie du SRAS. La logique était que, s'agissant des maladies émergentes, le vrai défi se trouvait en Chine. Le choix du Président Jacques Chirac de coopérer avec les Chinois sur ce thème est a posteriori légitimé.

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J'ai eu l'occasion de me rendre à Wuhan pour une visite officielle de l'hôpital franco-chinois. Pouvez-vous confirmer qu'il a rempli son rôle lors de l'épidémie ? A-t-il notamment accepté tous les malades ?

Deux hôpitaux de campagne ont été construits en une dizaine de jours mais y a-t-il eu suffisamment de matériel, de personnel médical et de médicaments ?

Le port du masque et le dépistage ont-ils été obligatoires pour tous les habitants de Wuhan ? Ont-ils accepté sans difficulté les mesures prises ou bien y a-t-il eu des oppositions ?

Je pense qu'il n'y a pas eu de problème avec le laboratoire P4 de Wuhan. Des infectiologues français nous l'ont confirmé.

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Je voudrais aborder un point assez déterminant dans la gestion mondiale de la crise, qui est la place occupée par la Chine au sein de l'OMS, notamment à la suite du retrait des États-Unis. Il me semble, monsieur l'ambassadeur, que vous avez parlé d'une « absence de neutralité absolue » à propos de l'OMS, tandis que d'autres voix regrettaient une « institution sous influence », au motif que le directeur général aurait tardé à déclarer qu'il y avait une urgence au niveau international. Quelle est la diplomatie sanitaire de la Chine et en quoi a-t-elle pu influer sur la gestion internationale de la pandémie ?

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

Oui, l'hôpital franco-chinois de Wuhan, l'hôpital Zhongnan, a rempli son rôle, et même au-delà, puisqu'une partie de l'équipe a été dépêchée pour gérer les hôpitaux temporaires.

Plus de 30 000 personnels médicaux ont été transférés d'autres provinces pour renforcer les équipes de Wuhan. Les moyens pour faire face sont arrivés progressivement. Au début de la phase paroxystique de la crise, les messages que nous recevions faisaient état de besoins dans tous les domaines. Les 14 tonnes d'équipements envoyées lors de notre troisième vol ont essentiellement été livrées à Wuhan, en particulier dans l'hôpital Zhongnan.

La politique relative aux masques et aux tests a été générale. Les Wuhanais ont été un peu moins concernés par les masques, puisqu'ils devaient rester chez eux. Les Chinois n'ont pas le même rapport au masque que nous, non seulement à cause d'autres épidémies, comme le SRAS, mais aussi de la pollution. Ils portent plus facilement un masque.

Il y a eu des moments d'irritation à Wuhan, mais notre consul général pourra vous parler plus directement que moi des réactions. En Chine, globalement, elles ne sont en rien comparables à ce que nous avons pu voir en Europe.

J'en viens à la question portant sur l'OMS. La Chine est aujourd'hui un acteur majeur dans la plupart des institutions internationales, où elle dispose d'un pouvoir d'influence réel. Il y a certainement eu des pressions. Rétrospectivement, c'est surtout sur le plaidoyer pour le maintien de la connectivité aérienne que je m'interroge, d'autant que la Chine a fait le choix contraire un peu plus tard. Il est difficile de faire la part des choses. Une organisation plutôt basée sur la science a besoin d'avoir suffisamment d'éléments avant de réagir. Sur cette question, néanmoins, j'ai l'impression que le principe de précaution n'a pas vraiment joué.

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Olivier Guyonvarch, consul général à Wuhan

L'ambiance à Wuhan était bien différente de ce qui se passe en France. La question du masque est presque anecdotique. Comme l'a dit l'ambassadeur, les Chinois sont habitués. Le port du masque était absolument obligatoire dehors pendant les 76 jours du confinement. Aujourd'hui encore, lorsque je quitte mon bureau et que je prends l'ascenseur, je mets mon masque. Le porter dans un lieu public est presque devenu un signe de politesse. Cela sert à se protéger, certes, mais les Chinois ont compris que cela permet d'abord de protéger les autres.

Le confinement est décrété le 23 janvier au matin, absolument sans aucun préavis. Les Wuhanais découvrent à leur réveil qu'à partir de dix heures plus aucun vol ou train ne peut quitter la ville ou y entrer. Toutes les routes et les autoroutes sont bloquées, et des checkpoints sont installés à tous les grands carrefours de la ville. Les seize ponts et les trois tunnels sont fermés. La situation est donc très tendue.

