Nous n'avons pas répondu aux dernières questions de Mme Dubost concernant le rapport à la société par rapport à notre famille et la question de la révélation obligatoire du mode de conception des enfants. Par rapport à la société, c'est vrai que nous ne l'avons pas dit, mais nous avons eu un peu la même chance que madame : dans notre quotidien, nous n'avons jamais vécu de quelconques difficultés vis-à-vis de notre famille. Au contraire, je dirais même : que ce soit à la maternité quand nos filles sont nées, quand nous sommes allées les inscrire à la crèche, à l'école, auprès des différents médecins que nous avons pu rencontrer pour leur suivi médical classique, nous sommes toujours très bien accueillies et notre famille ne pose pas de questions aux professionnels de la petite enfance ou aux professionnels de santé. Pour eux, nous sommes une famille. Ils ne nous demandent pas de justifier que Sophie est la mère légale de ses enfants. De la même manière, elle a toujours pu signer les autorisations de sortie à l'école. Avant que Camille soit adoptée, il n'y avait pas de problème à la crèche, au niveau de nos familles et de nos employeurs. Je dis souvent que nous sommes une famille très banale. La seule petite différence est que nous sommes deux mamans, mais sinon, notre quotidien est le même que toutes les familles : il faut se dépêcher de finir le boulot pour aller chercher les enfants à l'heure à l'école, nous faisons les devoirs, vite le bain, nous préparons à manger, et puis nous les couchons. Et voilà, nous soufflons, comme tous les parents du monde. En fait, les familles homoparentales ne sont pas différentes des autres et sont extrêmement bien acceptées dans la société. Je suis d'accord : la société est bien en avance sur la loi en France.
Sur la question de la révélation du mode de conception des enfants, je suis un peu partagée. Je suis tout à fait d'accord avec vous : les enfants ont le droit d'avoir accès à leurs origines. Par contre, j'ai des craintes sur le fait d'avoir un statut particulier pour les couples homosexuels. Je ne vois pas pourquoi on ferait une différence pour les familles homoparentales et on inscrirait que pour ces familles-là le mode de conception. En plus, c'est complètement absurde parce que s'il y a bien un mode de famille pour lequel on ne peut pas mentir aux enfants, c'est bien les familles homoparentales. Les enfants ne sont pas bêtes : très vite, ils comprennent que pour faire un bébé, il faut une petite graine de monsieur et une petite graine de madame. Ça ne marche pas autrement. Ça, ils l'apprennent dès leur plus jeune âge. Nous, on ne ment pas à nos enfants, on ne peut pas, même si on avait envie. N'inscrire le mode de conception que pour les couples de femmes, je trouve que c'est franchement inutile. L'inscrire pour tout le monde, pourquoi pas, mais je ne vois pas tellement ce que cela fait dans l'état civil d'un enfant. L'état civil est utilisé pour plein de documents administratifs. Est-ce qu'il y a besoin que ça apparaisse ? Est-ce qu'on a envie, quand on est un enfant issu de PMA, que son mode de conception apparaisse et que quand on fait une démarche administrative, ce soit écrit ? Je ne sais pas, je ne suis pas issue de PMA, mais ça ne me plairait pas trop. Par contre, qu'il y ait un organisme d'État, je ne sais pas, qui soit chargé aux 18 ans de l'enfant d'envoyer un courrier à tous les enfants en leur disant « vous avez été issus de PMA, si vous voulez avoir accès à votre donneur, vous pouvez le faire. Voilà les démarches administratives ».
Pourquoi pas ? Toutes les familles le sauraient, les secrets de familles seraient levés avant les 18 ans. Cette solution permettrait peut-être aux enfants de garder pour eux leur mode de conception vis-à-vis du monde entier. A priori, personne n'a besoin de savoir si on a été conçu en boîte de nuit ou ailleurs. Par contre, cela permettrait d'empêcher certaines familles de mentir à leurs enfants et de faire souffrir certains enfants qui découvriraient tardivement ces secrets de famille. C'est mon humble avis. Comme disait madame, je ne suis pas juriste, je parle juste de mon expérience personnelle de maman.