Je commencerai par la fin. Effectivement, le cursus va évoluer. Il n'est pas question dans notre esprit de faire des cours d'éthique, de rajouter des heures de cours théoriques. Nous pensons plutôt – et nous avons l'expérience de leur efficacité – à des ateliers de discussion pendant les stages hospitaliers destinés aux étudiants en médecine. C'est beaucoup plus efficace, beaucoup plus facile à intégrer dans le cursus et beaucoup mieux vécu par les étudiants. Toujours à propos de la formation : vous avez raison, monsieur, nous avons besoin d'avoir dans le texte de loi plus qu'une recommandation, pour que tous les organismes de formation se sentent et soient mobilisés pour aller dans ce sens. Nous avons parlé des écoles professionnelles, nous avons parlé des facultés de santé. Il faut parler aussi des rectorats : selon les régions, les attitudes des rectorats sont très différentes. Certains favorisent les débats avec les étudiants, d'autres sont plus craintifs parce qu'il est vrai que les sujets que l'on aborde dans ces discussions peuvent faire craindre des dérives à certains de leurs responsables. C'est ce que nous avons vécu dans notre région jusqu'à présent. Cela va peut-être évoluer dans les années à venir, nous l'espérons.
Une question a été posée à propos de la neurostimulation. Il serait bien présomptueux de ma part de dire que ce qu'Elon Musk avance est faux et je me garderai bien d'aller dans ce sens. C'est en tout cas probablement très optimiste en termes de performance et très optimiste en termes de délais. Que l'on puisse influer sur le fonctionnement cérébral par la neurostimulation est prouvé. Nous avons constaté, par exemple dans le cadre de la prise en charge de la maladie de Parkinson, des réponses sur certaines zones de stimulation sous la forme de comportements particuliers des patients. Pour certains, cela a pu déboucher sur le traitement d'autres maladies, en particulier psychiques, mais l'on voit bien en tout cas que l'on peut modifier le comportement humain par la neurostimulation. On voit donc que plus cela sera possible, plus il faudra surveiller les types de conséquences que cela peut avoir. Je crois que nous en sommes encore à un stade où l'on peut avancer la demande d'être très vigilants, et c'est déjà inscrit dans le projet de loi actuel. Je ne crois pas que les techniques actuelles nécessitent d'aller beaucoup plus loin pour un texte de loi. Nous devons en tout cas, nous, praticiens, toujours penser à la loi primaire qui est primum non nocere. Quand nous faisons un geste sur le cerveau, nous devons tout d'abord veiller à ce qu'il ne soit pas délétère pour la personne qui le subit. C'est une première obligation qui est déjà dans les codes de déontologie et de la santé publique.
À propos des nanotechnologies, même réflexion. Il est évident que cela va avoir des développements importants et positifs, c'est déjà prouvé pour certains domaines, mais que nous devons aussi suivre ces techniques de très près. Je crois que la révision des lois de bioéthique d'une manière plus continue aidera à suivre cette évolution en n'attendant pas de « grandes marches », mais en voyant les « petites marches » se dessiner progressivement.
Bien sûr, nous pourrions imaginer avoir des échantillons établis par des instituts spécialisés pour nous donner les échantillonnages des personnes participant à ces débats. Mais si l'on tire de ces échantillons 80 % de gens qui ne sont pas intéressés par le débat, qu'en aurons-nous tiré de plus ? Quelle est notre vraie mission ? Ce n'est pas d'établir la loi – c'est votre mission –, mais d'éveiller la population à la réflexion. C'est pour cela que nous restons pour le moment très fidèles à l'esprit « d'aller vers » : nous sommes allés vers les départements et dans une grande région, nous avons organisé nos débats et nos rencontres dans 11 sites différents, qui ne sont pas que les grandes villes. Il nous faut aller dans les lieux où certaines populations sont représentées ; les espaces éthiques sont allés discuter dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), d'autres dans des lycées, bref dans des lieux différents. Il reste aussi à aller dans certains quartiers – la région Nord en particulier y réfléchit –, à tester des réunions spécifiques dans des quartiers un peu particuliers proches de certaines grandes villes.