Jusqu'au 13 février, une seule personne par famille est autorisée à sortir tous les trois jours, pendant deux heures, pour aller acheter de la nourriture – tous les autres magasins sont fermés. À l'entrée de chaque immeuble, des gardes ou des vigiles enregistrent les numéros de téléphone, vérifient les cartes d'identité et prennent la température à l'aller et au retour. Si l'un des habitants a plus de 37,3° de température, il est envoyé manu militari dans le système de santé. Aucune auto-autorisation n'est possible, comme chez nous. Les seules personnes autorisées à sortir pendant le confinement sont celles qui travaillent dans les administrations ou dans les quelques entreprises restées ouvertes, afin d'assurer les services publics permettant à la population de continuer à vivre et de lutter contre le coronavirus. Tout est extrêmement contrôlé.

Du fait de mon statut, je possédais un laissez-passer permanent, pour moi-même et pour mon véhicule. J'ai donc pu, durant toute l'épidémie, sortir quand je le voulais pour aller travailler au consulat, et je peux témoigner de ce qui s'est passé.

Nous avons travaillé 24 heures sur 24, avec une toute petite équipe de volontaires, dont quatre Français, pour organiser les quatre vols d'évacuation qui ont eu lieu entre le 31 janvier et le 21 février et pour assurer la sécurité de nos ressortissants.

À partir du 13 février, quand les deux secrétaires du Parti, de la ville et de la province, qui sont les plus hauts responsables, sont limogés et remplacés par deux proches du Président Xi Jinping, issus du milieu sécuritaire, les conditions du confinement sont renforcées. Un soir, alors que je rentre chez moi à vingt-trois heures trente, après une journée de travail, je découvre que ma résidence est totalement barricadée par des palissades. Il n'y a plus qu'une seule entrée, gardée, par laquelle on peut passer sur production d'un laissez-passer.

La ville se retrouve totalement cloisonnée. Dans les quartiers populaires et anciens, les rues sont barricadées, et des murs sont même érigés autour d'immeubles où vivent des personnes contaminées qu'il n'est pas possible d'hospitaliser. En effet, les hôpitaux sont en situation de guerre : il n'y a absolument pas de place. Tous les lits sont pris et les couloirs sont occupés. Des gens meurent partout. On va jusqu'à fermer les portes des immeubles et des appartements en ne laissant qu'une petite trappe pour faire passer de la nourriture.

À partir du 13 février, même les magasins d'alimentation sont fermés et gardés par des policiers. Le Parti a des ramifications absolument partout, notamment dans les comités de quartier et d'immeuble. Ce sont ces comités qui sont réquisitionnés pour aller faire des achats groupés et déposer devant les portes, tous les trois jours, des sacs de nourriture contenant des légumes et un peu de viande.

Nous avons aussi eu l'obligation de télécharger une application, un peu semblable à StopCovid, par l'intermédiaire de laquelle il fallait signaler sa température deux fois par jour. Des patrouilles passaient dans les appartements, soit parce que vous n'aviez pas utilisé l'application, soit pour vérifier, de façon aléatoire, votre température. Les contrôles étaient donc très stricts.

L'hôpital Zhongnan, qui est notre partenaire historique en matière de coopération, a été montré en exemple comme étant l'un de ceux qui ont le mieux fait face à la pandémie. L'un de ses vice-présidents, qui est le directeur du service des urgences, est de nationalité française. Il est en poste depuis une quinzaine d'années. Dès que les premiers patients sont arrivés, il a créé une sorte de double système : un parcours particulier pour les patients fébriles et un autre pour les patients non fébriles.

Il y a eu beaucoup de contaminations lorsque la fermeture de Wuhan a été annoncée. Les gens se sont rués à l'hôpital pour essayer de se faire dépister. À partir de fin janvier, les hôpitaux ne pouvaient plus accepter les autres malades. Nous ne connaissons pas le nombre de personnes mortes d'un infarctus ou d'une autre maladie chez elles. Face à cette vague très forte, l'hôpital Zhongnan a plutôt bien réagi. C'est à cet hôpital que nous avons adressé les dons de matériel.

Le départ de nos ressortissants a été décidé dans ce contexte. Il était hors de question de les voir pris dans la nasse. Fort heureusement, aucun d'entre eux n'a été contaminé, ni parmi ceux qui ont été évacués, ni parmi la petite centaine qui est restée à Wuhan.

Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont été les premiers à évacuer et à fermer leur consulat. Le consulat coréen est resté ouvert, mais sans consul général. Nous sommes les seuls à être restés à Wuhan, où nos trois couleurs ont donc flotté dans un ciel qui était bien gris et bien lourd.

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J'aimerais savoir quelle est la situation sanitaire actuelle en Chine, notamment à Wuhan. En France, la reprise de l'épidémie et les projections sont très inquiétantes. Les différentes mesures adoptées en Chine permettent-elles de réduire l'épidémie dans ce pays à l'heure actuelle ?

