Il existe une exception française en matière de bioéthique qui résulte d'abord de la création du CCNE sous le mandat de François Mitterrand. Il y a eu les lois bioéthiques de 1994, puis les révisions de 2004 et de 2011. Les lois françaises en matière de bioéthique sont souvent regardées à l'étranger comme étant des modèles. C'est vrai qu'il n'est pas facile de résister : il y a à la fois la logique utilitariste anglo-saxonne, qui est à nos frontières, et des enjeux financiers très importants en matière de recherche et de santé. Nous voyons bien que progressivement, nous sommes en train de renoncer à notre ambition bioéthique. Ce projet de loi va sûrement franchir un pas supplémentaire dans ce renoncement, avec des arguments que l'on entend régulièrement de la part des collègues : « Cela se fait à l'étranger, il faut donc le faire chez nous. De toute façon, qu'il y ait la loi ou pas, les laboratoires le feront, l'industrie pharmaceutique continuera à faire ses affaires, etc. Cela ne sert à rien, il faut suivre ».
Le renoncement se traduit aussi par la fin d'un consensus. Il y avait jusqu'à présent un consensus sur les lois de bioéthiques et nous voyons bien qu'une fraction minoritaire s'est exprimée assez fortement au sein du CCNE sur certains avis. Notre débat politique va marquer la fin du consensus. Quelqu'un comme M. Jean Leonetti, qui était connu pour ses positions modérées, affirme aujourd'hui des désaccords très profonds avec un projet de loi qui va nous faire renoncer à cette exception française. Comment le CCNE pourrait-il à l'avenir redevenir le défenseur de l'exception française en matière bioéthique ?