COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE
Mercredi 28 août 2019
L'audition débute à seize heures trente-cinq.
(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente)
La commission spéciale procède à une audition commune réunissant : M. Laurent Toulemon, directeur de recherche à l'Institut national d'études démographiques (INED), Mme Élise de la Rochebrochard, responsable de l'unité de recherche « Santé et droits sexuels et reproductifs », et Mme Lidia Panico, spécialiste des analyses longitudinales sur les enfants et leurs familles (INED) ; Mme Virginie Rozée, chercheure dans les unités de recherche « Santé et droits sexuels et reproductifs » et « Fécondité, familles, conjugalités » (INED) ; Mme Claire Hugonnier, doctorante en sciences du langage (laboratoire Lidilem, Université Grenoble Alpes).
Cette deuxième journée s'achève avec une audition qui a vocation à aborder certaines questions liées à l'assistance médicale à la procréation (AMP) par un prisme que je qualifierai de « sociologique ». Je souhaite la bienvenue à Monsieur Laurent Toulemon, directeur de recherche à l'Institut national d'études démographiques (INED), qui est accompagné par Madame Élise de la Rochebrochard, responsable de l'unité de recherche « Santé et droits sexuels et reproductifs », et spécialiste du recours à l'AMP, ainsi que par Madame Lidia Panico, spécialiste des analyses longitudinales sur les enfants et leurs familles, Madame Virginie Rozée, chercheur à l'INED dans les unités de recherche « Santé et droits sexuels et reproductifs » et « Fécondité, famille, conjugalité », et Madame Claire Hugonnier, doctorante en sciences du langage au laboratoire Lidilem, Université Grenoble Alpes. Vous avez chacun communiqué des notes préalables à la commission, je vous en remercie. Elles évoquent des sujets variés liés à l'AMP : les risques liés aux parcours d'AMP transfrontaliers, l'impact possible de la suppression du critère d'infertilité pathologique pour les couples hétérosexuels, l'impact possible de l'autoconservation des ovocytes, les études sur le devenir des enfants nés d'AMP ou encore un éclairage sur l'environnement discursif qui entoure le projet de loi soumis à notre examen. Ce matériau fort riche va vous être présenté, et nous compléterons ensuite dans le cadre de questions-réponses posées par mes collègues.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, merci de nous avoir invités à venir présenter nos travaux pour éclairer le débat. Nous sommes ici quatre chercheurs de l'Institut national d'études démographiques. Nous sommes des spécialistes des questions de population, que nous abordons avec une approche démographique, épidémiologique, sociologique. L'INED a une expertise spécifique sur la réalisation de collectes statistiques sur des sujets de population tels que la famille, mais également sur des sujets plus sensibles par exemple la violence, les personnes sans domicile fixe ou l'assistance médicale à la procréation.
Pour commencer, j'aimerais rappeler ce que représente aujourd'hui la PMA en France d'un point de vue démographique. Chaque année, 24 000 à 25 000 enfants naissent suite à une conception obtenue par PMA, ce qui signifie que dans chaque classe, en moyenne, un élève a été conçu par PMA. Pour les couples inféconds, la PMA est un incroyable espoir, car parmi les couples traités par fécondation in vitro, presque la moitié va obtenir une naissance grâce à ces traitements médicaux, après de nombreuses années d'infécondité.
Le parcours de PMA reste néanmoins décrit comme un véritable parcours du combattant (je reprends l'expression), où les couples sont plongés dans une incertitude douloureuse. Tout d'abord une incertitude sur l'issue des traitements, puisque presque la moitié obtient la naissance souhaitée, mais un peu plus de la moitié n'obtient pas la naissance souhaitée grâce aux traitements suivis dans les centres de PMA.
L'incertitude sur l'issue de leur parcours est renforcée par la question « Pourquoi l'enfant n'arrive-t-il pas ? ». En effet, le bilan d'infécondité mène rarement à un diagnostic clair et définitif de stérilité. Du coup, l'espoir de concevoir naturellement reste très souvent permis, même après l'échec des traitements de PMA. Ainsi, parmi les couples pour lesquels le traitement n'a pas fonctionné, 20 % vont finalement devenir parents naturellement dans les années qui suivent l'arrêt des traitements, sans que la médecine ne puisse aujourd'hui expliquer pourquoi.
L'analyse statistique des données de la PMA met en évidence un autre trait saillant. La très grande majorité de la PMA est réalisée avec les gamètes des deux parents, sans recours à un tiers donneur. En France, 5 % uniquement des processus de PMA sont réalisés avec tiers donneur, donc une très petite minorité. Ce recours très limité au don de gamètes en France a des conséquences importantes aujourd'hui, que l'on peut capter à travers le phénomène des Français qui partent à l'étranger pour réaliser une PMA, sujet dont ma collègue Virginie Rozée va vous parler.
Pour pouvoir parler des conséquences, il est d'abord nécessaire de s'arrêter sur les causes. Il est important de comprendre qu'en réalité, nous avons deux problématiques complètement différentes sur le don de gamètes, qu'il faut absolument distinguer. L'une concerne le don de sperme et l'autre le don d'ovocytes. Commençons par le don de sperme. Nous avons en France une situation équilibrée entre la demande des couples hétérosexuels inféconds et les dons de sperme. Nous avons environ 300 donneurs de sperme par an, ce qui permet de répondre aux 2 000 nouvelles demandes annuelles. L'analyse des données statistiques indique que nous disposons par ailleurs d'une large marge de manœuvre pour pouvoir augmenter ce don de sperme en France et répondre à des besoins plus importants qu'actuellement. Cependant, cette idée d'une situation d'équilibre pour le don de sperme n'est valide que si l'on se place dans le cadre très strict de la loi actuelle. Si l'on change la focale, et que nous nous plaçons du point de vue de la société française, nous observons au contraire une situation de déséquilibre sur le don de sperme avec une partie de nos concitoyennes qui sont laissées de côté : les femmes seules et les couples de femmes. Ces femmes vont donc recourir au don de sperme à l'étranger : en Espagne, en Belgique ou auprès des banques de sperme danoises. Mme Rozée va revenir sur les conséquences de cette situation, mais il faut retenir que nous faisons face ici à un problème légal, et non pas à une pénurie de gamètes.
La situation est très différente pour le don d'ovocytes, qui est très peu développé en France : 230 enfants seulement naissent chaque année suite à un don d'ovocytes, soit quatre fois moins que pour le don de sperme. Ce faible recours est lié à un profond déséquilibre entre la demande et le don. En effet, le don d'ovocytes a du mal à se développer, car il s'agit d'un acte médical physiquement éprouvant qui vient impacter pendant plusieurs semaines la vie de la donneuse. Les Françaises qui ont besoin de bénéficier d'un don d'ovocytes ont donc légalement le droit d'accéder à cette technique, mais elles se retrouvent souvent dans l'incapacité d'y recourir sur le territoire national, en raison de la pénurie d'ovocytes. Mme Rozée va vous expliquer qu'elles partent également à l'étranger, essentiellement en Espagne, en Grèce ou en République tchèque. Depuis des années, il existe donc en France un manque de gamètes féminins qui laisse sans solution des couples hétérosexuels souffrant d'une infécondité sévère. Malgré cette pénurie de gamètes, on notera que le modèle de don altruiste français n'a pas été remis en cause. Par ailleurs, la possibilité d'autoconservation des gamètes, discutée dans le cadre de la présente révision de la loi de bioéthique, devrait permettre de diminuer ce problème de pénurie de gamètes.
Pour résumer, le don de gamètes présente deux facettes très différentes selon que l'on parle de don de sperme ou de don d'ovocytes. Lorsqu'on parle de pénurie de gamètes, on parle en réalité uniquement de pénurie d'ovocytes. Ces deux facettes conduisent néanmoins à un même phénomène de départ de Français qui vont réaliser une PMA à l'étranger.
À l'INED, depuis 2008, nous avons mené quatre études sur l'infertilité et sur la PMA, notamment celle qui est effectuée à l'étranger. Nous avons interrogé de nombreuses personnes résidentes en France qui partent dans un autre pays pour faire une PMA. Ces personnes présentent des profils, des raisons, des motivations, voire des expériences qui sont très variées. Il y a de nombreux couples de femmes et des femmes seules, mais également de nombreux couples hétérosexuels. Il existe un point commun à ces départs à l'étranger : la plupart concerne effectivement le don de gamètes ou, dans une moindre mesure, la pratique d'une conservation de gamètes.
Le rapport au don est très différent selon le profil, puisque les couples inféconds sont dans un tunnel de douleur liée à leur infécondité, où le don de gamètes est la solution ultime après un long parcours. Puis des femmes seules et des couples de femmes qui ont longuement réfléchi, posément, au don de gamètes, et qui ont déjà bien anticipé la narration de ce parcours à leurs futurs enfants. Ces départs se font pour des raisons légales, quand l'accès ou la technique n'est pas autorisé en France, mais elles se font également pour des raisons liées à la prise en charge médicale en France.
Quoi qu'il en soit, ce n'est jamais un plaisir ou un caprice de décider de concrétiser son projet parental en ayant recours à une PMA à l'étranger, et les personnes interrogées auraient toutes préféré le faire en France. Par ailleurs, ces recours comportent des risques. Ainsi, ces parcours renforcent les inégalités sociales dans la réalisation du projet parental. Il est en effet plus facile d'y recourir quand on a davantage de capital socio-économique, même si certaines personnes s'endettent pour réaliser une PMA à l'étranger. Ces recours comportent également des risques médicaux, lorsque dans le pays de destination, les recommandations médicales internationales ne sont pas respectées, par exemple pour ce qui concerne le nombre d'embryons transférés ou les protocoles de stimulation ovarienne. Ces recours comportent aussi des risques légaux, quand l'État français ne reconnaît pas les enfants issus de l'AMP à l'étranger ou leurs parents. Enfin, ces recours comportent des risques sociaux de marginalisation et de stigmatisation, par exemple en cas de recours à un don au sein d'un couple hétérosexuel, du fait de la survalorisation sociale du modèle biologique de la famille, et du manque de connaissance de la population sur le don en général. D'ailleurs, certains couples hétérosexuels préfèrent parfois garder le secret de la conception de l'enfant pour justement se protéger de ces stigmates.