Par ailleurs, avons-nous un protocole pour les voyageurs qui se rendent en France depuis le territoire chinois ?

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La mise en quarantaine a été généralisée à Wuhan à partir du 23 janvier au soir, et vous avez évacué plusieurs centaines de ressortissants français. En France, cependant, ce n'est que le 12 mars que sont intervenues les premières mesures de fermeture d'écoles et de crèches, et le confinement n'a commencé que quelques jours plus tard.

Il y a eu beaucoup d'interrogations sur la nature des notes que vous avez adressées au ministère des affaires étrangères. Avez-vous eu des retours et comment se sont matérialisés les échanges ? En aviez-vous avec le ministère de la santé ?

J'aimerais enfin aborder la question de la transparence des autorités chinoises. Il a beaucoup été question de réticences, de leur part, à communiquer régulièrement. Néanmoins, vous avez été très rapidement au courant de la situation. Avez-vous le sentiment que les autorités chinoises vous ont donné les informations nécessaires ?

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

J'étais en début de semaine dernière à Wuhan, où la situation est redevenue normale. Il y a même moins de contrôles qu'à Shenzhen où je me suis rendu la semaine suivante. Cependant, je l'ai dit en propos liminaire, « la normale » n'est pas la normalité d'avant la crise. Pour voyager, par exemple, nous devons nous soumettre à des contrôles de température, notamment via l'application StopCovid locale. Les contraintes restent assez fortes mais nous pouvons tout de même considérer que nous revenons à la normale.

Les Français qui se rendent en Chine sont soumis à une quarantaine et doivent fournir à la compagnie aérienne deux tests négatifs de moins de 48 heures, qui doivent être certifiés par l'ambassade de Chine. Nous avions assoupli les règles mais, depuis quelques jours, nous sommes redevenus plus sévères et il n'est pas évident de remplir les conditions pour revenir. Le pays est géré comme une résidence fermée, les allées et venues sont contrôlées. On ne prend pas le risque de laisser une personne se déplacer sans qu'elle se soit fait tester. À mon retour, au mois d'août, j'ai été testé trois fois sur le parking.

S'agissant des échanges que nous avons eus, non seulement avec le ministère des affaires étrangères, mais aussi avec celui de la santé, nos contacts ont été de plus en plus réguliers. Depuis le 23 janvier, nous faisons des points quotidiens sur la situation sanitaire. Au moment de l'évacuation des ressortissants, nous avons organisé des visioconférences avec la cellule de crise plusieurs fois par jour, ce qui nous a également permis d'évoquer la situation sur place.

Nous faisons également, depuis le 20 février, un point quotidien sur la situation économique, pour le ministère de l'économie et des finances mais aussi pour les entreprises françaises implantées en Chine.

Le 4 mars, nous avons dressé un retour d'expérience sur notre propre organisation face à la crise, pour l'ensemble des postes diplomatiques. Nous avons par ailleurs présenté la chronologie de la crise et les mesures prises en Chine. Le 16 mars, nous avons procédé à une analyse croisée des présentations par la Chine et l'OMS de la situation.

Le flux des échanges avec le ministère de la santé a été quasiment constant. Nous avons fait un point thématique au moins une fois par jour, notamment pour tout ce qui est lié à l'approvisionnement en médicaments et à l'équipement en protections médicales. Nous avons également beaucoup discuté des stratégies de confinement et de déconfinement, de la manière dont les activités économiques avaient pu reprendre en Chine, de la réouverture des écoles là où elles avaient été fermées un peu plus tôt – les écoles n'ont repris à Pékin qu'en septembre -mais aussi du tourisme et des activités de loisir.

Des webinaires ont été organisés assez régulièrement avec la communauté française, pour dresser le bilan de la situation, ce qui a pu être une source d'angoisse pour la communauté, car nos décisions variaient parfois d'un jour à l'autre et nous étions obligés de les mettre à jour très souvent, parfois le week-end.

S'agissant de la transparence des informations délivrées par les autorités chinoises, on peut distinguer deux moments, durant la période de la crise. La transparence a été renforcée à partir du 21-23 janvier. Nos collègues du ministère de la santé considèrent qu'elle a été plus importante et plus rapide qu'au moment de la crise du SRAS. Il demeure que la transparence des informations a été insuffisante car, pendant un certain temps, cette crise a été, soit cachée au niveau local, soit insuffisamment partagée.

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Olivier Guyonvarch, consul général à Wuhan

Le confinement et le déconfinement ont été gérés uniquement en fonction de la dynamique épidémique, sans aucune considération économique ou sociale. Pendant les soixante-seize jours du confinement – et même après –, de nombreuses personnes n'ont perçu aucun revenu, comme les chauffeurs de taxi ou encore les personnels de service, de restauration etc. Tout s'est arrêté et l'économie a été clairement sacrifiée à la lutte contre l'épidémie, ce qui explique sans doute qu'elle ait pu être enrayée aussi vite.

