Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 15h05
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, rapporteur :

Je vais prendre le temps d'expliquer mon amendement, qui est important et va susciter des débats ici comme à l'extérieur. Il vise à apporter une solution au problème des squats.

Nous avons tous été choqués par la détresse de ce couple de retraités dont la maison, à Théoule-sur-Mer, a été squattée pendant plusieurs semaines, ce qui les a empêchés d'y accéder.

Loin d'être isolé, ce cas de figure est malheureusement très fréquent. La presse a rapporté ces derniers jours une affaire similaire dans la Nièvre, à Saint-Honoré-les-Bains, où la résidence d'une retraitée octogénaire récemment placée en EHPAD est squattée sans vergogne par plusieurs personnes sans que la famille de la propriétaire ne puisse reprendre possession de la maison. Les images sont édifiantes et inspirent un sentiment de scandale. On se souvient également du cas médiatisé de cette dame de 83 ans, Maryvonne, qui a été contrainte d'entamer des démarches de plusieurs mois afin de récupérer son domicile près de Rennes.

Chaque fois, le même constat est établi : les procédures sont longues et complexes à mettre en œuvre, ce qui laisse les propriétaires démunis et impuissants face aux squatteurs qui se sont introduits chez eux et semblent, eux, parfaitement au fait des marges de manœuvre juridiques dont ils disposent afin de rester dans les lieux.

Ces situations sont intolérables. Elles accentuent un sentiment d'injustice en suggérant que la loi protège davantage les délinquants que les victimes. Il peut en résulter des conséquences tragiques, car les propriétaires – ou les locataires de logements squattés – peuvent être tentés de se faire justice eux-mêmes, en passant outre les procédures, et d'expulser par la force les occupants illégitimes, au risque de provoquer des drames.

Ces situations nous interpellent directement en tant que législateur : que pouvons-nous faire afin de lutter efficacement contre ces phénomènes récurrents, qui provoquent à juste titre l'incompréhension et la colère de nos concitoyens ?

Le droit de propriété ne doit pas être une fiction. C'est un droit fondamental, à valeur constitutionnelle, consacré par les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Nous ne pouvons plus accepter qu'il soit bafoué aussi facilement. Notre responsabilité est précisément d'agir afin de le rendre véritablement effectif dans la loi.

Je sais parfaitement qu'il s'agit là d'un sujet juridiquement complexe, qui a fait l'objet de réformes récentes, notamment à l'initiative de nos collègues sénateurs en 2015 ; nos collègues du groupe Les Républicains ont également déposé plusieurs propositions de loi concernant cette question. Deux procédures d'expulsion par les voies civile et judiciaire sont prévues par les codes de procédure civile et de procédure pénale. Il existe également une procédure administrative, hélas méconnue et visiblement peu appliquée, prévue, elle, par l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO).

Cette procédure permet au propriétaire ou au locataire d'un logement squatté de demander au préfet de mettre en demeure les squatteurs de quitter les lieux, dès lors que plusieurs conditions cumulatives sont satisfaites : avoir déposé plainte, avoir prouvé que le logement squatté constitue bien son domicile et avoir fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire.

Comme rapporteur, je considère qu'il convient de se concentrer à ce stade sur la seule procédure administrative, dans le but, conformément aux objectifs du projet de loi, de la simplifier et de l'accélérer.

J'en viens au contenu de mon amendement.

Premièrement, il est indispensable de clarifier le champ d'application de cette procédure. La notion de domicile que mentionne l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 comporte en pratique de nombreuses ambiguïtés d'interprétation : recouvre-t-elle ou non les résidences temporairement inoccupées, telles que les résidences secondaires ? Outre les jurisprudences parfois contradictoires sur ce sujet, je veux pour preuve de cette ambiguïté les informations publiées en la matière par le site service-public.fr, le site internet officiel de l'administration française, qui distinguait formellement les résidences principales et les résidences secondaires, les secondes ne semblant pas pouvoir bénéficier de la procédure administrative d'expulsion prévue par l'article 38.

Je remarque, avec une certaine satisfaction, que ces informations ont été actualisées par le Gouvernement lundi 14 septembre, et que cette distinction a subitement disparu… Pourtant, les ambiguïtés demeurent, puisque le domicile reste défini comme le lieu où la personne vit ordinairement, ce qui laisse encore penser que les résidences secondaires peuvent être exclues du bénéfice du dispositif.

L'amendement vise à mettre fin une bonne fois pour toutes à ces incertitudes : les résidences occasionnelles ou secondaires seront désormais explicitement concernées par la procédure administrative d'expulsion des squatteurs, et non plus les seules résidences principales.

Deuxièmement, l'amendement vise à responsabiliser l'administration. Aujourd'hui, le préfet qui reçoit une demande de mise en demeure des squatteurs n'est pas tenu d'y répondre dans un délai déterminé. L'amendement vient pallier cette difficulté en introduisant, pour répondre aux demandes de mise en demeure des occupants illicites, un délai de 48 heures à compter de leur présentation. En cas de refus de donner suite aux demandes des propriétaires ou locataires lésés par le squat de leur logement, les services administratifs devront leur communiquer sans délai les motifs de la décision de refus.

Troisièmement, dans un même objectif de rapidité procédurale, l'amendement précise que le préfet saisi d'une demande d'évacuation forcée du logement devra intervenir sans délai, ce qui contribuera à rendre le dispositif plus opérationnel.

Pardonnez-moi d'avoir été long. Je suis conscient que mon amendement n'épuise pas l'intégralité des questions relatives à la lutte antisquat, et reste bien sûr ouvert, d'ici à l'examen en séance, à des compléments ou coordinations susceptibles d'apporter une amélioration.

Il ne s'agit pas de révolutionner ou de déséquilibrer le droit applicable sur ces sujets sensibles, mais bien de fournir les outils juridiques nécessaires à la résolution effective et rapide de ces situations insupportables.

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