Intervention de Haïm Korsia

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Haïm Korsia, Grand Rabbin de France :

Je ne vais pas revenir sur cette lecture de la Bible, parce que je ne veux pas entrer dans une compétition et Monseigneur d'Ornellas a très bien répondu. Mais c'est intéressant. C'est formidable que vous ayez pris ces exemples, parce qu'on voit la souffrance de ne pas avoir d'enfant et ce que les gens sont capables de faire. On le comprend, et mieux, on l'accompagne. Croyez-vous que lorsqu'un enfant arrive, on commence par demander aux parents : « Comment avez-vous fait votre enfant » ? On fait les prières, on le bénit, on accompagne les familles, et ce dans toutes nos religions.

Comme les maires qui enregistrent ces naissances, comme les officiers d'état civil, je m'étais élevé contre le principe de la GPA. Il n'est d'ailleurs pas débattu. Mais j'estime que si des parents se présentent avec un enfant, comment peut-on oser leur dire : « On ne connaît pas cet enfant, parce que vous l'avez fait par GPA au fin fond du monde » ? Il y a une évidence : on doit respecter cet enfant qui est là devant nous. J'ose ici reprendre la parole biblique : les enfants ne paieront pas pour les fautes des pères.

La Bible ne nous raconte pas un monde idéal, mais un monde fait d'humanité, et cela veut dire de manques, de peines, de souffrances, d'entraves et de lutte contre la règle ou contre la loi. Mais dans la Bible, on ne fait pas comme si Abraham et Sarah étaient les parents d'Ismaël : on dit bien que c'est l'enfant de Agar. Et pour les autres, c'est la même chose. Ils les font en dehors du lien premier du mariage, mais ils le font avec la servante à côté – ce qui se fait régulièrement, relisons Proust, même si c'était peut-être moins officiellement.

Vous avez absolument raison de citer ces exemples bibliques. Cela nous montre que l'humanité est faite d'imperfections. Il n'y a pas de vision idéale de l'humanité. On comprend que les uns et les autres cherchent à trouver comment répondre à leurs besoins. Mais il y a une différence entre faire ainsi et vouloir que l'on dise : « C'est bien, c'est cela qu'il faut faire ».

C'est pour cette raison que les études que vous citez me tétanisent. Parce que même si l'on me disait (prenons un exemple qui me concerne, comme cela je n'implique pas mes deux voisins) qu'un enfant se construit mieux sans sa mère juive : ce n'est pas pour autant que je dirais : « Débarrassons-nous des mères juives ! » (ce que tout père juif rêve de faire…). Mais ce n'est pas parce qu'une étude me le démontrerait que je dirais : « C'est formidable ».

En réalité, peut-être se construit-on très bien sans père si la vie fait qu'il n'y a pas de père. Mais chercher a priori à dire : il y a une étude qui dit que finalement il n'y a pas d'incidence, cela me paraît être une façon de mettre en équation la vie humaine, ce qui n'est pas possible. Je suis père, je ne sais pas ce que j'apporte, mais je sais que j'essaye d'apporter quelque chose. Et toute notre société est dans l'espérance de ce que l'on essaye de donner.

Cela me semble donc dangereux de limiter à une étude la vision d'une personne dans l'équilibre d'une famille ou de la société. Vous avez raison de dire qu'on va trouver des études qui disent qu'untel se construit très bien, et heureusement, grâce à tout ce que la société met en place, d'autres structures familiales, la société en elle-même, qui porte quelqu'un qui n'arrive pas à se porter lui-même à un moment de sa vie. Mais cela me paraît compliqué de dire qu'on peut se passer de père.

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