L'ouverture de la PMA à toutes les femmes et la proposition d'autoriser l'autoconservation des gamètes pour une utilisation ultérieure permettront de limiter les risques que je viens d'évoquer, mais ce sera également cohérent avec les recommandations internationales ainsi qu'avec les changements et les évolutions de la société française depuis plusieurs décennies, qui voient un recul de l'âge de la maternité, une pluralisation des familles et une diversification des parentalités.
La mise en évidence et la compréhension du phénomène de l'AMP réalisée à l'étranger que Mme Rozée vient de vous présenter sont des éléments importants qui ont nourri les réflexions de ces dernières années, pour conduire aujourd'hui à la proposition d'une révision de la loi de bioéthique. Avec cette révision, nous pouvons nous attendre à une diminution de ce phénomène de PMA transfrontalière, mais il sera essentiel de s'assurer que les effets attendus s'observent effectivement. Mesurer statistiquement ce changement permettra d'évaluer l'impact de la nouvelle loi de bioéthique. Il est important de prévoir dès maintenant l'évaluation de cette loi, et pour comprendre l'impact des changements qu'elle va entraîner, il est nécessaire de réaliser le plus rapidement possible une mesure de la situation actuelle pour pouvoir disposer d'un point de comparaison. Un tel projet de collecte statistique sur la PMA transfrontalière n'a encore jamais été réalisé, en raison des défis méthodologiques que cela soulève. Depuis deux ans, à l'INED, nous travaillons à mettre au point une nouvelle méthode qui permettra de réaliser une telle opération statistique. Nous avons ainsi conçu une méthode d'enquête spécialement adaptée à cet objectif, dont nous avons testé la faisabilité l'année dernière. Les barrières méthodologiques sont donc désormais levées à nos yeux, et le lancement d'une telle opération est possible. Si les pouvoirs publics le souhaitent et lui en donnent mission, l'INED pourrait donc lancer rapidement une opération statistique qui permettra à la fois d'évaluer l'impact de la nouvelle loi et de fournir des éléments scientifiques solides qui permettront de nourrir la réflexion lors de la prochaine révision de la loi de bioéthique.
C'était la première présentation de l'INED sur la PMA. Nous en avons une deuxième sur la filiation. Je ne sais pas si vous voulez que nous enchaînions.
Je voudrais évoquer deux points assez différents. Tout d'abord, je vais revenir rapidement sur la demande potentielle de dons de sperme liée à l'élargissement de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. Deux types de demandes sont possibles, d'une part les couples de femmes, et Mme Élise de la Rochebrochard nous a expliqué à quel point c'était un parcours qui n'était pas simple. Nous partons d'une idée, qui est plutôt une hypothèse haute, qui consiste à dire que les couples de femmes qui résident ensemble, et qui sont suffisamment établis pour être visibles dans des opérations statistiques comme le recensement, sont les couples de femmes susceptibles d'avoir recours à une AMP. Ces couples souhaitent avoir deux enfants en moyenne, ce qui est encore une fois une hypothèse haute. Cela fait donc un nombre de naissances supplémentaires de 4 000 à 5 000 par an. C'est beaucoup plus important que les AMP avec donneur, mais c'est un nombre très faible par rapport au nombre de donneurs potentiels que nous pourrions envisager si nous cherchions des donneurs de façon un peu plus proactive.
L'estimation du nombre de femmes seules qui souhaiteraient avoir recours à l'AMP est beaucoup plus délicate, nous n'avons aucune idée. Autant nous pouvons dire que des femmes qui sont en couple peuvent aspirer à avoir autant d'enfants que des couples de sexes différents, autant pour les femmes seules, nous n'avons pas de moyens aujourd'hui de savoir, si ce n'est justement en regardant combien de femmes seules vont à l'étranger pour avoir recours à une AMP. Mme de la Rochebrochard parlait d'un parcours du combattant, et si la loi change, peut-être que le parcours sera moins difficile. Par ailleurs, il existe aujourd'hui un nombre assez important de femmes qui mettent au monde des enfants sans vivre en couple, sans que ces enfants ne soient reconnus par leurs pères ou par leurs géniteurs. Il existe donc un continuum de situations extrêmement variées entre des projets de femmes qui veulent avoir un enfant sans père, et qui ont recours à un géniteur, soit avec une insémination artisanale, amicale, soit en ayant des relations sexuelles ; certains couples peuvent rompre pendant la grossesse, donc des conceptions dans le cadre d'un couple donnent lieu à des naissances par des mères seules ; certaines grossesses peuvent être non souhaitées, mais sont néanmoins menées à terme et donnent donc des enfants qui ne faisaient pas l'objet d'un projet parental au moment de leur conception. Toutes ces situations sont rares aujourd'hui grâce à la maîtrise de la fécondité par la contraception et la possibilité de recourir à l'avortement, mais elles représentent quand même 3 % des naissances, soit un peu plus de 20 000 par an, c'est-à-dire beaucoup plus que les naissances supplémentaires qui pourraient probablement advenir si la possibilité de l'AMP était offerte aux femmes en couple ou aux femmes seules.
Aujourd'hui, des femmes mettent donc au monde des enfants avec un géniteur, sans que ce géniteur n'ait reconnu l'enfant ou sans que la femme ne soit mariée, sans que ce géniteur ne soit un père. Cela pose évidemment des questions compliquées, puisqu'il peut y avoir des contentieux variés. Aujourd'hui, malgré un continuum de situations et une très grande diversité, soit l'homme reconnaît l'enfant et il est le père, soit il ne reconnaît pas l'enfant et il n'est rien d'un point de vue légal. Ces situations sont extrêmement diverses, et par rapport aux questions qui ont été posées dans le cadre de la préparation de la loi, bien qu'il s'agisse de réviser la loi de bioéthique, certaines questions touchent à la filiation. On peut considérer que le fait que le législateur souhaite avoir un nouveau mode d'instauration de la filiation, avec un titre VII bis, correspond à des conceptions d'enfants fondées uniquement sur la volonté, et pas sur la vraisemblance biologique, et qui font appel à un tiers donneur. Ces questions existent aussi en dehors du cadre actuel de l'AMP médicale. Évidemment, dans ce cas, ce n'est pas l'État qui organise le secret, le désordre, les incertitudes, mais nous pourrions nous poser des questions équivalentes. Nous avions aussi évoqué ces questions lors de précédentes réflexions sur les familles recomposées, les situations où les relations entre les adultes et les enfants changent, parce que les couples se font, se défont et se refont. Il s'agit de voir quelles relations, quel statut donner aux conjoints des parents, aux beaux-parents, et comment articuler la permanence de la filiation et l'apparition de nouveaux parents. Toutes ces questions sont abordées un peu par la bande, en prévoyant des situations nouvelles créées par l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes ou aux femmes seules, alors que ces nouveaux cas sont à la fois très peu nombreux par rapport aux situations actuelles et très peu problématiques. Comme Mme Panico va nous l'expliquer, ces couples, ces enfants n'ont pas de difficultés spécifiques. C'est un peu un pas de côté par rapport aux discussions. Mme de la Rochebrochard prévoyait de préparer la prochaine révision de la loi de bioéthique, ce serait peut-être une autre réflexion sur une autre loi, mais il me paraît important d'insister sur le fait que le projet de révision de la loi de bioéthique aborde des questions de filiation par le petit bout de la lorgnette, c'est-à-dire par des situations rares et non problématiques.
Je vais compléter les propos de mes collègues en changeant un peu l'angle de vue. Jusqu'à maintenant, nous avons surtout parlé des parents ou des futurs parents, et je vais maintenant vous parler des enfants nés par AMP, du devenir de ces enfants.
Comme le disait Mme de la Rochebrochard, beaucoup d'enfants sont aujourd'hui issus d'une AMP (1 sur 30), et même si cela constitue un groupe de population important, on sait encore relativement peu de choses sur le devenir de ces enfants en France. Quelques études ont été réalisées, souvent de très petite taille, avec des échantillons très spécifiques qui vont concerner des enfants avec des maladies particulières ou des situations très particulières. Surtout, ce sont souvent des échantillons trop petits pour faire des analyses statistiques rigoureuses. La littérature nous permettrait de poser deux hypothèses assez contrastées. D'un côté, on pourrait s'attendre à un léger impact négatif, parce que ce sont souvent des parents plus âgés, et il existe donc un risque d'avoir des problèmes de santé. Mais de l'autre côté, on sait aussi que les parents qui ont recours à l'AMP sont souvent des parents plus favorisés, qui ont déjà un projet d'enfant, qui ont réfléchi à la façon de mettre en place la dynamique financière après l'arrivée de l'enfant. Ce sont des parents qui ont très souvent un fort désir d'enfant et qui forment un couple stable. Toutes ces caractéristiques sont bonnes pour les enfants.
Nous avons quelques petites études préliminaires nous permettant de commencer à vous donner des chiffres en France. Je vais vous présenter quelques analyses réalisées avec M. Toulemon et Mme Rozée sur la cohorte « Elfe ». Cette cohorte suit 18 000 enfants nés en France métropolitaine en 2011. Par sa grande taille et sa méthode d'échantillonnage, elle est représentative de toutes les naissances en France en 2011. Nous ne sommes donc plus sur un échantillon de petite taille ou sur une population spécifique.
