Intervention de N

Réunion du mardi 27 août 2019 à 15h05
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

N :

Je continue sur le sujet des enfants. Pour répondre à Guillaume : ce n'est pas parce que je ne ressens pas le besoin de rencontrer le donneur que je suis opposée à ce que d'autres personnes aient ce droit, bien entendu. C'est vrai que je ne me pose pas du tout la question de la génétique. Je ne me dis pas « qu'est-ce qui, dans mon caractère, dans mon physique, dans ma santé, vient de lui et qu'est-ce qui vient de ma mère biologique ? ». D'ailleurs, quand j'étais petite et que je me promenais avec ma mère sociale et qu'elle me présentait comme sa fille, tout le monde disait « qu'est-ce tu lui ressembles ! ». Sûrement parce qu'on a des expressions de visage communes, etc. ou peut-être simplement parce que les gens projettent quelque chose sur l'enfant.

Pour revenir aux questions de M. Touraine, c'est vrai que lorsqu'on est petit, on intègre son modèle familial et c'est facile parce que les enfants n'ont pas intégré certaines normes. J'ai des souvenirs, étant petite, de dire dans la cour de récré « j'ai deux mamans » et tout le monde était jaloux. Tout le monde voulait les rencontrer et venir chez moi. Bien sûr, j'avais conscience de la différence que j'avais, mais c'était quelque chose de valoriser dans la cour de récréation. C'était bien précieux et bien sûr, cela a changé ensuite quand nous avons grandi.

Sur les peurs que peut susciter la PMA pour des familles homoparentales, j'entends la question qu'il y a derrière : est-ce qu'il va manquer un père ? Je mets un peu les pieds dans le plat, c'est peut-être une question que vous vous posez et je la comprends. Ma première réponse serait de vous dire que ce n'est pas parce que je n'ai pas eu de père que je n'ai pas eu de figures masculines autour de moi. Elles ont été multiples : j'ai des oncles, j'ai des grands-pères, j'ai des cousins plus âgés que moi, j'ai un parrain, j'ai des amis de ma famille, j'ai les pères de mes amies d'enfance avec qui je suis partie en vacances. Je sais ce que c'est un homme, je sais ce que c'est une figure masculine, paternelle. Il n'y a pas de doute là-dessus.

Deuxièmement, mais qu'est-ce qu'un père ? C'est un homme qui élève un enfant, d'accord, mais qu'est-ce qu'il apporte de si spécifique pour qu'on veuille absolument que chaque enfant en ait un ? Qu'est-ce qu'il apporte de si spécifique qu'une femme ne puisse pas apporter ? Si c'est l'autorité, la discipline, si c'est le goût du foot, la pizza, la bière – je rentre dans les stéréotypes, on en est là c'est la question qui se pose. Qu'est-ce qu'il y a de plus que cela ? Non, bien sûr que non, j'espère bien que vous avez la liberté d'aimer autre chose que le foot et la bière. Je pousse au bout de l'argument pour vous dire que tout cela, je l'ai eu : avec deux femmes, il y a de l'autorité, il y a de la discipline, j'ai été voir des matchs de foot. Bref, ce n'est pas parce que je n'ai pas de père qu'il va me manquer des choses que soi-disant un père pourrait apporter parce qu'il est homme. Du coup, je réponds directement à une question qui se pose certainement souvent.

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