Intervention de Haïm Korsia

Réunion du jeudi 29 août 2019 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Haïm Korsia, Grand Rabbin de France :

Effectivement, je trouve très bien de ne jamais imposer une levée d'anonymat ni aux donneurs, ni à celui qui, né d'un don, veut pouvoir aussi rester sans savoir. Le droit de ne pas savoir est l'une des grandes questions posées à la médecine, le professeur Touraine le sait très bien. Même le besoin de recueillir un libre consentement semble obliger les médecins, obliger tout le monde à dire tout à tout le monde. C'est faux. Toute personne, y compris un patient, a le droit de dire : « Je ne veux pas savoir ». Je sais les trésors d'ingéniosité que peuvent développer les médecins pour protéger la descendance de quelqu'un qui ne veut pas savoir s'il est porteur d'une maladie. On fait beaucoup de choses pour donner consistance au principe selon lequel : « J'ai le droit de ne pas savoir. »

De la même façon qu'on a le droit de ne pas savoir, la double clé prévue par le texte en matière d'accès aux origines offre une protection. Celui qui dit : « Je ne veux pas », n'ouvre pas cet accès. Il peut laisser des données non identifiantes, ce qui permet au moins d'avoir des éléments, pour l'enfant, en cas de maladie. On connaît des pays, notamment en Europe du Nord, où il y a eu une baisse drastique des dons de sperme, quand il y a eu la levée de l'anonymat et quand des enfants se sont retournés contre les géniteurs pour exiger des droits. Il faut être assez prudent sur ces choses. Il y a toujours après, une autre façon de voir et d'aller plus loin.

Je trouve formidable votre question sur l'apaisement de la société : oui, il faut de l'apaisement parce que le questionnement sur les origines est une sorte de torture permanente : d'où viens-je ? Ce sont déjà des questions lourdes dans la vie de tous les jours. Mais vous avez raison de mettre le doigt sur la nécessaire distinction entre ce que dit la loi et ce que dit la génétique.

Je me suis battu – cela m'a d'ailleurs coûté ma place au Conseil national d'éthique – pour refuser la prise d'ADN chez les jeunes migrants dans le but d'établir qu'ils étaient bien les enfants de ceux qui prétendaient être leurs parents. J'ai emmené le CCNE sur cette position, ce qui ne plaisait pas au gouvernement de l'époque, parce que j'estimais scandaleux cette confusion entre génétique et filiation. Si l'on adopte un enfant, on n'a n'aucun lien génétique avec lui, et pourtant c'est notre enfant. Alors qu'on aurait exigé d'un étranger un lien génétique pour pouvoir affirmer que c'est son enfant. C'est scandaleux d'avoir une parentalité pour les Français et une parentalité pour les étrangers. C'est inadmissible.

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