Les premiers résultats montrent que les enfants issus d'une AMP ne présentent pas de grandes différences en termes de santé à la naissance, au regard de leur poids et de la prématurité, et en termes de compétences langagières et cognitives à 2 ans et 3 ans et demi. Par contre, nous avons trouvé un taux de gémellarité plus important chez les groupes de parents ayant eu recours à une AMP, et nous savons que cela peut avoir des risques pour ces enfants. Voilà pour les questions de santé physique et de développement cognitif de l'enfant.
Je vais également vous présenter quelques analyses issues d'une étude britannique sur les enfants nés par AMP. Cette étude qui est maintenant menée depuis plusieurs années ne montre pas de différence en termes de santé mentale, entre des parents ayant eu recours à l'AMP et d'autres n'y ayant pas eu recours. Nous ne retrouvons pas de différence significative en termes d'interaction entre les parents et leurs enfants, entre le groupe de contrôle et le groupe de parents qui ont eu recours à l'AMP. Si le parent n'a pas révélé à son enfant le mode de conception, il peut y avoir davantage de stress émotionnel chez les parents avec un impact négatif sur les interactions parents/enfant. Ce sont des petits impacts. Nous ne pouvons suivre les enfants qu'une fois que le parent leur a révélé le mode de conception.
Les chercheurs ont comparé des adolescents qui savaient qu'ils étaient nés par AMP et le groupe de contrôle de conception sans AMP, et on ne retrouve pas de grande différence. Les enfants ne sont pas particulièrement intéressés par leur mode de conception, ils vont bien sur le plan psychologique. Tout cela pour dire qu'il y a encore très peu d'études menées en France, mais aussi à l'étranger, et l'un des freins à ces études est le financement, mais aussi le fait que si les personnes ne sont pas au courant de leur mode de conception, on ne peut pas les étudier.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je tenais tout d'abord à vous remercier d'apporter, par cette invitation, une réflexion linguistique à votre travail, mais également de donner de la visibilité et de l'importance à la recherche doctorale.
Madame Fracchiolla qui devait m'accompagner aujourd'hui tient à s'excuser de son absence, elle a été retenue par un imprévu. En guise d'introduction, il convient d'indiquer que cette contribution s'inscrit dans une approche différente de celle qui vous a été présentée, une approche sociolinguistique, discipline qui tend à étudier le rapport entre langue et société. Cette branche de la linguistique appréhende le discours comme élément constitutif des rapports interpersonnels et comme composant actif de l'interaction sociale. Une analyse sociolinguistique permet alors de comprendre les pratiques sociales et de réfléchir au rôle du discours dans la société. De plus, cette perspective a pour visée d'analyser les rapports de force sociaux et permet de déconstruire des procédés intériorisés et institutionnalisés qui tendent à s'imposer comme évidents.
Ainsi, analyser les discours circulant autour de ce projet de loi relatif à la bioéthique sous un angle sociolinguistique permet de comprendre quelles stratégies discursives sont employées par les opposants et les sympathisants du projet de loi « PMA pour toutes », et comment les discours participent à la mise en place et à la pérennisation des rapports interpersonnels et sociaux. Quels sont les enjeux discursifs dans l'espace sociétal ? Quelle place occupe ces discours ? À quoi et à qui répondent-ils ? À quoi et contre qui s'opposent-ils ? Quels acteurs les mobilisent et qui en sont les cibles ? Ma contribution à cette table ronde a donc pour intention d'apporter un éclairage sur l'environnement discursif autour du projet de loi, bien qu'il vous ait été présenté hier, et d'apporter une analyse linguistique sur la teneur des débats en cours, en prévision des mobilisations annoncées pour la rentrée. Ainsi, ces éléments permettront peut-être d'interroger la gestion actuelle des conflits sociaux sur ces questions sexuelles.
La question des discours attenants à la mobilisation autour des changements possibles dans les droits reproductifs et plus largement des discours autour du féminin et des sexualités est posée depuis plusieurs années par les linguistes, et davantage encore depuis les mobilisations autour du mariage pour tous. Ainsi, il me paraît important d'indiquer que mes propos d'aujourd'hui résultent d'une part de mon travail de terrain mené dans le cadre de ma thèse, mais également de tous les travaux réalisés par les chercheuses et chercheurs du domaine, notamment au sein du groupe international DRAINE (Haine et rupture sociale discours et performativité) lié au projet européen Horizon 2020 « Practicies » (Partnership against violent radicalization in the cities), coordonné par Mmes Nolwenn Lorenzi Bailly et Claudine Moïse.
Les débats actuels autour de l'extension de la loi bioéthique démarrent cinq ans après la mobilisation d'opposition à la loi Taubira et réactivent de solides débats et polémiques sociétales opposant les adversaires et les partisans du mariage pour tous devenus ceux de la « PMA pour toutes » ou « PMA sans père ». Ainsi l'analyse discursive doit veiller à conserver une vision diachronique des événements, afin de ne pas perdre de vue les mises en tension liées à l'histoire interactionnelle. En 2013, opposants comme sympathisants se sont sentis menacés et stigmatisés par et dans leur identité. La violence des débats, la violence des discours a été réelle et non sans conséquence. Je pense notamment à l'observation chiffrée de la libération de la parole homophobe par l'association « SOS Homophobie » qui a cumulé, en 2013, plus de 3 500 témoignages de victimes d'actes homophobes, soit 80 % de plus qu'en 2012. Néanmoins, même si le schéma semble se répéter, des changements discursifs stratégiques sont observés au sein de l'opposition.
On observe tout d'abord un changement au niveau du sujet énonciatif, autrement dit du porte-parole de l'opposition. En effet, si en 2013, La Manif pour tous était le principal collectif en opposition au projet de loi, à l'origine des importantes mobilisations, elle est aujourd'hui une association à part entière s'intégrant dans un nouveau collectif « Marchons ensemble », qui réunit une vingtaine d'associations, dont une partie était auparavant intégrée dans La Manif pour tous. À partir de mon travail de terrain et des entretiens réalisés, dont je tais volontairement la teneur aujourd'hui par souci d'anonymat, car le travail est encore en cours, je comprends que des associations aient souffert de l'image et de la réputation de La Manif pour tous en 2013. Elles ne sont pas tout à fait reconnues dans le message, mais surtout dans la méthode de mobilisation autour de la loi Taubira. Ce nouveau collectif permet alors de conserver l'indépendance discursive de toutes les associations, et en même temps, de conserver une place stratégique, car il faut le reconnaître, des associations comme La Manif pour tous, qui souffre pourtant d'une catégorisation négative, sont devenues des icônes, si je puis dire, de la lutte autour des questions sexuelles, ce qui lui vaut une notoriété et une visibilité sur la sphère publique et médiatique.
On observe également une tentative de convergence des luttes par l'opposition, avec notamment la recherche de points de similitude entre les revendications du mouvement des gilets jaunes et les leurs et une volonté de rassembler les mouvements sociaux qui ont marqué la France ces derniers mois. Stratégiquement, cela aurait pour effet d'augmenter la portée de leur discours, de leurs idées, de multiplier les porte-parole, et la diffusion et la circulation de ces discours. De plus, avec l'utilisation du label « Gilets jaunes », c'est aussi évoquer, dans l'imaginaire social, une mobilisation de masse qui touche l'intégralité de la France. Avec la violence observée lors des manifestations des « gilets jaunes », c'est aussi la possibilité de voir une radicalisation dans le mouvement.
En outre, les espaces discursifs, les lieux où circule la parole, ont également subi des changements depuis la mobilisation de 2013. Si la rue était le lieu de revendication privilégié lors du mariage pour tous, Internet l'a remplacé aujourd'hui. La mobilisation s'est faite de manière plus silencieuse cette année, activant des réseaux différents, ce qui ne remet pas en cause ses effets, au contraire. La circulation et la viralité des discours se font de manière plus abondante et plus rapide. Les discours circulent à la fois sur les réseaux sociaux du collectif « Marchons ensemble », et sur l'intégralité des réseaux sociaux, parfois multiples, de chaque association. Ainsi, les discours occupent une place importante sur les sphères virtuelles et donnent cette impression de masse. Néanmoins, les associations souhaitent donner une visibilité concrète à leur mouvement, et elles ont décidé de descendre dans les rues parisiennes le 6 octobre prochain. Cela interroge donc sur les enjeux et les effets souhaités derrière chaque espace discursif. A contrario, ce qui ne semble pas changer, mais au contraire s'entériner, sont les modalités argumentatives déployées dans les discours d'opposition déjà observés lors de La Manif pour tous.
La notion d'argumentation met en évidence le rapport d'influence et la possibilité d'agir sur l'autre à travers le discours. Par conséquent, lorsque l'on tend à décrire le fonctionnement d'un discours en contexte, on ne peut faire l'impasse sur sa dimension argumentative. L'argumentation trouve son fondement dans la confrontation d'un discours et d'un contre-discours autour d'une même question, entre un proposant et un opposant, et un tiers qu'il s'agit de convaincre. Ainsi, elle permet d'apporter une justification aux points de vue défendus, tout en essayant de produire un effet de persuasion sur l'interlocuteur.
Excusez-moi, je vais être obligée de vous interrompre. Mes collègues vont vous poser des questions, vous pourrez y répondre, et si vous voulez joindre une contribution écrite à l'audition, vous pourrez le faire.
Je pensais avoir au moins une vingtaine de minutes.
