Intervention de Virginie Rozée

Réunion du mercredi 28 août 2019 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Virginie Rozée, Institut national d'études démographiques (INED) :

À l'INED, depuis 2008, nous avons mené quatre études sur l'infertilité et sur la PMA, notamment celle qui est effectuée à l'étranger. Nous avons interrogé de nombreuses personnes résidentes en France qui partent dans un autre pays pour faire une PMA. Ces personnes présentent des profils, des raisons, des motivations, voire des expériences qui sont très variées. Il y a de nombreux couples de femmes et des femmes seules, mais également de nombreux couples hétérosexuels. Il existe un point commun à ces départs à l'étranger : la plupart concerne effectivement le don de gamètes ou, dans une moindre mesure, la pratique d'une conservation de gamètes.

Le rapport au don est très différent selon le profil, puisque les couples inféconds sont dans un tunnel de douleur liée à leur infécondité, où le don de gamètes est la solution ultime après un long parcours. Puis des femmes seules et des couples de femmes qui ont longuement réfléchi, posément, au don de gamètes, et qui ont déjà bien anticipé la narration de ce parcours à leurs futurs enfants. Ces départs se font pour des raisons légales, quand l'accès ou la technique n'est pas autorisé en France, mais elles se font également pour des raisons liées à la prise en charge médicale en France.

Quoi qu'il en soit, ce n'est jamais un plaisir ou un caprice de décider de concrétiser son projet parental en ayant recours à une PMA à l'étranger, et les personnes interrogées auraient toutes préféré le faire en France. Par ailleurs, ces recours comportent des risques. Ainsi, ces parcours renforcent les inégalités sociales dans la réalisation du projet parental. Il est en effet plus facile d'y recourir quand on a davantage de capital socio-économique, même si certaines personnes s'endettent pour réaliser une PMA à l'étranger. Ces recours comportent également des risques médicaux, lorsque dans le pays de destination, les recommandations médicales internationales ne sont pas respectées, par exemple pour ce qui concerne le nombre d'embryons transférés ou les protocoles de stimulation ovarienne. Ces recours comportent aussi des risques légaux, quand l'État français ne reconnaît pas les enfants issus de l'AMP à l'étranger ou leurs parents. Enfin, ces recours comportent des risques sociaux de marginalisation et de stigmatisation, par exemple en cas de recours à un don au sein d'un couple hétérosexuel, du fait de la survalorisation sociale du modèle biologique de la famille, et du manque de connaissance de la population sur le don en général. D'ailleurs, certains couples hétérosexuels préfèrent parfois garder le secret de la conception de l'enfant pour justement se protéger de ces stigmates.

L'ouverture de la PMA à toutes les femmes et la proposition d'autoriser l'autoconservation des gamètes pour une utilisation ultérieure permettront de limiter les risques que je viens d'évoquer, mais ce sera également cohérent avec les recommandations internationales ainsi qu'avec les changements et les évolutions de la société française depuis plusieurs décennies, qui voient un recul de l'âge de la maternité, une pluralisation des familles et une diversification des parentalités.

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