Je donnerai deux ou trois compléments très précis, très ponctuels. Vous nous avez interrogés sur les obstacles matériels que nous avons rencontrés et vous avez évoqué en premier l'information. Effectivement, lorsque nous avons été sollicités pour organiser ces débats – dans des délais courts parce que nous avons eu à peu près 6 mois pour les réaliser – nous nous sommes interrogés pour savoir comment nous allions pouvoir atteindre le maximum de population dans chacune de nos régions. Nous nous sommes réparti les sujets, les thèmes d'une manière libre entre les différentes régions. Il y a peut-être des progrès à faire à l'avenir pour que cette répartition ne soit pas aussi libre que cela parce que nous avons abouti à des redondances sur certaines régions et à des déficits sur d'autres. Dans l'immédiat, cela nous a paru être la seule méthode pour aborder à peu près tous les sujets sur l'ensemble du territoire. Il était hors de question – sauf peut-être en Île-de-France parce qu'il y a une antériorité de l'espace de réflexion éthique et des moyens peut-être plus importants qu'ailleurs – d'organiser des débats sur tous les sujets, dans toutes les régions.
Nous avons donc décidé de prendre deux sujets, deux thèmes principaux, ou trois au maximum par région, chaque région étant libre d'organiser les débats selon les modalités qui lui paraissaient adaptées et dont elle avait déjà l'habitude, ce qui fait que chaque région a travaillé selon les modalités qu'elle connaissait déjà. Dans notre région, nous avons choisi d'associer deux types de rencontres : d'une part, des ateliers de 3 à 4 heures réunissant une trentaine de personnes sur un sujet précis. Les deux thèmes de notre région étaient abordés et les participants recevaient une petite documentation préliminaire s'ils le souhaitaient. Dans les groupes participants, il n'y avait aucun professionnel de santé, c'était la règle. Dans les animateurs, il y avait, par contre, un ou deux techniciens référents pour répondre à des questions purement techniques sur des problèmes que les participants auraient pu soulever. Les débats étaient animés par un journaliste.
Un deuxième type de débat consistaient en des réunions plus traditionnelles, dans des amphis, 100 ou 200 personnes, style conférence-débat. Nous avons combiné les deux en faisant à la fois une synthèse qui a eu lieu à Toulouse où nous avons présenté en grand amphithéâtre à 200 personnes, en présence de M. Delfraissy, les conclusions ou tout du moins les idées qui ont été soulevées dans les ateliers et les autres débats en région pour confirmer, conforter, renforcer ou moduler des positions. Ce sont ces synthèses qui ont été adressées au CCNE.
Le premier obstacle matériel que nous avons rencontré est la courte durée de préparation et le caractère ponctuel de l'exercice, avec un intervalle trop long entre les différentes révisions. Ce qui est proposé dans le projet de loi nous paraît très constructif pour l'avenir en permettant que la réflexion se déploie dans le temps.
Le deuxième obstacle – et je n'y reviendrai pas, mais il est important et il nous faudra arriver à le résoudre – c'est le manque total d'appui de la presse locale et régionale, dans notre région au moins, ne serait-ce que pour annoncer les réunions auprès de la population. Il nous semblait que c'était une des missions d'une presse régionale, qui en plus est unique dans notre région, d'informer la population de ce qui pouvait se dire, et tout simplement la date et le type de réunion. Aucune de ces informations n'a pu être publiée et nous avons dû recourir à l'achat d'encarts publicitaires dans certains journaux de la région. Cette information est parvenue au plus loin de ce que nous pouvions grâce au réseau que nous avions installé antérieurement dans toute la région avec un ou deux référents en éthique par département. C'est sur ces référents départementaux de notre espace de réflexion éthique que nous nous sommes appuyés pour constituer les groupes et pour diffuser l'information sur les réunions à venir en utilisant bien sûr notre site internet – mais pour aller sur le site internet, il faut déjà savoir qu'il existe et qu'il y a des réunions. Beaucoup de gens ne l'ont découvert que grâce à l'appui du CCNE. Il est vrai que le réseau d'information du CCNE nous a beaucoup aidés pour diffuser l'information.
Vous nous avez demandés si nous avons eu la sensation d'avoir eu une bonne représentation, statistiquement significative de la population. La réponse est non, parce que nous n'avons pas eu le temps ni les moyens financiers d'avoir recours à des échantillons qui auraient pu être proposés par des instituts spécialisés. Même si l'on sait maintenant qu'il y a des méthodes pour cela parce que beaucoup de choses ont été produites à propos des débats citoyens et des grands débats au cours de l'année 2019, on peut se demander si pour le sujet qui nous intéresse, et dans le cadre qui est le nôtre, un espace de réflexion éthique, il est absolument nécessaire d'avoir accès à une représentation statistiquement réelle de la population. Dans nos débats, nous avons constaté que les gens qui étaient intéressés par la question – et tous auraient dû l'être, vous me direz – mais ceux qui étaient intéressés par la question sont venus. C'est à nous de savoir aller auprès des publics qui ne viendraient pas spontanément. Par exemple, vous avez demandé si tous les âges étaient représentés. Dans certaines régions – nous l'avons fait chez nous – il y a eu des actions menées directement auprès des jeunes pour toucher cette population alors que la plupart du temps, les participants étaient plutôt aux alentours de la soixantaine, entre 50 ans et 70 ans – ce qui est encore jeune, merci de le souligner, j'y suis sensible…
Nous n'avons pas utilisé les outils informatiques en région. Le CCNE les a beaucoup utilisés en en constatant que c'était très positif pour recueillir des données brutes toujours, ou presque toujours, binaires. Mais en matière de réflexion éthique, il nous faudra beaucoup améliorer nos outils informatiques pour arriver à en tirer quelque chose de productif. Ce peut être une aide pour l'information et la population, et pour aider à l'expression de gens isolés. Je crois que l'essentiel du travail dans les années à venir consistera à aller au plus près des lieux où le public peut être intéressé. Il faut en tout cas éviter l'écueil de n'avoir que des gens trop intéressés, déjà trop convaincus ou déjà trop militants. Dans notre région, nous avions deux thèmes : l'intelligence artificielle et les données de santé ainsi que la génétique, où le risque de militantisme était moins important que dans d'autres sujets. Même là, nous avons vu certaines de nos conférences être l'objet – j'allais dire d'infiltrations, ce serait malveillant – mais en tout cas d'arrivées de gens qui venaient avec l'objectif de faire passer un message et de convaincre le reste de l'auditoire. Là aussi, c'est à nous d'y veiller. Comme nous faisions des listes de participants avec inscription préalable sur notre site internet, nous avons pu restreindre ces invasions, en tout cas ces groupes qui auraient pu être des groupes de pression dans nos assemblées citoyennes.
M. Berta a souligné le sujet spécifique et l'information aux élus. Nous sommes tout à fait ouverts à la coopération avec les élus, peut-être que notre information ne vous est pas parvenue. En principe, nous avions adressé à tous les députés, à tous les sénateurs de la région Occitanie la liste des rencontres citoyennes et des ateliers en leur disant qu'ils y étaient les bienvenus et que nous étions prêts à les y accueillir, à leur réserver un temps de parole et à les faire participer. Nous savons que vous êtes très occupés par ailleurs. Un ou deux dans la région ont pu y participer, peut-être trois, je ne m'en souviens plus exactement. En tout cas, il faut améliorer ce point. Nous sommes ouverts à la coopération avec toute structure impliquée dans la réflexion éthique.