Intervention de Lidia Panico

Réunion du mercredi 28 août 2019 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Lidia Panico, Institut national d'études démographiques (INED) :

Je vais compléter les propos de mes collègues en changeant un peu l'angle de vue. Jusqu'à maintenant, nous avons surtout parlé des parents ou des futurs parents, et je vais maintenant vous parler des enfants nés par AMP, du devenir de ces enfants.

Comme le disait Mme de la Rochebrochard, beaucoup d'enfants sont aujourd'hui issus d'une AMP (1 sur 30), et même si cela constitue un groupe de population important, on sait encore relativement peu de choses sur le devenir de ces enfants en France. Quelques études ont été réalisées, souvent de très petite taille, avec des échantillons très spécifiques qui vont concerner des enfants avec des maladies particulières ou des situations très particulières. Surtout, ce sont souvent des échantillons trop petits pour faire des analyses statistiques rigoureuses. La littérature nous permettrait de poser deux hypothèses assez contrastées. D'un côté, on pourrait s'attendre à un léger impact négatif, parce que ce sont souvent des parents plus âgés, et il existe donc un risque d'avoir des problèmes de santé. Mais de l'autre côté, on sait aussi que les parents qui ont recours à l'AMP sont souvent des parents plus favorisés, qui ont déjà un projet d'enfant, qui ont réfléchi à la façon de mettre en place la dynamique financière après l'arrivée de l'enfant. Ce sont des parents qui ont très souvent un fort désir d'enfant et qui forment un couple stable. Toutes ces caractéristiques sont bonnes pour les enfants.

Nous avons quelques petites études préliminaires nous permettant de commencer à vous donner des chiffres en France. Je vais vous présenter quelques analyses réalisées avec M. Toulemon et Mme Rozée sur la cohorte « Elfe ». Cette cohorte suit 18 000 enfants nés en France métropolitaine en 2011. Par sa grande taille et sa méthode d'échantillonnage, elle est représentative de toutes les naissances en France en 2011. Nous ne sommes donc plus sur un échantillon de petite taille ou sur une population spécifique.

Les premiers résultats montrent que les enfants issus d'une AMP ne présentent pas de grandes différences en termes de santé à la naissance, au regard de leur poids et de la prématurité, et en termes de compétences langagières et cognitives à 2 ans et 3 ans et demi. Par contre, nous avons trouvé un taux de gémellarité plus important chez les groupes de parents ayant eu recours à une AMP, et nous savons que cela peut avoir des risques pour ces enfants. Voilà pour les questions de santé physique et de développement cognitif de l'enfant.

Je vais également vous présenter quelques analyses issues d'une étude britannique sur les enfants nés par AMP. Cette étude qui est maintenant menée depuis plusieurs années ne montre pas de différence en termes de santé mentale, entre des parents ayant eu recours à l'AMP et d'autres n'y ayant pas eu recours. Nous ne retrouvons pas de différence significative en termes d'interaction entre les parents et leurs enfants, entre le groupe de contrôle et le groupe de parents qui ont eu recours à l'AMP. Si le parent n'a pas révélé à son enfant le mode de conception, il peut y avoir davantage de stress émotionnel chez les parents avec un impact négatif sur les interactions parents/enfant. Ce sont des petits impacts. Nous ne pouvons suivre les enfants qu'une fois que le parent leur a révélé le mode de conception.

Les chercheurs ont comparé des adolescents qui savaient qu'ils étaient nés par AMP et le groupe de contrôle de conception sans AMP, et on ne retrouve pas de grande différence. Les enfants ne sont pas particulièrement intéressés par leur mode de conception, ils vont bien sur le plan psychologique. Tout cela pour dire qu'il y a encore très peu d'études menées en France, mais aussi à l'étranger, et l'un des freins à ces études est le financement, mais aussi le fait que si les personnes ne sont pas au courant de leur mode de conception, on ne peut pas les étudier.

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