Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du mardi 15 septembre 2020 à 17h25
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, rapporteur :

Merci, chers collègues, pour vos propos.

Cela n'aurait aucun intérêt que je rouvre la discussion que nous avons eue hier ni que je prenne part au débat auquel nous invite M. Bernalicis sur les dogmes libéral et marxiste.

Le même a affirmé n'avoir jamais vu un texte de simplification aussi complexe. Certes, nous aurions pu nous en tenir à de grands principes comme : « la création d'industries doit être simple » ; « les médicaments doivent être vendus de façon dématérialisée » ; « l'inscription aux activités sportives ou au permis de conduire doit être simplifiée ». Mais la réalité est qu'il faut mettre les mains dans le cambouis, s'intéresser à ce que vivent les créateurs d'entreprises. J'ai interrogé des dizaines et des dizaines d'industriels, je les ai suivis sur le terrain et j'ai résumé étape par étape dans un document le « parcours du combattant de l'industriel pour créer son industrie ». Voyez, entre l'idée initiale et la première pierre, ce sont vraiment Les Douze Travaux d'Astérix !

Première étape : je choisis un territoire en fonction de mes implantations précédentes, des ressources, des transports, de sa culture industrielle ; je réactive et cherche des contacts locaux ; je visite des terrains et en choisis un ; je me renseigne sur les subventions et construis un plan d'investissement ; j'arbitre entre les promesses d'achat et de location ; je choisis un opérateur pour réaliser les travaux.

Deuxième étape, je monte mon dossier de projet : je fais le point sur les démarches administratives à suivre et je décide de me faire éventuellement accompagner parce que c'est très complexe ; je fais réaliser une étude par un cabinet privé à l'expertise technique et administrative reconnue ; j'élabore un pré-projet avec un cabinet d'architectes ; je demande à rencontrer la DREAL pour présenter mon projet ; je reçois l'avis de la DREAL quant à la complexité de mon projet, avec éventuellement des modifications substantielles, la préparation d'une enquête publique, etc.

Troisième étape : je dépose mes demandes. Si vous prenez le temps de lire le détail des démarches pour une demande de permis de construire, une évaluation environnementale et un diagnostic archéologique, vous verrez que les délais ne sont pas maîtrisés, que les projets ne sont pas sécurisés, bref que le processus est très compliqué.

Quatrième étape, je réponds aux demandes au fur et à mesure de l'examen de mes dossiers : je reçois des demandes de pièces supplémentaires, d'information complémentaire, de corrections ; je m'adapte aux nouvelles normes puisque, entre le moment où j'ai déposé mon dossier et le moment où on l'étudie, le législateur a modifié la loi et de nouvelles normes et nouveaux décrets ont été pris ; je contacte les différents acteurs et multiplie les échanges avec eux pour compléter au mieux mes dossiers ; je fais réaliser de nouvelles études d'impact si nécessaire ; j'essaie d'obtenir l'accord de chaque partie prenante.

Cinquième étape, je prépare la consultation du public : je fais valider chaque point de mon dossier avec la DREAL pour limiter les recours ; je démarre ma communication par la visite des maires alentour ; j'explicite mon projet – prise de parole, création d'un site web dédié, réunion avec des journalistes – ; je rends disponible mon dossier, consultable en mairie et sur internet.

Sixième étape, je suis le déroulé de la consultation ou de l'enquête publique : le public renseigne ses observations dans le registre – papier ou numérique – et je réponds à chacune des questions ; je fais un point régulier avec le commissaire enquêteur ; je reçois le rapport du commissaire enquêteur ; j'échange avec la DREAL et le maire et aménage éventuellement mon projet en fonction des réclamations du public.

Septième étape, j'attends d'avoir l'ensemble des autorisations : je reçois mon permis de construire et attends qu'il soit purgé d'un recours de tiers ou d'un retrait administratif ; j'attends le retour de consultations facultatives – CODERST, commission départementale de la nature, des sites et des paysages (CDNPS) – ; si des fouilles doivent être opérées sur mon terrain, j'attends l'appel d'offres, le choix de l'opérateur et leur réalisation ; une fois les fouilles réalisées, je reçois une lettre d'autorisation pour entreprendre les travaux. On a demandé à certains de faire des fouilles, mais sans leur donner l'autorisation de défricher, chaque administration se renvoyant la balle. Je vous passe les détails, c'est une cocotte-minute.

Huitième étape, l'autorisation délivrée fait l'objet d'un recours : je reçois un recours contre mon permis de construire ou mon autorisation environnementale ; je remplis mes obligations et me conforme aux prescriptions complémentaires éventuelles.

Après de longs mois, voire de longues années, je peux enfin poser la première pierre de mon chantier ! Il faudra encore du temps, et des difficultés, pour que l'usine ne sorte entièrement de terre.

J'ai donc repris chaque procédure, examinant la façon dont on pouvait la simplifier, la raccourcir. Le Gouvernement a fait ensuite un certain nombre de recommandations. Mme la ministre a lancé le plan « 78 sites clés en main » qui constitue une valeur ajoutée fondamentale pour les industriels. S'ils choisissent un terrain qui a été purgé des études préalables relatives à la biodiversité et à l'environnement – pas de crapauds ni de chauves-souris, pas de zone humide, pas de site gallo-romain – ils ont trois mois « top chrono » pour poser la première pierre. Je peux vous assurer que ce système a une énorme valeur ajoutée pour les industriels.

Oui, faire simple est compliqué lorsque l'on part d'une procédure kafkaïenne qui empêche la création d'usines et l'extension de sites industriels. On ne peut pas faire de grands discours sur la relocalisation, la souveraineté industrielle, la croissance verte, l'industrie en général et la maîtrise de nos technologies avec des procédures administratives que beaucoup seraient incapables de mener à terme. C'est là qu'il faut mettre les discours en cohérence avec les actes : nous devons en finir avec des procédures qui nous classent parmi les pires pays d'Europe en matière de fardeau administratif. On ne peut pas inviter des industriels à investir en France sachant qu'il leur faudra trois ou quatre ans pour voir naître leur projet.

Oui, c'est compliqué, cela va chahuter, on nous accusera de casser le code de l'environnement, mais comme l'a dit Mme la ministre, nous ne toucherons pas à une ligne des exigences légales. S'il y a une chauve-souris, une grenouille, un scarabée ou toute autre espèce protégée sur le terrain, les autorisations ne seront pas données, si le projet recouvre les restes d'une villa gallo-romaine, il est évident qu'il faudra creuser, fouiller et répertorier. Ce que nous voulons, c'est aller plus vite, que les délais soient encadrés, que des ajustements locaux soient possibles. Notre seul objectif est, je crois, partagé : restaurer la grandeur industrielle de la France, recréer des emplois industriels dans une période où l'on en a bien besoin !

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