Je vais juste lire ma conclusion. Au regard des événements de 2013, l'analyse des discours d'opposition et de contestation semble mettre en évidence de véritables changements dans les stratégies discursives utilisées. Fondées sur un système de croyances, de représentations sociales et de valeurs, les modalités argumentatives semblent quant à elles similaires et tendent à se renforcer. Ces discours apparaissent comme l'expression d'une conception idéologique de la sexualité et du genre, empruntant les contours d'un discours potentiellement violent, discriminatoire, voire haineux. De plus, les émotions (indignation, honte, énergies négatives) sont des moteurs de l'action d'opposition. Se pose alors la question de la régulation des discours de haine discriminante dans l'espace public, dont la circulation et la viralité sont facilitées par des nouveaux espaces discursifs en ligne.
Comme vous l'avez dit, nous manquons d'études en France, et je vous remercie d'envisager des études prospectives sur des cohortes suffisamment amples suivant les enfants jusqu'à l'âge d'une vingtaine d'années, et permettant de répondre aux questions que nous nous posons, en nous inspirant des études qui ont déjà été conduites dans l'équipe de Mme Susan Golombok à Cambridge ou des études américaines, comme celle publiée dans le New England Journal of Medicine. Il existe donc des bases pour savoir comment construire les protocoles, mais en allant plus loin encore, et en l'adaptant à notre contexte. Ce sera très utile, et nous imaginons tous qu'il faut, dès maintenant, prévoir ces protocoles pour les initier au plus vite, si l'on veut pouvoir suivre l'évolution de l'application de la loi.
Avez-vous une idée du pourcentage d'enfants nés d'un don, avec un recours à un tiers donneur, ayant été informés avant 18 ans qu'ils proviennent d'un don ? Ceux qui ne sont pas informés ont des informations fausses sur leurs antécédents héréditaires, et sont donc pénalisés, y compris médicalement, puisque non seulement ils ignorent leurs antécédents héréditaires, mais ils croient faussement avoir l'hérédité de leur père. Ce sont des choses importantes, pas seulement psychologiquement, mais aussi médicalement. Enfin, parmi ces x enfants informés (qui sont certainement minoritaires), combien désirent des informations identifiantes sur leurs origines ?
Vous avez aussi évoqué le fait que la volonté pouvait, au moins en partie, se substituer à la vraisemblance biologique, laquelle vraisemblance est d'ailleurs assez souvent mise à mal, puisque la vraisemblance, notamment s'agissant de paternité, n'est pas la réalité biologique. Il est donc vrai que la volonté parentale est quelque chose d'important, et je voudrais savoir si l'une de vos collègues, Mme Irène Théry, qui propose la déclaration anticipée de volonté (DAV), dans toutes les circonstances, vous paraît apporter la solution appropriée, sachant que nous sommes nombreux ici à souhaiter de ne pas avoir une formulation différente pour les enfants nés dans une famille homoparentale et pour ceux nés dans une famille hétéroparentale. Si ce système de DAV est approprié, l'idée serait de l'appliquer à tous les enfants nés d'un tiers donneur. Qu'en pensez-vous ?
Merci pour ces questions. Il n'existe pas d'évaluation de la proportion, en France, d'enfants ne sachant pas quel est leur mode de conception. L'étude britannique indique qu'environ un tiers sait à l'adolescence être né par AMP, mais ce sont des chiffres d'enfants nés en 2000 en Grande-Bretagne. Cela commence donc à dater un peu.
Je peux proposer une réponse à la deuxième question. Vous parliez de la déclaration anticipée de volonté, Mme Panico disait qu'il était très difficile de connaître les conséquences pour les enfants ne connaissant pas la réalité de leur conception, parce que par définition, on ne peut pas les interroger. Dans les enquêtes anglaises, quand les enfants commencent à devenir adolescents, on ne va pas les questionner si leurs parents ne leur ont pas dit qu'ils étaient nés d'un don. C'est quand même un élément de stress pour les parents, associé à surinvestissement. Ce sont des études réalisées sur des effectifs assez faibles, et il faut être prudent, mais nous avons l'impression que les familles où est intervenu un don ont des difficultés quand le don n'est pas dit, pas connu, et des difficultés quand elles font l'objet de discrimination, notamment pour les familles homoparentales. Pour le reste, on ne voit rien qui mérite d'être noté. Quand les enfants sont informés, certains veulent savoir l'identité de leurs géniteurs, d'autres non. Certaines veulent le rencontrer, d'autres non, mais on a l'impression que cette alternative est apaisée à partir du moment où les choses ont été dites. De ce point de vue, l'une des dispositions du projet de loi prévoit qu'une déclaration anticipée de volonté doit être faite par les couples de femmes, mais elle devrait aussi être faite par les femmes seules et les couples de sexes différents, dans lesquels la vraisemblance biologique crée éventuellement du secret. À la limite, elle est plus utile dans ce cas-là. Après, il appartient au législateur de savoir dans quelle mesure il veut s'immiscer dans le vécu des couples, mais le droit de l'enfant à connaître ses origines génétiques prime sur le droit du donneur à ne pas dire qui il est, et prime sur le droit des parents à ne pas dire à leur enfant qu'il est issu d'un don. Je sors un peu de mon rôle d'expert, mais puisque vous me posez la question, je ne peux pas m'empêcher de le faire.
Dans cette étude britannique, on demande aux adolescents, interviewés à 14 ans, leur sentiment sur le fait d'être né par un don de sperme ou d'ovocytes, ou par une GPA, et la grande majorité est juste indifférente.
Je suis rapporteure des derniers articles du projet de loi, et le tout dernier article est relatif au délai de révision des lois de bioéthique, qui est aujourd'hui de sept ans. Le Conseil d'État a évoqué l'option consistant à supprimer la clause de rendez-vous périodique, accusée d'être un frein par rapport au rythme plus rapide des avancées scientifiques. Le CCNE et la mission d'information parlementaire de l'hiver dernier ont préconisé de fixer le délai de réexamen à 5 ans, pour justement prendre en compte l'accélération de ces enjeux de santé et de recherche. L'étude d'impact du projet de loi indique que ce délai pourrait être trop court pour permettre d'évaluer efficacement l'application de la loi, car de facto la période effective d'évaluation serait réduite à quatre ans. Comme vous êtes un peu spécialiste de la question des études et des évaluations, serait-il possible de diminuer ce délai pour le ramener à cinq ans ? Cela gênerait-il l'évaluation ?
Si on réduit le délai, cela signifie qu'il faut anticiper l'évaluation avant le passage de la loi et se mettre en mesure de lancer rapidement les études nécessaires. Monter une étude est assez long, et comme je vous le disais, nous travaillons sur une étude depuis deux ans, parce qu'il y avait des problèmes méthodologiques spécifiques. Normalement, c'est moins long, mais il faut évidemment anticiper ce cas-là, pour être en mesure d'apporter les réponses nécessaires si on envisage de réduire à cinq ans le délai entre deux révisions.
Merci à toutes et tous pour votre présence et vos interventions. Je m'occupe des parties filiation et accès aux origines du projet de loi, mes questions porteront donc plutôt sur ces sujets-là. Première question, j'ai peut-être mal compris, mais, Madame Rozée, quand vous avez évoqué la survalorisation sociale de la famille, était-ce en rapport avec le don fléché ? En cas de survalorisation sociale de la famille, quel sera l'impact sur un hypothétique don fléché intrafamilial, par exemple ?
La diversité croissante des situations familiales, des familles hétéroparentales ou homoparentales, ainsi que ce que vous avez indiqué sur la volonté d'un projet de maternité ou d'un projet parental par rapport à des enfantements strictement biologiques, tout cela induit-il une refondation majeure du droit de la filiation ? Cela induit-il, au contraire, d'y aller en douceur, avec précaution, par étapes, si possible de façon non discriminatoire entre les individus et les enfants ? Si vous deviez privilégier une distinction, serait-elle entre les familles, selon les modalités de conception, ou selon les enfants, en fonction leur capacité à connaître leur origine et leur mode de conception ? Et conséquemment, quel est votre point de vue quant à l'impact sur ces enfants de la connaissance de leurs origines ? J'ai entendu qu'il existait très peu d'études en France, peut-être y en a-t-il à l'étranger, permettant d'avoir du recul. Différentes législations existent par ailleurs, ayant établi l'anonymat, l'absence d'anonymat ou un anonymat partiel. Quel recul avons-nous par rapport à la situation à l'étranger au regard de l'accès aux origines ?
Madame Hugonnier, sur l'espace discursif, quel est l'impact du discours législatif sur les enfants et ces situations familiales et parentales ?
En ce qui concerne la survalorisation sociale de la famille, pendant très longtemps, on a conçu les enfants au sein d'une union hétérosexuelle, sans aide médicale, et dans les normes sociales ; c'est une norme qui est restée dominante dans les représentations. Si les parents ne participent pas pleinement à la conception de l'enfant, il peut y avoir dévalorisation de la parentalité, et c'est pour cela que je parle de stigmatisation et de marginalisation. Le don est très peu connu en France. Il y a très peu d'informations sur le don, et j'ai rencontré des femmes qui ont bénéficié d'un don d'ovocytes, qui évitaient d'en parler parce qu'elles craignaient qu'on leur reproche de ne pas être la vraie mère de l'enfant. Cela pose question, mais c'est un bagage historique qui a construit nos représentations sociales de la famille et que l'on est, je pense, en train de déconstruire. C'est dû aussi au manque d'informations autour des autres façons de faire des enfants. L'organisation actuelle du don avec l'anonymat, le maintien du secret, renforce parfois cette représentation biologique de la famille.
C'est à supposer qu'un changement culturel, notamment sur l'anonymat, puisse induire une construction de représentations différentes.