Il a fallu attendre le 8 avril pour que le déconfinement soit déclaré. La dernière nouvelle contamination remonte au 16 mars. Les autorités ont donc attendu une vingtaine de jours, après la dernière contamination, pour autoriser les Wuhanais à sortir dans leur ville – et aux personnes n'habitant pas Wuhan à rentrer dans la ville. Mais ils attendront encore quinze jours de plus sans nouvelle contamination pour autoriser les Wuhanais à quitter la ville. Le déconfinement fut extrêmement progressif. Quand je suis sorti le 8 avril, il n'y avait presque personne dans la rue. Les gens avaient peur et ne sont pas du tout sortis massivement comme nous aurions pu le penser.

Il a fallu attendre près de deux mois pour que les transports en commun se remettent peu à peu à circuler. Des codes de santé ont été mis en place et les transports en commun ont été désinfectés deux fois par jour, mais les gens hésitaient quand même à quitter leur domicile. J'ai attendu le mois de juin pour faire revenir, petit à petit, en brigades, mes agents locaux, bien sûr pour les protéger, mais surtout pour des raisons psychologiques. Les gens avaient vraiment très peur. Le déconfinement n'a pas été la grande fête présentée par certains médias. Au contraire, il a été très progressif avec quelques retours en arrière puisque, après le déconfinement, un cluster a été découvert dans une résidence. Cinq personnes ont été contaminées par un vieux monsieur qui s'était plus ou moins échappé de l'hôpital pour rentrer chez lui. Tout le quartier a été bouclé et reconfiné. C'est à cette occasion que les autorités ont décidé, en mai, de tester la totalité de la population wuhanaise, soit 9 millions de personnes en une dizaine de jours. Mon équipe et moi-même avons joué le jeu et sommes allés nous faire dépister. C'est seulement après cette campagne de dépistage, en mai, que l'activité économique a repris, que les gens ont commencé à sortir le soir, dans les restaurants, à se promener dans les parcs publics. Les gens ont été très prudents.

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

Cette analyse est valable pour le reste de la Chine. Les Chinois ont été véritablement traumatisés. Aujourd'hui encore, les Pékinois prennent moins le métro – la fréquentation a baissé de 15 %. Et la reprise du travail, qui devait avoir lieu à partir du 10 février, a souvent été retardée. Des employés ont même accepté de dormir sur place pour relancer la machine tout en limitant la circulation. À la mi-mars, soit un mois après le début de la reprise économique, seulement 70 % de l'activité avait repris. La reprise ne s'est faite que progressivement mais nous sommes passés à la phase supérieure depuis la rentrée et le 1er octobre marque la libération des esprits, avec 500 millions de personnes qui retrouvent le désir de voyager d'une province à une autre.

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La deuxième vague arrive en France, seize semaines après le déconfinement, contrairement à la Chine qui n'en a pas eu. Pensez-vous que cela est dû à l'importance des mesures prises par le Gouvernement chinois et à la peur des Chinois, qui sont restés très prudents après le déconfinement ?

Comment les voyages entre la Chine et l'Europe sont-ils organisés ? Avez-vous relevé des dysfonctionnements ? Comment pourrions-nous y remédier, le cas échéant ?

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Je m'interroge concernant l'arrêt de l'épidémie en Chine. Vous avez indiqué que durant la crise, les hôpitaux étaient saturés et que les patients non atteints du covid étaient refusés – parfois même des patients atteints du covid. Je ne connais pas le système de santé chinois, mais je me pose des questions. La Chine est un immense pays et compte de très nombreux habitants : avez-vous une visibilité quant à d'éventuelles poches de contamination dans des zones reculées ? Des études ont-elles été réalisées ?

Vous avez évoqué un dépistage massif. Mais pour qu'il soit décidé, il a fallu que des cas aient été dépistés, alors même que les autorités pensaient que l'épidémie était terminée, n'est-ce pas ? Je suppose que tout le monde n'a pas facilement accès à un médecin. Serait-il possible que des cas de personnes atteintes du covid ne soient pas décelés ?

Pour ce qui est des vaccins, j'ai compris qu'ils étaient en phase 3, et que des tests grandeur nature avaient été réalisés : est-ce bien cela ?

Quant à l'application équivalente à notre StopCovid, vous nous avez indiqué que les Chinois avaient été obligés de la télécharger et d'y déclarer leur température. J'imagine qu'ils ont aussi dû renseigner leur statut sérologique. Comment cette application est-elle utilisée aujourd'hui et comment fonctionne-t-elle ?

