C'est assez extraordinaire : ce n'est pas à des amendements constituant des cavaliers que nous sommes confrontés, mais à un projet de loi qui est, en soi, un cavalier ! Jamais je n'ai vu un texte de simplification aussi complexe, partant dans tous les sens. On n'y comprend rien, puisqu'il va de la détention provisoire aux avis rendus en matière environnementale en passant par la comparution par visio-audience des personnes détenues, sans parler des amendements introduits en cours de discussion par le Gouvernement. Si vous vouliez simplifier les choses, c'est, ne serait-ce que sur la forme, déjà raté.
J'ai été atterré par ce qui s'est passé hier : vous avez supprimé la Commission de suivi de la détention provisoire et l'Observatoire de la récidive et de la désistance, au motif qu'il existe un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. D'abord, cela ne fait pas partie de ses missions. Ensuite, le Gouvernement serait bien avisé de nommer un nouveau Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont la mission très importante ne fait visiblement pas partie des priorités.
Vous voulez supprimer, par ailleurs, l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice en disant que vous donnerez les statistiques de la délinquance tous les mois, alors que cet institut abrite l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. On marche sur la tête. Vous osez appeler cela de la simplification ?
Dans le contexte de la Covid-19, vous demandez par amendement la comparution par visio-audience des personnes détenues, sans que leur consentement soit requis. J'espère, mais j'en doute, que le garde des Sceaux a vu passer cet amendement et que ce n'est pas la machinerie de la simplification administrative qui s'est mise en route toute seule.
Vous voulez également simplifier les avis relatifs aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) alors que nous sortons d'une catastrophe – à Lubrizol – dans laquelle l'État a une part de responsabilité : si les démarches sont très longues, c'est que les fonctionnaires manquent dans les services qui suivent la prévention des risques, les dossiers concernant les ICPE et les usines Seveso « seuil haut » et « seuil bas » – j'en sais quelque chose du fait d'une expérience professionnelle passée. Ce sont des services sous-dotés dont les budgets diminuent chaque année.
Enfin, vous vous permettez une réforme de l'ONF dans une loi de simplification. C'est juste énorme ! Un débat d'une demi-heure ou de trois quarts d'heure, au maximum, débouchera sur une modification radicale de la nature de l'ONF et du statut de ses agents. Ce n'est ni fait ni à faire !
Il ne s'agit pas d'un texte de simplification mais d'une nouvelle offensive pour détricoter la puissance de l'État, la capacité d'action publique, au nom d'un dogme libéral classique qui consiste à réduire les coûts et à faire des économies de bouts de chandelles. C'est lamentable.