Cela pourrait permettre de donner une place au tiers et de ne pas en rester uniquement à la famille à deux parents. Cela lui donnerait une place sociale symbolique qui permettrait de déconstruire cette survalorisation biologique de la famille.
Pour apporter un complément sur le don dirigé, il me semble que vous allez auditionner des personnes favorables, non seulement à l'AMP avec don anonyme mais aussi aux dons non anonymes. La question de l'anonymat est posée aujourd'hui, et c'est une séquelle de ce qui a été décidé dans les années 1990, avec des raisons qui étaient parfaitement logiques. La crainte que les donneurs, s'ils sont de la famille, puissent changer de rôle familial ou s'ils sont des amis, puissent avoir un rôle supplémentaire, peut être replacée dans la perspective des situations assez nombreuses où d'autres adultes que les parents peuvent avoir des rôles dans la famille ou dans l'entourage de l'enfant. Il semble que les enfants font très bien la différence entre un géniteur et un parent, et la crainte que peuvent avoir des couples de sexe différent qui ont eu recours à un don, que le géniteur pourrait faire office de père, disons de prendre la place du père, n'est pas du tout confirmée par les faits. Le manque d'information, le manque de valorisation du don sont regrettables. Or la présence d'un tiers donneur dans la conception de certains enfants est vue comme une façon possible et alternative de faire des enfants ; elle pose des questions nouvelles, parce qu'elle ouvre la possibilité à des couples de femmes ou à des femmes seules d'avoir des enfants, mais il existe aussi d'autres façons. On pourrait essayer de dédramatiser un peu ces situations qui, vu de l'intérieur, sont beaucoup moins problématiques à partir du moment où les choses sont dites. Le problème est que quand les choses ne sont pas dites, nous ne pouvons pas faire une enquête sur les secrets. C'est trop compliqué. Ce sont plutôt les médecins qui doivent la faire, et eux ne voient que des situations problématiques. Les personnes qui vont bien n'en parlent pas à leur médecin. Il est un peu difficile de répondre de façon générale, et je ne sais pas s'il faut revoir la loi tous les trois ans, tous les cinq ans ou tous les dix ans, mais des choses changent à cause des techniques, et des choses changent dans la société. Par exemple, dans les années 1990, il était impossible d'envisager une question visant à savoir si les personnes vivaient en couple de même sexe. L'INSEE refusait donc d'intégrer ces questions, parce qu'elles n'étaient pas jugées pertinentes. Elles étaient vues comme non pertinentes et agressives, alors qu'aujourd'hui, dans le recensement, on demande aux personnes quel est le sexe de leur conjoint et personne n'est choqué. La société évolue très vite, et encore une fois, le rythme de l'évolution législative est une question qui pose d'autres questions, et je n'ai pas de réponse sur ce point.
Pour être sûre d'avoir bien compris la question, me demandez-vous quel impact le discours législatif a sur les nouvelles formes de famille ? Ce n'est pas mon domaine d'expertise privilégié, néanmoins, le discours véhicule un système de normes et de valeurs, et le discours législatif encadre les normes. Du coup, quand on se sent légitimé par un discours, cela permet aussi de se sécuriser et d'être en sécurité. Je crois que le discours législatif doit émanciper et s'émanciper des discours stéréotypés.
Madame de La Rochebrochard, je crois que vous avez parlé de 300 donneurs de sperme. Vous avez rappelé que le don d'ovocytes n'était pas un acte anodin, et qu'on devait faire face à une pénurie. Si la loi est adoptée, on peut supposer une augmentation sensible des besoins de gamètes, et je voudrais savoir si, selon vous, on est en capacité de répondre à cette hausse supposée de la demande. Avez-vous réfléchi à cela et comment réagissez-vous à cette éventualité ?
Avant de poser ma question, je vais me permettre de faire un préambule. En réponse aux propos de Madame Hugonnier, je crois qu'il est possible d'être en opposition à ce projet de loi sans fatalement être dans le discours de haine. Il me semble qu'on ne peut pas se fonder sur le seul discours des réseaux sociaux, dont on connaît bien la propension à développer précisément un discours de haine sur à peu près tout et tout le monde. Quand je vois le sujet de votre thèse « Du discours religieux au discours haineux : le cas de la PMA pour toutes », je vous invite à écouter l'audition des autorités religieuses, demain, dans cette enceinte. Elles seront publiques, et vous verrez qu'aussi bien à l'Assemblée nationale que dans les instances religieuses, il est possible de tenir un discours construit et respectueux, et que l'opposition ne signifie en aucun cas l'homophobie. Je ne veux pas vous faire de procès d'intention, mais je veux que les choses soient dites, et dans votre propos, il ne me semblait pas que les choses soient suffisamment claires. C'est la raison de ce propos liminaire.
Ma question porte sur les PMA réalisées à l'étranger. Vous allez construire un outil statistique, et il me semble en effet utile. Est-on en capacité aujourd'hui de connaître le nombre de PMA effectuées à l'étranger ?
S'agissant du nombre de gamètes, je pense que des informations établies nous permettent effectivement de réfléchir sur la façon dont nous allons pouvoir répondre à la demande nouvelle. Il me semble intéressant d'avoir un regard historique sur le don de sperme qui est pratiqué depuis de nombreuses années. Si l'on revisite les données d'il y a 30 ans, l'activité de don de sperme était deux fois plus importante qu'aujourd'hui. La diminution du don de sperme est liée à une nouvelle technique de fécondation in vitro, l'ICSI, qui permet de répondre aux infécondités masculines sévères. Ainsi, les personnes qui étaient traitées par don de sperme jusqu'à présent ont pu bénéficier d'une nouvelle technique où ils ont utilisé leurs propres gamètes, et le don de sperme a été divisé par deux. Si l'on a été capable de pratiquer le don de sperme à un niveau deux fois plus élevé aujourd'hui qu'il y a 30 ans, je ne vois aucune raison, dans une société qui est beaucoup plus favorable aujourd'hui au don de sperme qu'elle ne l'était il y a 30 ans, de ne pas être capable de revenir au moins à ce niveau-là. Je pense que les données historiques sont déjà une première source solide pour être confiant sur notre capacité à augmenter substantiellement l'activité de don de sperme.
La deuxième donnée qui me semble importante est une étude de l'Agence de la biomédecine qui indique que six Français sur sept ne sont pas informés sur le don de sperme. Aujourd'hui, les donneurs de sperme sont recrutés parmi le Français sur sept qui a une idée de ce que c'est. Pour augmenter le don de sperme, il faut donc informer la population française, et ce serait également extrêmement important par rapport à l'acceptation sociale du don de sperme, la levée du secret et des stigmates dont parlait Mme Rozée sur le modèle biologique, et cet aspect caché jusqu'à présent.
Je vais fournir une dernière donnée, puisque je suis quand même démographe de l'INED. Les donneurs sont les hommes âgés de 18 à 45 ans. La France est un grand pays en Europe, et nous avons plus de 11 millions d'hommes dans cette classe d'âge. Si nous voulons tripler le don de sperme, donc arriver à 1 000 donneurs, il faudrait que moins de 0,01 % des hommes de la classe d'âge acceptent de donner leur sperme. Le potentiel de la population française est donc extrêmement important par rapport aux besoins, même en considérant des chiffres qui ne sont probablement pas raisonnables. Nous avons à la fois des données historiques qui nous rassurent complètement sur notre capacité de doubler la capacité de don de sperme, nous avons identifié le fait que les personnes ne sont pas informées du don de sperme, et une population très importante devrait pouvoir fournir du sperme si on l'informe de cette possibilité.
Le don d'ovocytes est aussi un sujet. Vous n'avez pas beaucoup de souci avec le don de sperme.
Nous ne nous faisons effectivement pas de souci pour le don de sperme, mais c'est celui pour lequel les besoins vont majoritairement augmenter si nous ouvrons l'AMP aux femmes et aux couples de femmes, puisqu'elles vont venir avec leurs propres ovocytes.
Par contre, dans le projet de loi est prévue l'autoconservation des gamètes, ce qui veut dire que le don d'ovocytes concernera essentiellement des femmes un peu plus âgées, dont la qualité ovocytaire a diminué du fait de l'âge. Si elles peuvent conserver leurs ovocytes à un âge jeune, elles pourront les utiliser plus tard et n'auront plus besoin de demander un don d'ovocytes. On peut donc penser que la modification de la loi conduira à une diminution non pas de l'offre, mais de la demande de dons, grâce à l'autoconservation des ovocytes. Il y aura probablement également un deuxième effet bénéfique de cette mesure que Mme Rozée va peut-être pouvoir vous expliquer à partir des interviews qu'elle a menées sur l'assistance médicale à la procréation.
Nous commençons seulement à travailler sur l'autoconservation ovocytaire, mais les études menées à l'étranger montrent que la plupart des femmes qui font conserver leurs ovocytes ne les utilisent pas, et la majorité d'entre elles décident de les donner à d'autres femmes. Non seulement cela réduira donc les besoins en dons d'ovocytes si les femmes utilisent leurs propres ovocytes congelés, mais il y aura aussi davantage d'ovocytes disponibles pour le don.
Je rebondis sur la PMA à l'étranger. Malheureusement, il n'existe pas de données statistiques sur ces départs. Il existe des données un peu éparses, notamment d'origine associative, mais pas de données statistiques sur le phénomène, puisque les personnes qui partent à l'étrange, que ce soit pour un don ou une AMP intra conjugale, ne sont pas obligées de dévoiler le mode de conception quand elles reviennent en France. Nous n'avons donc aucune façon d'identifier cette population une fois qu'elle revenue en France et qu'elle accouche. C'est pour cela que nous y travaillons, et que nous commençons à avoir une idée de la façon de « capter » ces personnes qui partent.