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

Les sources de contamination en Chine ont pu être éradiquées, jusqu'aux plus profondes, grâce à la dureté des mesures d'isolement et à la pratique à grande échelle du dépistage.

L'épidémie a été très forte dans la province du Hubei avant de s'étendre dans d'autres provinces, un peu partout en Chine, mais ces foyers de contamination ont pu être éradiqués grâce aux mesures d'isolement et au dépistage, mené à grande échelle. Qui plus est, les Chinois, traumatisés par l'expérience du SRAS, ont effectivement attendu avant de ressortir, d'autant plus que nous étions en hiver. Cela a limité les foyers de contamination.

Concernant les transports, je n'irai pas jusqu'à dire que tout va bien. Nous comptons 94 % de vols en moins qu'avant la crise et les prix sont très élevés. Les voyageurs sont moins nombreux mais les résidents bloqués hors de Chine ont pu revenir, en général. Cette crise affecte lourdement les personnes qui mènent leur vie entre la Chine et un autre pays, en particulier les expatriés, car les allers et retours demeurent pratiquement impossibles. En tout cas, ils doivent se conformer à une stricte quarantaine et, en cas de diagnostic positif au covid, entrer dans un processus médical assez sévère, même s'ils sont asymptomatiques : ils sont d'abord envoyés dans un hôpital, puis dans une quarantaine centralisée, ensuite dans une quarantaine à domicile. Une personne testée positive s'expose à environ trois mois de retrait social. Les Français de Chine doivent donc bien réfléchir avant de rentrer en France.

Concernant la saturation des hôpitaux, le consul général ne parlait que de la situation à Wuhan, et non dans le reste de la Chine. Partout ailleurs, des hôpitaux se sont spécialisés dans la prise en charge des patients atteints du covid. En fonction des quartiers, des circuits ont été mis en place afin d'éviter que les populations médicales ne se croisent. Les systèmes de santé n'ont pas été saturés dans les autres provinces.

S'agissant d'éventuelles poches de contamination qui auraient échappé aux autorités, je pense que l'hypothèse est hautement improbable dès lors que les gens ont vocation à voyager, ce qui m'amène à vous répondre au sujet de l'application. En soi, son téléchargement n'est pas obligatoire mais les Chinois ne peuvent pas vivre s'ils ne l'ont pas. Ainsi, sans elle, ils ne peuvent pas prendre l'avion ou le train, ni entrer dans un certain nombre de lieux publics. Les contrôles sont plus souples en ce moment mais tant que la crise n'était pas finie, vous ne pouviez pas vous rendre au restaurant, à l'hôtel, dans les centres commerciaux ou dans les magasins d'approvisionnement. En outre, dans la plupart de ces lieux, des détecteurs de température ont été installés pour déceler automatiquement la moindre fièvre. Si vous êtes détecté, vous entrez d'autorité dans la chaîne médicale.

Le traçage a été particulièrement important. Dans les villes où sont apparus des cas – il y a un cluster en ce moment dans la ville de Kachgar, dans le Xinjiang –, les autorités ont testé toute la population et isolé les cas positifs, même asymptomatiques.

Les vaccins sont effectivement en phase 3. Les vaccinations ont été réalisées en parallèle. Le patron de Fosun, l'un des quatre producteurs de vaccins les plus avancés, a annoncé que si la phase 3 était un succès, il passerait en phase de commercialisation à la fin de l'année, ou en janvier 2021.

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Olivier Guyonvarch, consul général à Wuhan

Le système de santé à Wuhan a été saturé fin janvier, début février. À cette date, très rapidement, un système a été instauré pour séparer les populations, afin de décharger les soixante hôpitaux de Wuhan – pour vous donner un ordre de grandeur, cette ville est comparable à l'Île-de-France. La province de Hubei compte, quant à elle, 59 millions d'habitants. Tous les hôpitaux ont été dédiés au traitement des malades du covid et deux hôpitaux de campagne, d'une capacité de 2 400 lits et dont la construction a été très médiatisée, ont permis d'accueillir les patients gravement malades.

Les personnes testées positives mais asymptomatiques et les malades très légers ont été traités dans dix-sept grands lieux publics, couverts et abrités, réquisitionnés par les autorités – stades, centres de conférence etc –, dans lesquels des dizaines de milliers de lits ont été installées. Outre les équipes médicales, des scanners mobiles ont été transférés vers ces centres médicaux de campagne, afin de tester ces personnes et contrôler l'évolution de leur maladie. Si leur état s'aggravait, ils étaient immédiatement transférés dans un hôpital. Enfin, tous les cas contacts des malades ont été isolés dans des hôtels réquisitionnés, pour se conformer à une quarantaine de quinze jours.

