Je n'ai pas dit que les autorités françaises n'avaient pas réagi, le 31 décembre. Dès le 2 janvier, j'ai eu une conversation avec le consulat général à Wuhan et le centre de crise pour modifier les conseils aux voyageurs. En revanche, compte tenu des chiffres dont nous disposions et du message rassurant des autorités chinoises, nous n'avons pas mesuré la dangerosité de la maladie. Mais nous avons informé très régulièrement les autorités françaises, via notre conseiller santé et notre consul général à Wuhan, et nous avons même modifié les recommandations faites aux voyageurs. Nous n'avons pris conscience de la dangerosité de la maladie qu'au moment de la décision de confiner, quand les chiffres se sont mis à doubler d'un jour à l'autre. Vous partez d'un chiffre très bas puis, le 21 février, vous perdez tout contrôle.
Après le premier vol d'évacuation, à Pékin, et alors que je préparais le deuxième, je me suis rendu compte, en prenant connaissance des chiffres de contamination province par province, que les taux de progression variaient entre 15 % et 18 %. C'est en procédant à des calculs que je me suis aperçu que le nombre de morts allait, soit doubler si tout va bien, soit être multiplié par cinq en une semaine. En les projetant sur cinq semaines, les chiffres devenaient alarmants, même pour un pays comme la Chine. C'est à ce moment-là, après le premier vol d'évacuation des Français de Wuhan, que j'ai fait part de la réelle dangerosité de la maladie aux autorités françaises.
Le nombre de décès annoncé officiellement en Chine s'élève à 4 634. Je dis bien officiellement car la grande majorité des décès a eu lieu à Wuhan. Or, nous ne pouvons être certains du nombre de morts au cours du premier mois. Les chiffres peuvent être très différents.
L'épidémie a été stoppée car les Chinois ont réussi à casser la chaîne de contamination, par l'isolement et le dépistage. Le succès est davantage lié au confinement qu'au traitement. En effet, les spécialistes échangeaient beaucoup, notamment par l'intermédiaire de l'OMS. Les médecins de l'hôpital Zhongnan ont organisé de nombreuses visioconférences avec leurs confrères de Nancy, de Bordeaux et, globalement, le traitement n'a pas été fondamentalement différent d'un pays à un autre.
Les eaux usées sont de plus en plus contrôlées en Chine mais je ne suis pas en mesure de vous affirmer si les analyses ont aidé au dépistage. J'ai lu des articles à ce sujet, mais je ne sais plus s'ils ont été écrits en France, en Chine ou ailleurs.
Enfin, il y a bien un deuxième laboratoire, dont la présence entretient ce relent complotiste dont nous parlions. L'un des articles à charge contre le laboratoire P4 confond allègrement l'un et l'autre, tant au niveau de leur localisation que des visites qui y sont réalisées.
Nous ne disposons, par ailleurs, d'aucun élément pour supposer aujourd'hui que l'épidémie serait la conséquence d'un virus qui se serait échappé d'un laboratoire. J'ai même lu des articles scientifiques qui affirmaient le contraire.