Je ne pensais pas devoir me justifier sur mon titre de thèse aujourd'hui. Sa formulation vise à évoquer le continuum qui est interrogé et n'est pas une affirmation. Je pense que j'ai justifié de ma posture et de ma réflexivité auprès de ma communauté scientifique, puisque mon sujet de thèse a fait l'objet d'une présentation devant un laboratoire et des directrices qui l'ont accepté. Mon laboratoire l'a jugé porteur d'une démarche scientifique. Il est ensuite passé devant mon école doctorale. Je ne pense donc pas avoir davantage à me justifier là-dessus. Il y a d'autres discours et d'autres formes de discours, c'est un fait ; néanmoins, ce n'est pas la plus visible qui fait le plus de bruit. Je crois donc qu'il faut considérer les discours sur les réseaux sociaux, car c'est là où aujourd'hui les personnes sont le plus présentes, et où l'information circule le plus. Je crois qu'il faut considérer ces discours et l'impact de ces discours.
Mme Hugonnier parle du discours sur les réseaux sociaux et de l'impact que peuvent avoir certains discours haineux, certes liés au religieux. Toutefois, ils ne sont pas tous liés au religieux. Des distinctions existent. Elle parle des impacts que ces discours peuvent avoir.
Il ne s'agit pas tout à fait du débat. Je vous propose de rencontrer Madame Genevard pour enrichir votre thèse.
Ma question est très proche de la question de ma collègue Annie Genevard. Je crains d'être obligé d'enfoncer le clou, et que vous ne puissiez pas plus répondre à la question qu'elle a posée qu'à celle que je vais poser. Je voulais en profiter pour vous dire mon sentiment, et je pense qu'il est partagé par tous mes collègues autour de la table. Nous avons ressenti une profonde satisfaction, Madame de la Rochebrochard, à savoir que vous êtes aujourd'hui en capacité d'avoir les outils statistiques permettant de construire une évaluation au fil de la mise en œuvre de la loi. L'objet n'est pas de trop vous questionner sur les outils méthodologiques et sur les critères de ces outils statistiques, mais c'est quand même très important de savoir ce que contiendra cette évaluation, au-delà des éléments statistiques. Je rejoins Madame Genevard, puisque je découvre que nous ne sommes pas en capacité d'avoir la moindre idée du nombre de couples de femmes ou de couples hétérosexuels, voire de femmes seules, qui ont recours à la PMA à l'étranger. Si ces éléments ne sont pas intégrés dès le départ dans les outils statistiques, avec toutes les difficultés que cela révèle, cela va évidemment être assez compliqué. Si l'on ajoute tous les éléments liés à la modification substantielle de l'accès à la PMA dans notre pays, on peut supposer – on peut même espérer – qu'il va y avoir un rapide tarissement du recours à la PMA à l'étranger. Cela ne peut pas ne pas entrer dans les éléments statistiques, ne serait-ce que par les conséquences sur le nombre de gamètes devant être disponibles et sur l'activité même des centres médicaux où vont s'effectuer les PMA élargies. Je ne m'attends pas à une réponse de votre part, je voulais juste souligner la nécessité de ne pas tenir pour acquis le fait que nous n'avons strictement aucune idée de la façon dont, quantitativement et qualitativement, s'opère le recours à l'étranger chez des femmes ou des couples.
J'ai une autre question : j'ai peut-être mal compris lorsque vous avez affirmé que le projet de loi aborde la question de la filiation par le bout de la lorgnette le moins problématique. Pouvez-vous préciser ce que vous voulez dire par là ? Cela me permettrait de savoir ce qui est le plus problématique, et ce qui n'est pas dans la loi.
J'ai participé à une conférence d'une association de familles homoparentales qui s'inquiétaient des relations entre les tiers donneurs et leurs enfants. J'ai essayé de leur expliquer que les questions qui se posaient à eux étaient des questions qui se posent dans des familles recomposées, et que l'immense majorité des familles recomposées sont des familles de sexe différent : un parent s'est remis en couple avec une autre personne, et le rôle parental de cette autre personne pose question. Nous nous intéressons aux familles recomposées, mais dans les familles recomposées, il y a très peu de familles de même sexe, parce que dans la population générale, il y a très peu de couples de même sexe. Pour voir leur situation, il faut faire des enquêtes spécifiques, et en général, on s'aperçoit que ces couples sont très peu différents des autres. Dans la vie quotidienne, il y a des enfants, des adultes, et les familles sont diverses. Le fait que la loi ait autorisé le mariage aux couples de même sexe, après le PACS qui date maintenant de 20 ans, fait qu'une sorte de normalité s'installe. Il y a bien sûr des questions spécifiques : c'est le cas du don dirigé qui pose la question de l'anonymat et celle du rôle du donneur. Si le donneur fait partie de la famille, quel va être son rôle familial ? C'est une question que nous nous posons, mais nous l'abordons uniquement dans le cadre de la révision de la loi bioéthique, alors qu'elle déborde ce cadre. De nombreux sujets concernent les familles dans lesquelles on a des géniteurs qui ne sont pas des pères, et l'immense majorité de ces situations ont lieu hors AMP. Évidemment, l'État ne les traite pas spécifiquement, puisque si on fait un titre VII bis, c'est bien pour régler les situations où intervient un tiers donneur. Le fait que ce soit encadré médicalement offre un large ensemble de garanties, et la question de l'ouverture à des donneurs non anonymes ne doit pas être posée en disant : « L'anonymat est-il bien ou pas ? », mais plutôt : « Y a-t-il des familles avec des parents et d'autres personnes autour de ces parents pouvant avoir un rôle pour les enfants ? ». On se rend compte que les enfants informés ne prennent pas leur géniteur pour leur père ou leur mère, ils font bien la distinction entre les parents et les géniteurs. De même que des enfants élevés par des oncles et tantes ou par des grands-parents savent quelle est leur place dans les générations. C'est ce sur quoi je voulais insister. Comme nous avons été invités à cette audition sans que nous soit communiquée préalablement une liste de questions, je me suis demandé ce que pourrait apporter l'INED. Mme de la Rochebrochard et Mme Rozée qui ont une enquête en préparation voyaient très bien en quoi l'INED pouvait vous apporter des informations utiles, mais j'étais un peu plus gêné, parce que je travaille plutôt sur la fécondité et les comportements familiaux. Encore une fois, les couples de même sexe sont très peu nombreux, et ils nous intéressent d'un point de vue sociologique, surtout parce qu'ils posent des questions à l'ensemble de la société. C'est un groupe très minoritaire, même s'il est assez actif politiquement, et leur discours mérite d'ailleurs d'être analysé. D'un point de vue purement statistique, le principal problème que nous avons vis-à-vis des couples homosexuels, c'est qu'on ne les voit pas. Ils ne sont pas assez nombreux. Il faut vraiment aller les chercher pour étudier leur comportement. Je ne sais pas si c'est plus clair comme ça.
Je vais compléter sur la question de la collecte de données et de l'absence de données. Les couples qui partent à l'étranger se vivent comme hors-la-loi, même s'ils ne le sont pas. Ainsi, les couples hétérosexuels qui vont recourir à un don d'ovocytes, qui peuvent même demander le remboursement en France, se vivent souvent comme hors-la-loi. Par exemple, ils ne participeront pas à une opération de statistiques publiques portées par un institut représentant le cadre légal. Par exemple, l'Agence de la biomédecine aurait beaucoup de mal à investiguer ce sujet, parce que les couples seraient en situation de défiance par rapport à l'Agence qui représente le cadre légal. Pour pouvoir étudier ces phénomènes, on ne peut donc pas se baser sur la statistique habituelle : les recensements, l'état civil ou les données de l'Agence de la biomédecine qui sont publiées chaque année. Il faut procéder à des enquêtes ponctuelles qui sont extrêmement lourdes, mais dont l'INED a l'habitude. Nous proposons donc de mener la même enquête deux fois, une première fois assez rapidement, puis une deuxième fois dans trois ou quatre ans. La méthodologie, assez lourde et complexe, est basée sur une collaboration avec des associations qui sont en lien direct avec les personnes qui partent, pour pouvoir capter cette population, et avec les cliniques étrangères qui reçoivent ces couples. Mme Rozée est déléguée dans la Société européenne de reproduction humaine et d'embryologie, et porte le projet auprès de nos collègues européens pour pouvoir collaborer avec ces cliniques. L'idée est donc de récupérer à la fois les données des cliniques et de collaborer avec les associations qui ont accepté de participer au projet et à la première phase de test l'année dernière.
Puisque vous vous occupez de comportements familiaux, je vais essayer de vous challenger sur votre cœur d'activité. Vous avez fait état de différentes études qui montrent le comportement, le ressenti des enfants dans différentes populations, issus de familles hétérosexuelles, homosexuelles ou monoparentales. Pourriez-vous détailler ces éléments ? J'ai cru comprendre, dans votre exposé rapide de ces études, que finalement il n'y avait pas de grandes différences. Pourriez-vous détailler les sources ?
Dans le cadre de cette loi, lorsqu'on parle d'AMP, on a trois types de population : les familles hétérosexuelles, les familles homosexuelles et les femmes célibataires. Pour ce qui concerne les deux premières catégories, un couple avec un projet d'enfants, les choses semblent assez similaires ; nous pourrions nous interroger sur les familles monoparentales, les femmes célibataires, puisque celles-ci construisent un projet individuel. Voyez-vous des freins, voire des limites à l'ouverture de l'AMP aux femmes seules, par rapport aux deux autres types de population ?