Parallèlement, environ 30 000 personnels médicaux venus de toute la Chine ont été mobilisés à Wuhan et tous les hôtels de la ville ont été réquisitionnés pour les abriter. Le service de santé des armées chinoises a également été mobilisé et une dizaine de vols intérieurs par jour ont permis d'acheminer matériels et personnels vers Wuhan.

Cette mobilisation massive et le système de tri entre les personnes ont permis de contrôler rapidement la situation et de désengorger les hôpitaux, en deux ou trois semaines. Dès la fin mars, les hôpitaux ont pu reprendre une activité partielle. L'hôpital Zhongnan a pu rouvrir certains services et accueillir des malades non atteints du covid.

Pour pallier la fermeture des hôpitaux, la médecine à distance s'est développée extrêmement rapidement et les médecins ont pu donner des consultations par vidéo. Grâce aux livreurs, très nombreux dans la ville car, pendant un mois, les restaurants n'ont été autorisés à ouvrir que pour la vente à emporter, les médecins ont pu facilement faire livrer les médicaments à leurs malades.

S'agissant de l'application, je confirme les propos de l'ambassadeur : nous ne pouvons pas vivre sans elle. Elle est parfaitement acceptée. Le système politico-social chinois est différent de celui de la France. Quand les autorités prennent une décision, les gens suivent sans discuter.

Les caméras de contrôle automatique de la température sont installées un peu partout, aujourd'hui, dans la plupart des immeubles. Elles seront installées dans celui du consulat la semaine prochaine. Comme elles fonctionnent par reconnaissance faciale, nous n'aurons même plus besoin de notre badge.

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

C'est à partir de cette application, mais aussi des applications téléphoniques telles que Wechat ou autre, que les cas contacts, tout comme les cas contacts des cas contacts, peuvent être tracés. En effet, il m'a été rapporté l'exemple d'une société qui, pour reprendre son activité, a fait tester tous ses employés. Or l'un d'eux n'a pas pu reprendre, car il était cas contact d'un cas contact.

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L'hydroxychloroquine a-t-elle été utilisée en Chine et quelle est la position des hôpitaux et des médecins chinois à ce sujet ?

La récession économique est sans précédent en Europe. Quel a été l'impact de la crise sanitaire sur l'économie chinoise, notamment sur la croissance ?

Enfin, quelle est la situation actuelle de l'écrivaine Fang Fang, qui a tenu un journal quotidien du confinement à Wuhan, Wuhan, ville close, mais qui s'est ensuite plainte d'être la cible de polémiques et du blocage de son compte Weibo ?

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Les Français de Chine ont-ils été aussi bien pris en charge que les Chinois ? Avez-vous dû, en tant qu'ambassadeur, intervenir pour évacuer une personne à la demande de la famille restée en France ?

Comment percevez-vous les théories complotistes, à propos de la Chine, qui naissent aux États-Unis ou en Europe et sont relayées par les médias ? Souhaitez-vous vous exprimer à ce sujet ?

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Les tests pratiqués sont-ils essentiellement des tests antigéniques ? Si oui, de quel type de tests s'agit-il ?

Par ailleurs, comment fonctionne l'isolement ? Comment les gens sont-ils pris en charge lorsqu'ils sont détectés positifs ?

Selon certaines études, les enfants semblent moins sensibles au coronavirus, peut-être parce qu'ils y sont fréquemment exposés. Ce n'est qu'une hypothèse. Des études ont-elles été menées en Chine, la population étant souvent exposée à des coronavirus ? L'Asie du sud-est est souvent touchée par les virus respiratoires. Les Chinois sont-ils mieux immunisés que nous ?

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

L'hydroxychloroquine n'a pas fait l'objet d'une étude chinoise. Je n'en ai entendu parler que par quelques acteurs français.

L'impact sur l'économie chinoise a été très brutal durant le premier trimestre, notamment pendant un mois, du 23 janvier au 23 février, quand la machine était à l'arrêt. Le produit intérieur brut s'est effondré de 6,8 %, lors du premier trimestre, ce qui ne s'était jamais vu depuis 1978, et fut un véritable choc pour les Chinois. La croissance a repris aujourd'hui suivant un rythme assez rapide, aux environs de 0,2 %, et la Chine pourrait d'ailleurs être l'un des rares pays à enregistrer un taux de croissance positif, entre 2 et 2,5 %.

Bien entendu, il existe des variations selon les secteurs. La vente de matériels médicaux et des biens qui relèvent d'une consommation dite de revanche, comme les produits de confort, de beauté ou encore les voitures, a explosé.

Les Français ont été soignés comme tous les Chinois. Je pense même qu'il existait une volonté de ne pas prendre le moindre risque avec eux, ce qui a fait peser un poids sur les autorités. Nous avons par ailleurs rapatrié un pilote d'Air France, qui n'avait pas encore les symptômes de la maladie mais avait été testé positif. Il nous aurait été quasiment impossible d'évacuer une personne malade en raison de la rigueur du protocole sanitaire prévu. Il aurait fallu rompre, en effet, la chaîne mise en place pour éviter les contaminations. Quand une personne arrive à l'aéroport, elle est testée puis envoyée dans un hôtel de confinement pour la nuit, en attendant les résultats qui arrivent le lendemain matin. Si elle est positive, elle est envoyée à l'hôpital pour mesurer le risque de contamination. S'il est élevé, cette personne doit effectuer une quarantaine dans un hôpital, puis se soumettre à une quarantaine centralisée, dans un hôtel ou un lieu dédié où elle est suivie, avant d'être renvoyée chez elle, sachant que le comité de quartier ou la commune peut demander une quarantaine supplémentaire.

Une personne qui arrive à Shanghai est soumise à une quarantaine de quinze jours mais si elle se rend ensuite à Chengdu, il peut lui être imposé une quarantaine supplémentaire de dix ou quinze jours à domicile.

S'agissant du complotisme à l'encontre de la Chine, tout n'est pas parfait dans ce pays mais parfois, il ne s'agit, justement, que de complotisme. L'affaire au sujet du laboratoire P4, par exemple, relève de cette dimension. Certes, l'épidémie a pu être dissimulée dans un premier temps, avant qu'il ne soit pris conscience de son ampleur, mais il faut faire la part des choses entre une réaction face à une situation imprévue ou l'inertie d'un système, et ce qui relève du complotisme.

Les tests antigéniques ne sont pas utilisés à ce stade. En revanche, les tests de réaction en chaîne par polymérase (PCR) et sérologiques sont réalisés par prélèvement buccal et sont donc plus rapides que les tests rhinopharyngés français ; les résultats sont fournis en moins de 24 heures.

Concernant les enfants, l'observation a été constatée dans une étude que je vous chercherai.

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Olivier Guyonvarch, consul général à Wuhan

L'écrivaine Fang Fang a effectivement tenu un journal quotidien, durant deux mois, qu'elle publiait sur son compte Weibo et dans lequel elle racontait son quotidien et commentait les informations qui circulaient ou ses échanges avec ses amis médecins. Elle va bien et elle n'a pas du tout été inquiétée par les autorités, qu'elle n'a d'ailleurs pas systématiquement critiquées. Elle a dénoncé des défauts et des tares du système qui sont d'ailleurs bien connus. En revanche, la frange gauchiste d'une petite partie de l'opinion s'est déchaînée contre elle.

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Messieurs, je vous parle d'Alsace. Il existe un lien particulier entre la Chine et Colmar. La Chine est une destination de touristes colmariens et les Chinois viennent photographier le bistrot des Lavandières, qu'ils ont découvert lors d'une émission de télé-réalité extrêmement populaire.

Je suis médecin et je confirme que mes confrères ont eu à traiter, à Colmar, des patients atteints du covid dès novembre 2019. Ils ont ressorti les radios et les scanners thoraciques effectués à ce moment-là, qui témoignent des premiers cas de covid. Ils ont traité ces malades par antibiothérapie, sans qu'il y ait de dissimulation éventuelle d'un départ d'épidémie.

Je vous en parle, car vous avez indiqué avoir informé les autorités sanitaires françaises, dès la fin du mois de décembre, sans qu'elles aient vraiment réagi. Avez-vous dû insister auprès de nos autorités ? Avez-vous pensé, à ce moment-là, que la France courait un danger, ou que l'épidémie allait être contenue en Chine ?

J'ai cru comprendre que moins de 5 000 personnes étaient décédées, en Chine, de la covid ; ce qui est extrêmement faible, et nous nous en réjouissons. Pouvez-vous me confirmer ce chiffre ? Résulte-t-il d'un confinement drastique ou le traitement y a-t-il également beaucoup contribué ?

La Chine analyse-t-elle les eaux usées, qui peuvent permettre de détecter précocement une contamination dans un territoire donné ? Ces analyses ne sont pas réalisées en France alors que leur utilité est avérée.

Enfin, on a focalisé sur le laboratoire P4 en oubliant la proximité d'un laboratoire P3, américain. Pouvez-vous confirmer son existence ? Sans aller jusqu'à parler de complot, loin de là, est-il possible que l'origine de cette pandémie soit une erreur humaine toute simple ?