Les résultats que j'ai évoqués pour la France sont issus de la cohorte « Elfe » qui est une cohorte généraliste ne visant pas spécifiquement les enfants nés par AMP. Cela représentait environ une naissance sur 20 en 2011. C'est une étude de grande taille, et parmi ces 18 000 enfants, environ 1 100 sont nés grâce à une assistance médicale ; j'ai élaboré les analyses sur ces chiffres. L'étude intègre très peu de couples homosexuels, pour les raisons exposées par M. Toulemon. Il doit y en avoir une quinzaine et je ne peux vraiment pas dire grand-chose sur eux. Nous suivons donc plutôt au cours de leur vie les enfants des couples hétérosexuels qui ont eu recours à une assistance médicale. Nous avons les informations du dossier médical à la naissance pour le poids à la naissance, les informations gestationnelle, etc. Nous faisons des tests cognitifs avec les enfants, en face à face, à trois ans et demi. Enfin, un questionnaire très riche est adressé aux parents, portant sur tous les aspects socio-économiques, etc., sur le ménage. Nous contrôlons donc ces variables.
J'ai évoqué rapidement l'enquête effectuée au Royaume-Uni qui très différente, puisqu'elle a porté sur un échantillon ciblé sur des familles qui ont eu recours à une AMP. Ce sont des échantillons beaucoup plus petits, environ 150 répondants. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Les autres études menées à l'étranger sur ces questions l'ont plutôt été dans les années 1990, ou au début des années 2000, et auraient besoin d'être actualisées. Ainsi, l'étude Brevetills, en Belgique, a fait un suivi d'enfants issus d'AMP. Il y a également une étude de Rosilias en Espagne, qui a étudié les mères solo et leurs enfants. Une autre étude un peu plus ancienne a été déployée sur le long terme, l'étude Roy, de mémoire. Je pense aussi à une étude qui a été menée aux États-Unis auprès d'enfants dans différentes configurations familiales, issus de dons ou pas. Ce sont les principales études qui sont mobilisées quand on travaille sur ces sujets.
Par rapport aux femmes célibataires, quelles seraient les limites ? Je voudrais d'emblée souligner que l'on tend souvent à comparer les familles monoparentales, dont le chef de famille est une femme, aux mères célibataires qui conçoivent seules un enfant. C'est une erreur, parce qu'elles n'ont pas du tout le même profil sociodémographique. Elles ont davantage de capital socio-économique, et c'est en général un projet qui a été extrêmement réfléchi chez les mères célibataires, pour voir comment cela va se passer avec l'enfant, comment l'enfant va évoluer sans père, du moins, sans deuxième parent. C'est vraiment un projet, et il n'y a pas de rupture dans l'histoire de l'enfant. Je ne vois pas spécialement de limite pour l'ouverture à des femmes seules.
Pour compléter ce que disait Mme Rozée, les familles monoparentales ont des difficultés d'abord en raison des problèmes de pauvreté. Les femmes qui ont un emploi stable et un revenu suffisant n'ont pas de problèmes spécifiques. Il y a donc à la fois un effet réel, massif, mais en même temps, un effet plutôt indirect. Par exemple, un enfant naissant en Suède a le droit d'avoir un père et une mère. Sa mère doit donc l'enregistrer à l'état civil, et doit aussi dire qui est le père. Alors qu'en France, si les parents ne sont pas mariés, il n'y a pas de présomption de paternité, et le géniteur peut reconnaître l'enfant ou pas. Dans d'autres pays, le géniteur ne peut reconnaître l'enfant que si la mère est d'accord. Ou si la mère ne dénonce pas le géniteur qui va faire office de père, elle n'aura pas droit aux allocations. Il existe donc différents modèles, et mon propos n'est pas du tout de critiquer le modèle français ou de proposer un autre modèle. C'est juste pour replacer en dehors du sujet de l'AMP la question de la diversité des situations familiales. Encore une fois, les femmes qui vont recourir seules à l'AMP ont un fort projet d'enfant, ainsi que de nombreux outils sociaux dont un environnement social et familial. Il n'y a donc aucune raison de croire que ce sera difficile pour les enfants, pour autant que l'on puisse le savoir. Bien sûr nous n'avons pas aujourd'hui d'enquête sur des femmes qui ont volontairement décidé de faire un enfant seules, parce qu'il y en a probablement très peu et parce que c'est difficile à assumer dans une enquête. On peut demander à une femme si elle vivait en couple au moment de la conception, mais, à peu près une fois sur deux, la femme va dire que la grossesse n'était pas prévue. En fait, on ne sait pas si la grossesse était vraiment prévue, à quel moment, par qui, comment. Il est vraiment difficile d'obtenir une information fiable dans une situation qui n'est pas encadrée par la loi.
Dans les entretiens, les femmes célibataires qui décident de concevoir un enfant seules, à l'étranger pour le moment, déclarent toutes qu'elles sont très entourées par leurs amis, par leur famille. Elles sont énormément soutenues, et l'expression « elles font un enfant toutes seules » n'est pas du tout appropriée. L'enfant ne sera pas seul avec sa mère. C'est un enfant qui se fait dans un contexte plus large, familial.
Je voudrais aussi réagir aux propos de Madame Hugonnier qui m'ont semblé un peu caricaturaux, en tout cas dans le lien qui pourrait exister entre l'opposition et l'homophobie. D'ici 15 jours, peut-être que certains collègues pourront exprimer des avis défavorables à l'extension de la PMA que prévoit le projet de loi, et n'éprouver aucune haine envers les personnes homosexuelles. Je crois que c'est important de le rappeler pour un débat apaisé. Dans notre débat, nous pourrons avoir des avis défavorables sur les extensions proposées, et respecter toutes les personnes, quelles que soient leurs orientations sexuelles. Je crois d'ailleurs qu'un des principes très importants de notre bioéthique est le respect de la dignité due à chaque personne. C'est important de pouvoir le souligner. Qu'on ne fasse pas ce lien automatique qui entraînerait un débat biaisé et qui pourrait choquer des consciences. Cela étant dit, j'ai plusieurs questions, notamment pour Madame de La Rochebrochard et Madame Rozée. Tout d'abord, à combien évaluez-vous aujourd'hui le nombre ou la proportion de couples hétérosexuels qui ont recours à la PMA alors qu'ils n'ont pas de problème de fécondité et qu'ils n'ont peut-être pas essayé de procréer par voie naturelle. Vous avez aussi évoqué des couples hétérosexuels qui vont à l'étranger pour la PMA. À combien estimez-vous leur nombre et leur proportion et pour quelle raison y vont-ils ?
Deuxième question : aujourd'hui on permet que dix enfants puissent être issus d'un même donneur de sperme. Je sais qu'il existe un débat, certains voudraient moins, d'autres voudraient plus. Ce nombre vous semble-t-il adapté pour éviter le risque de consanguinité ?
Troisième sujet : vous avez dit que le processus médical pour effectuer une autoconservation ou un don d'ovocytes était physiquement éprouvant, et que cet acte médical impactait la vie de la donneuse pendant plusieurs semaines. Je ne suis pas une femme, mais concrètement, quels sont ces impacts ? Cela peut-il altérer la santé de la femme ?
Enfin, vous avez indiqué que l'autoconservation des gamètes envisagée devrait permettre de répondre au manque de gamètes féminins. J'avoue ne pas comprendre ou j'espère ne pas mal comprendre. Cela signifierait-il que l'autoconservation d'ovocytes impliquerait en contrepartie le don d'ovocytes aux couples qui en auraient besoin, ou pourrait le susciter, puisqu'il est possible de donner des ovocytes non utilisés à terme ?
Je reviens sur l'évaluation dont vous avez parlé, car c'est l'une de mes préoccupations majeures. Nous l'avons évoqué avec le professeur Delfraissy : l'évaluation des politiques en santé publique fait défaut. Je m'interroge sur les études sur lesquelles s'appuient un certain nombre de réflexions, concernant les familles monoparentales ou les enfants venant de PMA. Je note la prudence avec laquelle il faut les mettre en avant en sachant qu'elles sont très peu nombreuses, qu'elles sont effectuées sur des cohortes très modestes et qu'elles sont évidemment difficiles à réaliser. Je pense qu'elles méritent d'être contextualisées, parce qu'on dit trop souvent : « Les études en général disent que... » Or, il faut être très prudent quand on extrapole des données qui sont difficiles à extrapoler. Que pourriez-vous nous conseiller quant à ce nous devrions faire apparaître en matière d'évaluation dans le projet de loi ? Nous devrions peut-être être plus exigeants, ou en tout cas vigilants, sur la méthode et sur ce qu'il faut anticiper, de façon à ce que vous puissiez avoir l'ensemble des éléments nécessaires à une évaluation de qualité.
Concernant le nombre de couples hétérosexuels qui seraient traités alors qu'ils n'en ont pas besoin, je dirai qu'il n'y en a pas. Le fait que les couples inféconds qui sont traités puissent avoir des naissances naturelles ne signifie pas qu'ils ne devraient pas être traités. Nous avons fait une étude sur huit centres de FIV, et nous avons effectivement observé que 20 % des couples qui n'avaient pas eu de naissances pendant le traitement ont eu une naissance naturelle ensuite. Du coup, nous nous sommes demandés si nous serions capables, à partir de nos données, de façon rétrospective, de repérer ceux qui ont eu une naissance naturelle avec leur dossier médical. Nous en étions incapables, ce qui veut dire que même rétrospectivement, en sachant qui a une naissance, nous ne sommes pas capables de savoir selon quelles modalités. C'est un point d'interrogation, et je crois que la reproduction est l'un des domaines qui conduit à la modestie. On sait encore très peu de choses, et effectivement, on traite des couples parce qu'ils n'arrivent pas à avoir d'enfant, c'est un constat. Il faut les prendre en charge parce que le temps court et qu'à un moment, il sera trop tard pour eux. Il faut attendre suffisamment pour savoir qu'il existe un vrai problème, mais il ne faut pas attendre trop longtemps non plus, parce qu'en attendant, ils vieillissent et il y a un moment où ils ne pourront plus avoir d'enfant. Les médecins proposent donc l'AMP quand c'est nécessaire. Je ne pense pas que des couples soient traités de façon inutile, notamment parce que les médecins sont assurément conscients de la lourdeur des traitements, et qu'avant d'entrer dans ces traitements, les couples doivent subir un ensemble d'examens, un bilan d'infécondité extrêmement long qui découragerait ceux qui se lanceraient de façon un peu légère.