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

Je n'ai pas dit que les autorités françaises n'avaient pas réagi, le 31 décembre. Dès le 2 janvier, j'ai eu une conversation avec le consulat général à Wuhan et le centre de crise pour modifier les conseils aux voyageurs. En revanche, compte tenu des chiffres dont nous disposions et du message rassurant des autorités chinoises, nous n'avons pas mesuré la dangerosité de la maladie. Mais nous avons informé très régulièrement les autorités françaises, via notre conseiller santé et notre consul général à Wuhan, et nous avons même modifié les recommandations faites aux voyageurs. Nous n'avons pris conscience de la dangerosité de la maladie qu'au moment de la décision de confiner, quand les chiffres se sont mis à doubler d'un jour à l'autre. Vous partez d'un chiffre très bas puis, le 21 février, vous perdez tout contrôle.

Après le premier vol d'évacuation, à Pékin, et alors que je préparais le deuxième, je me suis rendu compte, en prenant connaissance des chiffres de contamination province par province, que les taux de progression variaient entre 15 % et 18 %. C'est en procédant à des calculs que je me suis aperçu que le nombre de morts allait, soit doubler si tout va bien, soit être multiplié par cinq en une semaine. En les projetant sur cinq semaines, les chiffres devenaient alarmants, même pour un pays comme la Chine. C'est à ce moment-là, après le premier vol d'évacuation des Français de Wuhan, que j'ai fait part de la réelle dangerosité de la maladie aux autorités françaises.

Le nombre de décès annoncé officiellement en Chine s'élève à 4 634. Je dis bien officiellement car la grande majorité des décès a eu lieu à Wuhan. Or, nous ne pouvons être certains du nombre de morts au cours du premier mois. Les chiffres peuvent être très différents.

L'épidémie a été stoppée car les Chinois ont réussi à casser la chaîne de contamination, par l'isolement et le dépistage. Le succès est davantage lié au confinement qu'au traitement. En effet, les spécialistes échangeaient beaucoup, notamment par l'intermédiaire de l'OMS. Les médecins de l'hôpital Zhongnan ont organisé de nombreuses visioconférences avec leurs confrères de Nancy, de Bordeaux et, globalement, le traitement n'a pas été fondamentalement différent d'un pays à un autre.

Les eaux usées sont de plus en plus contrôlées en Chine mais je ne suis pas en mesure de vous affirmer si les analyses ont aidé au dépistage. J'ai lu des articles à ce sujet, mais je ne sais plus s'ils ont été écrits en France, en Chine ou ailleurs.

Enfin, il y a bien un deuxième laboratoire, dont la présence entretient ce relent complotiste dont nous parlions. L'un des articles à charge contre le laboratoire P4 confond allègrement l'un et l'autre, tant au niveau de leur localisation que des visites qui y sont réalisées.

Nous ne disposons, par ailleurs, d'aucun élément pour supposer aujourd'hui que l'épidémie serait la conséquence d'un virus qui se serait échappé d'un laboratoire. J'ai même lu des articles scientifiques qui affirmaient le contraire.

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Olivier Guyonvarch, consul général à Wuhan

Je ne sais pas où vous avez eu cette information, madame la députée, car depuis trois ans que je suis à Wuhan, je n'ai jamais entendu parler d'un laboratoire P3 américain voisin du P4.

Le foyer de l'épidémie est situé sur le marché de Huanan, dans le quartier de Hankou, qui n'est pas très loin du consulat, un marché de fruits de mer où étaient également vendus des animaux sauvages. Il est possible que le foyer ait transité par là. Il a été fermé dès le 1er janvier et a été totalement désinfecté.

Pas très loin de ce marché se trouve en effet un laboratoire P3 – ou P2 –, mais comme il y en a dans tous les grands hôpitaux de Wuhan. Ce sont ces laboratoires classiques d'analyses que l'on trouve dans les grands hôpitaux.

Je ne suis pas un spécialiste, mais un laboratoire P4 est simplement une boîte extrêmement hermétique. Comme l'a précisé l'ambassadeur, s'il y avait des turpitudes, elles ne se feraient pas dans un laboratoire qui est en partenariat avec l'étranger. D'ailleurs, personne n'a besoin d'un laboratoire P4 pour y procéder.

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À quand estimez-vous les premiers cas de transmission de l'animal à l'homme ?

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Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine

Je suis bien incapable de vous répondre mais c'est le sens de la mission de l'OMS. Hélas, un an après, les choses sont plus difficiles à définir.

Je puis simplement vous dire, à nouveau, que si la première mort remonte au 8 décembre, le virus circulait certainement depuis le mois de novembre, voire la fin du mois d'octobre. Par ailleurs, je ne possède aucun des diplômes me permettant d'avoir autorité sur ce sujet, ce n'est donc qu'une observation, mais si le virus avait commencé à circuler bien avant le mois de novembre, compte tenu du fait que de très nombreux Chinois avaient voyagé pour le nouvel an, le taux de contamination aurait été plus important.