La Caisse nationale des soins réalisés à l'étranger centralise toutes les demandes de remboursement des soins faits à l'étranger. De mémoire, en 2016, elle avait reçu 1 600 demandes. Cependant ce nombre ne prend pas en compte tous les couples hétérosexuels qui pourraient bénéficier d'une prise en charge médicale remboursée et légale en France, et qui ne font pas la demande de remboursement. En effet, les couples qui partent à l'étranger dans le cas que je viens de donner ne font pas forcément la demande de remboursement, parce qu'ils ne sont pas au courant, ou parce que comme le disait Mme de la Rochebrochard, ils ont un sentiment d'illégitimité. C'est donc vraisemblablement une sous-estimation, et cela ne prend pas non plus en compte les couples hétérosexuels qui n'entrent pas dans le cadre légal de la prise en charge en France, par exemple pour des raisons d'âge.
Je voulais rebondir sur la contextualisation des études menées à l'étranger sur le suivi des enfants. Il faut les contextualiser mais, quelle que soit la date à laquelle elles ont été réalisées (même si c'est dans les années 1990, début 2000, voire dans les années 1980), toutes les enquêtes sont très concordantes. Cela donne donc des informations clés sur le suivi et le devenir de ces enfants, quelle que soit la technique de procréation ou la configuration familiale. Je ne connais aucune étude qui démontre le contraire.
Je voudrais vraiment insister sur le dernier point souligné par Mme Rozée. En recherche, nous n'avons jamais de protocole absolument parfait qui donne une réponse indiscutable. Nos connaissances sont basées sur le croisement d'études différentes, dont chacune a effectivement ses limites, mais nos propos sont basés sur le fait que ces sources différentes ont des limites différentes et permettent donc d'avoir des connaissances solides.
Pour donner son sperme, il faut aller dans une banque de sperme, s'isoler et procéder au don. Pour la femme, c'est un peu plus compliqué, car elle va devoir suivre un traitement de stimulation hormonale et subir une ponction ovocytaire en milieu hospitalier pour que ses ovocytes soient prélevés. C'est donc un parcours plus difficile.
Quand je dis que l'autoconservation pourra réduire la pénurie d'ovocytes, je pense à deux mécanismes. Souvent, les personnes demandent un don d'ovocytes parce qu'elles sont à un âge où la qualité ovocytaire a diminué. Si ces femmes peuvent conserver leurs propres ovocytes lorsqu'elles ont de 32 à 37 ans, lorsqu'elles constateront que malheureusement, leur qualité ovocytaire a diminué, elles n'auront plus besoin de demander un don d'ovocytes mais elles utiliseront les leurs. Cela causera donc une diminution de la demande.
Le deuxième mécanisme est celui qu'a expliqué Mme Rozée. Dans les études à l'étranger, elle a observé que les femmes qui font déjà vitrifier leurs ovocytes indiquent que si elles n'utilisent pas leurs ovocytes, elles seraient d'accord pour les donner à d'autres femmes qui ont un problème d'infertilité. Ce sont des femmes qui se sont elles-mêmes posé la question de la difficulté à avoir un enfant, et elles sont donc sensibles à cette thématique et pourraient être plus volontaires pour offrir leurs ovocytes le jour où elles devront prendre la décision de les détruire, de les donner pour la recherche, ou de les donner à d'autres couples. Je n'envisage absolument pas d'obliger ces femmes à donner ces ovocytes car on sait que c'est un système qui a montré des effets pervers.
J'avoue n'avoir pas d'éclairage à vous apporter sur le nombre maximal d'enfants par donneur. En matière d'évaluation, l'Agence de la biomédecine collecte des données importantes qui permettront de suivre le recours à la PMA en France, et d'avoir les informations nécessaires. Comme vous l'avez compris, nous pensons qu'il est important de continuer à suivre ce qu'il se passe à la marge de la loi, c'est-à-dire les personnes qui partent à l'étranger. En effet, c'est par le prisme des personnes qui n'entrent pas dans le cadre légal que nous pouvons évaluer à quel point la loi est en phase ou pas avec les besoins de la société. Je ne dis pas qu'il faut forcément changer la loi parce que des personnes partent, mais c'est une façon extrêmement pertinente de s'interroger sur l'adéquation entre la loi et les besoins de la société.
J'ai deux questions, la première s'adresse à Madame de la Rochebrochard, à Madame Rozée, et à Monsieur Toulemon. Dans certaines études de l'INED, il est indiqué qu'un couple sur quatre ne poursuit pas son projet parental après l'échec de la première FIV. Auriez-vous des éléments d'explication sur les raisons de cet arrêt ?
Ma deuxième question s'adresse à Madame Hugonnier. En tant que scientifique, vous n'êtes pas sans savoir que notre société connaît une tendance à mon sens assez effrayante, qui est une forme de défiance vis-à-vis des travaux scientifiques ou de l'approche scientifique. Cela est alimenté par un certain nombre de grands dirigeants de notre monde – on peut, par exemple, reprendre la théorie des faits alternatifs – mais au-delà, je crois que cette dynamique traverse malheureusement l'ensemble de notre société. Pensez-vous que cette tendance, couplée à un exercice de communication parfois un peu simpliste et orienté, peut exacerber cette défiance ? Je vais prendre un exemple. Nous avons entendu avant vous un certain nombre d'experts se référer à des travaux scientifiques mettant en évidence le fait qu'un enfant, dans son développement, ne souffre pas de la famille ou de la composition familiale au sein de laquelle il grandit. Pour autant, un certain nombre d'organisations comme La Manif pour tous ont une communication très simpliste, en abusant d'un terme tel que « la PMA sans père », terme absolument impropre quand on parle de « PMA pour toutes ». Cela doit renvoyer à un certain nombre de personnes l'image d'un père décédé, et cela vient s'ajouter au phénomène général de défiance vis-à-vis de toute approche scientifique. Je crois donc que dans les logiques de communication, couplées à une dynamique de défiance scientifique, notre société se trouve confrontée à un enjeu de sincérité quant au processus de révision de loi de bioéthique, et, plus largement, de notre vie en collectivité.
Cette donnée selon laquelle un couple sur quatre arrête la démarche d'AMP après la première tentative de FIV vient d'une étude menée à l'INED, dans huit centres de FIV en France. Cela reflète d'une part le parcours du combattant, la difficulté du parcours des traitements de PMA, mais aussi le fait que les médecins évaluent les chances de succès d'une deuxième FIV. Si ces chances de succès sont relativement faibles, ils vont informer le couple du faible intérêt de continuer le traitement, en raison d'une faible efficacité probable. Pour essayer de distinguer ces deux effets, nous avons appliqué une méthode statistique un peu compliquée visant à estimer quelles seraient les chances de succès des couples qui arrêtent, s'ils continuaient le traitement en réalisant quatre tentatives remboursées. Nous nous sommes rendu compte que l'écart était assez léger, en particulier chez les couples plus âgés. Ce sont donc majoritairement des couples qui ont de faibles chances de succès qui arrêtent les traitements, probablement parce qu'ils sont conseillés par les médecins. L'arrêt du traitement ne signifie pas l'arrêt de l'espoir. Ces couples peuvent réorienter leur projet. Certains s'orientent vers l'adoption qui est une autre façon de faire famille, il ne faut pas l'oublier. D'autres couples décident d'arrêter leur projet parental et réorientent leur vie vers de nouveaux projets, projets de voyage, professionnels, projets de vie associative, etc. Ils investissent donc d'autres champs.
Merci pour votre question. Effectivement, quand on essaye de dire les choses trop rapidement, on fait des raccourcis, et j'en ai fait un peu les frais aujourd'hui. Je suis désolée si vous avez pensé que j'accusais tout le monde d'homophobie : ce n'est pas le cas. Je voulais démontrer que certains discours pouvaient avoir une teneur homophobe, puisqu'une multitude d'études ont été faites, et nous avons les mesures et les arguments linguistiques pour le démontrer.
Quand La Manif pour tous parle de « PMA sans père », je pense malheureusement que c'est réfléchi et conscientisé. Elle est aussi forte de son expérience de 2013 et elle rejoue ce nouveau chapitre.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre participation et de vos éclaircissements sur les questions posées par mes collègues.
L'audition s'achève à dix-huit heures vingt.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique
Réunion du mercredi 28 août à 16 heures
Présents. – MM. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, M. Pierre Cabaré, M. Francis Chouat, Mme Bérangère Couillard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, M. Bruno Fuchs, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Brahim Hammouche, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Marie Lebec, Mme Monique Limon, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, M. Maxime Minot, Mme Bénédicte Pételle, M. Jean-Pierre Pont, Mme Florence Provendier, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac, M. Jean-Louis Touraine, Mme Michèle de Vaucouleurs
Excusés. - Mme Valérie Beauvais, M. Philippe Gosselin